Cela fait maintenant une dizaine d’années qu’on nous sonne l’alarme du choc démographique imminent au Québec. Selon une étude de Desjardins publiée en mai dernier, le Québec s’apprête à vivre deux ondes de choc simultanées au plan démographique, soit celle du vieillissement de son bassin de main-d’oeuvre qui va s’accélérer et, dans quelques années, celle d’une baisse de la population active.
Nés en 1946, les premiers baby-boomers fêteront leur 65e anniversaire cette année. Dans un an, soit en 2011, ils auront atteint l’âge normal de la retraite. Nous observerons donc une baisse de la population active et une augmentation de la population inactive. Selon le scénario de référence de l’Institut de la statistique du Québec (ISQ), en 2031, il y aura deux travailleurs pour un retraité. En 2001, ce ratio était de cinq travailleurs pour un retraité.
En quoi cela est-il un problème? Desjardins met l’emphase sur l’impact négatif que cela aura sur la croissance du PIB réel total. C’est logique puisque la croissance du PIB est stimulée par la productivité, par la quantité de capital productif ainsi que par la quantité de travailleurs (population active). Donc, si la population active diminue, le PIB potentiel total diminue aussi (ceteris paribus).
Il aurait été davantage intéressant d’observer l’impact sur le PIB par habitant. D’ailleurs, la productivité sera probablement excellente puisque le chômage sera très bas et que nous remplacerons des travailleurs âgés par de jeunes travailleurs dynamiques et hautement éduqués.
Ceci étant dit, la réduction du PIB potentiel total est un problème majeur pour l’État puisque ses recettes fiscales diminueront alors que ses dépenses continueront d’augmenter. En outre, les retraités sont de grands consommateurs de services sociaux, surtout en santé. Cette situation sera exacerbée par les mauvais rendements de la Caisse ces dernières années ainsi que par les mauvais rendements boursiers durant la dernière décennie, qui ont grugé le peu d’épargne existant.
L’État-providence et le keynesiannisme
Le choc démographique est un problème pour deux raisons.
Premièrement, notre système d’État-providence fait en sorte que ces retraités se retrouvent sur le dos des contribuables pour l’obtention de généreux services sociaux. Nous pouvons nous demander si nous vivons présentement selon nos moyens en terme de services sociaux (je pense que non), mais dans quelques années la question ne se posera plus. Nous n’aurons plus les moyens d’un tel filet social. Il faudra donc soit couper dans les services, ce qui est politiquement impossible, ou augmenter les revenus de l’État par les taxes, impôts et tarifs, la solution la plus plausible. Les conséquences économiques de ces actions seront dévastatrices.
Ainsi, durant leur vie active, les baby-boomers ont mis en place de généreux programmes sociaux, incluant un régime de pension (Régie des Rentes). Ils ont endetté le gouvernement et ce sont les prochaines générations qui devront payer pour leurs excès. Il est là le véritable choc démographique.
Deuxièmement, après plus d’un demi-siècle de keynesiannisme, cette façon de gérer l’économie nous a finalement amené au bord du gouffre où elle devait inévitablement nous mener avec toute son absurdité. Comment? Keynes était contre l’épargne et vénérait la consommation. Que ce soit par des politiques monétaires inflationnistes ou par des dépenses gouvernementales, nos gouvernements ont mis en place des politiques visant à stimuler à tout prix la consommation, que ce soit pour sortir des récessions ou pour maintenir la croissance.
Résultat: les gens ont consommé, se sont endettés et ont peu épargné. Arrivant à la retraite, ils seront donc à la remorque des contribuables et dépendants de l’État-providence pour leur survie. L’État est endetté et n’a pas de marge de manoeuvre.
Conclusion
Le choc démographique sonnera-t-il le glas de l’État-providence et causera-t-il l’implosion du gouvernement québécois? Ce n’est pas impossible. Les travailleurs les mieux rémunérés de notre société sont aussi souvent les plus compétents, les plus productifs et les plus mobiles. Ceux-ci n’accepteront pas ce fardeau fiscal et fuieront vers des contrées où les gens vivent selon leurs moyens sans dépendre des autres. L’assiette fiscale de l’État en sera d’autant plus réduite. Plus de 40% des gens ne paient pas d’impôts au Québec et ce sont eux qui consomment le plus de services sociaux.
« L’État, c’est la grande fiction à travers laquelle tout le monde s’efforce de vivre aux dépens de tout le monde. »
– Frédéric Bastiat, 1848
Le gouvernement Charest ne semble toutefois pas enclin à prendre la bonne direction et à vivre selon ses moyens. Il annonçait il y a quelques temps une série de hausses de tarifs visant à augmenter les revenus de l’État. Il a même parlé d’une hausse possible de la TVQ. Il s’est néanmoins abstenu de parler de hausses d’impôts ce qui est minimalement réjouissant.
Dans une société minarchiste, le choc démographique serait un « non-event ». Chacun vivrait selon ses moyens, épargnerait pour ses vieux jours et s’achèterait des assurances pour couvrir les risques majeurs. Personne ne vivrait aux dépends de personne; c’est ça la vraie justice sociale.
Excellente cette citation de Bastiat. Dire que ce génie est un quasi-parfait inconnu en France !!!
Article très intéressant, comme toujours. 🙂
Ca va être la misère pour beaucoup de monde cette histoire là.
Et bien chez nous en France, nous avons recours à l’immigration pour pallier au manque de main d’œuvre, et à une politique nataliste forte.
Mais on va quand même revoir le régime des retraites la semaine prochaine; cela tient surtout aux régimes spéciaux et aux fortes disparités selon les secteurs.
Excellent billet !!!
En tout cas, les ‘ceuses’ qui prônent encore plus « d’état collectiviste », ne pourront pas dire que nous n’avons pas tout essayé pour les avertir de ce qui s’en venait !
S’il ne veulent pas réfléchir maintenant et remettre en question leur dogmes maintenant, les réalités que vous décrivez -avec brio- ici, vont s’en charger à leur place…
Triste, mais « c’est ça qu’est ça »…
Zut, je fais même des fautes lorsque j’écris en joual:
« c’est ça qu’y’est ça »
et
LeurS dogmes
Bon, la perfection n’est vraiment pas de ce monde et surtout pas dans ma façon d’écrire.
🙂
Ce qui est malheureux c’est que c’est nous qui devrons payer pour leurs abus…
Excellent billet! Je suis présentement étudiante au MBA et je crois que tu as bien raison de dire que « Les travailleurs les mieux rémunérés de notre société sont aussi souvent les plus compétents, les plus productifs et les plus mobiles. Ceux-ci n’accepteront pas ce fardeau fiscal et fuieront vers des contrées où les gens vivent selon leurs moyens sans dépendre des autres. », je ne crois pas que je tolérerais encore bien de hausses d’impôts, et je suis entouré de gens dans la même situation. La situation au Québec est très triste…..
@Amélia
Merci et bienvenue sur mon blogue.
Choc démographique non événement?
Vous plaisantez! Appelez non-événement le fait de devoir travailler plusieurs années de plus ou d’épargner significativement plus, faut vraiment avoir de sacrées oeillères idéologiques pour dire cela.
Car le système par capitalisation est tout aussi sensible au choc démographique que les systèmes par répartition, avec toutefois une possibilité de diversification au niveau international (à condition qu’il y ait liberté de circulation des capitaux et pas trop de spoliations sur les actifs étrangers sur une période de 30 ans).
Quant aux système par capitalisation, voici les autres contraintes qu’il peut subir:
_l’état peut chercher à contrôler l’épargne en question (cf plan 401(k) aux États-Unis) pour la maintenir captive au sein du pays en question.
_en cas de difficultés financières, l’état en question peut toujours faire main basse sur cette épargne. Et si l’état en question préfère sacrifier ses créanciers étrangers, ces derniers ne se privent pas de mesures de rétorsion. (cf Argentine en 2009)
_les retraités peuvent faire pression pour maintenir artificiellement un rendement élevé pour leur épargne, ce qui a le même effet que des impôts élevés. Beaucoup soupçonnent que cela pourrait expliquer la décennie perdue du Japon.
À supposer que l’état se soit totalement dégagé des retraites, il n’en demeure pas moins que les choses suivantes vont se produire à des degrés divers dans les prochaines années:
_ réduction des retraites
_augmentation de la durée de cotisation/épargne
_augmentation du montant des cotisations/épargne.
Après, il se peut qu’un système de capitalisation permette de mieux arbitrer entre ces possibilités et que cela augmente le capital productif. Mais on ne peut pas dire cela rend la démographie négligeable.
@Fred
Je ne vous suis pas du tout.
Que voulez-vous dire par système par capitalisation?
Le choc démographique au Québec surviendra parce que les revenus de l’État vont se mettre à baisser en même temps que ses dépenses vont augmenter.
La raison pour laquelle les dépenses augmenteront est que nous sommes dans un système d’État-providence.
Éliminez l’État-providence et le choc démographique n’est pas un problème: les dépenses baissent en même temps que les revenus.
Mais les gouvernements sont tellement imbéciles, pas capable de prévoir plus loin que la prochaine élection.
Si pour vous le fait de perdre une partie significative de son revenu n’est pas un problème, effectivement, il n’y a pas de problème des retraites. (mais dans ce cas, les impôts ne devraient pas en être un non plus…)
Que cela supprime le problème *politique*, peut-être, mais certainement pas le problème économique et social.
Et comme je l’ai mentionné, il n’est absolument pas certains qu’éliminer l’état-providence supprime le problème politique. Les retraités (mais pas seulement) seront tentés de faire pression sur le gouvernement pour qu’il gonfle artificiellement le rendement des placements qu’ils auront fait par le passé.
Peut-être que le terme de capitalisation n’est pas couramment usité au Québec. Il désigne simplement le fait que la retraite est assurée par l’accumulation d’un capital au cours de phase d’activité, capital qui est ensuite liquidité lors de la retraite.
@Fred
Ici on parle d’un régime à cotisations déterminées par opposition à un régime à prestations déterminées.
Et en quoi le système actuel n’est-il pas un « régime à cotisations déterminées par opposition à un régime à prestations déterminées. », puisque vous savez très bien que l’ajustement ne se fera pas seulement sur le niveau des cotisations?
De surcroît, je ne vois pas bien en quoi l’absence de garanties est un avantage, hormis pour celui qui propose le plan de retraite.