« Capitalism and Freedom », Milton Friedman, 1962 (édition 2002), 202 pages.
Comme le titre le laisse présager, ce livre se veut une défense du capitalisme sous l’angle de la liberté individuelle.
Le premier chapitre démontre à quel point la liberté économique et la liberté politique sont connectés. Friedman reprend ici certains des arguments de Hayek dans « La Route de la Servitude ». Il y mentionne notamment que le marché est un mécanisme qui permet la coopération volontaire sans obligation de conformité.
« Chaque personne peut voter pour la couleur de cravate qu’il veut et l’obtenir; il ne dépend pas de la couleur de cravate que la majorité désire et n’a pas à s’y soumettre. »
Dans le second chapitre, il parle du rôle du gouvernement dans une société libre et indique que son rôle doit davantage être celui d’un arbitre plutôt que d’un autocratique paternaliste. Selon lui, l’intervention gouvernementale crée des tensions dans la société (puisque la minorité doit se conformer aux décisions des politiciens). Le marché permet de minimiser ces tensions sur le tissu social en rendant la conformité non-nécessaire.
Le troisième chapitre traite du système monétaire et présente la solution de Friedman aux avaries de la manipulation monétaire effectuée par les banques centrales. Il rejette l’étalon-or du revers de la main en invoquant la seule raison valable de le faire, soit que l’intégrité de ce système nécessite que les gouvernements soient disciplinés et évitent d’émettre plus de billets qu’il n’y a d’or sous-jacent, ce qui est effectivement une attente irréaliste. Friedman propose en revanche que la masse monétaire soit augmentée à un rythme annuel situé entre 3% et 5%.
Au quatrième chapitre, Friedman s’attarde au commerce international. Il y fait notamment la promotion du libre-échange ainsi que du système de taux de change flottants.
Le cinquième chapitre traite de l’inutilité de la politique fiscale; il se veut une sorte d’attaque au keynésianisme et aux plans de relance.
Le rôle du gouvernement dans l’éducation est abordé au chapitre six. Friedman souhaiterait que les écoles soient privatisées et que les gens obtiennent des « bons d’éducation » d’une valeur monétaire fixe leur permettant d’inscrire leur enfant dans une école. Il justifie cette forme d’aide sociale sur la base de ses effets diffus car selon lui l’éducation générale bénéficie à l’ensemble de la société. Il propose aussi que les études universitaires et vocationnelles soient financées par des emprunts remboursés à même les salaires futurs de l’étudiant.
Au septième chapitre, Friedman aborde audacieusement la discrimination. Selon lui, les gens qui font preuve de discrimination, par exemple en achetant pas un bien parce qu’il a été produit par une personne de couleur, s’impose un coût à eux-mêmes puisqu’ils devront soit payer plus cher pour leurs biens ou faire face à un choix de biens plus limité.
« je crois fermement que la couleur de peau d’un homme ou la religion de ses parents ne justifie aucunement de le traiter différemment et qu’un homme doit être jugé pour ce qu’il est et ce qu’il fait et non par ses caractéristiques extérieures (…). Mais dans une société basée sur la discussion libre, mon recours le plus approprié est de tenter de persuader ceux qui font preuve de discrimination que leur comportement est mauvais, et non d’user de la force coercitive de l’État pour leur imposer mes vues. »
Le huitième chapitre fait la démonstration que la plupart des véritables monopoles découlent de la coercition étatique. Il poursuit sur ce même thème au chapitre 9 en décrivant les effets pervers des accréditations, son exemple central étant celui de l’American Médical Association.
Le dixième chapitre traite de la distribution des revenus et de l’inutilité, voire de l’impact négatif sur la société, ces mécanismes de redistribution. Certains individus méritent des revenus plus élevés que d’autres simplement parce qu’ils travaillent davantage, chose que l’impôt pénalise. Dans d’autres cas, les revenus plus élevés sont expliqués par le niveau de risque ou d’incertitude plus élevé (par exemple les prospecteurs de pétrole, les acteurs hollywoodiens ou les ingénieurs oeuvrant en Irak ou au Nigéria). Pour éviter ces distorsions néfastes, Friedman propose un taux d’imposition fixe.
Dans le même ordre d’idées, le chapitre 11 aborde le sujet du bien-être social et démontre que la plupart de ces mesures ont des effets pervers qui font en sorte non seulement les objectifs de ces politiques ne sont pas atteints, mais aussi que le résultat contraire est souvent obtenu (exemples : salaire minimum, contrôle des loyers, subventions agricoles, etc). Au chapitre 12, Friedman propose comme mesure de soulagement de la pauvreté l’implantation d’un taux d’imposition négatif. Lorsque les revenus d’un individus sont au-dessous d’un certain seuil, celui-ci pourrait obtenir un paiement en argent équivalent à un certain pourcentage de ce seuil. Ce mécanisme aurait comme avantage de cibler directement la pauvreté, de ne pas discriminer les individus dans le besoin (sexe, race, âge, occupation, niveau d’éducation, statut matrimonial, etc), d’être sous la forme la plus utile et la plus flexible (i.e. argent comptant), d’être facile à administrer avec un minimum de bureaucratie et, surtout, de minimiser les effets pervers sur le marché.
Le message central du livre est que le problème majeur avec l’interventionnisme gouvernemental est qu’il cherche à utiliser la force coercitive pour forcer les gens à agir contre leur intérêt au bénéfice d’un supposé intérêt collectif, soit en imposant au gens ce que les politiciens croient être bon pour eux, soit en prenant aux uns pour donner à d’autres. C’est pour ces raisons que les politiques ont souvent l’effet contraire à celui escompté.
Ce livre commence peut-être à se faire vieux à certains égards, mais la plupart des thèmes abordés sont encore très pertinents aujourd’hui. Il permet notamment d’obtenir de façon très concise une excellente synthèse des idées de Milton Friedman, un géant du libéralisme.
@ Le Minaschiste
Je je promets de lire ce livre après avoir fini la lecture de »LA STRATÉGIE DU CHOC » de Noaomi Klein.
Je ne suis qu’au 10ième chapitre.
@Pierre Bourdon
Vous en avez du temps à perdre!
Je vous recommande fortement cet article, qui démolit littéralement Shock Doctrine:
Cliquer pour accéder à bp102.pdf
C’est excellent et à lire absolument si vous vous intéressez à Friedman et aux théories de Klein.
Les tactiques de salissage qu’elle utilise sont dégueulasses et son argumentation ne tient carrément pas la route avec la réalité.
Impossible de lui accorder une quelconque crédibilité.
De nombreux économistes dits « mainstream » affirment que les lois peuvent améliorer le bien-être des individus.
Ils donnent l’exemple de l’obligation du port de la ceinture de sécurité, ou de la limitation de vitesse, qui réduit le nombre d’accidents, de morts, de blessés.
L’argument fait sens. Le problème, c’est d’étendre ce principe au marché.
Et là, ça ne fonctionne plus aussi bien qu’on le voudrait.
Pour en revenir à Friedman, j’ai cru comprendre que les libéraux n’acceptaient pas le recours à l’impôt parce qu’en principe, il est coercitif. Friedman propose de subventionner les pauvres via les chèques scolaires « vouchers », mais ça revient à tolérer l’impôt.
Certes, un impôt très faible est peu douloureux, mais est-ce que c’est libéral pour autant ?
D’après mes lectures libertariennes, j’ai le sentiment que le libéralisme et l’impôt ne sont pas compatibles. Ai-je raté quelque chose ?
@M.H.
« D’après mes lectures libertariennes, j’ai le sentiment que le libéralisme et l’impôt ne sont pas compatibles. Ai-je raté quelque chose ? »
Non. Mais Friedman n’est pas un vrai libertarien.
Friedman justifie la subvention de l’éducation générale pour ses effets positifs diffus pour le reste de la société.
Si les impôts ne servaient qu’à financer l’éducation générale, ce serait un moindre mal!
Malheureusement, nos impôts servent à pleins de choses inutiles, qui n’aident pas la population, mais ne font que financer l’existence d’une bureaucratie parasitaire; comme louer des pandas à la Chine:
http://www.leblogueduql.org/2010/11/les-pandas-de-jim-prentice.html
Les théories quant aux libertés civiques de Friedman sont franchement correctes. Il est contre la conscription et contre la prohibition des drogues.
Mais ses théories économiques, c’est tout aussi étatique que les Keynésiens!
@Matvail
« Mais ses théories économiques, c’est tout aussi étatique que les Keynésiens! »
Je n’irais pas jusqu’à dire cela.
Ce n’est qu’une vision différente des choses, élaborée à partir du constat que le système étalon-or fonctionne mal en pratique (parce que les gouvernements ne le respectent pas).
Pouvez-vous détailler cet « impôt négatif » ?
Si l’impôt est fixe, comment pourrait-il en avoir un négatif pour une partie de la population ? Où fixer le seuil ?
@Xavier
Le seuil serait le même que pour l’impôt positif.
Si le seuil du revenu imposable est de $15,000 et que votre revenu est de $12,000 et que le taux de taxation unique est 20%, vous recevez un paiement (impôt négatif) de $600.
Dans ce cas, n’est-ce pas un salaire minimum deguise?
@john mankiev
BIenvenue sur mon blogue.
Ce n’est pas comme un salaire minimum.
Le salaire minimum est payé par l’employeur alors que l’impôt négatif est payé par les contribuables à travers l’État.
Le salaire minimum est fixe par heure.
Alors que l’impôt négatif dépend de votre revenu par rapport au seuil et est annuel.
Le salaire minimum crée une distorsion sur le marché du travail (i.e. du chômage), alors que l’impôt négatif minimise la distorsion.
Merci de l’accueil! 🙂
Oui, je comprends… C’est pourquoi je parlais de salaire minimum deguise. Plutot qu’etre fixe et assume par l’employeur, il est proportionnel et assume par les contribuable. De mon point de vue, il dilue la distorsion, mais la distorsion est toujours presente et les effets pervers pour l’individu sont toujours les memes…
Encore un moyen aux effets pervers.
@John Mankiev
Le point de vue de Friedman est que l’aide sociale est justifiable en raison d’effets positifs diffus.
Selon lui, le système qui permet de bénéficier de ces effets positifs en minimisant l’impact sur les marchés et sur la liberté est l’impôt négatif.
Une allocation universelle ne serait-elle pas préférable ?
C’est totalement équivalent.
Dans le cas de l’impôt négatif, le fait que l’impôt négatif soit versé par l’administration fiscale permettrait peut-être quelques menues économies sur le personnel administratif.
@Fred
Je pense que les économies seraient plus que menues puisque cela remplacerait presque l’ensemble des programmes sociaux.
@minarchiste:
L’allocation universelle remplacerait aussi l’ensemble des programme sociaux.
Une « allocation universelle » au sens de revenu minimum garanti? Mais dans un monde où le capital se monopolise, que la société détruis plus d’emplois productifs qu’elle n’en génère (société de service vs société de production), il y aura donc de plus en plus de gens qui auront besoins de cette « allocation universelle ».
Je pense que vous vous éloignez des idées libertariennes. La vrai liberté, ce n’est pas donné la totale liberté aux grandes entreprises et donner quelques peanuts aux naufragés du système. Le vrai libertarianisme vient en opposition au patronat autant qu’à l’État et aux syndicats. Selon moi, il y a deux sortes de libertariens : les profiteurs (bourgeois qui veulent le champs libre) ou les idéalistes (qui pensent changer le monde sans rien imposer à personne).
Je pense qu’il existe trop de sortes de libertariens, la plupart étant des chauvins qui brandissent ce mot comme les étudiants des années 70 prônaient le marxisme-léninisme. Une sorte de mode passagère. Sans une réelle éducation populaire de l’économie et de la politique, il n’y a pas de révolution possible.
« Je pense que vous vous éloignez des idées libertariennes. »
Je pense que vous ne saisissez vraiment pas ce qu’est vraiment le libertariannisme, ni même ce qu’est la liberté à la base.
Tant l’allocation universelle que l’impôt négatif sont des compromis qui n’entrent pas du tout dans l’idéologie libertarienne.
Il est fort possible que vous confondiez libertarien et libertaire.
« Mais dans un monde où le capital se monopolise, que la société détruis plus d’emplois productifs qu’elle n’en génère (société de service vs société de production), il y aura donc de plus en plus de gens qui auront besoins de cette “allocation universelle”. »
Vous noterez que les pays où les plus capitalistes sont ceux où la pauvreté est la plus faible. Ce commentaire est donc totalement impertinent.
Je pense que vous en avez beaucoup à apprendre sur le libertariannisme et le capitalisme, et vous êtes au bon endroit pour le faire.