Si vous voulez en apprendre sur Hydro-Québec et sur sa privatisation potentielle, je vous recommande de lire l’excellente publication de Claude Garcia sur notre entreprise d’électricité nationale (voir lien au bas du billet). Je reviendrai pas ici sur les arguments de cette étude, mais il y a quelques points qui me titillaient un peu. Je vous propose donc de voir les choses d’un oeil d’investisseur, parce que c’est ce qu’Hydro-Québec est véritablement pour les Québécois: un investissement qui a été fait avec notre argent.
L’un des arguments que j’entend souvent de ceux qui sont contre l’augmentation des tarifs d’H-Q est que le rendement de l’avoir des actionnaires de l’entreprise (en bon français: return on equity ou ROE) est très compétitif et que, par conséquent, même avec les bas tarifs actuels, les Québécois sont bien compensés pour leur investissement « implicite » dans Hydro-Québec. Effectivement, le ROE d’Hydro-Québec s’est chiffré à 15.4% en 2008, ce qui est très bon pour une entreprise de services publics et occupe le haut du peloton comparativement aux entreprises canadiennes cotées en bourse de l’industrie (voir tableau ci-bas). Ainsi, ceux-ci affirment qu’une augmentation des tarifs serait abusive.
Cependant, laissez-moi nuancer un peu les choses. Premièrement, H-Q paie un dividende au gouvernement Québécois, tout comme les entreprises comparables paient un dividende à leurs actionnaires, mais elle n’est pas assujettie à l’impôt. Si on lui appliquait un taux d’imposition de 30%, son ROE baisserait à 10.8%. C’est quand même compétitif comparativement au groupe témoins, mais c’est beaucoup moins spectaculaire que 15.4%.
Deuxièmement, H-Q bénéficie d’un immense avantage que les entreprises comparables n’ont pas. Elle a accès, depuis 1969 et ce jusqu’en 2041, à 31.8 TWh d’électricité de la centrale Churchill Falls au Labrador au prix dérisoire de 0.27 cents le KWh! C’est 40 fois moins que son coût marginal de production! En comparaison, pour 2008, H-Q a obtenu un prix de 9.76 cents le KWh pour ses exportations hors-Québec. De plus, son coût marginal de production est entre $0.08 et $0.12 le KWh. Aussi bien dire qu’elle obtient cette énergie pour rien! L’étude de M. Garcia estime l’impact sur le bénéfice de cet avantage à environ $2 milliards. En me basant sur les chiffres de 2008, j’arrive à peu près à la même estimation. Si l’on ajuste le ROE après impôts d’Hydro-Québec en conséquence, on obtient un dérisoire 5.6%.
Ce chiffre est inférieur au coût de la dette de l’entreprise, ce qui fait en sorte que les Québécois n’obtiennent pas un bon rendement sur les investissements d’Hydro-Québec. Évidemment, l’augmentation des tarifs ne serait pas la seule façon d’améliorer le rendement d’Hydro-Québec. L’étude de M. Garcia démontre bien qu’il y a beaucoup d’inefficacités au sein de l’entreprise, tant au niveau des opérations, que du développement et de la structure. Le manque de productivité d’Hydro-Québec n’a d’égal que son manque de compétition. M. Garcia suggère la privatisation pour remédier à cette situation.
Ceci étant dit, il y a deux contre-arguments que j’aimerais démystifier.
Premièrement, les gauchistes nous diront que puisque H-Q bénéficie d’un tel avantage (bas coût de production en raison de Churchill), pourquoi n’en ferait-elle pas bénéficier les Québécois? La réponse est fort simple! Le prix dérisoire de l’électricité du bloc patrimonial, lequel n’est soutenable qu’en raison du faible coût de l’approvisionnement de Churchill Falls, fait en sorte que les consommateurs Québécois paient environ $0.07 par KWh (tarif résidentiel pour 1,000 KWh). Ce faible prix fait en sorte que la demande d’électricité est très forte au Québec.
Pour subvenir à la demande, H-Q doit sans cesse augmenter sa capacité de production par de coûteux investissements, et doit même importer de l’électricité durant les périodes de pointe de l’hiver. Tel que mentionné précédemment, son coût marginal de production est entre $0.08 et $0.12 (éolien, la Romaine, etc), ce qui signifie que l’entreprise perd de l’argent au fur et à mesure qu’elle investit dans sa capacité de production. Le prix qu’elle obtient en vendant sa production aux Québécois est inférieur à ses coûts de productions au niveau des nouvelles centrales qu’elle développe. Pas très winner comme stratégie d’investissement.
Deuxièmement, les gauchistes nous diront que ce n’est pas grave puisque les actionnaires et les clients d’Hydro-Québec sont essentiellement les mêmes personnes. Ceci est une grave erreur conceptuelle car cette affirmation insinue que nous sommes indifférents entre une baisse du prix de l’électricité et une baisse des impôts par exemple. Or, des impôts élevés découragent le travail, et donc la création de la richesse, alors que des tarifs d’électricité bas subventionnent la consommation d’électricité. En augmentant les tarifs d’électricité et en utilisant l’argent pour réduire les impôts, nous encouragerions le travail tout en incitant à l’économie d’énergie.
Il est d’ailleurs prouvé que les grands consommateurs d’électricité ne sont pas les pauvres, mais bien les riches, avec leurs immenses maisons à garages triple, ainsi que les entreprises. Quant aux moins nantis, des mesures pourraient très bien être mises en place pour les aider à transitionner vers un monde où l’énergie est vendue au juste prix. De plus, comme la consommation d’électricité baisserait au Québec en réponse à une augmention des tarifs, H-Q aurait davantage d’électricité à exporter, ce qui lui permettrait de réaliser encore plus de revenus. Finalement, comme l’électricité produite par H-Q est propre comparativement à celle produite en Ontario et dans le Nord-Est des États-Unis (charbon / gaz naturel), ces exportations permettraient de réduire les émissions polluantes.
Pour ce qui est de la privatisation d’H-Q, je ne favoriserais pas l’approche du premier appel public à l’épargne (PAPE) tel que le suggère M. Garcia, mais plutôt une vente graduelle des actifs à des entreprises privées. Les niveaux d’évaluation obtenus par ventes d’actifs hydro-électriques ont été nettement supérieurs à ceux auxquels transigent les entreprises publiques de l’industrie. De plus, une vente graduelle permettrait aux marchés des capitaux d’absorber plus facilement ces investissements. Nous aurions donc davantage de produits de ces ventes, qui pourraient être utilisés pour rembourser la dette provinciale. La réduction de la charge d’intérêts qui en découlerait pourrait être utilisée pour donner au Québec une plus grande marge de manoeuvre financière face au défi démographique qui nous attend.
ROE 2008 | Statutoty tax rate | |
Hydro-Québec | 15.4% | 0.0% |
TransCanada | 12.7% | 29.5% |
Enbridge | 10.8% | 31.3% |
TransAlta | 9.8% | 30.0% |
Fortis | 8.7% | 33.5% |
Emera | 9.9% | 35.5% |
Canadian Utilities | 15.7% | 29.5% |
Source: Rapports annuels.
http://www.iedm.org/main/show_publications_fr.php?publications_id=234
La privatisation n’aurait qu’un seul but encore, c’est de faire plaisir aux amis politiques. Comme je peux le constater, vous avez encore foi en la politique merdique et mensongèrement.
Monsier Charest utilise Hydro-Québec et sa marionette M. Vandal pour récompenser ses amis. Vous savez autant que moi toutes les secrets qui entour le moteur roue développé par Hydro. Hydro a fait deux voitures équipées du moteur de traction Couture….. où sont ces voitures maintenant. Même les chercheurs de l’IREQ n’ont aucune idée. C’est un mystère comme celui le l’avion AVRO.
Autre chose, on nous fait croire au déficit zéro alors que le gouvernement fait des détournement de fond dans ses différentes sacoches (dépenses d’immo versus dépenses courantes, etc). Il y a autant de déficit qu’avant sauf que l’on envoie la merde vers le futur.
Avec ces ptits exemples, il est difficiles de croire que l’argent ira aux Québécois et à la dette. Je n’y crois absolument pas. Il y a trop de chacals au Gouvernement.
J’admire votre blog, c’est très instructif merci de partager vos connaissances.
Sylvain Lavoie
@Sylvain
En effet, il y aurait bien sûr un risque que le gouvernement détourne l’argent de la privatisation vers autre chose que la réduction de la dette. Cependant, garantir à la population que c’est ce qui serait fait serait la seule façon de faire avaler la pillule politiquement.
Merci de vous intéresser à mon blogue.
[…] https://minarchiste.wordpress.com/2009/08/24/le-rendement-de-lavoir-des-actionnaires-dhydro-quebec-de… […]
Très intéressant. Je vais juste corriger quelques petites coquilles:
« Deuxièmement, H-Q bénéficie d’un immense avantage que les entreprises comparables n’ont pas. Elle a accès, depuis 1969 et ce jusqu’en 2041, à 31.8 TWh d’électricité de la centrale Churchill Falls au Labrador au prix dérisoire de 0.27 cents le KWh! »
En réalité, en 1969, la centrale n’était pas encore fonctionnelle. Le contrat a été signé en 1969 mais n’est entré pleinement en vigueur que quelques années plus tard (en 1976, je crois). Le contrat devra être renouvelé en 2016.
Actuellement, le prix est de 0,25 cent, soit encore plus bas que le prix que tu mentionnes. Mais la différence est insignifiante.
« L’étude de M. Garcia estime l’impact sur le bénéfice de cet avantage à environ $2 milliards. En me basant sur les chiffres de 2008, j’arrive à peu près à la même estimation »
C’est conservateur. D’autres évaluations s’approchent de 2,7 milliards.
@Éphémère
Je pense qu’en 2016, Hydro-Québec a l’option de le maintenir en force 25 ans de plus.
À la page 100 du rapport annuel 2008 d’H-Q:
« Le 12 mai 1969, Hydro-Québec et la Churchill Falls (Labrador)
Corporation Limited [CF(L)Co] ont signé un contrat en vertu duquel
Hydro-Québec s’est engagée à acheter la quasi-totalité de l’énergie
produite par la centrale des Churchill Falls, d’une puissance nominale
de 5 428 MW.
Échéant en 2016, ce contrat sera renouvelé automatiquement
pour les 25 années suivantes, selon des conditions déjà
convenues.
Le 18 juin 1999, Hydro-Québec et la CF(L)Co ont conclu
un contrat de garantie de disponibilité de 682 MW additionnels
de puissance d’hiver, pour la période du 1er novembre au 31 mars,
jusqu’en 2041. »
Petite question. Quand on dit qu’Hydro-Québec ne débourse que 0.0025$ / kWh, n’est-ce pas un peu trompeur ? Elle devait payer aussi des intérêts il me semble et une part de la construction, non ? Si c’est le cas, ne faudrait-il pas ajouter ces coûts en fonction de l’énergie produite et de la durée de vie de la centrale ? Vous l’avez fait par exemple dans votre article traitant de la Romaine justement parce que les coûts initiaux sont énormes dans le cas d’un barrage contrairement à leurs coûts d’opération. Dans le cas de la Romaine ou des autres barrages, je suis certain qu’il y en a au moins un, qui une fois entièrement payé, aura des coûts d’opération plus bas que les frais qu’Hydro-Québec doivent débourser pour Churchill Falls (à moins que les coûts d’opération à Churchill Falls soient rendus supérieurs au montant payé par Hydro-Québec) ?
Et quand vous parlez du Return on Equity des autres entreprises de services publics, vous semblez enlever un 30% complet d’impôts à Hydro-Québec. Est-ce exact? Si oui, n’est-ce pas un peu faux comme calcul ? Avec tous les privilèges et les crédits d’impôts que les entreprises peuvent aller chercher au Québec et ailleurs, elle paierait probablement beaucoup moins. D’ailleurs, je sais que ça fait souvent les manchettes en Floride avec la Florida Power and Light qui paie un taux réel d’imposition de 1.3% uniquement. Alors, si c’est le cas, il me semble que votre retrait de 4.6% de ROE est trop grand?
@Etatgrats
« Quand on dit qu’Hydro-Québec ne débourse que 0.0025$ / kWh, n’est-ce pas un peu trompeur ? Elle devait payer aussi des intérêts il me semble et une part de la construction, non ? »
Non, c’est bel et bien ce prix qu’HQ paie. C’est un contrat d’approvisionnement pur et simple, HQ n’est pas propriétaire de Churchill Falls.
» Dans le cas de la Romaine ou des autres barrages, je suis certain qu’il y en a au moins un, qui une fois entièrement payé, aura des coûts d’opération plus bas que les frais qu’Hydro-Québec doivent débourser pour Churchill Falls »
Non. Les coûts d’opération et de maintenance d’une centrale hydroélectrique sont nettement supérieurs à 0.0025$/kWh.
« Avec tous les privilèges et les crédits d’impôts que les entreprises peuvent aller chercher au Québec et ailleurs, elle paierait probablement beaucoup moins. »
Non, pour le calcul du ROE, on utilise le taux d’imposition effectif et les chiffres que j’ai donné pour les comparables sont bons. Un taux de 30% serait approprié pour HQ. Ceci dit, il est vrai que le taux d’imposition réel serait beaucoup plus bas ce qui ferait qu’un « cash ROE » serait plus élevé pour HQ et pour tous les comparables. Par exemple, pour Enbridge, ses impôts pour 2011 se chiffraient à $568 million pour un taux effectif de 34.8%, mais ses impôts payés cash ne se chiffraient qu’à $153 millions.
L’important est de comparer des pommes avec des pommes…et c’est ce que j’ai fait dans mon article.
Merci d’avoir répondu rapidement à ce vieil article aussi rapidement ! Toutefois, selon Wikipedia, Hydro-Québec aurait vraiment participé au paiement d’une partie des intérêts et à l’achat des quelques obligations le tout en dollars américains. Également, elle serait propriétaire de 34.2% de la centrale. Alors, si les coûts d’opération sont nettement supérieurs à 0.0025$/kWh, c’est les propriétaires de Churchill Falls qui paient la différence ? Alors, principalement les contribuables de Terre-Neuve et en parti les contribuables du Québec, c’est eux qui écopent ? Et donc puisqu’au départ Hydro-Québec aurait supposément réellement participé à l’achat d’une partie de la centrale, faudrait-il ajouter ces coûts aux frais de kWh comme on le fait avec la Romaine?
Voici ce qui est indiqué sur Wikipédia : « En échange de cet achat de 5 milliards de dollars sur la durée du contrat, Hydro-Québec accepte de participer aux risques de l’entreprise. Elle devra payer directement l’excédent des intérêts sur les obligations émises par CF(L)Co. au-delà d’un seuil fixé à 5 % — le taux d’intérêt des titres se situera entre 7¾ et 8 % —, garantir l’emprunt, assumer les risques du taux de change du dollar canadien sur les obligations en devise américaine en plus d’acheter directement 100 millions de dollars d’obligations. Le contrat accorde à Hydro-Québec une participation de 34,2 % dans CFLCo, l’entreprise propriétaire de l’ouvrage. »
Ça pourrait être intéressant de discuter de la dérèglementation du marché de l’électricité aux États-Unis. D’ailleurs, cette année ça faisait environ 10 ans que le Texas avait entamé la libéralisation (sauf si on compte que les réglementations de transition expiraient en 2007). Les avis semblent très mitigés là-dessus et pourtant il y a de nombreux compétiteurs sur un même territoire.
Merci encore!
@etagrats
Malheureusement, nous ne connaissons pas les coûts d’opération de CFLCo. Dans la mesure où ils sont non-nuls, HQ en assume 34%. Peut-être pourrions-nous les estimer à partir des états financiers d’une entreprise comme Innergex. J’y reviendrai plus tard.
@etagrats
Pour les actifs hydroélectriques d’Innergex, en 2001, ses coûts d’opérations se chiffraient à $11.70 du MWh ou $0.0117/kWh. Cependant, les centrales d’Innergex sont beaucoup plus petites que Churchill Falls. On pourrait donc croire que les coûts d’opération unitaires de CFLCo sont nettement inférieur à ce chiffre.
HQ paie environ $2.70 du MWh pour l’électricité de Churchill Falls.
On pourrait facilement croire que CFLCo réalise une perte d’au moins $3 pour chaque MWh vendu à HQ, donc environ $1 est assumée par HQ elle-même vu sa participation.
Ceci dit, j’ose croire que tout cela a été pris en compte par l’étude de M. Garcia, qui estime à $2 milliard/année l’avantage conféré par ce contrat dérisoire.
D’accord que M. Garcia a probablement calculé cette perte. Toutefois, mon point est qu’il a surtout calculé cet avantage de 2-3 milliards en fonction du fait qu’on aurait dû payer le prix du marché puisque c’est de l’électricité importée. Toutefois, je me dis qu’Hydro-Québec aurait préféré construire une centrale elle-même que d’investir dans ce projet si c’était pour importer autant d’électricité au prix du marché. En plus, Hydro-Québec a pris à sa charge une bonne partie des constructions et c’était un contrat que n’importe quelle entreprise privée aurait pu signer. C’est un peu comme si on disait qu’aujourd’hui on est loin de payer le prix du marché pour l’électricité de Manic-5, car on paie juste les coûts d’exploitation puisque l’amortissement de sa construction est maintenant entièrement payé. Pour moi notre seul avantage c’est le 3$ de perte qui est à la charge de Terre-Neuve plutôt que partagé selon notre utilisation et aussi la partie qu’on n’a pas payé de sa construction. Ça m’étonnerait donc que ceci donne autant que 2 milliards d’avantage par année.
Le ROE d’HQ est aussi dopé pour une autre raison: sa dette est garantie par le gouvernement du Québec. Si cette garantie n’existait pas, le rendement exigé par les créanciers de la société serait beaucoup plus élevé.
Sachant que sa charge financière équivalait à 20% de son chiffre d’affaires(2012), les conséquences d’un taux d’intérêt »concurentiel » sur le bénéfice net pourraient être énormes.
@Guillaume
Tout à fait juste.