The Big Fat Surprise: Why Butter, Meat and Cheese Belong in a Healthy Diet (Teicholz, Nina)
La journaliste scientifique Nina Teicholz a récemment publié un best-seller intitulé « The Big Fat Surprise », au sujet de l’impact du gras saturé sur la santé. Elle a épluché des centaines d’études publiées depuis les 1960s et interviewés des acteurs importants du domaine de la nutrition qui ont influencé les politiques gouvernementales à l’égard du gras.
Je vous propose donc une série de trois articles à ce sujet.
Partie 3 de 3.
La diète méditérranéenne
La diète méditérranéenne consiste à obtenir le plus de calories possibles des légumes, fruits, légumineuses et du grain entier. Le poisson, le poulet, les noix, les oeufs, le lait, le yogourt et le fromage peuvent être consommés avec modération, pas de viande rouge, sans oublier l’ingrédient miracle: l’huile d’olive. En fait, cette diète n’a jamais vraiment existé en Méditerrannée, elle a été inventée par des nutritionnistes inspirés de l’Étude des Sept Pays d’Ancel Keys. Le passage de ce dernier en Crète (pendant le carême) allait d’ailleurs fortement influencer le contenu de cette diète.
La première à tenter de la définir était Antonia Trichopoulou, professeure de l’Université d’Athènes. De son côté, Anna Ferro-Luzzi, de l’Institut National de Nutrition de Rome, entama un travail similaire en Italie, mais abandonna jugeant qu’il était impossible de formaliser cette diète. Les habitants des pays dit méditerranéens ont des alimentations très hétérogènes, ce qui rend difficile de les unifier en un même concept. L’autre obstacle était qu’à l’époque, le monde de la nutrition privilégiait une alimentation faible en gras, donc l’huile d’olive était comme un chien dans un jeu de quilles. Trichopoulou eut davantage de succès et réussi à convaincre l’influent Walter Willett, épidémiologiste de Harvard, des bienfaits de cette diète. Ce dernier la formalisera à une conférence en 1993.
L‘étude EPIC menée par Trichopoulou sur 74,600 personnes âgées de 9 pays d’Europe démontra une plus longue longévité pour la diète méditerranéenne.
Une étude menée à Lyon, France, dont les résultats furent publiés en 1994, observa 600 hommes d’âge moyen qui avaient souffert d’une attaque cardiaque dans les 6 mois précédents. Ils furent divisés en deux groupes, dont le groupe expérimental adopta une diète méditerranéenne, mais comme les Français n’aimaient pas l’huile d’olive, elle fut remplacée par une margarine à base d’huile de canola. Le groupe de contrôle suivi les recommandations usuelles de leurs médecins.
On observa 3 attaques cardiaques fatales et 5 non-fatales dans le groupe expérimental versus 16 fatales et 17 non-fatales dans le groupe de contrôle. Cette étude devint la plus importante preuve scientifique de la diète méditerranéenne. Cependant, la diète de seulement 30% de la cohorte fut analysée, ce qui est une faiblesse méthodologique.
En 2003, la FDA examina les 73 études portant sur l’huile d’olive, mais n’en considéra que 4 comme étant méthodologiquement viables, totalisant un échantillon de seulement 117 personnes. Ces études montraient que l’huile d’olive fait baisser le LDL, tout en laissant le HDL quasi-intact. En 2011, deux chercheurs espagnols ayant investigué les données sur l’impact de l’huile d’olive sur la santé cardiaque concluaient qu’il n’y avait pas de bienfait significatif (je n’ai pas cependant pas réussi à retracer cette étude mentionnée par Teicholz et le livre n’indique pas de référence précise).
Selon un historien Francais, il y a moins d’un siècle, les Grecs consommaient beaucoup moins d’huile d’olive qu’aujourd’hui. Il s’agissait auparavant d’un produit industriel, servant surtout a faire du savon.
Néanmoins, aussitôt que l’intérêt pour le produit a été moussé par ses hypothétiques bienfaits pour la santé, l’industrie et les gouvernements ont pris le relais pour en faire la promotion. L’International Olive Oil Council (IOOC) est une agence basée à Madrid qui finance la recherche sur l’huile d’olive et en fait la promotion dans les conférences. Cette agence, financée par les producteurs, s’est alors mise à financer la promotion de la diète Méditerranéenne, tout comme les gouvernements de la Grèce, de l’Italie et de l’Espagne. Des chercheurs, nutritionnistes, journalistes et même des restaurateurs étaient régulièrement invités, toutes dépenses payées, à assister à des présentations tenus dans des îles grecques paradisiaques.
Une étude fut menée en 2008 en Israël pour tester la diète méditerranéenne. Les chercheurs ont déniché 322 personnes d’âge moyen ayant un surplus de poids. Un groupe reçu une diète faible en hydrates de carbone, un autre une diète faible en gras et le troisième une diète méditerranéenne. Des mets spécialement préparés étaient servis à une cafétéria, permettant un bon niveau de contrôle sur l’alimentation des sujets pendant deux ans.
Résultat? Moins de maladies cardiaques pour la diète méditérranéenne comparativement à la diète faible en gras (moins de triglycérides, plus de HDL, moins de LDL, moins d’insuline) et une plus grande perte de poids (10 livres versus 7 livres). Cependant, à la grande surprise (et déception) des chercheurs, la diète faible en carbs et riche en gras obtint les meilleurs résultats (cependant, le contenu de cette diète n’est pas clair)!
En 2013, une grosse étude espagnole fut publiée dans le but de démontrer les bienfaits de la diète méditerranéenne: la Prevención con Dieta Mediterránea, ou PREDIMED. Son échantillon comportait 7,447 personnes âgées entre 55 et 80 ans, divisés en trois groupes. Deux groupes adoptèrent la diète méditerranéenne, dont l’un reçu de l’huile d’olive et l’autre des noix gratuitement. Le troisième groupe servit de contrôle.
Après environ 5 ans, 109 personnes du groupe contrôle avaient subi un « événement cardiovasculaire », comparativement à 96 pour la diète Med-olive et 83 pour la diète Med-noix. Ceci dit, la diète du groupe de contrôle n’était en fait que la diète faible en gras et riche en hydrates de carbone recommandée par les nutritionnistes et les médecins. Cette étude ne faisait que confirmer le résultat de l’étude israélienne, soit que la diète Méditerranéenne faisait mieux que la diète « faible en gras ».
Mais que mangeaient donc les gens en Crête pour être en si bonne santé? L’échantillon de Keys pour son Étude des Sept Pays comportait 655 hommes, qui ont rempli des questionnaires concernant leur alimentation. De ceux-ci, Keys a isolé un petit échantillon qu’il a étudié plus en profondeur pour tenter de corroborer les résultats des questionnaires. À sa grande déception, il y avait une grande différence entre son sous-échantillon et l’échantillon total. Il a donc décidé de jeter les questionnaires et de ne conserver que le sous-échantillon de seulement 33 hommes en Crête et 34 à Corfou, parce que les données faisaient son affaire! Ce que cette poignée d’hommes ont mangé pendant quelques semaines (incluant le carême) il y a 50 ans a eu une influence déterminante sur la nutrition occidentale comtemporaine!
Par la suite, des chercheurs ont établi que la diète typique des habitants de ces îles est fort différente du sous-échantillon de Keys, qui date d’une période d’après-guerre durant laquelle ils vivaient dans une certaine précarité et fut mesurée en partie durant le carême. Ils consomment en moyenne 1 tasse de lait par jour, soit plus que les Américains. La viande qu’ils consomment est surtout rouge: chèvre, boeuf, veau et mouton, et un peu de poulet et de lapin. En somme, rien à voir avec la diète Méditerranéenne telle qu’on la connaît!
Ils ne mangent cependant pas de sucre; les desserts sont rares sur ces îles. En revanche, les sucreries sont abondantes en Finlande et aux Pays-Bas où les maladies cardiaques sont très fréquentes, et peu consommées en Grèce, au Japon et en Yougoslavie (les autres pays de l’étude des 7 pays).
Entre 1960 et 1990, l’Italien moyen a multiplié sa consommation de viande par 10 et le taux de maladies cardiaques, n’a pas augmenté, il a en fait diminué. Même phénomène en Espagne, où la consommation de gras saturé a augmenté de 50%, alors que les maladies coronariennes sont en baisse. En Suisse, entre 1951 et 1976, la consommation moyenne de viande a grimpé de 20%, tandis que les décès de maladies cardiaques ont chuté de 13%. En Crête, en 1980, les gens mangeaient 54% plus de gras sature qu’en 1960 (époque de l’étude des Sept Pays) sans que l’incidence de maladies cardiaques n’ait augmenté (ici).
Les gras trans
Avant le début de la guerre contre le gras saturé, les chaînes de fast food et les compagnies d’aliments manufacturés utilisaient du suet de boeuf, du saindoux, du lard et du beurre comme graisses. Ils utilisaient aussi des huiles tropicales, comme l’huile de noix de coco, qui est riche en gras saturé.
Dans les années 1980s, l’American Soybean Association a mené une efficace campagne de lobbying menant à des taxes sur les huiles tropicales sur la base qu’elles sont riches en gras saturé et donc mauvaises pour la santé. Pourtant, les maladies cardiaques sont pratiquement inexistantes sur les atolls polynésiens où les deux tiers des calories sont obtenues de l’huile de coco. Même chose en Malaisie et aux Philippines. Les huiles tropicales font augmenter le HDL sans faire augmenter le LDL, un profil plutôt intéressant, et comme elles sont saturées, elles ne s’oxydent pas à la chaleur.
Malgré les preuves scientifiques, l’opinion publique avait basculé et il n’en fallait pas moins pour que Big Food ne banisse les huiles tropicales de leurs produits vers 1989. Le remplacement fut l’huile de soya partiellement hydrogénée, pleine de gras trans. Environ 18 milliards de livres de cette huile furent consommés aux États-Unis en 2001, soit 80% de toute l’huile consommée aux États-Unis.
Pourtant, on se doutait bien à l’époque que quelque chose n’allait pas avec le gras trans. En 1961, Ancel Keys avait découvert que le gras trans faisait augmenter les triglycérides, ce qui est très mauvais. D’autres expériences sur des rats avaient démontré de graves problèmes à cet égard.
En 1992, vu les preuves scientifiques des méfaits des gras trans, Unilever décida de les retirer de ses produits. Le reste de l’industrie en fit de même.
La diète faible en hydrates de carbone
L’alternative à la diète végétarienne de Ornish fut la diète riche en protéines et gras saturé et faible en hydrates de carbone de Robert Atkins.
En 1919, un médecin du nom de Blake Donaldson frustré de ne pas être en mesure de faire perdre du poids à ses patients en réduisant les calories ingérées, décida d’essayer une diète basée sur celle des Inuits, c’est-à-dire centrée sur la viande riche en gras saturé. Les 17,000 patients sur lesquels il a testé cette diète pendant 40 ans ont perdu 2 à 3 livres par semaine, sans le regagner par la suite et sans être affamé.
Donaldson remarqua aussi que plusieurs autres problèmes de santé disparaissaient en même temps que la diète était adoptée: maladies cardiaques, artériosclérose, haute pression, arthrite, lithiase biliaire et diabète.
Inspiré par une présentation de Donaldson en 1944, un autre médecin du nom d’Alfred Pennington décida de l’essayer sur une vingtaine de gestionnaires de l’entreprise DuPont qui avaient un problème de poids. Ils perdirent 7 à 10 livres par mois.
Robert Atkins était un cardiologue de New York qui publia un livre qui devint un best-seller en 1972, vantant les mérites d’une diète faible en hydrates de carbone (c’est-à-dire la pyramide de l’USDA complètement inversée!). À la fin des années 1990s, un chercheur du nom d’Eric Westman décida de la tester scientifiquement, de manière à établir une preuve solide de son efficacité. Il découvrit que le remplacement des hydrates de carbone par le gras saturé était un moyen très efficace de gérer le diabète, voire de l’éliminer.
Vous vous souvenez du livre de Gary Taubes sur lequel j’avais publié un article? Les experts en nutrition l’ont simplement ignoré. En résumé, notre niveau d’insuline est stimulé par l’ingestion d’hydrates de carbone. Plus nous en mangeons et plus ils sont faciles à digérer (par exemple sous forme liquide), plus nous sécrétons d’insuline. Quand notre niveau d’insuline est élevé, notre corps accumule du gras dans nos tissus adipeux. Quand le niveau d’insuline diminue, nos cellules libèrent du gras qui est utilisé comme énergie. Ce processus est connu depuis le début des années 1960s et n’a jamais été remis en question. Donc les « carbs » stimulent la sécrétion d’insuline, qui elle stimule l’accumulation de gras, et particulièrement ceux qui se digèrent rapidement (boissons sucrées et aliments fait de farine raffinée) et les aliments féculents tels que les pommes de terre, le riz et le maïs.
L’obésité est donc un phénomène hormonal, ce n’est pas une question de calories ingérées versus calories dépensées. C’est surtout la composition de ce que l’on mange qui compte, pas seulement la quantité.
Conclusion
En 1961, l’AHA recommandait une diète faible en gras saturé pour éviter les maladies cardiaques et l’obésité. Dix-neuf ans plus tard, en 1980, l’USDA faisait de même. Depuis ce temps, selon les statistiques du gouvernement, la consommation de gras saturé de l’Américain moyen a diminué de 14% et de gras total de 5%. La consommation de viande rouge a continuellement décliné, remplacée par le poulet. Depuis 1978, le cholestérol total moyen chez les adultes américains a diminué de 213 mg/dL à 203 mg/dL et cette baisse fut surtout du côté du LDL, donc du « mauvais » cholestérol. Pour ce faire, les gens ont été exposés à des produits cancérigènes, d’abord le gras trans, puis les huiles végétales polyinsaturés.
Résultat? L’épidémie d’obésité, de diabète et de maladies cardiaques s’est accentuée. Combien de temps (et de morts) faudra-t-il avant que les gouvernements et leurs « experts » en nutrition n’admettent leurs erreurs?
Pour ma part, voici les leçons que j’en tire :
- Le gras saturé n’est pas l’ennemi juré d’une alimentation saine. Cela ne signifie pas que manger un kilo de bacon par jour ne vous causera pas de problème. Consommé de manière raisonnable, le gras saturé n’aura aucun impact sur votre santé.
- Une alimentation riche en hydrates de carbone telle que suggérée par les autorités gouvernementales peut quant à elle causer problème. En fait, le guide alimentaire ne vaut rien, surtout la suggestion de portion de grains et céréales.
- Chaque ethnie (voire chaque personne) est différente et réagira différemment à des proportion variées de gras et d’hydrates de carbone. Vous n’êtes pas un Masaï, ni un Navajo, ni un Corse, ni un Japonais, mais peut-être quelque part dans le vaste spectre qui les sépare…
- L’intervention gouvernementale en alimentation a directement causé le désastre du gras trans.
- Je considère que toute alimentation « extrémiste », tant de style « paléo » que végétalienne, est probablement mauvaise. Je préconise la modération et la diversification.
- La diète méditerranéenne n’est probablement pas mauvaise, mais il existe énormément de confusion quant à sa composition réelle et aux effets de chacune de ses composantes. D’ailleurs, les bienfaits de l’huile d’olive ont possiblement été exagérés.
En terminant, l’épidémiologiste Ben Goldacre a réussi à obtenir une certification de nutritionniste de l’American Association of Nutritional Consultants (AANC) pour sa chatte décédée nommée Henrieta! (voir ceci) N’importe qui peut se déclarer nutritionniste, écrire des livres convaincants et raconter des sornettes pseudo-scientifiques à la télé. Prenez gare…
Voir le Ted Talk de Nina Teicholz ici.
Critique négative du livre:
https://thescienceofnutrition.wordpress.com/2014/06/30/the-big-fat-surprise-a-critical-review-part-2/
Articles connexes:
https://minarchiste.wordpress.com/2011/07/18/le-guide-alimentaire-canadien-cest-nimporte-quoi/
À lire absolument sur le même sujet:
http://www.contrepoints.org/2015/02/27/199313-mangez-de-la-viande-rouge-des-oeufs-du-gras-et-du-sel
Bonjour Minarchiste,
J’ai du mal à comprendre où vous voulez en venir. What’s your point ? La situation est la suivante :
– La théorie qui fait consensus est que le régime méditerranéen est le meilleur, et qu’il faut réduire sa consommation de graisses saturées
– Comme toute théorie scientifique, elle a une minorité de détracteurs, comme the Big Fat Surprise
Quelle doit être la réaction du spécialiste ? Débattre, mais le champ de bataille des débats scientifiques ne se situe ni sur les blogs, ni dans les livres. La science s’est organisée depuis bien longtemps en publications « peer-reviewed »
Quelle doit être la réaction du profane ? Croire les détracteurs signifie accepter de se laisser convaincre par n’importe quel courant minoritaire, au risque de se laisser manipuler. De plus, les courants minoritaires ne sont pas uniques, il y a souvent plusieurs écoles. Laquelle devrait être choisie ? Celle sur laquelle j’ai cliqué en dernier ? Il est donc bien plus rationnel de ne faire confiance qu’à la théorie dominante.
Vouloir débattre de manière sérieuse présuppose passer 10 ans minimum à étudier la médecine, à lire toute la biblio, à disséquer les études et à passer les protocoles expérimentaux au peigne fin, à refaire les statistiques… Des centaines de médecins l’ont déjà fait fait pour nous. La synthèse de leurs débats est exprimée dans la théorie dominante.
Nous savons que la science se fourvoie régulièrement. Si la médecine change d’opinion sur le gras, alors je me rangerai à leur nouvel avis. Mais pas avant que les débats scientifiques n’aient été menés de manière rigoureuse, et les conclusions tirées.
Nous avons eu l’année dernière la même discussion concernant le climat. J’ai creusé la question depuis et il apparaît que 1-les thèses minoritaires sont toutes scientifiquement réfutables 2-elles sont toujours présentées de manière trompeuse 3-il y a une motivation politique réelle de discréditer la théorie dominante. Concernant ce thème de nutrition, où je n’ai strictement aucunes connaissances, je constate que vous faites la promotion d’un bouquin, ce que certains auteurs monnayent parfois. Heureusement pour votre crédibilité, vous mettez un lien vers une critique virulente du livre.
@SL
Je travaille présentement à un article détaillé sur la science en général, de quelle manière le consensus se forme et pourquoi ce processus peut mener à d’immenses bourdes. Nous pourrons ensuite avoir un débat plus informé une fois que vous aurez lu mes arguments détaillés.
Attendre que le consensus change n’est pas une bonne stratégie, car cela prend parfois plus d’un siècle! Pendant ce temps, les gens meurent pour rien.
Je crois que le consensus entourant la nutrition et particulièrement le gras saturé en fait partie. Et le consensus est en train de changer! Prenez par exemple le American Dietary Guidelines Advisory Committee, qui vient d’aller dans le sens de Big Fat Surprise (voir le lien de mon commentaire précédent).
Tout au long de l’histoire, ce sont les « courants minoritaires » qui font avancer la science et qui la bouleversent en introduisant un nouveau paradigme.
Les médecins qui rédigent les études « peer-reviewed » ont leurs propres intérêts en tête : leur influence, leur carrière, leurs fonds de recherche, leur crédibilité par rapport à ce qu’ils ont dit dans le passé, etc. C’est à cause d’eux que les choses changent si lentement. Leur faire confiance aveuglément sans les remettre en question est une erreur.
Je ne fais pas la promotion du bouqin, j’en ai fait simplement un résumé parsemé de références (car j’essaie autant que possible de vérifier ce qu’il y a dans les livres que je lis). Il y a même beaucoup de passages du livre avec lesquels je ne suis pas entièrement en accord.
Le principe ici est de voir si les connaissances scientifiques sur lesquelles sont basées les politiques publiques forment une base solide. Tant pour le climat que pour la nutrition, je pense que ce n’est pas le cas. C’est ça qu’un esprit critique doit faire.
Bonjour Minarchiste,
> » un article détaillé sur la science en général »
Excellent. J’attends votre nouveau billet alors.
>> »car cela prend parfois plus d’un siècle! »
Vous exagérez. C’est plus rapide que cela, sauf quand des campagnes de désinformation sont organisées dans le seul dessein de protéger les intérêts d’une industrie. Comme pour le tabac. Et comme pour le climat.
>> »les gens meurent pour rien »
C’est l’inverse. Les gens meurent davantage de leur conviction dans des théories alternatives foireuses. Combien de gens meurent de leur croyance en l’acupuncture, le magnétisme, les plantes ou que sais-je, au lieu de suivre le traitement medical standard ?
> »ce sont les « courants minoritaires » qui font avancer la science »
Oui c’est vrai. Mais extrêmement peu d’entre eux s’avèrent être des progrès. Combien de courants minoritaires ont fini dans les poubelles de la science ? Des lors, sur la masse de théories alternatives, lesquelles considérez-vous comme fiables et sur quels critères les sélectionnez-vous ? En tant qu’agent rationnel, votre meilleur choix est de suivre la théorie qui a le plus de chances d’être vraie, et c’est la théorie mainstream. Que parfois des théories alternatives s’averent correctes ne change pas la donne.
Si on joue aux dés, que je gagne 1 sur les jets de 1 à 5, et vous gagnez 1 sur le 6 uniquement, alors ma situation est meilleure que la vôtre. Et le fait que des 6 soient sortis n’est pas un contre-exemple.
>> »leur influence, leur carrière… »
c’est exactement l’inverse qui se produit !! Ce sont les théories alternatives qui sont l’enjeu d’intérêts financiers. Coup de pub pour la clinique du Dr X qui soigne avec des plantes, le bouquin du Dr Y qui guérit par des massages… La science « mainstream » n’a rien à gagner. Ou peut-il y avoir conflit d’intérêt dans la page ci-dessous [NHS c’est l’organisme public de sante du Royaume-Uni]?
http://www.nhs.uk/Livewell/Goodfood/Pages/Fat.aspx
Le simple fait que cette étude soit parue sous forme de livre constitue un début de conflit d’intérêt. Les livres de complots se vendent mieux que les livres ennuyeux de science honnête, alors l’auteur a tendance à verser dans le complot pour toucher du fric.
> »un esprit critique »
Je vous repose ma question : comment sélectionnez-vous vos théories alternatives dignes de confiance dans la masse de conneries qui circulent, alors que vous n’êtes pas expert dans le domaine ?
@SL
« Vous exagérez. C’est plus rapide que cela ».
Non! Il fallu un siècle avant de prouver définitivement que la mastectomie radicale d’Halsted était une opération inutile (et destructrice). Une petite chirurgie locale faisait aussi bien l’affaire. Même chose en ce qui concerne l’helicobacter pilori, alors qu’on a cru pendant plus d’un siècle qu’aucune bactérie ne pouvait vivre dans l’estomac vu l’acidité (dire le contraire était comparé à dire que la terre est plate). Je décris ces cas particulier dans mon article à venir.
« sauf quand des campagnes de désinformation sont organisées dans le seul dessein de protéger les intérêts d’une industrie. »
Cela n’aide pas, mais ce sont surtout les personnalités influentes, comme Ancel Keys par exemple, qui font que les théories deviennent des dogmes; ainsi que la structure de l’écosystème scientifique en général.
« Combien de gens meurent de leur croyance en l’acupuncture, le magnétisme, les plantes ou que sais-je, au lieu de suivre le traitement medical standard ? »
Je ne sais pas. Beaucoup de ces gens sont susceptibles de suivre à la fois le traitement standard et le traitement alternatif. Dans ce cas, ils bénéficieront de l’effet placebo de ce dernier, en autant qu’il ne soit pas dangereux pour la santé. Mais il y a aussi des dizaines de milliers de bébés qui sont mort du syndrome de la mort subite du nourrisson parce que le consensus scientifique voulait qu’il faille faire dormir les bébés sur le ventre!
« Mais extrêmement peu d’entre eux s’avèrent être des progrès. Que parfois des théories alternatives s’avèrent correctes ne change pas la donne.»
Je ne suis pas d’accord. Mon argument est que si on ignore les théories alternatives au profit du consensus, on bloque l’avancement.
Il est vrai qu’une grande quantité de théories alternatives sont fausses, c’est bien comme cela. Cependant, nous avons besoin de gens qui rejettent le consensus et pensent autrement pour faire avancer la science, sinon on stagnera. Présentement, ces gens sont considérés comme des idiots dérangeants. Vous verrez dans mon article à venir…
« Ce sont les théories alternatives qui sont l’enjeu d’intérêts financiers. Coup de pub pour la clinique du Dr X… »
On ne parle pas de la même chose! Il y a une immense différence entre un chercheur qui publie une étude peer-reviewed dont la méthodologie est correcte et qui démontre que le consensus scientifique actuel est faux; et un charlatan qui vend des produits bidons basés sur des « théories alternatives » supportés par aucune donnée scientifiquement valide (comme l’homéopathie).
« Ou peut-il y avoir conflit d’intérêt dans la page ci-dessous? »
L’article dans son ensemble est un conflit d’intérêt car il est basé sur les recherches d’Ancel Keys et de ses disciples, lesquelles font l’affaire de Big Food qui produit industriellement toutes ces huiles insaturées. Quand on analyse les études qui supportent la majorité des affirmations de cet article, on se rend compte qu’elles constituent une preuve bien faible que le gras saturé est si mauvais.
Les chercheurs qui soutiennent ces thèses ont absolument besoin de maintenir le statu quo quant à ces connaissances, car autrement ils perdront leurs fonds de recherche (donc leur gagne-pain). Ceux qui vont à contre-courant sont écartés.
« Le simple fait que cette étude soit parue sous forme de livre constitue un début de conflit d’intérêt. »
J’ai retracé beaucoup des études citées par le livre et les ai lues moi-même, corroborant la plupart des affirmations du livre. Les conflits d’intérêts sont inévitables, il faut juste en être conscients. La présence d’un conflit d’intérêt n’est pas suffisante à invalider une théorie.
« comment sélectionnez-vous vos théories alternatives dignes de confiance dans la masse de conneries qui circulent, alors que vous n’êtes pas expert dans le domaine ? »
Quand j’étais étudiant à la M.sc., un de mes talents les plus notables était ma capacité à décortiquer une étude scientifique pour en faire ressortir les faiblesses. C’est ça qu’il faut faire avec le consensus scientifique : le mettre à l’épreuve.
Pour répondre à votre question, quand on me dit de ne pas manger plus de 20g de gras saturé, je demande à voir les études qui supportent cette affirmation, et c’est là qu’on se rend compte que ça tient à bien peu. Ensuite, on trouve des études, voire mêmes des méta-analyses, qui montrent que finalement, le gras saturé n’est pas si mauvais et que le gras insaturé peut être cancérigène car il s’oxyde. On se rend aussi compte que l’autre source d’énergie, les hydrates de carbone, font augmenter les triglycérides, qui sont largement responsables des problèmes coronariens. Heureusement, le comité Américain des Dietery Guidelines vient de changer son fusil d’épaule à ce sujet devant l’ampleur des preuves scientifiques montrant que le consensus sur le gras saturé est peut-être erroné… Il leur aura fallu un demi-siècle à changer d’idée!
En somme, ce qui fait la valeur d’une théorie alternative c’est l’ampleur des preuves scientifiques qui la soutiennent comparativement à celle qui soutient le consensus. Le problème de la science est qu’on a tendance à considérer le consensus actuel comme une vérité pratiquement intouchable. C’est cela que je déplore.
Bonjour Minarchiste,
J’apprécie ce billet sur l’alimentaton ainsi que votre avant-dernier sur les erreurs factuelles dans les films historiques hollywoodiens. Vous devriez écrire plus souvent des billets de ce type que je conserverais en format PDF!
Bonjour Minarchiste
>> »un siècle avant de prouver définitivement »
Vous sélectionnez un exemple extrême. Vous biaisez.
>> »si on ignore les théories alternatives au profit du consensus, on bloque l’avancement. »
Personne ne dit le contraire… Je dis juste qu’il faut laisser le temps aux chercheurs d’établir un consensus prenant en compte les recherches récentes. Les idées nouvelles doivent faire leur chemin et passer l’épreuve du temps.
> »ils perdront leurs fonds de recherche (donc leur gagne-pain) »
désolé, je ne suis pas DU TOUT convaincu par cet argument. On frôle la théorie du complot.
>> »L’article dans son ensemble est un conflit d’intérêt car il est basé sur les recherches d’Ancel Keys et de ses disciples, lesquelles font l’affaire de Big Food qui produit industriellement toutes ces huiles insaturées. »
mais non… ça ne tient pas la route 1 seconde votre truc…
1- ce n’est pas ça un conflit d’intérêt, parce que les diététiciens ne profitent pas personnellement des conséquences de leurs déclarations
2-McDonald, KFC et autres sont bien plus puissants que les producteurs d’huile d’olive, voyons !!
>> »pas suffisante à invalider une théorie »
mais il la décrédibilise
>> » consensus scientifique : le mettre à l’épreuve. »
Par définition, « consensus scientifique » implique déjà une mise à l’épreuve collective par des experts. Que peut apporter l’opinion supplémentaire d’un individu non-expert ?
> »J’ai retracé beaucoup des études citées par le livre … »
c’est ce qu’a fait l’autre blogueur [dont vous mentionnez le lien] et il arrive à des conclusions complètement opposées aux vôtres !
>> »des preuves scientifiques »
Les médecins ont connaissance des arguments de Teicholz ! S’il y avait réellement des preuves scientifiques dans ce qu’elle dit ça se saurait !
Bonus track : exemple de régimes idiots. Ou peut-être l’un d’entre eux [lequel?] est réellement révolutionnaire, mais il est impossible de le savoir encore, sauf en abaissant nos critères de fiabilité a des niveaux dangereusement bas, ouvrant la porte a toute élucubration vaguement argumentée.
https://www.bda.uk.com/news/view?id=39
https://www.bda.uk.com/foodfacts/detoxdiets
@SL
Un exemple extrême? Non pas du tout. C’est un exemple typique. Vous verrez dans mon article à venir…
On frôle la théorie du complot? Non, c’est bien connu que les chercheurs qui s’écartent du consensus se voient évincés du système. Il n’y a pas de complot là-dedans.
1- ce n’est pas ça un conflit d’intérêt, parce que les diététiciens ne profitent pas personnellement des conséquences de leurs déclarations?
Vous êtes sérieux? Non c’est forcément une blague…
2-McDonald, KFC et autres sont bien plus puissants que les producteurs d’huile d’olive?
Ça n’a pas d’importance. KFC se fout d’utiliser du suet de boeuf, de l’huile de canola ou de l’huile de palme. Leurs intérêts ne sont pas en jeu.
On parle plutôt de Procter&Gamble (Crisco) et Mazola par exemple, de grosses corporations.
Quant aux producteurs d’huile d’olive, ils sont bien plus puissants et organisés que vous ne le croyez d’autant plus qu’ils sont appuyés par les gouvernements, et leur influence est plus subtile justement car il ne s’agit pas d’une grosse corporation multinationale.
« mais il la décrédibilise »
Il y a toujours un conflit d’intérêt, donc toutes les recherches ne sont pas crédibles?
» Que peut apporter l’opinion supplémentaire d’un individu non-expert ? »
Énormémement, car ceux qui sont dans le cercle d’influence du leader n’ont d’autre choix que de poursuivre dans la même veine au risque d’être évincé.
> »J’ai retracé beaucoup des études citées par le livre …c’est ce qu’a fait l’autre blogueur [dont vous mentionnez le lien]
Non, il ne couvre qu’environ 10% du livre dans ses articles. Ce qu’il reproche surtot à Teicholz est d’avoir copié beaucoup de ses arguments de Gary Taubes. Il a aussi trouvé quelques erreurs factuelles qui ne changent pas grand chose. Le reste, c’est surtout son opinion personnelle, qui consiste à défendre le statu quo, car l’inverse équivaudrait à dire qu’il a tort et que son « expertise » est invalide. J’ai fait un travail beaucoup plus complet.
« Les médecins ont connaissance des arguments de Teicholz ! »
Non! Les médecins pensent ce qu’on leur dit de penser. Ils n’ont pas le temps de lire et analyser des articles scientifiques. Je vous dit par l’expérience de médecins que je connais.
« S’il y avait réellement des preuves scientifiques dans ce qu’elle dit ça se saurait ! »
C’est le genre d’affirmation qu’il faut éviter! Vous démontrez une confiance aveugle en l’écosystème scientifique. Toutes ms recherches démontrent que c’est une erreur de penser comme cela. Vous verrez dans mon article à venir…
Les médecins n’ont pas le temps de lire tous les articles scientifiques pertinents. Il y en a des dizaines de milliers par années publiés dans de nombreux journaux. Une étude récente a estimé que pour un seul mois, il faudrait 600 heures pour tous lire les nouveaux articles reliés à la médecine générale (29 heures par jour de semaine).
https://minarchiste.wordpress.com/2013/04/11/les-deboires-de-lindustrie-pharmaceutique/
Excellent documentaire à voir:
http://topdocumentaryfilms.com/secrets-sugar/
« Les acides gras saturés semblent être moins dangereux que les alternatives proposées ». https://academic.oup.com/advances/advance-article-abstract/doi/10.1093/advances/nmab013/6164876?redirectedFrom=fulltext