Il y a queques années, j’avais écris un article sur le recyclage. Au Québec, le gouvernement subventionne le recyclage et les municipalités forcent leurs citoyens à payer pour ce service. Pourtant, il est difficile d’évaluer si ces programmes bénéficient suffisamment à l’environnement compte tenu de leurs coûts.
Les gens recyclent de plus en plus intensivement question de se déculpabiliser de leur consommation, sans trop se demander si cela améliore vraiment les choses. Le livre « Junkyard Planet » d’Adam Minter, combiné à plusieurs de mes lectures récentes sur le sujet apportent quelques éléments de réflexion intéressant à cet égard.
L’industrie mondiale du recyclage génère des revenus de $500 milliards par année, soit l’équivalent du PIB de la Norvège. Aucune autre industrie n’emploie plus de gens, sauf l’agriculture. La grande majorité de ces activités ne sont pas subventionnées ou parainées par un gouvernement.
Entre 1960 et 2010, le volume de matière recyclée générée aux États-Unis est passé de 5.6 à 65 millions de tonnes. Le volume total de déchets est passé de 88.1 à 249.9 millions de tonnes. Le taux de recyclage a donc augmenté significativement, mais la quantité absolue de matière non-recyclée a augmenté beaucoup aussi.
Aux États-Unis, les deux tiers de la matière à recycler est utilisée au pays, le reste est envoyé à l’étranger. La raison est simple: la demande de matériaux est plus forte dans les pays émergents et, d’autre part, la main d’oeuvre nécessaire à effectuer le recyclage y est moins chère.
En 2010, 46 millions de tonnes de matières recyclables (métal, papier, caoutchouc et plastique) ont été exportées des États-Unis vers 160 pays pour une somme de $39.2 milliards (ce qui n’inclut pas les transactions clandestines visant à contourner la règlementation).
Les métaux
Le livre d’Adam Minter se concentre surtout sur les métaux, qui sont les matériaux les plus recyclés car on peut les refondre à l’infini et que le recyclage des métaux n’a pas besoin de subvention pour être rentable. De plus, dans les usines de triage de type « single-stream », il est facile de séparer mécaniquement les métaux du reste des matériaux.
Une canette de bière recyclée nécessite 92% moins d’énergie que si elle avait été produite avec du nouvel aluminium. Seulement 14.7% de l’aluminium recyclé provient des ménages résidentiels. Le reste et la grande majorité provient du secteur industriel. Autrement dit, la grande majorité du métal recyclé ne provient pas du bac de recyclage que vous placez au bord de la rue. Ce sont plutôt des entreprises qui vendent leurs retailles et autres déchets à des entreprises de recyclage.
La Chine recycle.
En Chine, il n’y a pas de statistiques précises sur le recyclage, mais il y a une chose sur laquelle tout le monde s’entend: lorsqu’un camion décharge son contenu dans un site d’enfouissment, il n’y reste à peu près plus rien de recyclable, que ce soit les métaux, le plastique ou le carton. Le taux de recyclage y est possiblement très près de 100%!
Pourtant, à Shanghai, la municipalité ne distribue pas de bacs de recyclage bleus et n’en fait évidemment pas la collecte. Le recyclage y est plutôt effectué par des centaines de milliers de personnes qui achètent les matières recyclables des résidents et les revendent à profit aux entreprises qui les recyclent.
En Chine, il était jadis très difficile pour quelqu’un de démarrer une nouvelle entreprise manufacturière car l’accès aux métaux de base état contrôlé par les grandes entreprises d’état. Le développement de l’industrie du recyclage indépendante, qui importe des matières de l’étranger, a permis d’établir une source constante de métaux aux petits entrepreneurs et favorisé la libéralisation de l’économie chinoise. C’est d’ailleurs peut-être pour cela que le gouvermenent tente présentement de diminuer les importations de déchets…
En 1980, 22% du cuivre utilisé en Chine était recyclé, en 1990 c’était 38% et en 2000 c’était 74%. Il est donc normal que les pays industrialisés exportent leurs matières recyclables en Chine et en Inde, puisque c’est là qu’est la demande.
L’auteur du livre, Adam Minter, habite en Chine et ne dépose évidemment pas ses déchets recyclables dans un bac municipal! Il garde ses matières recyclables chez lui et les vends à de petits entrepreneurs.
Les automobiles
Aux États-Unis, environ 14 millions d’automobiles sont mises aux rencart chaque année. Avant la deuxième guerre mondiale, les véhicules usagés étaient soigneusement démontés et recyclés, surtout pour le métal qu’ils contiennent. Mais dans les années 1960s, les salaires avaient grimpé et la demande militaire de métaux avait chuté, il était donc devenu non-rentable de recycler les voitures, qui se sont mises à être laissées un peu partout. D’autre part, une technique consistant à incinérer le véhicules de manière à tout brûler sauf le métal fut bannie car elle était beaucoup trop polluante.
Dans les années 1970s, l’accumulation de véhicules vétustes est devenue le plus grand problème environnemental du pays, jusqu’à ce que des entrepreneurs inventent un système de déchiquettage qui permet de séparer les métaux des autres matériaux du véhicule pour les recycler.
Le premier prototype, le « Prolerizer », nommé après son inventeur Sam Proler faisait 1,000 pieds de long et utilisait des moteurs d’anciens navires militaires de 6,000 chevaux-vapeur. Un modèle plus compact et efficace apparu par la suite, le Insight, conçu par un dénommé Alton Newell au Texas.
Équipés de cette nouvelle technologie rendant le processus économique et écologique, ce n’est que vers 2008 que les recycleurs sont finalement venus à bout de cette accumulation de voitures, qui avait débuté 50 ans plus tôt.
La e-waste
En 2006, les Américains jettaient 130 millions de téléphones cellulaires par année. Chaque tonne de ces téléphones contient 10 onces d’or, soit davantage que dans une tonne de roche extraite dans les meilleures mines d’or au monde.
En 2011, les États-Unis ont généré 4.1 millions de tonnes de déchets électroniques (aka e-waste), dont 80% est demeuré aux États-Unis et 20% a été exporté. En 2010, les États-Unis ont généré 33.8 millions de tonnes de déchets de nourriture, soit 10 fois plus que de e-waste.
Beaucoup des objets électroniques jetés par les occidentaux sont réutilisés par les habitants de pays émergents comme la Chine, même s’ils ont besoin d’être réparés.
Sinon, ils peuvent être démontés et certaines composantes peuvent être réutilisées dans la production d’objets électroniques bas-de-gamme, comme des jouets par exemple. Ainsi, le processeur d’un vieux téléphone Samsung de 1999 peut avoir été récupéré et utilisé dans la fabrication d’un jouet pour enfants en Chine et ensuite ré-exporté en occident! Cette puce électronique pourra fonctionner une autre quinzaine d’années dans sa nouvelle vocation.
En fait, les recycleurs Chinois affirment que la majeure partie de leur rentabilité (soit environ 80%) provient de la ré-utilisation, et non du recyclage de la e-waste.
Au Québec, il est possible de déposer vos articles électroniques dans de nombreux points de dépôt. Non seulement on ne vous donnera rien en échange, mais en plus vous aurez eu à payer un ‘éco-frais’ lors de l’achat de l’article en magasin, lequel est utilisé par le gouvernement pour financer ce réseau de collecte.
Ce que l’auteur souhaite est que les manufacturiers de produits électroniques tiennent compte de la facilité à réutiliser et à recycler dans le design de leurs produits. C’est ce que ces entreprises feront si les consommateurs expriment ce désir. Le consommateur est roi après tout…(voir ceci)
Le verre
En 2015, le taux de recyclage était de 54% au Québec, soit 14% pour le verre, 18% pour le plastique, 79% du papier/carton et 49% du métal en provenance des résidences.
Le verre ne vaut pas la peine d’être recyclé au niveau résidentiel, car l’ingrédient principal, le sable, n’est pas rare, ne vaut pas cher et ne coûte pas cher à extraire. La plupart du temps, le verre est recyclé en additif pour le ciment ou pour la laine isolante, mais la demande est limitée et les gains environnementaux sont marginaux.
Au Québec, 80% des contenants de verre placés dans les bacs de recyclage résidentiels sont des bouteilles de vin. Or, ce verre n’est pas recyclé! Il est généralement envoyé aux sites d’enfouissement. Ce verre n’a pas grande valeur et, s’il se brise, contamine les autres matières recyclables.
Le plastique
Il existe 7 types de plastique, dont 6 d’entre eux peuvent être recyclés, souvent qu’une seule fois, mais le processus n’est souvent pas avantageux comparativement à l’enfouissement. Il faut receuillir les bacs de recyclage, trier les contenants de plastique par type, retirer tant bien que mal les étiquettes (à défaut de quoi il y aura contamination).
Ainsi, la plupart des plastiques sont recyclés dans des applications à plus faible valeur ajoutée, comme des planches pour planchers de terrasses, des bacs, etc.
Tout comme pour la plupart de matériaux, le plastique de pré-consommation, comme l’emballage industriel en provenance d’entreprises par exemple, a un taux de recyclage très supérieur au plastique post-consommation car il est plus pur, déjà trié et disponible en grand volume d’un plus petit nombre de sources (comparativement au plastique provenant des résidences).
Le plastique transparent de type PET (bouteilles d’eau et boisson gazeuse) est le plus facile à recycler, résultant en une économie d’énergie de 76%, ce pourquoi plusieurs de ces bouteilles sont consignées en Québec. Les plastiques de type HDPE (détergent à lessive) sont plus difficiles à recycler.
Il ne fait bien entendu aucun sens d’utiliser de l’eau pour nettoyer vos contenants de plastique avant de les mettre au recyclage. Il est fort probablement préférable de jetter votre pot de beurre d’arachide plutôt que de l’envoyer au recyclage après un diligent nettoyage à l’eau chaude. Et surtout ne mettez pas de sacs de plastique dans votre bac de recyclage! Ils bloquent les machines au centre de tri.
Le plastique qui pollue les océans ne provient pas des pays de l’OCDE, il provient de pays sujets à de la pauvreté extrême où il n’y a même pas de collecte de déchets, encore moins de bacs de recyclage (voir ceci).
Le recyclage donne bonne conscience…
Pour quelqu’un qui souhaite réduire son empreinte environnementale, le recyclage est la troisième meilleure option. La première est de moins consommer et la seconde est de réutiliser. Ceci dit, le fait de recycler donne bonne conscience aux gens et les incite à consommer, voire gaspiller, davantage.
Une étude publiée en janvier 2013 dans le Journal of Consumer Psychology présentait des résultats fort intéressants sur le recyclage.
Les chercheurs ont d’abord demandé aux participants d’évaluer un produit, soit une paire de ciseaux, en découpant du papier de différentes manières. Pour la moitié des participants, il y avait un bac de recyclage dans la pièce, mais pas pour l’autre moitié. Devinez quoi? Ceux qui étaient en présence du bac de recyclage ont utilisé deux fois plus de papier pour tester les ciseaux que les autres!
Conclusion
Quand vous mettez des choses dans votre bac de recyclage au bord de la rue, vous ne faîtes pas du recyclage. Le recyclage c’est ce qui se passe après, une fois la marchandise triée et expédiée à celui qui la transformera en quelque chose d’utile. La distinction est importante car mettre quelque chose dans le bac ne signifie pas que ce sera recyclé.
Il en coûte environ US$150 par tonne pour ramasser, trier et préparer des matériaux recyclables d’une valeur de US$100 par tonne, alors qu’il aurait coûté environ US$35 pour les enfouir aux États-Unis (chiffres datant de 2008). Le recyclage doit donc être subventionné, mais pas tant que ça.
Alors que faut-il mettre dans le bac résidentiel?
– Tout d’abord, j’éviterais de recycler le verre. Les bienfaits environnementaux sont minimes (l’économie d’énergie est plus petite, le verre ne se décompose pas et donc n’émet pas de méthane) et le verre brisé peut contaminer les autres matières recyclables.
– Pour ce qui est du plastique, on pourrait ne recycler que les bouteilles transparentes, après avoir enlevé bouchons et étiquettes si possible. Cela simplifierait le processus de triage et c’est ce plastique qui ce recycle le mieux. N’y mettez surtout pas de sacs de plastique.
– Le papier et le carton ainsi que les canettes d’aluminium se recyclent très bien et sont faciles à séparer.
– Il vaut vraiment la peine de déposer les articles électroniques aux endroits appropriés, pour qu’ils puissent être recyclés correctement.
– Il vaut aussi la peine de faire du compost, ce qui vous fournira de l’engrais gratuit. Les émission de méthane sont moindre que dans un site d’enfouissement, mais pas tant que ça si ce site est équipé pour recueillir les gaz.
Je pense que ces ajustements permettraient de simplifier le processus de collecte et de tri, tout en optimisant les bienfaits environnementaux. Un bac de recyclage plus pur vaudrait plus cher et permettrait de réduire les subventions.
Cependant, il faut réaliser que la majorité du recyclage est effectué par les entreprises, sans subvention. Les industries manufacturières vendent leurs résidus de métaux, de plastique et de bois. Les industries axées sur la logistique vendent le carton de leurs boîtes en ballots. Les bureaux envoient les feuilles de papier au recyclage. Quant aux électroménagers et automobiles, ils finissent dans les petites « cours à scrap » où ils sont dûment recyclés.
Ainsi, les bacs de recyclage résidentiels ne représentent qu’une minorité des matières recyclées totales.
Beaucoup de grandes entreprises tentent d’utiliser davantage de matières recyclables dans leurs produits. Coca-Cola vise utiliser 25% de plastique recyclé dans ses bouteilles. Walmart a pris des engagements similaires. Pour y arriver, une dizaine d’entreprises américaines ont financé un fonds de $100 millions (le Closed Loop Fund), qui offre des prêts sans intérêts pour financer des projets reliés au recyclage.
De son côté, Apple a mis de l’avant un programme de recyclage des appareils usagés. L’entreprise vous remettra une carte cadeau en échange de votre viel appareil, qu’elle remettra à neuf ou démontera pour recycler les composantes.
Bien qu’il contient beaucoup d’informations intéressantes, je ne recommande pas vraiment ce livre d’Adam Minter car il est beaucoup trop long, vu la grande quantité d’anecdotes peu pertinentes et semi-biographiques.
Jeter plutôt que de réparer, c’est indigne de notre civilisation. .
Jadis on considérait en France que les américains étaient tellement riches que lorsque le cendrier de leur voiture était plein on la jetait et on en achetait une autre … (Paris, années 50′)
Un article intéressant sur le recyclage du plastique: https://www.npr.org/2020/09/11/897692090/how-big-oil-misled-the-public-into-believing-plastic-would-be-recycled
L’industrie pétrolière a fait des promesses au public qui sont juste impossibles à tenir