Les Démocrates et les Républicains en sont finalement venus à une entente concernant les crédits d’impôts de Bush. En échange du maintien de ces crédits, Obama a obtenu l’extension des prestations d’assurance-chômage à 99 semaines. Une coupure d’impôt sur le revenu de 2% a aussi été instaurée ainsi qu’une allocation d’amortissement de 100% sur les investissements (ce qui permet de réduire la charge d’impôt pour la première année d’un projet), deux excellentes nouvelles. Cependant, la nature temporaire de la baisse d’impôt sur le revenu (seulement un an) réduira beaucoup leur impact. En effet, ce sont les baisses d’impôts permanentes qui ont un véritable impact positif sur l’économie.
D’autre part, la croissance du crédit montre des signes de vie aux États-Unis. Cependant, celle-ci fut significativement stimulée par des prêts étudiants, ce qui n’est pas un signe de vigueur économique. En outre, le niveau des refinancements hypothécaires, un indicateur précurseur des dépenses de consommation, a été très faible en novembre; un troisième mois de baisse d’affilée.
Les ventes au détail ont été bonnes en novembre, en hausse de +0.8% alors que le mois d’octobre a été révisé à la hausse à +1.7%. Je soupçonne cependant qu’il y ait eu d’importantes liquidations au cours de ces mois, ce qui aurait devancé les ventes de Noël.
Les exportations ont été très fortes en octobre aux États-Unis : le meilleur mois de puis août 2008. Le dollar américain y est certainement pour quelque chose. L’industrie manufacturière en bénéficie. La production industrielle a aussi été plus forte que prévu en novembre, en hausse de +5.4% par rapport à l’année précédente.
L’optimisme des petites entreprises américaines continue d’augmenter. Celles-ci ont créé 60% des emplois au cours du dernier boum économique, elles sont donc fort importantes pour la reprise. Notez que 91% des participants au sondage ont répondu ne pas être intéressés à emprunter, ce qui confirme l’inutilisé du Quantitative Easing de la Fed. Pourtant, il semble que les dirigeants de la Fed considères un QE3 et même un QE4 dans le futur.
Confirmant un certain regain économique, l’indicateur avancé de l’économie américaine a avancé de +1.1% en novembre, une accélération par rapport au +0.4% enregistré en octobre. La hausse a été causée par une augmentation des délais de livraisons des fournisseurs (interprété comme un signe qu’ils ont du mal à fournir la demande), de plus faibles demandes d’indemnité d’assurance-chômage et une augmentation de l’écart entre les taux long terme et court terme (considéré comme un signe de reprise, mais je ne crois pas que ce soit le cas présentement). Cependant, le taux chômage a augmenté récemment, retournant à 9.8%.
Ceci étant dit, le marché immobilier américain est retourné en mode détérioration au cours des derniers mois, tel que démontré par l’indice Case-Shiller de septembre. La hausse des taux hypothécaires et le « foreclosuregate » ont certainement quelque chose à y voir.
Au niveau de l’inflation, elle demeure faible à +1.1% total (le « core » a été de +0.8%) en novembre. Cependant, avec la hausse du prix du pétrole et des métaux, les prix à la production (le producer price index) est à la hausse de +3.5%. Ces hausses de coûts seront éventuellement repassées aux consommateurs. Depuis le 30 juillet, le coton est en hausse de 70%, l’argent de 63%, le maïs de 54%, le cuivre de 26%, le soja de 21%, le nickel de 16%, le zinc de 12%, le pétrole de 12% et l’aluminium de 7%.
Pendant ce temps, les taux obligataires ont du momentum à la hausse, tant au Canada qu’aux États-Unis et au Québec. Les taux hypothécaires sont aussi à la hausse ce qui n’aidera certainement pas le marché immobilier. Cette hausse est difficile à expliquer. Il y a certainement la médiocrité des finances publiques qui a un certain effet et potentiellement une hausse des attentes d’inflation. D’ailleurs, les émissions obligataires des gouvernements seront à des niveaux très élevés au cours des prochains mois, ce qui pourrait déséquilibrer les marchés obligataires. Les quelques bons chiffres économiques énumérés ci-haut ont aussi pu contribuer à la hausse des taux. Notez que cette hausse des taux s’est manifestée parce que les investisseurs ont vendu des titres obligataires pour acheter d’autres actifs, surtout des actions. Les bourses canadiennes et américaines ont fortement progressé au cours de cette période. Plusieurs économistes prévoient un renversement imminent de cette tendance (de taux obligataires à la hausse); je n’en suis pas convaincu…à suivre!
Au Canada, nous avons rejoint les États-Unis au niveau de notre ratio d’endettement sur le revenue disponible. Cependant, le pourcentage du revenu des ménages consacré au service de la dette demeure beaucoup plus bas. C’est que notre revenu par habitant ces amélioré relativement aux américains au cours des dernières années. La hausse des taux d’intérêt aura certainement un impact négatif sur ce ratio. Néanmoins, mes discussions récentes avec Frank Techar (chef des opérations bancaires au détail pour la division canadienne de la Banque de Montréal) et Brian Porter (chef de la division internationale et ancien chef de la gestion du risque pour la Banque Scotia) confirment que les banques canadiennes sont sur le point de resserrer leurs critères d’octroi de crédit au Canada. Ce pourrait être une augmentation des exigences de mise de fonds, des scores de crédit plus élevés et/ou des réductions des limites de marge de crédit et de cartes de crédit. Cela n’augure pas bien pour l’économie canadienne, qui a été largement aidée par un boum immobilier financé à crédit depuis la fin de la récession.
En Europe, la crise financière se poursuit alors que la cote de crédit de l’Irlande a été réduite de 5 niveaux à BBB+ (quasi-pacotille). Le marché signale que la cote de crédit de la Grèce, de l’Espagne et du Portugal pourrait aussi être (encore) réduite. Cette situation continue de mettre du plomb dans l’aile de l’Euro et bénéficie temporairement au dollar US. Le dollar canadien demeure vigoureux.
Conclusion :
Quelques signes positifs ont été observés au niveau de l’économie américaine, mais rien qui puisse vraiment changer mon opinion sur celle-ci. Je pense que l’économie américaine sera très faible en 2011 et que le taux de chômage demeurera élevé. Quant à l’économie canadienne, je ne vous cache pas que je suis très inquiet présentement. Le prix élevé du pétrole est certainement une bonne chose; les projets pétroliers albertains sont en pleine effervescence, mais le secteur manufacturier et la construction pourraient faiblir davantage dans un avenir rapproché. L’augmentation récente de l’endettement des canadiens pourrait bien nous retomber sur le nez en 2011.
Je vois que vous etes pessimiste face au resserrement du credit. Pourquoi? Je comprends que la croissance a court terme puisse en patir, mais n’est-ce pas mieux de faire face a la bulle maintenant pour celle a long terme?
@John Mankiev
« n’est-ce pas mieux de faire face a la bulle maintenant pour celle a long terme? »
Absolument, je suis tout à fait d’accord, mais il n’en demeure pas moins que ce resserement aura des effets négatifs pénibles pour l’économie à court et moyen terme.