La gauche, menée par Jean-François Lisée, ne cesse de s’accrocher à la théorie selon laquelle le Québec a été victime d’un « mal hollandais », c’est-à-dire que l’augmentation substantielle du taux de change du dollar canadien occasionnée par les exportations de pétrole et de gaz naturel de l’Ouest Canadien durant les années 2000 a nuit au secteur manufacturier québécois et occasionné des pertes d’emplois. Selon lui, les paiements de péréquation ne sont qu’une juste compensation pour ces pertes.
J’avais bien démontré l’absurdité des arguments de Lisée dans un billet antérieur, mentionnant entre autres que Lisée avait mal interprété l’étude qu’il citait (il ne l’avait probablement même pas lue!). En se basant sur cette étude, Lisée estimait que l’appréciation du dollar canadien causée par les exportations d’hydrocarbures a détruit 55,000 emplois au Québec. Or, je ne crois pas que l’appréciation du dollar canadien soit entièrement attribuable aux exportations d’énergie et je ne crois pas que l’appréciation du dollar canadien soit la seule responsable des pertes d’emplois manufacturières. Ainsi, comme je le démontrais dans mon billet antérieur, ce chiffre est nettement surévalué, mais supposons qu’il soit vrai et que ces travailleurs méritaient un salaire de $50,000 (n’est-ce pas un peu généreux?). Cela équivaut à une masse salariale totale de $2.75 milliards.
Entre 2003 et 2009, le dollar canadien est passé d’environ $0.64 à la parité versus le dollar américain. En 2009, le Québec a importé des biens et services pour environ $98 milliards de l’international, dont 69% provenait des États-Unis, soit $68 milliards. En supposant que la seule devise contre laquelle le dollar canadien s’est apprécié soit le dollar américain (ce qui est faux, mais soyons conservateurs), cela signifie que les consommateurs québécois économisent maintenant plus de $38 milliards sur les biens importés des États-Unis, et ce grâce à l’appréciation du dollar canadien versus le dollar américain!
Ce chiffre est maintes fois supérieur à la petite perte dans le secteur manufacturier, d’autant plus que la production manufacturière du Québec n’a pas beaucoup diminué (le nombre de travailleur a diminué, mais la productivité a augmenté). Et comme je n’ai fait le calcul qu’avec les États-Unis et que le dollar canadien s’est apprécié avec la plupart des devises au cours de cette période, vous conviendrez que ce chiffre est nettement sous-estimé.
Ce qui est encore plus important c’est que ce $38 milliards est réparti dans l’ensemble de la population québécoise, alors que les emplois perdus n’affectent que quelques milliers de travailleurs. N’est-ce pas là une forme « naturelle » de redistribution de richesse et d’égalité? D’ailleurs, la plupart de ces travailleurs manufacturiers se sont trouvé un nouvel emplois dans une autre industrie (avant la crise financière, le taux de chômage québécois était à un niveau très bas historiquement). Certains se sont peut-être même trouvé un emploi relié à la production de pétrole et de gaz naturel, puisque plusieurs entreprises québécoises bénéficient directement ou indirectement de cette manne économique en provenance de l’Ouest. Finalement, il ne faut pas oublier les immenses paiements de péréquations que le Québec reçoit du gouvernement fédéral grâce à la richesse énergétique canadienne, sans lesquels le budget provincial serait un véritable cauchemard.
L’autre argument que l’a gauche utilise souvent est que la consommation d’hydrocarbures contribuent au réchauffement climatique, ce qui nuirait indirectement au Québec. Sans entrer dans le débat du réchauffement climatique anthropogénique, on peut tout de même affirmer que le Québec serait un bénéficiaire du réchauffement climatique: expansion de la zone habitable et de la zone de terres arables, hivers moins rigoureux (moins de dommages aux infrastructures), moins de déneigement (très coûteux et polluant), etc. D’ailleurs, la plupart des émissions polluantes provenant des hydrocarbures sont émises lors de la consommation et non lors de la production. Est-ce que l’Alberta consomme significativement moins de pétrole que le Québec? C’est possible, mais je ne pense pas que ça fasse une grande différence sur le réchauffement climatique. L’Alberta consomme évidemment plus de gaz naturel puisqu’elle n’a pas la chance de disposer de ressources hydrologiques aussi importantes que le Québec.
En somme, il est complètement faux d’affirmer que le Québec subi des conséquences négatives du développement de l’industrie de l’énergie de l’Ouest Canadien. Les exportations canadiennes de pétrole et de gaz naturel sont en fait très positives pour le Québec puisqu’ils nous permettent d’améliorer notre pouvoir d’achat et, par le fait même, notre niveau de vie.
Autre fait à noter: entre 2003 et 2009, le stock d’investissements étrangers au Canada a augmenté de 47% à $549 milliards. Ça aussi ça contribue à l’appréciation du taux de change et à l’amélioration de notre niveau de vie par l’expansion du capital productif de notre économie.
Bonjour,
Je vous prie de m’excuser. Je n’ai malheureusement pas trouvé comment vous contacter autrement que par commentaire.
Je souhaitais vous faire découvrir le service Paperblog, http://www.paperblog.fr dont la mission consiste à identifier et valoriser les meilleurs articles issus des blogs. Vos articles sembleraient pertinents pour certaines rubriques de Paperblog.
En espérant que le concept de Paperblog vous titille, n’hésitez pas à me contacter pour toutes questions ou renseignements…
Audrey
Responsable communication
audrey@paperblog.com
Bonjour,
Je viens de découvrir votre blogue et ce billet. Je ne suis aucunement économiste mais j’ai été frappé par certains de vos commentaires dans ce billet.
Si vous ne l’avez pas encore lu, je vous recommande « In the Shadow of the Boom » de The Pembina Institute. Les deux auteurs semblent en accord avec M. Mulcair et M. Lisée sur bon nombre de points et ont renommé la « Dutch Disease » pour « oilsands fever. » Pour défendre l’industrie pétrolière, vous comparez deux données n’ayant aucun lien ensemble: le salaire total des emplois perdus contre l’augmentation de la valeur d’achat à l’étranger. Puisque vous êtes un homme hautement connaissant en économie, je vois mal pourquoi vous compareriez ces deux données au lieu du PIB, du taux d’inflation ou encore du taux de chômage, des données beaucoup plus représentatives de la santé d’une économie et utilisées dans l’article du Pembina Institute.
Dire que l’on est automatique plus riche de 38$MM est techniquement vrai mais ca n’équivaut pas à 38$MM réels dans les poches des Québécois. Et juste parce qu’on magasiner aux USA coûtent moins cher là-bas, cela ne veut pas dire que les importations augmenterons. Par exemple, selon Les Affaires.com de mars 2012, les importants en provenance des États-Unis auraient diminuées de 18% en janvier 2012. De plus, si ces 38$MM plus leur valeur de base canadienne devaient réellement être dépensés aux USA, ce sont des sommes importantes qui disparaitraient de l’économie du Québec.
Finalement, il est estimé que le PIB du Québec a perdu environ 4% en 2003 et 2004 seulement en raison de l’appréciation du dollar canadien à partir de 2002. (http://collections.banq.qc.ca/ark:/52327/bs47327, p.25) Je vois mal comment on pourrait considérer qu’une croissance moins rapide du PIB serait un accroissement de la richesse d’une nation.
Pour ce qui est des transferts fédéraux aux provinces, le débat en est une hautement plus compliqué que de citer un chiffre (8,6$MM étant le préféré de Mme. Danielle Smith) ou encore prétendre que nous recevons d’immenses sommes de péréquation du gouvernement fédéral.
Finalement, concernant le réchauffement climatique, je n’ai pas fait d’études en sciences environnementales mais je peux facilement remarquer que c’est le cas également pour vous. Croyez-vous vraiment que le nord du Québec, situé sur le bouclier canadien, devra une grande zone de terre arable car la température y est de quelques degrés plus élevé? Je crois que vous faites dans la pensée magique ici.
Merci
Nic. B.
@nic B.
« vous comparez deux données n’ayant aucun lien ensemble: le salaire total des emplois perdus contre l’augmentation de la valeur d’achat à l’étranger. »
Je ne suis pas d’accord. Les pertes d’emplois sont une perte de pouvoir d’achat, alors que l’appréciation de la devise est un gain de pouvoir d’achat. Il est donc tout à fait logique de les comparer pour voir si, au net, nous sommes gagnants ou perdants.
« Dire que l’on est automatique plus riche de 38$MM est techniquement vrai mais ca n’équivaut pas à 38$MM réels dans les poches des Québécois. »
Oui, c’est bel et bien le cas. Sans l’appréciation du dollar Canadien, les prix de tout ce que nous importons auraient augmenté davantage. C’est un gain qui est bien réel.
« Et juste parce qu’on magasiner aux USA coûtent moins cher là-bas, cela ne veut pas dire que les importations augmenterons. Par exemple, selon Les Affaires.com de mars 2012, les importants en provenance des États-Unis auraient diminuées de 18% en janvier 2012. »
Elle n’ont pas besoin d’augmenter pour que l’argument fonctionne. D’ailleurs, la variation d’un mois à l’autre n’a aucune espèce d’importance dans ce genre de débat, surtout lorsqu’il est question de la variation entre décembre et janvier (le mois après Noël). Par ailleurs, je ne sais pas où vous prenez votre chiffre de 18%, le chiffre est plutôt une diminution de -0.3% à $24.5 milliards. Ceci dit, je note dans votre article que les prix des biens importés ont diminué de 0.8%, alors que le dollar canadien s’appréciait durant le mois d’environ 1%…
http://www.lesaffaires.com/bourse/nouvelles-economiques/l-exedent-commercial-du-canada-en-baisse/541994
« De plus, si ces 38$MM plus leur valeur de base canadienne devaient réellement être dépensés aux USA, ce sont des sommes importantes qui disparaitraient de l’économie du Québec. »
Non! Ce que nous importons n’est soit pas produit au Québec, soit produit bien moins cher ailleurs. Dans les deux cas nous sommes gagnants; dans le second nous réalisons des économies qui peuvent être redéployées dans autre chose et améliorer notre niveau de vie. Ne tombez pas dans la mythologie mercantiliste…
« Finalement, il est estimé que le PIB du Québec a perdu environ 4% en 2003 et 2004 seulement en raison de l’appréciation du dollar canadien à partir de 2002. (http://collections.banq.qc.ca/ark:/52327/bs47327, p.25) Je vois mal comment on pourrait considérer qu’une croissance moins rapide du PIB serait un accroissement de la richesse d’une nation. »
Cela ne tient compte que de l’effet négatif : les pertes d’emplois et la baisse des exportations manufacturières. La réalité est que le PIB du Québec n’a pas baissé en 2003 et 2004, il a augmenté. D’autres facteurs sont venus contrecarrer la hausse du huard, et au net ça a été positif. Toute chose n’est pas égale par ailleurs…
« Finalement, concernant le réchauffement climatique, je n’ai pas fait d’études en sciences environnementales mais je peux facilement remarquer que c’est le cas également pour vous. Croyez-vous vraiment que le nord du Québec, situé sur le bouclier canadien, devra une grande zone de terre arable car la température y est de quelques degrés plus élevé? Je crois que vous faites dans la pensée magique ici. »
Ais-je dit cela? Non! Ce que je dis est qu’une augmentation marginale de la température fera augmenter marginalement la surface propice à l’agriculture au Québec. C’est tout et c’est vrai.