“The Cult of the Presidency: America’s Dangerous Devotion to Executive Power” Gene Healy.
Beaucoup de gens ont considéré l’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis comme un événement sans précédent. En fait, l’homme est plutôt flamboyant avec sa peau orangée, sa chevelure blonde ridicule, son implication dans des émissions de télé-réalité, ses discours théatraux à l’emporte-pièce et ses positions controversées. Mais quand on étudie d’un peu plus près l’histoire de la présidence, on se rend vite compte qu’au fonds, Donald Trump est la norme plutôt que l’exception.
D’autre part, comme l’explique de façon magistrale Gene Healy dans son excellent livre The Cult of the Presidency, l’évolution du rôle de président depuis la rédaction de la constitution a conféré de plus en plus de pouvoirs à l’occupant de la Maison Blanche. Le problème est que le public en est venu à s’attendre à ce que le POTUS règle tous les problèmes nationaux, il est donc peu surprenant que celui-ci s’arrange pour obtenir les pouvoirs nécessaires à accomplir cette impossible tâche.
Cette usurpation graduelle de pouvoir politique non seulement attire les gens comme Donald Trump, mais leur permet aussi de faire beaucoup plus de torts à la nation. En ce sens, les États-Unis sont devenus un pays de moins en moins démocratique.
Les initiales présidentielles:
TR = Theodore Roosevelt
FDR = Franklin D. Roosevelt
HST = Harry S. Truman
JFK = John F. Kennedy
LBJ = Lyndon B. Johnson
POTUS = President of the United States
Le vrai rôle du Président
En vertu de la constitution, le rôle du président est de s’assurer de la protection du pays lorsqu’il est attaqué et, surtout, de vérifier que les lois du Congrès ne violent pas la constitution. C’est au Congrès de décider de déclarer ou non une guerre, pas au président, qui ne peut que proposer au Congres d’impliquer l’armée dans un conflit.
Selon la constitution, le rôle du président n’est pas de plaire à la population et de réaliser ses ambitions, mais plutôt simplement de s’assurer que le Congrès respecte la constitution. C’est donc bien peu chose, du moins à comparé à ce que la population croit pouvoir s’attendre de son president. Quand on sonde le grand public sur ce qu’ils attendent de la présidence, on réalise que la plupart des choses ne sont aucunement mentionnées dans la constitution et nécessiteraient des pouvoirs dont le président ne dispose pas (en théorie).
Selon les Pères Fondateurs et particulièrement Madison, la séparation des pouvoirs agit de manière quasi automatique puisque chaque branche tente, en théorie, de préserver l’ampleur de ses pouvoirs et de ne pas en perdre aux autres branches, ce qui assure qu’aucune des trois branches ne puisse gagner trop de pouvoir. Mais cet équilibre naturel s’est grandement affaibli au profit du président au cours du 20e siècle.
Hamilton souhaitait que le président soit choisi par le Collège Électoral, par des gens aptes à déterminer le candidat le plus adéquat. Il ne voulait pas que la nomination devienne un concours de popularité au cours duquel les candidats parcoureraient le pays pour mener une surenchère de promesses irréalisables.
Au 19e siècle, du moins avant 1872, les candidats présidentiels ne faisaient pas de campagne électorale. Le poste leur été simplement proposé par le Collège Électoral. On ne cherchait pas des personalités extraordinaires; on cherchait des hommes humbles pour un poste aux pouvoirs modestes.
En 1888, le candidat Benjamin Harrison a fait 94 discours pour supporter sa nomination, mais n’a jamais quitté sa ville d’Indianapolis durant cette période. En 1916, Woodrow Wilson est devenu le premier président à arpenter le pays pour soutenir sa propre réélection. Il fut aussi le premier à faire un discours State of the Union en personne devant le Congrès plutôt que de simplement rédiger une lettre.
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Les premiers POTUS
Certains présidents du 19e siècle ont pris des initiatives majeures en conflit avec la constitution, comme l’achat de la Louisiane par Jefferson ou l’annexion de l’ouest de la Floride par Madison en 1810 ou la proclamation de la Doctrine Monroe ou la réponse de Jackson suite à la Crise de Nullification. Mais en général, ces excès de pouvoir seront largement surpassés par les présidents du 20e siècle.
Durant la Guerre Civile, Lincoln a exercé des pouvoirs qui ont excédé n’importe quel autre président avant lui. En avril 1861, suite à la sécession du Deep South, il a unilatéralement ordonné un blocus des ports du sud et la suspension de l’habeas corpus. Durant la guerre, il a emprisonné 14,000 civils sans procès et a fait fermer plus de 300 journaux.
La prospérité de la fin du 19e siècle a eu lieu sous des présidents quasi anonymes, jusqu’à Theodore Roosevelt, qu’Healy considère comme le premier président “progressiste” contemporain, pour qui le pouvoir executif est un moyen de modeler la société à sa guise. Celui-ci déclarait en 1897:
“Je souhaite qu’il y ai tune guerre quelle qu’elle soit, parce que je pense que ce pays en a besoin”.
Il s’est assuré d’en déclencher une avec l’Espagne sous un faux prétexte, soit le naufrage du USS Maine en eaux cubaines qui fut une opération sous fausse bannière (ici). À l’époque, le président était McKinley, mais TR milita en faveur des hostilités en tant qu’assistant-secrétaire à la Marine.
C’est aussi lui qui, en tant que président, a initié l’emploi des “ordres exécutifs” pour arriver à ses fins. De la fin de la Guerre Civile jusqu’à l’élection de TR, les présidents ont émis 158 ordres exécutifs. Durant ses 7 ans comme président, TR en a émis 1,006!
TR, Wilson et FDR ont émis 6,500 ordres exécutifs au total, dont un record de 3,723 pour FDR. Il est clair que les présidents dit “progressistes” sont friands d’augmenter le pouvoir exécutif du POTUS.
C’est aussi TR qui a supporté une “révolte populaire” au Panama en 1903, qui mena à l’indépendance de la Colombie, car cet événement servait les intérêts géopolitiques des États-Unis en mettant le fameux canal entre les mains d’un gouvernement pantin contrôlé par Washington.
Les pires arrivent au sommet…
Comme la si bien expliqué Hayek dans La Route de la Servitude, plus un poste offre de pouvoir politique, plus son détenteur aura tendance à être une mauvaise personne. Hayek explique qu’il est plus facile de rafler le soutien de la population pour combattre un adversaire (les terroristes islamiques, les narco-trafficants mexicains, Chinois voleurs d’emplois, etc) que pour une cause positive. Le candidat qui aura le plus de succès sera donc celui qui mobilise par sa haine d’un ennemi.
Le processus contemporain de sélection du POTUS fait en sorte d’attirer les candidats qui ont une soif démesurée de pouvoir et qui sont prêts à tout pour y arriver. L’entreprise de devenir président requière un sacrifice immense en temps, énergie et argent. Elle nécessite d’exposer sa vie privée au grand jour et de passer des mois dans un autobus et à faire des discours en vertu d’un horaire épuisant.
Hayek explique d’ailleurs que ce qui motive l’accession au pouvoir est « le plaisir d’être obéi et de faire partie d’une machine qui a priorité sur tout le reste ». Et comme on le constate dans la série House of Cards, les coups bas et les magouilles nécessaires à s’approcher du pouvoir ne sont pas du genre à plaire aux humanistes empathiques.
Même les présidents presque considérés comme des saints ont commis des actes fort répréhensibles et anti-constitutionnels. Avec l’ordre exécutif 9066, FDR a ordonné le confinement de plus de 110,000 américains d’origine japonaise durant la WWII.
Et JFK? Nixon dû démissionner à cause du scandale du Watergate, mais il n’était pas le premier POTUS à mettre des adversaires politiques sous écoute. JFK avait mis sur écoute les dirigeants des compagnies d’acier lors d’un conflit et avait utilisé l’agence du revenu (IRS) pour les harceler quant à leurs déclaration d’impots. JFK a aussi été impliqué dans le coup d’État qui a résulté au meurtre du président du Vietnam du Sud, Ngo Dinh Diem.
À l’élection de 1964, le président Johnson avait utilisé la CIA pour mettre l’équipe de Barry Goldwater sous surveillance et mettre son avion de campagne sous écoute. Ironiquement, Nixon fut sous vérification de l’IRS 3 fois durant les présidences de JFK et LBJ.
Durant une rencontre privée dans le Bureau Ovale en 1967, lorsqu’un reporter lui demanda pourquoi les États-Unis intervenaient au Vietnam, LBJ a abaissé sa fermeture éclair et a exposé le “membre présidentiel” en s’exclamant: “Voici pourquoi!”. Quel homme exemplaire!
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La suite la semaine prochaine…
Un article intéressant sur Woodrow Wilson:
https://www.washingtonpost.com/opinions/on-this-world-war-i-anniversary-lets-not-celebrate-woodrow-wilson/2018/11/09/1c7ca77c-e456-11e8-b759-3d88a5ce9e19_story.html?utm_term=.8663aec58424
Wilson est un excellent exemple de la façon dont les présidents peuvent exploiter les guerres pour accroître le pouvoir autoritaire et restreindre la liberté