Il y a plusieurs éléments qui déterminent le niveau des salaires réels (i.e. ajustés pour l’inflation). Comme n’importe quel marché, le salaire qui équilibre le marché du travail est influencé par l’offre et la demande de travailleurs.
La demande pour un travailleur varie selon la conjoncture économique, surtout celle de l’industrie dans laquelle oeuvre ce travailleur, ainsi que par la productivité de ce travailleur. La plupart des économistes s’entendront pour dire que plus un travailleur est productif – en terme de la valeur de ce qu’il produit par unité de temps – plus son salaire sera élevé.
La gauche s’oppose cependant à cette explication. Elle affirme que depuis les années 1960, la baisse du syndicalisme aux États-Unis a fait diminuer le pouvoir des travailleurs au profit des entreprises. Il en aurait donc résulté une divergence entre la croissance de la productivité et les salaires réels, qui sont stagnants depuis les années 1960s malgré l’amélioration continue de la productivité. Les gauchistes nous présentent généralement ce graphique pour illustrer cette théorie:
Évidemment, lorsqu’il est question de la gauche, il faut toujours questionner les chiffres!
Dans ce cas-ci il faut savoir que la productivité est calculée à partir du produit intérieur brut (PIB), i.e. ce qui est produit à l’intérieur du pays. Les salaires réels quant à eux sont calculés en fonction de l’indice des prix à la consommation (IPC), qui lui inclue des biens importés qui n’ont pas été produits au pays. On compare donc des pommes et des oranges.
Ainsi, la croissance des prix mesurée par l’IPC a été plus élevée que celle mesurée par le PIB. Pourquoi? Parce qu’il y a certaines choses que les États-Unis importent qui ont beaucoup fait monter les prix à la consommation, mais qui n’ont pas fait monter le PIB puisque ces biens sont importés et donc exclus du calcul du PIB.
On trouve tout d’abord que l’énergie représente 18% des importations américaines, alors que l’IPC-énergie a nettement surpassé l’IPC-total depuis les années 1960s. On trouve aussi que les produits pharmaceutiques représentent 5% des importations américaines et c’est dans cette catégorie que l’augmentation des prix a été la plus forte selon l’IPC-soins médicaux. La nourriture représente aussi 5% des importations et son augmentation des prix a été similaire à l’IPC-total.
Conséquemment, pour comparer des pommes avec des pommes, il faudrait redessiner le graphique, mais cette-fois en utilisant l’inflation implicite du PIB pour calculer les salaires réels. L’économiste Stephen Gordon s’y est adonné et voici ce que ça donne:
On y voit que les salaires réels calculé avec l’inflation du PIB sont en ligne avec la croissance de la productivité, tel que prévu par la théorie économique. Les salaires réels calculés par l’IPC sont brouillés par les importations. Ainsi, la raison pour laquelle le pouvoir d’achat des américains stagne est que les prix de ce qu’ils consomment augmentent plus vite que les prix de ce qu’ils produisent. En l’occurence, ils ont grandement augmenté leur consommation de pétrole tout en réduisant leur production domestique de pétrole. Le prix du pétrole a quant à lui augmenté exponentiellement durant cette période.
L’autre chose à considérer est aussi la source des gains de productivité. Si ceux-ci proviennent d’une amélioration de la technologie permettant de réduire l’intensité du travail requis pour une tâche, il est normal que ces gains de productivité ne soient pas accompagnés d’un gain salarial pour les travailleurs (dans le cas où cette technologie ne nécessite pas que le travailleur obtienne de nouvelles compétences plus pointues).
Serait-ce la mort d’un autre mythe véhiculé par la gauche? Je pense que oui!
« Serait-ce la mort d’un autre mythe véhiculé par la gauche? Je pense que oui! »
Je penses que non, s’ils décident que 1+1=3 y a pratiquement aucun moyen de leur faire changer l’idée.
Cela dit, merci pour cet excellent billet éducatif encore une fois.
@Bobjack
Bienvenue sur mon blogue.
Leur contre-argument serait probablement que les salaires devraient suivre le coût de la vie (mesuré par l’IPC), et non les prix de ce qui est produit (mesuré par le déflateur du PIB).
Je répondrais alors que le coût de la vie (mesuré par l’IPC) dépend des choix de consommations de chacun. Ce sont ces choix qui doivent être adaptés au salaire, et non l’inverse.
Bonjour, je vous invite à comparer l’évolution du déflateur du PIB et de l’indice des prix à la consommation aux USA (www.imf.org) et vous constaterez que la différence est minime : si l’on prend 1980 comme année de base (100), on obtient respectivement 232 et 265 en 2010. Dès lors se pose la question : comment Stephen Gordon arrive-t-il au graphique présenté dans votre article ?
« L’autre chose à considérer est aussi la source des gains de productivité. Si ceux-ci proviennent d’une amélioration de la technologie permettant de réduire l’intensité du travail requis pour une tâche, il est normal que ces gains de productivité ne soient pas accompagnés d’un gain salarial pour les travailleurs (dans le cas où cette technologie ne nécessite pas que le travailleur obtienne de nouvelles compétences plus pointues). »
C’est étrange comment cette phrase est tournée… J’ai l’impression que l’idée est qu’il n’y a pas besoin de compétences « pointues » pour utiliser les technologies.
En fait oui ^^. Cet apprentissage pointu s’est fait lentement, très lentement, donc on ne s’aperçoit pas de la réelle augmentation de cette compétence. Ce qui est le plus beau c’est que cet apprentissage ne se fait plus lors de stage ou au bureau mais chez soit. Ce qui permet d’acquérir des compétences sans que ça coute quoi que ce soit. Autrement dit, le travail est entré à la maison. Donc dans une étude de productivité, on ne peut calculer le temps de travail et d’apprentissage.
L’apprentissage fait partie intégrante de la productivité.
Un nouvel outil aussi incroyable soit-il ne sert à rien si personne ne sait s’en servir.
Aujourd’hui la bonne accessibilité aux outils électroniques pour tous a engendré un comportement d’apprentissage autonome et permanent. Sans s’en apercevoir nous travaillons chaque jours sans être payés lorsque nous nous servons d’internet.
Il faudrait que je détaille cette idée mais c’est un autre sujet. (je parle par ex. du tracking qui donne gratuitement des informations utiles pour tracer vos profils de consommateur)
Désolé encore pour cette intervention qui ne traite qu’une partie du sujet.
[…] voudraient en savoir plus sur la supercherie du Economic Policy Institute, je vous invite à lire cet excellent billet du blogueur Le Minarchiste dans lequel il détaille les raisons pour lesquelles la conversion des […]
Il y a quand même un problème dans la dernière partie :
Certe, le fait que les machines prennent une part de plus en plus importante dans la production peut faire croire qu’il est logique que ces gains de productivité ne soient pas accompagnés d’un gain salarial pour les travailleurs, MAIS ça veut juste dire qu’après avoir augmenté la productivité, les actionnaires ont considéré qu’il fallait répartir le gain de productivité entre eux et non avec les employés.
Et ça, c’est le renforcement du mythe qui veut que si les salaires stagnent, c’est parce que la répartition capital/travail est de plus en plus favorable pour le capital.
@Dworkin
Pas sûr de comprendre votre point.
Néanmoins, voir ceci pour un approfondissement de cette question:
https://minarchiste.wordpress.com/2013/05/09/la-course-contre-les-machines-et-le-chomage-technologique/
J’adore, la productivité augmente grâce à la mécanisation permise par la production passée des travailleurs mais seuls les patrons et actionnaires méritent de toucher l’augmentation des bénéfices ? La bonne blague. Si l’entreprise produit mieux, tout le monde doit en bénéficier. C’est incroyable de lire des choses pareilles. Rappelez vous quand même que les sous nécessaires aux investissements et à la mécanisation proviennent tout d’abord des employés…
Non, les investissements sont financés par les actionnaires, pas par les employés. C’est ça la réalité.