“10% Less Democracy”, par Garett Jones, 2020, 248 pages.
Dans ma revue de l’excellent livre « Democracy for Realists », j’expliquais que les attentes envers la démocratie sont beaucoup trop élevées. Le système implique que les électeurs aient des opinions sur les divers enjeux politiques, qu’ils fassent de leur mieux pour se renseigner sur ces enjeux et sur les positions des partis politiques, et qu’ils votent pour le parti politique qui les représentera le mieux de façon à ce que leurs avis influencent la société.
Il n’en est rien. Les gens sont mal renseignés, soutiennent des politiques qui vont à l’encontre de leurs intérêts et votent souvent pour le parti dont l’orientation est inverse à leurs convictions.
Le problème n’est pas juste que les électeurs sont irrationnels, mais aussi qu’ils sont passablement ignorants et fondent leurs convictions politiques sur des anecdotes, des idées reçues et, surtout, sur la vision inculquée par le parti qu’ils supportent (une question souvent plus identitaire que rationnelle).
De nombreuses études ont démontré que la plupart des résidents de pays démocratiques ont peu d’intérêt envers la politique et ne suivent pas les nouvelles d’affaires publiques outre qu’un survol des grands titres. Ils ne connaissent pas les détails même des débats les plus intenses et saillants de l’heure. Ils ne comprennent pas vraiment les positions des partis politiques sur les principaux enjeux et ils votent souvent pour des partis qui ont des positions différentes d’eux sur ces enjeux.
Article connexe : Les attentes irréalistes envers la démocratie.
Dans le livre « 10% Less Democracy », l’économiste Garett Jones aborde le problème d’un autre angle. L’idée centrale du livre est que dans la plupart des pays développés, la démocratie va trop loin. Il est d’opinion que les politiciens élus (et les citoyens qui votent pour eux) devraient être tenus un peu plus éloignés des leviers du pouvoir en faveur de technocrates de carrière. Autrement dit, Jones préfère des bureaucrates indépendants et non-élus et en ce qui concerne les élus, ils souhaite que leur terme soit plus long.
La démocratie favorise-t-elle la croissance économique?
La démocratie est tout de même un système précieux. Les pays les plus démocratiques n’ont jamais connu de famines et n’ont jamais assassiné leurs propres citoyens en grands nombres. Certains pensent que la démocratie favorise la croissance économique, simplement en observant que les pays plus démocratiques sont actuellement plus riches que les moins démocratiques.
Cependant, il faut noter que les pays deviennent généralement plus démocratiques après avoir fait croître leur économie suffisamment pour qu’émerge une classe moyenne qui en vient à s’organiser politiquement. Il semble donc que ce n’est pas la démocratie qui rend certains pays plus riches, mais bien la création de richesse qui rend certains pays plus démocratiques (un phénomène soulevé par le sociologue Seymour Martin Lipset en 1959).
Par ailleurs, lorsqu’un pays devient démocratique, sa croissance économique n’est pas plus rapide, ni plus lente, qu’auparavant. L’accession à la démocratie ne semble pas avoir d’impact sur la croissance économique.
Une étude de l’économiste d’Harvard Robert Barro a montré que l’impact de la démocratie sur la croissance économique serait comme un « U » inversé, c’est-à-dire que lorsque le niveau de démocratie d’un pays augmente, la croissance en bénéficie, mais au-delà d’un certain point, les bienfaits diminuent rapidement et deviennent même négatifs. L’étude de Barro publiée en 1996 démontre que le point optimal de démocratie est en assez faible, c’est-à-dire qu’il faut peu de démocratie pour maximiser la croissance économique.
Favoriser les électeurs éduqués
Pour qu’une démocratie fonctionne bien, il faut que les électeurs soient bien informés. Par contre, le vote des électeurs les mieux informés a le même poids que celui des électeurs les moins informés. Jones souhaiterait faire pencher la balance un tout petit peu du côté des électeurs mieux informés.
Dans les pays riches, les gens mieux éduqués votent déjà en plus grande proportion que les moins bien éduqués. Jones souhaiterait accentuer un peu ce phénomène.
En 1912, la constitution italienne imposait un âge minimal de 30 ans pour obtenir le droit de vote pour les citoyens illettrés. Six ans plus tard, en 1918, cet âge fut réduit à 21 ans. Puis, en 1922, le pays a élu le pire premier ministre de son histoire, Benito Mussolini.
L’autre moyen de donner plus de poids aux « élites » dans la gestion du gouvernement est d’avoir une chambre-haute au parlement qui approuve les lois. La House of Lords au Royaume-Uni et le Sénat au Canada permettent de donner plus de pouvoir à une certaine élite qui n’a pas été élue et de lui donner une influence concrète sur le gouvernement. Selon Jones, ce concept devrait être renforcé.
En Irlande, 10% des sièges de la chambre haute sont élus par des diplômés des meilleures universités du pays. Ce serait un bon moyen de s’assurer que des gens plus éduqués puissent avoir une certaine influence sur le gouvernement.
La banque centrale : une institution non-démocratique.
Jones fait remarquer que dans certains pays, le dirigeant de la banque centrale conserve une certaine indépendance du gouvernement, alors que dans d’autres pays l’influence du gouvernement sur la politique monétaire est prépondérante.
On peut être en désaccord avec la manière d’opérer de la Federal Reserve ou de la Banque Centrale Européenne, mais il n’en demeure pas moins que les pays où la banque centrale est plus indépendante du gouvernement, l’inflation a été historiquement beaucoup plus faible que dans les pays où le gouvernement a le contrôle de la planche à billets.
En 1989, la Reserve Bank of New Zealand avait la banque centrale la moins indépendante de tous les pays développés (selon une étude d’Alesina & Summers). Suite à des réformes majeures, l’indépendance de cette banque centrale a fortement augmenté. Dès 1991, le taux d’inflation en Nouvelle Zélande a chuté, passant de plus de 10% durant les années 1970s et 1980s, à environ 2% depuis ce temps. Le taux d’inflation y est demeuré faible pendant des décennies, peu importe le parti politique au pouvoir. En général, les données indiquent que lorsque l’indépendance d’une banque centrale augmente, le taux d’inflation diminue. La variation du PIB et du taux de chômage deviennent plus stables et la croissance est en générale un peu plus rapide.
Jones en conclue que la structure plutôt anti-démocratique de certaines banques centrales favorise de meilleures politiques économiques.
Le libre-échange : le populisme contre la rationalité.
Jones explique que l’une des politiques économiques qui fait le plus consensus au sein des économistes de tout acabit est que le libre-échange est positif pour la société. Plus une nation libéralise son commerce international, plus cela favorisera son enrichissement.
Pourtant, il semblerait que les politiciens ont plutôt tendance à s’opposer aux politiques de libre-échange lorsque les élections approchent car malgré ses innombrables bienfaits pour l’humanité, le libre-échange est parfois peu populaire auprès des groupes d’intérêt qui ont le plus de place sur l’échiquier politique.
En 2014, l’économiste Paola Conconi de l’Université Libre de Bruxelles a démontré que lorsque les sénateurs américains sont dans leur cycle électoral (i.e. les 2 dernières années de leur terme de 6 ans), ils sont 10% moins enclins à voter en faveur d’un accord de libre-échange.
Par exemple, la sénatrice Hillary Clinton a voté à 6 reprises concernant un accord de libre-échange :
- 4 fois en faveur (durant les 4 premières années de son terme).
- 2 fois contre (durant les 2 dernières années de son terme).
En fait, Conconi démontre que les sénateurs en cycle électoral se comporte similairement aux représentants du congrès, qui eux font face aux élections à tous les 2 ans (sauf s’ils occupent un bastion de leur parti).
Finalement, Conconi démontre que les présidents américains qui sont dans la dernière année de leur mandat sont plus enclins à entrer en disputes avec leurs partenaires commerciaux et à porter plainte à l’OMC.
La conclusion générale des travaux de Conconi est donc que les élections rendent les politiciens américains plus protectionnistes. D’ailleurs, une étude du FMI menée par Stephanie Rickard (London School of Economics) et Teri Caraway (Université du Minnesota) démontre que ce phénomène s’observe partout à travers le monde.
Jones en conclue que les élections devraient être moins fréquentes et les termes des politiciens devraient être plus longs, ce qui permettrait de favoriser l’adoption de politiques moins populaires, mais plus efficaces.
Les juges nommés ou élus?
Dans plusieurs pays, le système de justice est complètement indépendant de la politique et des électeurs, mais aux États-Unis, il y a des juges qui ont élus et d’autres qui sont nommés.
Il y a un bon moyen d’évaluer la qualité des juges : il suffit de regarder le nombre de fois que leurs jugements sont cités. C’est logique puisque les jugements de meilleure qualité ont plus tendances à être cités. La raison principale pour qu’un jugement antérieur soit cité est qu’il constitue un argumentaire solide qui permet d’établir un principe judiciaire. Les juges préfèrent aussi citer des jugements qui ont moins de chance d’être renversés par des tribunaux supérieurs.
Des études ont démontré qu’aux États-Unis, les jugements des juges nommés sont bien plus souvent cités que ceux des juges élus, en raison de leur meilleure qualité. Ce phénomène est aussi clairement observable au sein des états qui ont les deux types de juges. Il s’avère donc que les juges nommés sont moins populistes et, par le fait même, plus justes.
D’autres exemples convaincants…
En Californie, certaines villes nomment leur trésorier alors que pour certaines autres, le trésorier doit se faire élire. Une étude a démontré que les villes qui ont un trésorier nommé paient un taux d’intérêt sur leur dette moins élevé que celles dont le trésorier est élu (environ 0.5%). Cela reflète que les créanciers jugent que les villes dont le trésorier est élu sont moins bien gérées financièrement et représentent donc un risque plus élevé, ce qui coûte cher en intérêts aux contribuables.
Ce n’est pas tout. Des chercheurs ont observé 43 villes qui ont tenu un référendum pour modifier le mode de sélection de leur trésorier, en le faisant nommer plutôt qu’élire. Il s’avère que les villes qui ont voté en faveur d’un trésorier nommé ont par la suite bénéficié d’une diminution de 0.7% de leur coût d’emprunt à comparativement aux villes où le référendum a eu un résultat négatif.
Même son de cloche du côté des régulateurs de services d’électricité. Dans les états américains où les régulateurs sont élus par la population, les tarifs sont plus faibles. Par contre, les compagnies de services publics y ont une moins bonne cote de crédit et paient un taux d’intérêt plus élevé sur leurs emprunts (0.25%), et les pannes de courant y sont plus fréquentes car il y a moins d’investissements dans le réseau, lequel devient moins fiable.
La démocratie à Singapour
Selon Jones, Singapour a environ la même population que le Danemark (un pays souvent vanté), mais un revenu par habitant 80% plus élevé et une espérance de vie moyenne de 2.5 années plus longue. En 1960, Singapour était encore très pauvre, mais a par la suite grandement bénéficié des réformes libérales de Lee Kuan Yew (LKY).
LKY savait que la qualité des électeurs fait la qualité des gouvernements qu’ils élisent.
“elected governments are only as good as the people who choose them.”
LKY croyait qu’avec un suffrage universel incontrôlé, les élections deviendraient un concours de personnalité et sur les performances à la télévision, comme c’est le cas en Occident. Selon lui, les politiciens qui font les meilleurs discours et qui paraissent le mieux à la télé ne sont pas nécessairement les meilleurs leaders qui peuvent bien gérer le gouvernement.
Il y a des élections en bonne et due forme à Singapour, mais pourtant, le pays a été mené par un seul parti depuis des décennies : le People’s Action Party (PAP). Le gouvernement utilise des poursuites judiciaires en diffamation pour contrer l’opposition. Il faut aussi des permis pour se rassembler en public. En revanche, Singapour a évité la répression brutale et violente que l’on voit dans plusieurs pays.
Ceci dit, le gouvernement accorde beaucoup de poids à la classe moyenne en lui donnant accès à des forums de dialogue avec les élus. Comme elle se sent écoutée et considérée, la classe moyenne n’est pas tentée de réformer le système.
Ainsi, avec une opposition circonscrite dans un cadre restreint, le PAP détient 82 des 101 sièges au parlement. Selon Jones, Singapour a 50% moins de démocratie que les pays Occidentaux, ce qui est peut-être un peu trop extrême.
Cependant, ce pays bénéficie de deux atouts importants pour qu’un tel système fonctionne bien. Singapour a des citoyens parmi les plus éduqués au monde. De plus, son système judiciaire est considéré très indépendant, même par des organismes tels que le World Justice Project et la Banque Mondiale (Rule of Law Index).
Donc ne recommande pas d’adopter un système comme Singapour (i.e. 50% moins de démocratie), mais seulement de faire un petit pas dans cette direction (i.e. 10% moins de démocratie).
Des fonctionnaires de carrière
Aux États-Unis, lorsqu’un nouveau président est élu, il y a 1,200 postes que ce dernier doit nommer et faire approuver par le Congrès, dont les postes de direction d’importantes agences gouvernementales qui ont des dizaines de milliers d’employés, des dizaines de milliards de dollars de budget et des responsabilité de la plus haute importance (comme la gestion de l’arsenal nucléaire américain et la gestion de l’infrastructure servant aux prévisions météorologiques, incluant les alertes de tornades).
En tout, il y a environ 4,000 postes qui sont nommés par l’administration au pouvoir; c’est sidérant! Il n’y a aucune chance pour que ces gens aient des connaissances suffisantes pour faire un bon travail dès le début.
Dans le livre « The Fifth Risk », de Michael Lewis, un haut fonctionnaire du gouvernement américain explique que lorsqu’un de ces fonctionnaires a accumulé suffisamment d’expérience et de connaissances pour bien comprendre l’agence gouvernementale qui lui a été assignée, c’est le temps de partir car un nouveau président élu le remplacera pas son propre candidat.
Quand le sénateur républicains Rick Perry a été nommé à la tête du Département de l’Énergie, il n’avait aucune idée de ce que faisait cette agence et avait même déjà déclaré vouloir l’abolir. Il a par la suite avoué regretter cette affirmation.
Comme le démontre l’exemple des juges, des trésoriers et des régulateurs de services publics, la grande majorité de ces postes devraient plutôt être comblés de façon permanente par des professionnels compétents plutôt que par des amis du partis qui ne sont là que pour quatre ans.
Au Québec, durant la pandémie de COVID-19, la situation aurait probablement été bien mieux gérée si la direction de la santé publique (des fonctionnaires nommés de façon permanente), aidée de ses épidémiologistes professionnels, avaient eu plus de pouvoir relativement au ministre de la santé et au premier ministre, qui eux doivent constamment trop fléchir par soucis électoral, au détriment de la santé publique.
Conclusion
L’aristocratie peut tourner en oligarchie, la monarchie peut tourner en tyrannie et la démocratie peut tourner en populisme extrême. La démocratie est certes le moins pire de ces trois systèmes, mais il ne faut pas en abuser.
D’autre part, une nation pourrait en principe être démocratique, tout en étant hautement corrompue ou discriminatoire envers les minorités. C’est pourquoi il y a toujours eu des limites et des balises en ce qui concerne la démocratie, incluant une constitution et une charte des droits, ainsi qu’une cour suprême indépendante (i.e. des institutions).
Article connexe: L’importance des institutions pour le développement économique.
Ce livre de Garrett Jones fournit des pistes intéressantes d’amélioration du système qui sont tout de même réalisables :
- Allonger les termes des élus (5 ans et plus, plutôt que 2 ou 4 ans).
- Avoir des fonctionnaires professionnels permanents et nommés, plutôt que des élus.
- Donner plus de poids aux électeurs éduqués et aux élites en exigeant que les gens qui n’ont pas terminé l’école secondaire ne votent pas avant 30 ans et en donnant plus de poids à la chambre-haute du parlement (Sénat ou House of Lords) et en nommant des diplômés des meilleures universités à la chambre haute.
Ces réformes ne feraient pas en sorte qu’un pays comme les États-Unis ou le Canada deviendraient non-démocratiques. Elles ne feraient que réduire le niveau de démocratie d’environ 10%…
Une démocratie sans contrôle est un leurre.
Il y a aussi ce billet qui est pertinent sur ce sujet: https://minarchiste.wordpress.com/2018/09/18/quest-ce-qui-cloche-avec-la-democratie-americaine/
« Puis, en 1922, le pays a élu le pire premier ministre de son histoire, Benito Mussolini » Sauf que Mussolini n’a pas élu premier ministre mais a été nommé premier ministre par le roi. Et ce n’est pas à cause de son succès aux élections de 1921 (son parti n’a obtenu que 35 sièges aux élections de 1921 (pour rappel, il y avait 535 sièges à la Chambre des représentants)).
Contrairement à Hitler, Mussolini n’est pas arrivé au pouvoir de manière démocratique.
Les experts ont été quand même d’une nullité abyssale sur cette pandémie (bon, je parle de la situation belge et francaise car c’est celles que je connais). Mais franchement, je pense pas que laisser les experts gérer l’épidémie aurait changer quoi que ce soit.
Et le truc c’est que les personnes très diplômés notamment aux USA tendent vers la gauche. Et quand on voit leurs délires notamment antiracistes (qui n’est qu’un racisme envers les blancs), je vois mal en quoi c’est une bonne idée de leur donner plus de poids.
J’arrives plus à mettre la main dessus mais j’avais lu un article montrant que les Waffen SS contenaient un nombre disproportionné de personnes ayant un doctorat.
Les universitaires allemands ont massivement soutenu Hitler. Les plus grands esprits de l’époque comme Heidegger ou Carl Schmitt ont rallié sa cause. Il faut relire Hannah Arendt qui a montré cela.
Je rappelle qu’aujourd’hui, le monde universitaire tend vers l’extrême gauche. Les universitaires francais sont plus hostiles au capitalisme que les électeurs du NPA.
Les universitaires francais ont massivement soutenu les pires dictatures communistes. Alors bon désolé mais quand on regarde le passé, on voit mal en quoi être éduqué rend moins apte à croire des croyances stupides.
D’expérience personnelle, c’est surtout que les gens les plus éduqués (comme les universitaires) tendent à utiliser des arguments plus sophistiqués pour défendre leurs croyances mais en soi, leurs croyance ne sont pas spécialement meilleures que celles des gens normaux.
Par exemple, j’alu plusieurs sociologues profondément complotistes mais il y avait une nette différence au niveau de la forme avec les complotistes de Youtube (même si sur le fond c’est exactement la même chose).
D’ailleurs, les gens les plus dangereux ce ne sont pas les personnes stupides mais les gens intelligents avec des croyances stupides/dangereuses car eux, ils arrivent à produire des arguments qui paraissaient convainquant aux yeux des gens ordinaires. Il faut réellement connaitre le sujet pour pouvoir contre argumenter contre ces gens
Autant, je suis d’accord sur le fait d’avoir des hauts fonctionnaires qui soient des professionnels et non pas des gens nommés. Même chose pour les juges. Autant, je vois mal ce qui permet de justifier le fait qu’il faudrait que les gens ayant fait des études aient plus de poids d’un point de vue électorat.
J’ai surtout l’impression que ce livre prône plus de managérialisme qui se distingue du management (qui peut être bien fait ou mal fait, qu’on peut étudier, améliorer, critiquer, etc) par le fait que si le management est une pratique, le managérialisme lui est une idéologie. Il y a plusieurs composantes dans le managérialisme, la première est la dissolution de la politique dans la technique. Tous les problèmes politiques auraient une solution qui n’attend que la mise en application par le bon leader. C’est le côté « il n’y a pas de droite ni de gauche, seulement ce qui marche et ce qui ne marche pas ». Un article sur le sujet: http://econoclaste.eu/econoclaste/fisking-tony-blair/
Que l’on veuille ou non, il y a des choix politiques à faire. Par exemple, dans cette pandémie, il y a le fait qu’il y a un compromis à faire entre enrayer la pandémie et détruire l’ensemble de l’économie (pour rappel, l’économie a un impact concret sur la vie des gens. Donc ce n’est pas juste un choix de choisir l’argent plutôt que la santé).
Les médecins et autre experts en santé publique ne connaissent rien à l’économie. Donc comment il faut faire ce choix ??
Les technocrates ont deux utilité: 1° éclairer les politiciens avant de prendre une décision. En effet, il faut pas que les politiciens prennent des décisions stupides à cause de leur ignorance. Il est légitime que des experts les éclairent sur la situation.
2° la mise en oeuvre d’une politique. En effet, c’est pas tout de décider d’une politique/réforme. Encore faut t il la mettre en oeuvre convenablement. Une bonne réforme peut être complètement gâchée par une mise en oeuvre désastreux. C’est là où il est important de pouvoir s’appuyer sur une fonction publique professionnelle qui pourra mettre en oeuvre de la meilleure des manières les politiques décidés par les politiciens.
Evidement, toute décision ne peut pas se prendre de haut en bas. Il est légitime de laisser une certaine marge de manoeuvre (que ce soit aux fonctionnaires d’en bas mais également à d’autres organismes comme les autorités administratives indépendantes).
Personnellement, je pense que les ministres devraient avoir les connaissances prérequises dans le champ de compétence de leurs ministères. Par exemple, le ministre de la justice doit être diplômé en droit et avoir une certaine expérience dans le domaine de la justice. Le ministre de la Finance doit avoir un diplôme en économie. Le ministre de la défense devrait avoir une certaine compétence de la chose militaire.
Bien évidemment, cela n’empêche pas de choisir un économiste de gauche si vous avez un gouvernement de gauche ou un économiste de droite si vous avez un gouvernement droite.
De plus, les experts ont aussi leurs propres opinions politiques. Donc si vous leur donnez trop de pouvoir. Le risque c’est surtout d’avoir des entités non élus qui ne répondent devant personne qui imposent leur point de vue politique. C’est le reproche que je fais à certaines cours suprêmes (ou cour constitutionnelles). Vous aurez beau prôner n’importe quel sorte de nomination à la Cour suprême des USA tant que cette Cour aura le pouvoir délirant qu’elle a aujourd’hui, elle restera un organe politique. Le seul moyen de dépolitiser cette Cour c’est de réduire ces prérogatives. (Comme je le dis plus haut: tout n’est pas une question technique, à un moment quand vous disposez d’un pouvoir important, vous devez faire des choix politiques).
Les juges fédéraux américains ont juste un pouvoir complètement aberrant. Le moindre juge peut bloquer une loi. Là où dans la plupart des pays c’est réservé à une cour spéciale: la cour constitutionnelle.
Pas étonnant que la justice soit si politisée aux USA.
« mais aux États-Unis, il y a des juges qui ont élus et d’autres qui sont nommés » oui enfin cela n’enlève pas la politisation du système judicaire américain. Le Plan Missouri donne un pouvoir délirant aux avocats (qui en général sont de gauche et qui ont leurs propres intérêts à défendre qui ne sont pas spécialement en adéquation avec ceux du public). Personnellement, je milite pour une magistrature entièrement professionnelle. Et l’avantage du droit continental c’est que le pouvoir du juge est réduit. Certes, il possède un réel pouvoir mais on est loin du pouvoir des juges américains qui sont des super législateurs (ils peuvent décider quelle législation est constitutionnelle ou non).
La politique implique souvent de trancher entre plusieurs intérêts divergents. Or, il est évident que faire cela en connaissant le sujet c’est mieux que le faire en toute ignorance. Reste que cela reste un choix politique.
L’état de droit implique que l’état est limité par le droit. Et en particulier que les personnes qui dirigeant l’état aient un pouvoir limité. Voilà pourquoi on crée des contre pouvoirs. Et c’est d’ailleurs, la raison pour laquelle il est parfaitement légitime qu’il y ait des organes non élus indépendants du gouvernement (style l’autorité de concurrence ou la banque centrale) mais on ne peut pas aller trop loin dans cette direction.
De plus, on peut se poser la question si un système comme la Suisse ne permet pas de résoudre le problème. En laissant le citoyen voté, on l’incite à s’informer sur le sujet précis en question. C’est notamment ce que soutiennent certaines études. Sur le sujet, il faut lire des ouvrages rassemblant les avantages de la démocratie directe : L. Morel, « la question du référendum » ou « Le droit contre la démocratie ? » de Bertrand Mathieu
Il y a d’autres avantages. Cette étude montrait que l’usage du référendum local en Suisse entraînait une réduction à la fois de la dette, du niveau des impôts et des dépenses publiques. https://www.alexandria.unisg.ch/15215/
Il y a une différence entre une démocratie directe et une démocrate indirecte
Une étude qui montre que les nominés politiques performent moins bien que les fonctionnaires de carrière dans la gestion des agences américaines.
Cliquer pour accéder à CSDI_WP_01-2010.pdf
ha je suis complètement d’accord pour avoir des hauts fonctionnaires de carrière. J’ai moi même parlé du problème d’avoir toute la haute fonction publique nominé par le président: https://minarchiste.wordpress.com/2018/09/18/quest-ce-qui-cloche-avec-la-democratie-americaine/#comment-17565
Mon point c’est surtout de dire que les experts cela a une utilité mais c’est pas non plus la panachée. Car un moment, il faut prendre des décisions politiques. Et celles ci ne peuvent être prises que par des politiciens.
Les experts servent à éclairer le débat pour que les politiciens prennent la bonne décision et aussi à mettre en oeuvre de manière efficace les mesures décidés.
Il est évident que cela implique le fait que les fonctionnaires aient un certain pouvoir d’autonomie par rapport aux politiciens.
Et il me semble parfaitement justifié de recruter ces fonctionnaires selon leur compétence et non leur appartenance politique.
Mais il faut comprendre qu’à moment, au plus vous donnez un pouvoir important à une personne, au plus, vous donnez un rôle politique à sa fonction.
De plus, l’école des choix publiques montrent bien que les fonctionnaires ont des intérêts propres. Or, c’est problématique si leur intérêt va à l’encontre de l’intérêt du plus grand nombre. C’est problématique s’ils peuvent saboter telle réforme décidé par des politiciens élus et soutenus par la majorité du peuple.
Il suffit de voir l’éducation nationale en France. Les syndicats de profs ont une influence néfaste.
En gros, il y a toujours un juste mesure à trouver. Oui il faut une fonction publique de carrière qui soit un maximum dépolitisée. (Ce qui pose la question de comment faire. Parce qu’à un moment il faut bien qu’il y ait des gens pour décider qui mettre à la tête de la fonction publique. Rien n’indique que ces personnes chargés de nominer n’ont pas un agenda politique).
Et je suis également d’accord sur le fait qu’il faut donner une certaine indépendance aux fonctionnaires par rapport aux politiciens. Mais il y a un juste milieu à trouver. Car une trop grande autonomie peut conduire à avoir une classe de fonctionnaires non élus qui prend des décisions politiques importantes sans aucun contrôle démocratique. En France, il arrive que des énarques soient plus puissants que des ministres.
Et l’aspect le plus critiquable de ce livre concerne le cas de l’électorat. Donner plus de poids aux plus éduqués ne me parait pas justifier dans les pays occidentaux. Autant, pour un pays du tiers monde je pense que l’on peut se poser la question mais pour les pays développés, je suis contre.
Personnellement, je pense qu’il y a des facteurs bien plus déterminants dans notre société pour déterminer quel électorat est qualifié ou non qualifié. Par exemple l’âge. Les personnes âgées même quand elles ont perdu une bonne partie de leur capacités intellectuelles ont le droit de vote. Même chose pour les jeunes qui n’ont jamais travaillé dans la vie et ne connaissent pas la vie active. Et toutes les études montrent que les jeunes de 20 ans sont bien moins matures qu’à l’époque.
Perso, je pense que l’on peut discuter de mettre une limite d’âge au droit de vote (faire passer la majorité pour voter à 21 ans voire 25 ans par exemple et pour les personnes âgées leur interdire le droit de vote à 70 ou 75 ans).
On pourrait aussi parler de la maladie mentale. Une personne avec des problèmes mentaux est suffisamment apte pour voter.
Des personnes avec un très faible QI.
Des personnes avec des addictions sévères (drogue, alcool,..).
C’est un peu le problème. A partir du moment où on décide d’accorder plus de poids aux électeurs les plus capables, on peut trouver pleins de critères pour montrer que tel électoral est plus capable que tel autre.
Donc c’est un jeu dangereux. En plus, qu’est ce que la capacité de l’électeur ?? On peut donner différentes réponses.
Personnellement, je ne pense pas que le fait d’avoir fait de longues études est un bon indicateur de la capacité de l’électorat dans nos sociétés actuelles.
Il me semble que les dernières cuvées de personnes « instruite » sont un bon contre argument.
Des gens désinstruits sont infiniment plus dangereux que des gens ignorants.
Les ‘instruits’ soutiennent et on soutenu toutes les idéologies les plus dégueulasses (communisme, fascisme, lyssenkoisme, woke, idéologie de genre, bio-negationisme) , c’est le peuple qui a fait contrepoids la plupart du temps.
Franchement je préfère risque d’avoir quelques Trump au pouvoir de temps en temps que d’avoir une dictature des désinstruits.
tjrs aussi proto-facho’, hein ?µ
https://lesakerfrancophone.fr/les-arbres-ne-montent-pas-jusquau-ciel-ni-les-marches-boursiers
Geof’Rey, neo-communiste gaulois belge
« dans lequel il expliquait que, contrairement à une croyance largement répandue, les marchés ne sont pas nécessairement rationnels » LOL mais qui défend cette idée ??? C’est marrant de débunker des idées auxquels personne n’y croit.
(Par contre, le reste de l’article n’est pas mal).
Le problème c’est que la démocratie à grande échelle cache souvent un régime oligarchique: https://apexsnotes.substack.com/p/democracy-the-false-god
« Nous constatons que cette sagesse conventionnelle est inversée au cours de ce siècle, c’est-à-dire que la démocratie a des impacts négatifs persistants sur la croissance du PIB au cours de la période 2001-2020. »
https://arxiv.org/abs/2104.07617
L’explication la plus probable selon moi c’est que le communisme n’est plus un facteur qui rende en compte. En effet, la corrélation entre démocratie et croissance du PIB au 20 siècle cachait un fait important: toutes les démocraties au monde étaient des pays capitalistes là où un nombre non négligeable de dictatures étaient communistes. Et le capitalisme étant bien plus performant que le communisme, cela peut expliquer pourquoi il y avait une corrélation positive entre démocratie et croissance économique.
*rentre en compte
Le post est intéressant mais les commentaires d’Arnaudaron le sont au moins autant. Merci à vous.
« D’ailleurs, les gens les plus dangereux ce ne sont pas les personnes stupides mais les gens intelligents avec des croyances stupides/dangereuses car eux, ils arrivent à produire des arguments qui paraissaient convainquant aux yeux des gens ordinaires. »
Une question simple (mais pas évidente à répondre) svp : selon vous, quelles sont des solutions concrètes pour lutter contre ces croyances stupides/dangereuses ?
Merci du commentaire. Je pense que la meilleure protection est de réduire la taille du gouvernement et décentraliser le pouvoir, pour éviter que ces gens puissent faire trop de dommages. Dans la mesure où un tel changement institutionnel est impossible, il ne reste qu’à utiliser tous les moyens possibles d’exposer l’idiotie de leurs idées par des faits et des données, mais cela est très difficile. Je pense qu’une partie du problème réside dans le fait qu’une très grande partie de la population ne connaît pas la méthode scientifique. Quand on adopte un mode de pensée scientifique, on devient un bien meilleur citoyen.