1.1 – Le premier mandat de Perez
Suite à la crise pétrolière de 1973, les prix élevés du pétrole ont fait en sorte d’enrichir considérablement le Vénézuela, qu’on surnommait à l’époque Petite Arabie Saoudite. Le taux de change était alors de 4 Bolivars pour 1 Dollar (en 2001 il était de 700 pour 1 et aujourd’hui il est de 2,150 pour 1).
Mais durant les années 1980s, les choses ont commencé à tourner au vinaigre. L’État s’est mis à gaspiller les fonds publics dans des projets douteux. La corruption était grandissante. L’inflation était élevée et le pays s’est excessivement endetté. Les crimes violents étaient aussi en hausse.
Durant sa jeunesse, Chavez joint l’armée et et se fait des amis parmis les guérilleros, notamment Douglas Bravo. Il devient éventuellement instructeur, ce qui lui permet de « recruter » des révolutionnaires parmis les cadets, qu’il endoctrine à son idéologie. Bien qu’il ait fondé son mouvement révolutionnaire bolivarien (MBR-200 qui deviendra MVR) en 1983, ce n’est qu’en 1992 que Chavez se manifeste pour la première fois sur la scène politique en tenant de renverser le gouvernement de Carlos Andres Perez par un coup d’État.
Perez représentait le parti Action Démocratique, que beaucoup de gens considèrent, à tort, comme un parti de droite. Perez a certainement paru plus à droite relativement aux valeurs communistes de Chavez, mais son parti était plutôt de centre-gauche (social-démocrate, un peu plus à gauche que le Parti Québécois par exemple).
Le premier mandat de Perez (1974-1979) a été plutôt positif. Il a mené un gouvernement que l’on qualifiait de « progressiste » à travers le boum pétrolier. Il a grandement investi dans les infrastructures, il a instauré un système d’aide-sociale et d’éducation gratuite (l’illettrisme a chuté de 23% à 7% durant les années 1970s), il a nationalisé les industries du pétrole et de l’acier, il a investi dans des projets étatiques d’alumineries et d’hydroélectricité. Il est apparu comme un protecteur de l’environnement et un promoteur du développement durable, ce qui lui a valu le prix Earth Care en 1975, une première pour un dirigeant d’Amérique Latine. Plutôt gauchiste comme programme, vous en conviendrez.
1.2 – Campins et Lusinchi
Des allégations de corruption ont cependant affecté l’image de Perez vers la fin de la décennie, et il a perdu le pouvoir aux mains d’un parti socialiste mené par Luis Herrera Campins. Ce dernier s’est plaint d’avoir hérité d’un pays hyper-endetté, mais a cependant continué à l’endetter pour financer ses programmes collectivistes. Il a d’ailleurs été le précurseur de Chavez en ce qui a trait à sa politique de pétrole-diplomatique, en garantissant des approvisionnements en pétrole à plusieurs pays des Caraïbes. Il a mené le pays à une crise économique, au chômage et à la pauvreté.
Campins a été suivi par un autre président de l’Action Démocratique, Jaime Lusinchi. Le début de son mandat a été plutôt positif. Il a remis la situation financière du pays sur les rails en entreprenant le remboursement de sa dette, aidé par le prix élevé du pétrole. Cependant, devant la baisse du prix du pétrole à la fin des années 1980s, la fin de son mandat a pris un virage populiste et il a abandonné sa discipline budgétaire, plongeant à nouveau le pays dans la précarité financière.
1.3 – Deuxième mandat de Perez : Caracazo.
C’est dans ce contexte que Carlos Andres Perez a repris le pouvoir et a dû, contre son gré, accepter les conditions du Fonds Monétaire International en échange d’une aide financière de US$4.5 milliards. Perez fustigeait le FMI étant donné les exigences reliées à cet argent (le Consensus de Washington).
Les recommandations du Consensus de Washington étaient essentiellement positives et consistaient notamment à assurer la discipline budgétaire, à stopper les subventions et à rediriger l’argent vers les programmes de santé et d’éducation, à promouvoir le commerce international, à privatiser les entreprises d’État, à assurer la protection de la propriété privée et à diverses dérèglementations visant à promouvoir la concurrence. Le principal problème du Washington Consensus est qu’il a été beaucoup trop brusque. Lorsqu’on libéralise drastiquement des pays quasi-communistes menés par des dirigeants populistes voire dictatoriaux et des fonctionnaires corrompus, il n’est pas surprenant que cela mène à des crises. Des réformes graduelles adaptées aux réalités des différents pays impliqués auraient beaucoup mieux fonctionné.
Cependant, dans le cas du Vénézuela, la provision qui a soulevé les protestations du peuple a été la libéralisation du prix de l’essence, qui était maintenu artificiellement bas (comme nous le faisons avec notre électricité). Cette situation a mené à la fameuse Caracazo, une immense vague de protestations et d’émeutes survenue en février 1989. L’armée est intervenue sous la loi martiale (suivant le Plan Avila), faisant, selon certaines estimations, jusqu’à 3,000 morts chez les civils.
1.4 – Le coup manqué de 1992
Ce sont ces événements qui ont probablement poussé Hugo Chavez a préparer son coup d’État de 1992, sans succès. Le président Perez a réussi à lui échapper et son soulèvement a été maîtrisé.
Mais contre toute attente et malgré le fait qu’il se soit attaqué à un président démocratiquement élu, Chavez s’est attiré la sympathie du public suite à ce coup d’état manqué. Son fameux discours télévisé (surnommé Por Ahora) demandant à ses acolytes de jeter les armes pour éviter davantage d’effusions de sang (le coup a quand même fait 14 morts et 130 blessés) l’a présenté comme un défenseur des pauvres et des démunis, notamment en raison de son teint foncé (prédominant chez les pauvres vénézuéliens alors que les riches ont le teint plus blanchâtre).
Àsuivre…
Ce qui me frappe le plus dans votre écrit c’est que le premier mandat est souvent très teinté d’une intégrité évidente et positive pour la population en général.
Après, on dirait vouloir se récompenser d’avoir bien agit …..On devient trop gourmand.
Dans toutes les interventions du FMI que j’ai pu constater, je n’en ai pas vu une seule ayant vraiment été avantageuse pour le pays et son peuple. Le Fonds Monétaire International existe t-il pour aider un peuple à s’affranchir ou le rendre esclave de l’OMC ?
@Pierre
Votre remarque est plutôt exacte. Les premières années de Chavez ont été dans le sens de ses promesses, mais par la suite, les choses se sont grandement gâchées. Nous le verrons dans les parties subséquentes de ce dossier. J’ai notamment un graphique sur la corruption qui illustre exactement ce que vous mentionnez.
Concernant le FMI, les intentions sont bonnes, mais l’exécution médiocre.
Les politiques d’ajustements structurels sont trop drastiques. Il faudrait qu’elles soient plus graduelles et mieux adaptées aux pays visés.
Lorsque le communisme est tombé en Union Soviétique et que l’économie s’est libéralisée, beaucoup de problèmes ont émergé parce que le peuple et les institutions n’étaient pas habitués à fonctionner dans un tel système. Encore aujourd’hui, l’ajustement culturel n’est pas encore terminé là-bas. C’est comme jouer à un jeu de société dont personne ne connaît les règlements!
Évidemment, ces politiques visent à ce que la situation qui a mené à la demande d’aide ne se reproduise pas, de façon à ce que le prêt soit éventuellement remboursé, mais le FMI devrait se contenter d’exiger la discipline budgétaire et monétaire, et laisser le reste à la discrétion du gouvernement du pays impliqué.
Allez écouter le discours (sous-titré) de Chavez à Copenhague.
Sur : http://eso-news.blogspot.com/2009/12/hugo-chavez-copenhague.html
Extrait :
Ne changeons pas le climat, changeons le système, et, en conséquence de cela, nous commencerons à sauver la planète.
Il y a plus de 35 ans que je n’avais écouté un tel discours.
Il me rapelle Pierre Bourgault du R.I.N.