Avez-vous entendu parlé du livre “Flash Boys” de Michael Lewis? Si vous travaillez dans l’industrie de la finance, c’est certainement le cas. Sinon, sachez qu’il a été en première place de la New York Times Best Seller list pendant 4 semaines consécutives en 2014 et qu’il a causé pas mal de remous chez les régulateurs, incluant la puissante Securities & Exchanges Commission (SEC). Le livre, dont l’auteur a aussi publié « The Big Short » et « Moneyball », deux autres best-sellers récemment convertis en films, plonge dans l’univers des transactions à haute-fréquence (high-frequency trading ou HFT). Le HFT utilise des algorithmes informatiques pour générer un grand volume d’ordres boursiers à des vitesses très rapides. Cette industrie générerait des revenus de US$20 milliards par année aux États-Unis.
La stratégie HFT sur laquelle Flash Boys se concentre fonctionne de la manière suivante :
- Un investisseur envoie un ordre à son courtier pour acheter 100,000 actions.
- Son courtier voit que 1,000 actions sont disponibles à la bourse A (disons le BATS) au prix le plus bas, il y envoie donc un ordre d’achat pour 1,000 actions.
- Les premières 100 actions sont achetées avant que les HFT ne rétractent leurs ordres.
- Les HFT utilise leur avantage de vitesse pour acheter automatiquement des actions à la bourse B (disons le NYSE), faisant grimper le prix.
- Le reste de l’ordre est envoyé à la bourse B par le courtier.
- Les 99,900 autres actions sont achetées à la bourse B à un prix un peu plus cher qu’il ne l’était avant le début du processus (les HFT ont empochés la différence).
On constate donc que les HFT utilisent leur vitesse et les mécanismes de transactions des bourses pour devancer les gros ordres. Ils ne font que quelques sous par transaction, mais magnifient leurs rendements en utilisant l’effet de levier (i.e. en empruntant des capitaux auprès des grandes banques). Pour arriver à leurs fins, les HFT dépensent des sommes colossales en serveurs et en loyers d’immeubles situés près des places boursières. L’entreprise Spread Networks a même dépensé US$300 millions pour enfouir un câble long de 827 miles entre Chicago et le New Jersey pour battre de vitesse les réseaux de télécommunications ordinaires de 4 millisecondes. Ils emploient aussi une armée d’ingénieurs, de programmeurs et de mathématiciens, dont les talents pourraient être utilisés à bien meilleur escient…
Mais pourquoi selon vous le courtier envoie-t-il systématiquement l’ordre au BATS, un marché boursier fondé par et pour les HFT, même s’il y a qu’une poignée d’actions offertes? La réponse est simple : parce que la SEC a imposé en 2005 (même année que la fondation du BATS Exchange) la Règle NMS, qui oblige entre autres les courtiers à transiger d’abord sur le marché boursier où le prix est le plus bas! Cela oblige donc les investisseurs à tomber dans le piège des HFTs! Vous avez bien compris : la règlementation de la SEC a donné naissances au HFT et leur capacité à voler systématiquement les investisseurs!
Pour contrer les HFT, un ancien négociateur de la Banque Royale du Canada (RBC) expatrié à New York du nom de Brad Katsuyama a fondé une nouvelle place boursière, l’IEX. Pour arriver à déjouer les HFT, les fondateurs de l’IEX ont introduit un délai de 350 microsecondes en enroulant un câble de 38 miles de long et l’ont placé dans une boîte près de leurs serveurs! Ainsi, c’est comme si la distance entre leur place de marché à Weehawken au New Jersey, leurs serveurs à Seacaucus et le NYSE à Mahwah était beaucoup longue qu’elle ne l’était en réalité (voir carte ci-bas)! Depuis son lancement, la plateforme IEX ne cesse de gagner des parts de marché et s’approche des 2% du volume total de transactions. La SEC va donner réponse à la demande d’application de l’IEX pour devenir une bourse officielle (et non seulement un « dark pool ») le 21 mars 2016.
Suite à la parution du livre, un grand nombre de plaintes fut reçu et le procureur général a ouvert une enquête. La SEC a éventuellement mis à l’amende quelques firmes, dont BATS, UBS, Barclays, Wedbush, Athena Capital et Liquidnet. Bank of America a fermé ses opérations de HFT, alors que Citigroup et Wells-Fargo ont fermé leurs « dark pool » (un outil utilisé à fonds par les HFT).
Il est vrai que les HFT font diminuer l’écart bid-ask, ce qui réduirait en théorie les coûts de transactions pour les investisseurs. Cependant, cet écart bid-ask ne s’applique que sur une fraction des transactions, puisque les HFT retirent rapidement leurs ordres, donc les investisseurs n’en profitent pas vraiment. Pour piéger les gros investisseurs, les HFT envoient un très grand nombre d’ordre, mais effectuent très peu de transactions puisque les ordres sont retirés une fois que le poisson a mordu. Les HFT représentent 99% des ordres boursiers aux États-Unis, mais moins de la moitié des transactions.
Il est donc clair que les HFT ne rendent aucun service à la société, ne contribuent en rien à l’efficience des marchés boursiers et constituent donc un gaspillage de ressources. Leur existence est attribuable à la règlementation, mais au moins le capitalisme a trouvé une solution viable, l’IEX. Espérons que la SEC ne tentera pas de réparer son erreur en introduisant encore plus de règlementation, qui créera encore plus de problèmes…
Et en passant, que vous soyez détenteur de fonds communs de placement ou cotisant au fonds de pension de votre employeur, ou tout simplement contribuable, il est certain que des HFT se sont enrichis sur votre dos au cours des 10 dernières années…vous aussi avez défrayé, que vous le vouliez ou non, cette « taxe règlementaire »!
Sauf que… Ce livre est rempli d’inexactitudes, pour ne pas dire d’erreurs. Lire ceci en complément : http://www.amazon.com/Flash-Boys-Insiders-Perspective-High-Frequency/dp/0692336907/
Évidemment que l’industrie a tenté de se défendre, mais jusqu’à maintenant leur défense est peu convaincainte.
Je suis totalement d’accord pour dire que le HTF est une conséquence de la réglementation débile aux Etats Unis apparu dans les années 2000 suite à un problème avec les spécialistes.
En effet, et sans rentrer dans les détails, la loi impose aux courtiers de fournir un prix officiel à leur client s’ils traitent sur plusieurs bourses. Hors ce prix est diffusé tellement lentement que l’on peut sans problème arbitrer sans risque le flux du client par rapport au cours réel.
De plus, si le volume du HFT est si important, c’est d’abord qu’il n’y a plus aucun volume « naturel » sur les bourses. Ceci est notamment du aux nouvelles réglementations ubuesques qui permettent d’avoir un levier infini face à un emprunt grec et un levier de 2 au maximum face à une action liquide.
Par contre, je ne suis pas d’accord pour dire que le HFT est mauvais et qu’il n’a pas d’avantage .
Les stratégies HFT sont dans leur immense majorité ultra simples : on ne peut effectuer des calculs. compliqués en quelques microsecondes. Il s’agit 9.9 fois sur 10 d’arbitrage pur : on vend d’un coté et on achète de l’autre avec un impact nul.
Il ne faut pas diaboliser cette pratique comme le font les médias et cet article: le HFT a des avantages et des inconvénients. le problème est juste beaucoup plus complexe qu’il en a l’air et on ne peut pas l’enlever de son contexte. Dans certaines circonstances, le HFT peut avoir des conséquences sur la stabilité des marchés financiers. Hormis les aspects purement techniques liés à des stratégies de trading portant par exemple sur la hausse recherchée de la volatilité, ou d’autres aspects très techniques, le risque principal au niveau global est celui du risque systémique et de l’instabilité du système. Pour certains, le HFT est une mutation nécessaire pour s’adapter à l’écosystème des marchés financiers, mais il s’agit également d’une innovation qui accroît le risque de crise financière. mais le HFT a trois avantages:1. Augmentation de la liquidité
La multiplication des ordres passés permet d’assurer la plus grande liquidité sur l’ensemble des types d’actifs, ce qui est fondamental pour le bon fonctionnement d’un marché. De plus, le HFT présente l’intérêt de ne pas être soumis aux aspects psychologiques des opérateurs de marché. Typiquement, dans le cas où plus rien ne va sur les marchés, au lieu d’adopter un comportement moutonnier de panique ou « d’exubérance irrationnelle », les ordinateurs vont d’eux-mêmes s’arrêter et attendre le retour à la normale.
2. Baisse des spread
En d’autres termes, le spread, qui est l’écart entre le prix acheteur et le prix vendeur, est mécaniquement diminué grâce à la hausse de la liquidité engendré par le HFT.
3. Les marchés peuvent être plus efficients
En effet, les algorithmes peuvent détecter des anomalies de marché que les humains ne peuvent pas voir du fait de leur capacité cognitive et de calcul limitée. Dès lors, il est possible de réaliser des arbitrages entre différentes classes d’actifs (actions, obligations…) et places boursières (Paris, Londres, New-York) de façon à ce que le prix d’équilibre se réalise sur les marchés boursiers. vouloir la réglementer ou l’interdire n’aurait aucun effet sauf si on agit au niveau mondial (chose très peu probable). une réglementation aurait des effets contre-productifs. trop de régulation équivaut à moins d’échange, et donc moins de circulation du crédit, ce qui renchérit mécaniquement le coût de ce dernier, avec in fine un accès aux capitaux plus coûteux pour les entreprises, avec des répercussions sur le marché du travail et des biens et services.
@Arnaud
Je suis en désaccord avec les trois avantages des HFT que vous énoncez.
La liquidité et la réduction du bid-ask spread ne sont que des illusions puisque les ordres sont vites retirés. Des études ont d’ailleurs démontré que c’était le cas. Le spread « effectif » est plus élevé que le spread affiché. Je le vois au jour le jour, à chaque fois que j’envoie un gros ordre, les titres offerts s’évaporent.
Quant au gain d’efficience des marchés, je ne peux être contre, mais il est évident que les avantages économiques de ces gains infimes d’efficience sont très petits, voire négligeables.
Ceci dit, notez bien que je ne propose pas de règlementer les HFT, je propose plutôt d’éliminer la règlementation qui leur permet de flouer les investisseurs, tel que décrit dans Flash Boys.