Le magazine hedbomadaire The Economist* a maintenant une nouvelle chronique intitulée « Schumpeter » en l’honneur de l’économiste Joseph Schumpeter, connu pour sa fameuse théorie de la destruction créatrice.
Voici un résumé de cette théorie (Wikipedia):
Les crises ne sont pas de simples ratés de la machine économique ; elles sont inhérentes à la logique interne du capitalisme. Elles sont salutaires et nécessaires au progrès économique. Les innovations arrivent en grappes presque toujours au creux de la vague dépressionniste, parce que la crise bouscule les positions acquises et rend possible l’exploration d’idées nouvelles et ouvre des opportunités. Au contraire, lors d’une période haute de non-crise, l’ordre économique et social bloque les initiatives, ce qui freine le flux des innovations et prépare le terrain pour une phase de récession, puis de crise.
La destruction créatrice désigne le processus de disparition de secteurs d’activité conjointement à la création de nouvelles activités économiques.
Les récessions exposent les faiblesses de certains modèles d’affaires vétustes, elles créent de nouvelles opportunités et tuent les mauvaises habitudes, laissant le champs libre aux nouvelles idées innovatrices. Les facteurs de productions peuvent être achetés de ceux qui les utilisent mal par ceux qui les utiliseront mieux.
Les exemples sont nombreux.
DuPont a investi massivement en recherche et développement et a engagé des scientifiques qui étaient au chômage durant la Grande Dépression. Vers la fin des années 1930s, 40% de ses ventes provenaient de produits qu’elle avait développé durant la dépression, tels que le nylon et le caoutchouc synthétique.
Les entreprises qui ont pris leur envol durant la Grande Dépression sont nombreuses, incluant Revlon, Hewlett-Packard, Polaroid et Pepperidge Farms.
C’est quand l’Union Soviétique s’est effondrée, plongeant la Finlande en sérieux problèmes économiques, que Nokia a décidé d’abandonner 90% de ses lignes d’affaires pour se concentrer sur les télécommunications, surtout sur la téléphonie sans-fil, industrie dont elle est devenue l’un des leaders.
Une étude de Bain Capital Group sur la période 1985-2001 a démontré que les fusions/acquisitions réalisées durant les récession ont généré un rendement environ 15% supérieur à celles faîtes durant les périodes de croissance économique.
La Fondation Kauffman, laquelle étudie l’entreprenariat, mentionne que la moitié des entreprises du Fortune 500, incluant FedEx, CNN et Microsoft, ont été fondées soit durant des récessions ou durant des périodes de faiblesse économique. La plupart de ces entreprises sont apparues à partir d’idées qui ont révolutionné leur industrie.
Comme le disait Schumpeter: “The essential point to grasp is that in dealing with capitalism we are dealing with an evolutionary process.” Imaginez l’efficience et la superbe complexité de la sélection naturelle appliquée à l’économie. Imaginez la chauve-souris sans son système de guidage ultra-son, la giraffe sans son long cou pour atteindre les feuilles élevées, le caméléon sans son camouflage, une araignée sans sa capacité à tisser des toiles ou le hérisson sans son système de défense. Ces « innovations » sont le fruit de l’évolution sous la pression de l’environnement; de la compétition pour la survie.
La destruction créative ne fonctionne pas dans une économie socialiste. L’État y a le monopole et n’a aucune pression compétitive pour stimuler l’amélioration de la productivité par l’innovation. C’est ce qui a été observé en Union Soviétique après la chute du rideau de fer. On y a observé de la machinerie agricole fonctionnant avec des moteurs à vapeur développés dans les années 1920s.
L’industrie pétrolière Soviétique fut aussi un cas spectaculaire démontrant ce qui se produit en l’absence de destruction créative. Les technologies utilisées dans les années 1980s dataient des années 1950s, et ce allant du simple outil de forage jusqu’aux activités de raffinage. Le matériel de forage était primitif; incapable de dépasser 3,000 pieds sans se briser (ce qui est un problème majeur lorsque la plupart des gisements restants dépassaient cette profondeur).
En somme, s’il y a un côté positif dans une récession, c’est bien la destruction créatrice. Celle-ci est un moteur d’innovation et d’amélioration de notre niveau de vie. C’est pourquoi il faut s’opposer aux plans de relance et aux bailouts, lesquels agissent comme du sable dans l’engrenage de la destruction créatrice et du capitalisme. Les gouvernements pensent que par leur interventionnisme, ils peuvent enrayer les cycles économiques, comme le suggérait Keynes. Ce faisant, ils ne font que les amplifier!
Il est certain que la destruction créatrice crée du chômage temporaire. Les travailleurs dont les compétences sont rendues obsolètes par une innovation technologique entrent dans une période de transition où l’on verra ces ressources humaines être allouées à d’autres activités dans l’économie. La mobilité des travailleurs n’étant pas parfaite, cette transition est parfois difficile, mais c’est le prix à payer pour le niveau de vie duquel nous bénéficions grâce au capitalisme.
Il serait stupide de stopper l’innovation et le progrès au nom de la protection de ces emplois archaïques. C’est pourtant ce que l’on fait lorsque l’on empêche le libre-marché de fonctionner.
En terminant, voici une excellente illustration de ce phénomène, tirée d’un article de W. Michael Cox et Richard Alm:
*Référence: The Economist, 3 octobre 2009, p. 82.
[…] par la suite se trouver un autre créneau dans lequel ils ont un avantage comparatif. C’est la destruction créatrice qui fait son œuvre et nous […]
Lorsque la destruction touche toutes les entreprises sans qu’il y ait de nouvelles pour prendre le relais, on peut se demander où est la création. Surtout lorsque cette destruction est causée par une peur maladive d’une inflation qui n’est manifestement pas là.
« Lorsque la destruction touche toutes les entreprises sans qu’il y ait de nouvelles pour prendre le relais »
Ah oui…? Où, quand et quelles entreprises…? Cela me semble un peu hâtif comme jugement…
@Magellan:
Si le chômage actuel (sur la période 2007-2010) n’était que frictionnel, il y aurait des secteurs où l’emploi augmente, ou tout du moins stagne. Donc, à moins de supposer que tous les secteurs aient connu des changements drastiques dans leur façon de produire, je ne vois pas en quoi la crise actuelle est un processus schumpétérien.
(NB: cela ne m’empêche pas de considérer la faillite d’entreprises comme Polaroïd comme relevant effectivement de la destruction créatrice)
Je suis d’accord avec le concept, mais mon interrogation sur ton premier message concernait surtout la partie où tu y affirmes bien qu’aucune nouvelle entreprise ne prend la relève de celles qui s’écroulent.
Nous (ou du moins, les américains) sommes encore en récession, alors il m’apparaît normal que les entreprises devant remplacer celles qui sont tombées au combat n’aient pas encore commencé à prendre de l’expansion de façon notable, et je crois que l’on pourrait attribuer cela à la faible croissance de la demande, spécialement sur les marchés américains et européens (surtout depuis la déconfiture de l’euro).
S’adapter à ces situations, surtout lorsque le gouvernement s’en mêle avec des plans de relance de ceci et des programmes d’aide de cela, prend toujours du temps, et tout laisse présager que ça en prendra encore, mais je n’ai aucun doute que la croissance recommencera, tôt ou tard.