En termes simples, la gentrification est un processus par lequel les quartiers urbains plus pauvres assistent à la venue de résidents plus riches qui viennent s’y établir plutôt qu’en banlieue.
Dans Hochelaga-Maisonneuve, ce sont 800 condos qui se sont construits en 3 ans. Après le Plateau Mont-Royal, où le phénomène est le plus avancé, ce sont aussi le Mile-End, Rosemont-Petite-Patrie, Saint-Henri, Giffintown et bientôt Parc Extension qui témoignent de la gentrification.
Ce mouvement s’accompagne de rénovations majeures dans les logements existants, de construction de condos et de revitalisation des infratructures. Cela peut sembler à première vue très positifs pour ces quartiers défréchis et même parfois en décrépitude, mais il appert que la gentrification soulève la grogne de ceux qui ont la fibre socialiste.
Le processus de gentrification
Les quartiers dont il est question abritaient jadis, il y a plusieurs décennies, des ouvriers qui animaient le secteur manufacturier. Suite à la désindustrialisation et à l’automatisation du secteur manufacturier, l’économie s’est davantage tournée vers les services professionnels et la classe moyenne s’est désintéressée de ces quartiers au profit des banlieues.
Les générations plus récentes semblent avoir un intérêt accru pour la vie urbaine. Ces gens ne veulent pas nécessairement posséder une voiture, ni perdre de temps dans les bouchons de circulation. Comme ils sont plus éduqués et ont de bons revenus, ils ont les moyens de posséder un condo assez luxueux ou de louer un appartement spacieux et rénové.
Cela crée évidemment une demande forte pour des résidences dans ces quartiers qui ceinturent le centre-ville et une hausse de la valeur des propriétés. Plusieurs logements dans ces quartiers ont le même locataire depuis 10 ou 20 ans et même plus. Avec le contrôle des loyers, ces gens paient un prix très en-dessous du marché, ce qui engendre une dislocation.
Dans le documentaire « Quartiers sous tension », on relate un exemple d’un loyer qui, une fois rénové, passe de $500 à $1,200 par mois. Les locataires n’ont pas les moyens de payer une telle somme et doivent conséquemment être évincés.
Cela est d’ailleurs le principal problème reproché à la gentrification: l’exclusion des ménages plus pauvres. Des gens sont en quelque sorte déracinés du quartier où ils ont vécu une grande partie de leur vie.
Certains propriétaires y vont d’ailleurs de méthodes un peu brutales pour arriver à leurs fins (c’est-à-dire évincer le locataire pour pouvoir rénover et augmenter le loyer). Cela a comme impact d’augmenter les frictions sociales reliées à la gentrification.
Des manifestations ont d’ailleurs eu lieu contre la gentrification et un grand nombre de cas de vandalisme ont été observés, dont les victimes sont surtout des petits commerces qui « incarnent » la gentrification, tels que de petites épiceries artisanales, des cafés branchés et des boutiques spécialisées.
Quelles solutions?
Le maire de l’arrondissement Hochelaga-Maisonneuve, Réal Ménard, a récemment commandé une étude sur la gentrification à l’INRS, laquelle fut publiée en avril 2017. Cette étude n’amène pas beaucoup de solutions viables aux problèmes causés par la gentrification.
Tout d’abord, il faut reconnaître que la gentrification est un processus souhaitable puisqu’il permet de mieux satisfaire les besoins de la population en satisfaisant la demande de résidences en milieu urbain. Il favorise l’investissement dans le stock actuel de logements et la construction de condos. La hausse de revenus fonciers engendrée par la gentrification permet de financer une revitalisation des infrastructures publiques.
De plus, la gentrification résulte du fait qu’un propriétaire puisse réaliser la plus-value sur son investissement que ce soit par une hausse du loyer au niveau du marché ou par une conversion en condos. Une règlementation visant à stopper la gentrification ferait en sorte de condamner arbitrairement les propriétaires à un rendement médiocre sur leur investissement, ce qui n’est pas acceptable dans une société basée sur le respect des droits de propriété. Après tout, une bonne partie de ces propriétaires considèrent leurs appartements locatifs comme leur fonds de retraite.
La gentrification est donc une forme de développement qui crée de la richesse, mais qui a des impacts négatifs sur certaines personnes. Que peut-on y faire?
Le rapport de l’INRS parle d’une politique de zonage inclusif. Il s’agit d’une mesure établie pour réserver un pourcentage de logements abordables dans les projets résidentiels, autour de 10% de l’ensemble des unités produites par des projets privés. Il est financé grâce à une compensation puisée à même le budget du promoteur et il est aussi soutenu par des fonds publics et des allègements règlementaires.
Par exemple, lors de la construction d’une tour à condos, la municipalité peut offrir au promoteur de lui accorder 20% de hauteur (une prime de densité) en échange de consacrer 10% des unités pour en faire des logements abordables. Cela laisse sous-entendre que la règle sur la hauteur des bâtiments était trop sévère dès le départ, ce qui est illogique…
Aux États-Unis, la pratique du zonage inclusif est largement utilisée pour les nouvelles constructions et permet de préserver une certaine mixité sociale. Cependant, cette politique ne changerait rien pour les cas d’éviction montrés dans le documentaire ci-haut mentionné, puisqu’il faudrait la construction de nouvelles tours de condos pour reloger ces personnes.
Il faut aussi éviter le piège des logement sociaux et leurs effets pervers (voir ceci).
Conclusion
Il faut réaliser que la gentrification est un processus de correction des anomalies causées par les politiques de contrôle des loyers. Plus on s’éloigne du prix du marché, plus la distorsion est grande et plus le choc sera brutal lorsque l’ajustement se fera. On aurait donc pu minimiser les effets négatifs de la gentrification en amenuisant (voire en éliminant) les règles de contrôle des loyers il y a des décennies.
D’autre part, l’un des éléments qui fait le plus augmenter les coûts de logement à n’importe quel endroit est le zonage restrictif. À Toronto, ce sont notamment les politiques de « Ceinture Verte » qui ont engendré une explosion des prix à l’intérieur de la zone (voir ceci).
Si la distorsion résultant du contrôle des loyers avait été moindre et qu’un zonage plus flexible avait pu favoriser la construction de logements à l’intérieur et à l’extérieur de ces quartiers en cours de gentrification, les effets négatifs de la gentrification auraient été minimes.
Évidemment, cela ne veut pas dire que la solution magique consiste à bêtement transformer un duplex en tour à condos de 30 étages. Cela défigurerait certains de ces quartiers et les rendraient beaucoup moins attrayants. Cependant, je pense que les gens qui ont récemment été poussés hors de leurs quartiers à cause de la gentrification auraient probablement dû se diriger plus loins du centre, voire même en banlieue il y a longtemps, mais que le contrôle des loyers leur a permi d’étirer l’élastique beaucoup trop longtemps.
Ceci étant dit, la gauche n’a encore une fois pas manqué l’occasion de transformer cette situation en une lutte acharnée des plus pauvres contre le capitalisme et le libre-marché… Comment peut-on se dire « progressiste » et s’opposer à la revitalisation d’un quartier? Une autre incohérence de la gauche (voir ceci)!
Sources:
http://www.ledevoir.com/societe/actualites-en-societe/497996/hochelaga-maisonneuve-la-gentrification
Cliquer pour accéder à RAPPORT-LESSARD-S%C9N%C9CAL-HAMEL-FINAL25-4.PDF
Cliquer pour accéder à lepoint1116_fr.pdf
y compris anglicisation ?
Une méta analyse intéressante sur la gentificration : https://www.lewis.ucla.edu/research/market-rate-development-impacts/
C’est bien plus positif que ce que prétendent les opposants à la gentificration
En fait, cela porte sur tout sur le fait de savoir si l’impact du développement de nouveaux logements dans un quartier. Est ce que cela cause la gentrification ou nom ??? Ce qui est constaté c’est que construire de nouveaux logements ne conduit pas à augmenter les loyers des logements déjà existants dans le quartier en question
Qu’est-ce que vous appelez « condos » au Québec?
« Il s’agit d’une mesure établie pour réserver un pourcentage de logements abordables dans les projets résidentiels, autour de 10% de l’ensemble des unités produites par des projets privés. Il est financé grâce à une compensation puisée à même le budget du promoteur »
-> quelque chose de similaire a été fait en France (20% ou 25% de logements sociaux dans tous les nouveaux projets immobiliers, sous peine de fortes amendes pour la mairie). C’est une catastrophe, car cela augmente d’autant le prix du logement privé (les promoteurs devant bien se rattraper d’une façon ou d’une autre de leur vente à perte), ce qui a pour effet d’augmenter la demande pour des logements sociaux, et ainsi de suite. Cercle vicieux enclenché.
Ça commence par 10%, puis 15, puis 20, puis 30…
Les politiques de zonage sont également une catastrophe. Surtout dans les pays jacobins comme la France. C’est ce qui explique en très grande partie l’explosion des prix de l’immobilier dans toutes les villes et aires urbaines dynamiques de France.
Bref, pour savoir ce qu’il ne faut surtout pas faire en matière d’immobilier et de logement, il suffit de regarder ce qui a été fait en France.
Étude sur le contrôle des loyers montrant que cela diminue le parc locatif, augmente les loyers et alimente la gentrification: http://www.nber.org/papers/w24181.pdf
Aux états unis, des études ont montré que les métropoles où il y a le plus d’inégalités en matière de logement c’est les métropoles menant le plus une politique de gauche en matière de logement, c’est les métropoles réglementant le plus le logement. http://www.newgeography.com/content/005767-progressive-cities-home-worst-housing-inequality
Houston qui a une politique de logement très libéral est un exemple de success tory. Là bas, le logement n’est pas chère grâce à cette politique libérale.