Depuis l’arrivée de son nouveau président, Michel Sabia, la Caisse de Dépôts et Placements du Québec (CDPQ), le gestionnaire de notre régime des rentes, a clairement renoué avec son agenda visant à soutenir les entreprises québécoises.
Depuis moins de deux ans, la Caisse a déployé près de $2 milliard dans des entreprises Québécoises majeures. Voici le fruit de mes recherches à cet égard. Notez que ces transactions ne sont que celles dont nous avons entendu parler dans les médias. Il est fort probable que la Caisse a discrètement acheté bien plus de parts dans ces entreprises sans que nous ne le sachions. Par ailleurs, la Caisse investit aussi dans des petites entreprises qui ne sont pas cotées en bourse.
Février 2011 : la CDPQ augmente sa part dans Gaz Metro (à travers Noverco) de 10.7% pour environ $227 million. Elle avait augmenté sa participation en novembre 2010, achetant les parts détenues par SNC-Lavalin. La Caisse détient 66% de Trencap, qui détient 61% de Noverco, qui détient 71% de Gaz Metro (Valener détient l’autre 29%). Donc La Caisse détient effectivement 28.6% de Gaz Metro, une entreprise québécoise de distribution de gaz naturel.
En juillet 2011, Gaz Metro annonce l’acquisition de Central Vermont Public Service aux États-Unis pour $720 millions. Cette acquisition crée peu de valeur car l’entreprise annonce qu’elle réduira la facture des clients de CVPS de $144 millions tout en s’engageant à ne renvoyer aucun employé. Gaz Metro dû aussi payer une pénalité de $19.5 million à Fortis qui était alors en processus d’acquérir CVPS. Gaz Metro a payé $35.25 (plus un dividende de $0.23), soit 35% de plus que le prix du marché, et comparativement à l’offre de $35.10 de Fortis. Pour financer cette acquisition, Gaz Métro a émis $260 million en actions, dont $75 million ont été acquises par Valener et le reste, soit $185 million, ont été acquises par Noverco (ce qui signifie donc un investissement de $53 million par La Caisse).
Novembre 2011 : La Caisse prête $25 million à Boralex et Valener pour financer la ferme d’éoliennes de la Seigneurie de Beaupré.
Septembre 2011 : La Caisse injecte $200 million dans Industrielle-Alliance, une compagnie d’assurance vie basée à Québec, à $33.31 par action. Le titre se transige présentement autour de $21.50, soit une baisse de plus de 35%.
En mai 2012, la Caisse annonce un investissement de $1 milliard dans la firme CGI pour l’aider à acquérir la firme européenne Logica. La Caisse a payé $21.41 par action, alors que le titre se transige présentement à presque $24. CGI est un entreprise de logiciel basée à Montréal.
En juin 2012, La Caisse annonce un investissement de $100 million en actions de la Banque Laurentienne à un prix de $41.85, pour l’aider à acheter les actifs de AGF Trust. Le titre de la banque a grimpé de 10% depuis l’annonce. AGF Trust se spécialise dans les prêt sur investissements (i.e. des prêts qui servent à acheter des parts de fonds communs de placement). Notez que la Banque Laurentienne venait tout juste de terminer l’acquisition d’une affaire similaire, celle de Mackenzie Financial, une firme de fonds communs de placement appartenant à IGM Financial, qui elle est contrôlée par Power Corporation.
En juin 2012, La Caisse achète $98.5 million d’actions de Genivar, une firme d’ingénierie québécoise, pour financer l’acquisition de l’entreprise britannique WSP Group. En décembre 2011, La Caisse avait acheté $80 million d’actions de Genivar. La Caisse détient maintenant 14.6% de Genivar. La Caisse a payé environ $25, alors que le titre se transige présentement autour de $24.
En juin 2012, La Caisse prête $50 million en débentures subordonnées à la mutuelle d’assurance SSQ pour l’aider à acquérir les opérations d’assurance-vie de AXA Canada, elle-même acquise par Intact. Intact est une entreprise d’assurance de dommage et ne vend pas d’assurance-vie, ce pourquoi elle voulait se départir du segment assurance-vie d’AXA.
En juillet 2012, la Caisse injecte $125 million dans l’entreprise de production d’électricité Innergex, à un prix de $10.27 par action, pour l’aider à acquérir des actifs éoliens et hydroélectriques au Canada.
Puis, à la fin juillet, la Caisse augmente sa participation dans Rona, un détaillant de produits de rénovation, de 12.2% à 14.2% au coût d’environ $34 million. La raison est que l’entreprise américaine Lowe’s a fait une offre d’achat de $14.50 au conseil d’administration du détaillant québécois, qui l’a jugée insuffisante malgré le fait qu’il s’agisse d’une prime de 22% sur le prix de l’action au marché. La Caisse, les franchisés de Rona et le fonds FTQ détiennent environ 28% de l’entreprise. En atteignant 33.3%, ceux-ci pourraient sérieusement mettre des bâtons dans les roues de Lowe’s. C’est donc pour bloquer cette transaction que la Caisse utilise notre « bas-de-laine » collectif.
Cela ne va pas sans rappeler lorsque la Caisse avait pris une importante position dans Québécor pour l’aider à acquérir Vidéotron et ainsi éviter qu’elle ne tombe aux mains de l’entreprise ontarienne Rogers Communications.
Notez finalement que la Caisse prendra une position de 9% dans le Groupe TMX, qui détient les bourses de Montréal, Toronto et Vancouver, entre autres, par sa participation dans le consortium Maple. Cela lui permettra d’avoir son mot à dire sur le sort de la Bourse de Montréal. On parle tout de même d’un investissement de $320 million. Notez que cette transaction avait initialement pour but de bloquer une offre d’achat par le London Stock Exchange. Maple est un consortium formé de banques et fonds de pension canadiens. Le Groupe TMX sera fusionné avec son principal concurrent, Alpha.
La Caisse détient aussi une importante participation dans Héroux-Devtek, qui vient de se départir de certaines de ses divisions et qui redéploiera le capital dans ses activités de trains d’atterrissage. Est-ce que l’aide de la Caisse pourrait être requise? On verra…
De plus, il ne me surprendrait pas que la Caisse en vienne à prendre position dans Cogeco (contrôlée par Rogers Communications), Boralex (contrôlée par Cascades), Alimentation Couche-Tard ou même Métro. Il est à souligner que Boralex, Cogeco et Couche-Tard ont récemment accompli des acquisitions majeures à l’extérieur du Canada. Je suis prêt à parier que la Caisse leur a signalé que si elles désiraient poursuivre sur leur lancée, le bas de laine des québécois leur fournira l’oseille…
Je ne vois pas ces transactions d’un bon oeil, car en bénéficiant de la « protection » de la Caisse, ces entreprises peuvent maintenant ignorer la pression des marchés financiers et se comporter de manière moins disciplinée, ce qui fait qu’elles risquent de détruire de la richesse. L’acquisition de Central Vermont par Gaz Métro ne créera pas de valeur et la bourse aurait fortement puni le titre si elle n’avait pas été financée par la Caisse (le titre de Valener, un proxy pour Gaz Métro, a perdu -7% depuis l’annonce). L’acquisition de Logica par CGI est fort risquée et fait froncer les sourcils de plusieurs investisseurs en Europe. Innergex paie le plein prix pour les actifs d’électricité qu’elle a acquis. L’acquisition réalisée par Genivar au Royaume-Uni diluera ses marges de rentabilité et l’amène sur un marché qu’elle connaît moins et où elle n’a pas de masse critique. AGF Trust, acquise par la Banque Laurentienne, est une ligne d’affaires générant un bien faible rendement et offrant peu de perspectives de croissance. Le prix payé pour les actions de Rona récemment acquises par la Caisse représente une forte prime sur le prix du marché et il est peu probable que Lowe’s renchérisse à plus de $15 vu la réaction de ses actionnaires à son offre. Finalement, il ne faut pas oublier que la Caisse n’a pas fait un bon rendement sur son investissement dans Québécor, même si Vidéotron est maintenant sa filiale la plus rentable.
En somme, nos épargnes seraient bien mieux investies si elles étaient laissées entre nos mains, ou du moins si elles étaient gérées par une firme privée axée sur les rendements stables à long terme, et non sur l’interventionnisme étatique et un comportement nationaliste dépassé.
Tellement d’accord avec vous là-dessus. Le plus choquant c’est quand les journalistes classifient la CAQ comme étant un parti de droite. Pourtant toutes leurs promesses sont indiscutablement à gauche et surtout celle voulant forcer la Caisse à investir uniquement dans des entreprises québécoises…
Ma prédiction s’est révélée fondée ce matin; la Caisse investit dans Cogeco!
http://affaires.lapresse.ca/economie/medias-et-telecoms/201301/30/01-4616523-la-caisse-investit-50-millions-dans-cogeco-cable.php?utm_categorieinterne=trafficdrivers&utm_contenuinterne=cyberpresse_BO4_la_2343_accueil_POS1
Voici l’extrait du billet où j’en parlais:
« De plus, il ne me surprendrait pas que la Caisse en vienne à prendre position dans Cogeco (contrôlée par Rogers Communications), Boralex (contrôlée par Cascades), Alimentation Couche-Tard ou même Métro. Il est à souligner que Boralex, Cogeco et Couche-Tard ont récemment accompli des acquisitions majeures à l’extérieur du Canada. Je suis prêt à parier que la Caisse leur a signalé que si elles désiraient poursuivre sur leur lancée, le bas de laine des québécois leur fournira l’oseille… »