Cette série d’articles sur le pétrole vise à démystifier les faits reliés au pic pétrolier ainsi qu’à fournir une vue plus rationnelle entre les alarmistes anticipant une catastrophe économique et ceux qui nient systématiquement ces faits. Ce dossier sera divisé en quatre parties : la consommation, les réserves, la production et les conclusions.
La production
Trop souvent, les gens qui nient l’importance du pic pétrolier s’attardent aux réserves, alors que la définition même du pic pétrolier est basée sur la production. C’est la pièce la plus importante de cette problématique.
La production de pétrole a augmenté de 31.8 millions de barils par jour en 1965 à 81.8 millions en 2008 (+2.2% par année). Malgré le fait que le prix du baril ait constamment augmenté ces dernières années pour atteindre $147 en 2008, la production de pétrole n’a pratiquement pas augmenté depuis 2005 (+0.9% de 2005 à 2008). Il semble donc que tout comme la demande, la production est maintenant passablement inéalstique.
D’ailleurs, si l’on excluait les natural gas liquids (NGLs), la production a quelque peu diminué depuis 2005. En effet, les NGLs, même s’ils sont inclus dans la production de pétrole, ne peuvent remplir votre réservoir d’essence; seulement votre briquet ou votre bonbonne de BBQ. La production de NGLs a beaucoup augmenté ces dernières années, ce qui donne une illusion que la production totale d’hydrocarbures a augmenté un peu au cours des 3 dernières années. Cette donnée démontre que la production est présentement sur un plateau qui pourrait s’avérer être le fameux « pic pétrolier », c’est-à-dire le rythme de production le plus élevé atteignable.
Le problème majeur est que le déclin naturel de la production existante est présentement de 4 millions de barils/jours par année. Qu’est-ce que le déclin naturel? C’est lorsque la production d’un puits de pétrole a terminé sa période d’augmentation rapide et commence à diminuer. La grande majorité des puits qui sont présentement en production ont dépassé ce stade. La production totale suit donc présentement cette fonction, dont la pente est de -4 Mb/d.
Un exemple pertinent de ce phénomène est le gisement Cantarell, dans le Golfe du Mexique; le dernier méga-gisement à avoir été découvert sur notre planète (1976). Il s’agit d’une importante source d’approvisionnement pour les États-Unis et sa production est présentement en fort déclin. Je vous invite à comparer ce graphique avec le précédent; la similitude est frappante.
Cela signifie qu’il faut trouver de nouvelles sources de production de cet ordre (4 millions de barils/jour) à chaque année juste pour maintenir la production égale à l’année précédente; et ce chiffre va continuer d’accélérer. Pour vous donner une idée, les sables bitumineux canadiens ne dépasseront probablement jamais 3 millions de barils/jour…
Ainsi, l’Energy Information Administration (agence du gouvernement américain en charge des statistiques et prévisions sur l’énergie) prévoit qu’il faudra 43 millions de barils/jour en nouvelle production d’ici 2030 pour compenser le déclin naturel de la production et l’augmentation de la demande. Plusieurs experts pensent que les estimations de l’EIA sont plutôt optimistes et que le défi sera encore plus grand.
D’où viennent les nouvelles sources de production ces dernières années? Pas des puits comme Ghawar, qui sont immenses, sont découverts par un coût de pelle accidentel et dont les coûts de production sont minimes. Ces puits, que je qualifierais de « low hanging fruits », sont en déclin. Les nouvelles sources de production sont beaucoup plus coûteuses : sables bitumineux et les gisements en eaux profondes.
Par exemple, « l’immense » découverte de BP d’il y a quelques semaines (Tiber : 3.5 milliards de barils) dans le Golfe du Mexique. Le pétrole se trouve à 35,000 pieds sous le fonds de l’océan! C’est l’équivalent de l’Everest…Ça va prendre jusqu’en 2016-2018 avant que la production ne commence, et cette production sera d’environ 300,000 barils/jour. Il faudrait donc trouver 14 gisements comme celui-ci par année juste pour maintenir la production mondiale stable! C’est là où nous sommes rendus pour le futur de la production…
Depuis le milieu des années 1980, le ratio réserves / production s’est maintenu entre 39.8 et 43.4. Cette stabilité est principalement attribuable au fait que le prix du baril a augmenté. En effet, pour que la production suive la croissance de la consommation, il faut que le prix du baril justifie les coûts de production des nouveaux projets, et il faut faire les investissements nécessaires au développement de ces projets.
Ainsi, le projet de BP ci-haut mentionné et dont les coûts de production sont astronomiques n’est faisable que parce que le prix du pétrole est suffisamment élevé, autrement il serait abandonné. Présentement ce qui est positif est que les coûts d’opérations sont à un niveau très bas en raison du surplus de main d’oeuvre dans l’industrie suite à l’annulation de plusieurs projets. Imperial a réussi à rentabiliser le Kearl Oil Sands Project à un coût assez bas. Les prix des services pétroliers ont baissé de de 20% à 50% au cours des 18 derniers mois, non pas en raison de développements technologiques, mais simplement parce que l’industrie roule présentement à 35% de sa capacité (i.e. un énorme surplus). Cette situation pourrait se renverser rapidement.
À suivre demain: les conclusions.