
Au début de 2022, l’humoriste Jon Stewart a mis en ligne une vidéo qui affirme que l’inflation des prix à la consommation est le résultat de hausses de prix mises en place par les entreprises et qui vont au-delà de la hausse des prix des intrants.
Autrement dit, Stewart pense que les entreprises augmentent les prix non seulement pour compenser la hausse de leurs coûts, mais aussi pour faire gonfler leurs profits.
Dans le vidéo, Stewart reçoit comme invitée la sociologue Lindsey Owens, qui a notamment été une conseillère économique de la sénatrice Elizabeth Warren. Celle-ci explique qu’au bout du compte, peu importe ce qu’il advient de la masse monétaire, de la politique monétaire de la Federal Reserve ou encore des déficits fiscaux du gouvernement, l’inflation est le résultat de hausses de prix mises en place par les entreprises et que celles-ci en profitent pour faire augmenter leurs marges de profit.
Selon elle, la solution est de surtaxer ces profits excessifs gagnés sur le dos de la population et combattre la collusion entre les grandes entreprises.
Maintenant, aucune preuve empirique n’est fournie durant l’entrevue prouvant que les marges de profit des entreprises sont en hausse. Ce que Mme Owens et son équipe ont fait a consisté à éplucher les transcriptions d’appels conférences trimestriels que les entreprises tiennent avec leurs actionnaires.
Selon eux, les PDGs d’entreprises se vantent sur ces appels de pouvoir augmenter les prix de manière plus substantielle que la hausse de leurs coûts. Owens affirme que les entreprises peuvent se permettre ces hausses de prix abusives car il y a moins de concurrence dans l’économie américaine suite à de nombreuses fusions/acquisitions qui ont résulté en une plus grande concentration des parts de marchés dans plusieurs industries.
Pourquoi ne pas regarder les chiffres?
Je n’arrive pas à comprendre comment une doctorante peut avoir des opinions aussi arrêtées sur un sujet sans se donner la peine de regarder les chiffres. Pourquoi se fier à des anecdotes d’appels-conférences lorsqu’on peut tout simplement aller vérifier si les données corroborent son hypothèse? La réponse est probablement un sérieux biais idéologique…
Pourtant, les chiffres sont publics et accessibles à tous. J’ai vérifié les états financiers des 69 plus grandes entreprises américaines cotées en bourse qui vendent directement au public (et donc qui ont une influence sur l’indice des prix à la consommation).
J’ai calculé leur marge de profit brute pour les 5 derniers trimestres. Cette marge mesure essentiellement la différence entre le prix de vente et le prix des intrants. Elle ne tient pas compte des coûts de marketing, de R&D, d’administration, des immobilisations, des intérêts et des impôts (en déduisant ces autres éléments, nous obtiendrions la marge nette).
Si jamais les entreprises utilisaient vraiment le prétexte de l’inflation pour hausser leurs prix de manière à mousser leurs profits, cela se réflèterait assurément dans la marge brute. Voici ce que j’ai observé :
La marge brute moyenne des 69 entreprises a diminué à 41.1% au premier trimestre de 2022 comparativement à 42.1% au même trimestre de l’année précédente (soit 1%).

Pour être plus rigoureux, j’ai normalisé les marges en base 100 à partir du premier trimestre de 2021. On constate une baisse flagrante de la rentabilité. En fait, les hausses de prix récentes n’ont pas suffi à rétablir la marge de profit à son niveau précédent.

Si on sépare les données par industrie, on constante que toutes les industries ont subi une diminution de marge. Les produits personnels et ménagers ont été le plus affectés, suivi des restaurants et des détaillants. Les épiceries et pharmacies ont mieux fait que la moyenne. Au total, la baisse de marge est équivalente à 2.6%.

Conclusion :
Il ne fallait que consulter les données pour constater, encore une fois, que la rhétorique de la gauche ne tient pas la route. Au contraire, les entreprises n’arrive pas à contrer les hausses de leurs coûts et se retrouve avec une baisse de rentabilité. C’est d’ailleurs pour cette raison que la bourse a fortement chuté en première moitié de 2022.
En fait, je n’ai aucunement été surpris du résultat, sachant très bien que les entreprises ont dû mal à gérer la hausse des coûts de transport par conteneur, des prix de l’énergie, des salaires, des intrants plus dispendieux parce que la pièce originale est en rupture de stock, etc.
Si les entreprises le pouvaient, elles auraient augmenté leurs prix encore plus, mais contrairement à ce qu’affirme Owens, la concurrence est très sévère dans la grande majorité des industries aux États-Unis, ce qui rend cette tâche risquée et difficile, au bénéfice des consommateurs.
Comme on dit souvent, ne laissez pas les faits gâcher une belle histoire…
Pour ceux qui veulent voir les données brutes, voici un tableau à cet effet. J’essayerai de les mettre à jour au fil des prochains mois.


En même temps, écouter l’opinion de sociologues en matière économique est grotesque.
C’est marrant la manie qu’ont les comédiens et les humoristes à exprimer leur opinion politique sur des sujets qu’ils ne comprennent pas
Le système se régule spontanément. Si un secteur d’activité voit ses bénéfices (c’est un meilleur indicateur que les marges) augmenter plus vite qu’ailleurs, cela attire forcément des concurrents et la concurrence ramène ensuite les marges à un niveau raisonnable.
Seules des entreprises disposant de brevets incontournables peuvent se permettre provisoirement (jusqu’à ce que les brevets tombent ou soient contournés par des équivalents) d’avoir des marges hautes. Il y a aussi l’option d’être protégé par un pouvoir politique complice qui établira des règlements ad-hoc et passera des marchés de complaisance.
Bonjour
Il y a de cela quelques années, vous aviez fait le bilan des partis politiques fédéraux avant les élections. Comptez-vous faire le même exercice avec les partis provinciaux en vue de l’élection du 3 octobre prochain? J’ai bien hâte de connaître votre point de vue sur le parti d’Eric Duhaime qui prend son envol.