2.1 – La première élection de Chavez
Suite à son coup manqué, Chavez a été emprisonné et Perez est demeuré au pouvoir, mais le coup de grâce pour Perez a été sa comparution pour corruption et détournement de fonds publics, pour laquelle il a été condamné en 1994 à 2 ans de prison. Il s’est par la suite exilé à Miami.
C’est aussi en 1994 que le président Caldera accorde son pardon à Hugo Chavez, qui est alors libéré et entame son accession au pouvoir, par la démocratie cette fois. Il bénéficie de l’aide de Luis Miquilena, le stratège politique derrière l’ascension au pouvoir de Chavez. Ce dernier lui a enseigné à faire de la politique et a forgé des alliances avec les autres partis de l’extrême-gauche permettant au MVR de prendre le pouvoir. Notez que Miquilena a par la suite été surnommé Dr. Frankenstein, ayant perdu le contrôle du monstre qu’il avait créé…
Chavez a été élu en 1998, avec une récolte de 56% des votes, alors que le taux de participation à l’élection a été le plus bas de l’histoire du pays. Le peuple, dégoûté par la corruption de l’administration précédente, a cédé au populisme et aux belles promesses de la révolution bolivarienne de Chavez, dont les détails étaient cependant nébuleux à l’époque. Chavez promettait de combattre la maladie, la malnutrition, la pauvreté et l’illettrisme, et il usait abondamment de la religion et des idées marxistes pour habilement convaincre son auditoire. La stratégie de Miquilena était simple et efficace : utiliser l’argent du pétrole pour s’acheter la plus grosse clientèle électorale du pays : les pauvres, qui représentaient plus de 50% de la population.
Dès son élection, Chavez a nommé des chavistas (supporteurs du régime de Chavez) à toutes les positions clés du gouvernement et de l’armée, incluant tous les juges de la cour suprême. Il avait donc l’appui des fonctionnaires, des militaires (au sein desquels il avait œuvré) et des pauvres (classe dont il était issu et à qui il promettait la lune). Plusieurs chavistas font partie de groupes appelés Cercles Bolivariens, formés sur l’initiative de Chavez, dont la plupart sont des groupes d’actions communautaires, mais dont certains sont des milices armées et entraînées. Il est d’ailleurs connu que Chavez supporte les guérillas FARC de Colombie en échange de l’entraînement prodigué par ceux-ci aux milices bolivariennes.
2.2 – Chavez et les médias
Après son élection, Chavez a convertit VTV (la chaîne nationale) en une véritable infopub pour sa révolution visant à endoctriner la population à sa cause. Il y tient notamment sa propre émission, Alo Presidente, tous les dimanches, durant laquelle il vante les mérites de la révolution, de Simon Bolivar et de Jésus. Quant aux autres stations de télé privées, il leur impose régulièrement des cadenas, c’est-à-dire des messages présidentiels qu’ils n’ont pas le choix de diffuser gratuitement. Durant les deux jours précédant la marche du 11 avril 2002, Chavez a imposé 35 cadenas, mobilisant 15 heures de diffusion. Il est difficile de rentabiliser une station de télé lorsqu’on vous pille plus de la moitié de votre temps d’antenne…
Récriminant la critique provenant des journalistes, Chavez fait passer une loi en juin 2001 lui permettant de fermer des stations de télé et de radio comme bon lui semble. En raison de ces actions (et pour d’autres raisons), les médias entretiennent une relation tumultueuse avec Chavez et deviennent excessivement cinglants à son égard, au point d’en perdre leur objectivité. Ceux-ci dénoncent avec exagération les largesses de l’administration Chavez et ne mettent l’emphase que sur les éléments négatifs de ses actions, ce qui est peu surprenant étant donné que plusieurs de ces médias étaient la propriété de riches hommes d’affaires opposés à Chavez.
En 2005, Chavez a créé la chaîne Telesur, une sorte de Al-Jazeera venezuelien. En 2007, Chavez a retiré la licence de diffusion de RCTV, l’une des plus importantes stations privées, ce qui a été dénoncé par la communauté internationale comme une grave atteinte à la liberté d’expression. En juillet 2009, Chavez a établi une loi permettant d’emprisonner jusqu’à 4 ans quiconque utilise les médias pour diffuser une fausse information qui nuit aux intérêts de l’État (ce qu’il interprètera de façon très large évidemment). En août 2009, il a décrété la fermeture de 34 stations de radio sous le prétexte qu’elles n’étaient pas en règle.
2.3 – Les autres opposants à Chavez
Les autres escualidos (opposants à Chavez) sont évidemment les membres de la communauté des affaires, qui se méfient de son agenda socialiste, mais aussi les syndicats, menés par un dénommé Carlos Ortega, chef de la puissante centrale syndicale CTV. L’Église s’oppose aussi à Chavez. De plus, au fil du temps, les mères de familles ont été choquées de constater que les manuels scolaires de leurs enfants, imposés par Chavez, étaient bourrés de propagande révolutionnaire et communiste. Elles ont été parmis les premières à se soulever contre Chavez pour cette raison.
2.4 – Les événements du 11 avril 2002
En novembre 2001, Chavez a utilisé le prétexte de la « crise nationale » pour instaurer 49 lois par décret. Ces lois lui donnaient plus de pouvoir et lui permettaient de faire un grand pas vers sa révolution. La loi la plus choquante était sans doute celle concernant les terres; lui permettant d’exproprier des terres pour les donner à des pauvres et, éventuellement, à des chavistas en guise de récompense. Cet épisode a engendré la plus grosse grève de l’histoire du pays, paralysant 90% de l’économie.
En mars 2002, Chavez s’attaque à la compagnie pétrolière nationale, PDVSA, qu’il désire contrôler pour mieux financer sa révolution. Il renvoie tous les membres du conseil d’administration pour les remplacer par des chavistas. Il renvoie aussi des dizaines d’employés qu’il juge escualidos. La population en a assez et déclenche une grève nationale, qui culmine le 11 avril 2002 par une gigantesque marche. Tous les partis politiques (sauf le MVR) sont présents incluant les socialistes / communistes (Bandera Roja, MAS) et les partis plus à droite (Action Democratica, COPEI, Primero Justicia). Le taux d’approbation de Chavez, qui était auparavant de 80%, était alors descendu à 30%.
À l’approche du palais présidentiel (Miraflores), les marcheurs essuient des coup de feu provenant des membres des cercles bolivariens. La police de Caracas s’interpose entre les deux groupes utilisant des gaz lacrymogènes. Le président Chavez ordonne l’exécution du plan Avila, ce qui implique que l’armée utiliserait la force contre la population pour arrêter une manifestation pacifique.
Les principaux généraux de Chavez refusent d’appliquer le plan Avila (qui avait fait tant de civils morts durant la Caracazo de 1989) et ne reconnaissent plus Chavez comme président, tout comme son mentor Luis Miquilena, qui fait une sortie médiatique dénonçant ses agissements.
Chavez finit par se rendre et est transporté dans une base militaire. En échange de la signature de sa lettre de démission, il serait déporté à Cuba, mais suivant les conseils de son ami Fidel Castro, Chavez refuse de signer. Entre-temps, le Dr. Pedro Carmona, à la tête de la Fedecamaras (la fédération des chambres de commerce), est nommé président par intérim. Ce dernier réunit son nouveau cabinet au Miraflores, où il énonce une série de décrets :
Annulation des 49 décrets de Chavez.
Dissolution de l’Assemblée Nationale.
Remplacement de tous les gouverneurs d’états.
Élimination du procureur général, de la cour suprême, du bureau de la protection du citoyen et du conseil des élections nationales.
Révocation de la constitution de 1999 (retour à celle de 1958).
Plusieurs jugent que le gouvernement par intérim a été trop loin, jugeant les décrets anti-démocratiques; Carmona perd le soutien des généraux militaires, de Carlos Ortega, le chef du syndicat CTV, ainsi que de 19 présidents de pays latino-américains. Par la suite, la garde nationale reprit le contrôle de Miraflores et Chavez fit un retour triomphal.
Chavez a utilisé ces événements comme prétexte pour mieux asseoir sa main-mise sur le pays. Il a notamment pris le contrôle de la Cour Suprême, faisant passer le nombre de juges de 20 à 32 (les 12 juges ajoutés sont des chavistas). Finalement, Chavez a fait de Carmona la figure de proue du coup, qu’il a décrit comme une tentative des hommes d’affaires de s’approprier la richesse pétrolière du pays (même si les hommes d’affaires ne représentaient qu’une petite portion de l’opposition).
Pour une chronologie complète des événements, voir ceci.
À suivre en 2010…
Ouf!
Il vient de descendre de quelques marches ce Chavez, à mes yeux.
Ont voit comment les médias sont d’une importance capitale pour le pouvoir en place. Quelques soit le régime à la tête d’un pays, la propagande par la presse écrite et télévisé est l’arme la plus efficace.
Très instructif votre papier, merci.
Pierre, il ne faut pas oublier que la communauté d’affaires du Venezuela a elle aussi manipulé les médias d’information. Loin de moi de vouloir défendre M. Chavez, cependant, il faut reconnaître que les riches vénézuéliens, appuyés par une classe moyenne qui n’est pas très sympathique envers Chavez, n’ont jamains hésité à manipuler l’information pour se débarasser de cette révolution…