Encore au 21e siècle, la plupart des gens ne comprennent pas les bienfaits du commerce international (voire du commerce tout court) et véhiculent encore de vieux clichés mercantilistes. Le réflexe protectionniste semble bien incrusté dans la population. Pour bien comprendre l’organisation économique d’une société, il est impératif de connaître la loi des avantages comparatifs. Cette théorie repose sur le principe simple que si deux parties consentent à un échange, c’est que les deux en bénéficient et améliorent leur situation (selon eux), autrement ils choisiraient de ne pas y participer.
Tout d’abord, retournons à notre analogie de l’île déserte et permettez-moi d’emprunter la petite histoire de l’excellent Russell Roberts.
Deux couples naufragés, les Palmers et les Fishers, occupent une île déserte et ont besoin d’eau et de nourriture pour subsister. Voici la production quotidienne initiale des deux couples qui, au départ, ne partagent rien :
Rations d’eau | Poissons | |
Palmers | 2 | 2 |
Fishers | 3 | 6 |
Comme vous pouvez le constater, étant plus grands, plus agiles et plus forts, les Fishers font mieux que les Palmers dans les deux activités. Par contre, au fil du temps, les deux couples réalisent que les deux peuvent bénéficier à faire des échanges. Les deux couples ont suffisamment d’eau (les Fishers en ont même trop), mais voudraient plus de poisson car la production actuelle ne suffit pas à les nourrir convenablement. Conséquemment, les Palmers cessent de pêcher et les Fishers cessent d’aller chercher de l’eau. Voici donc la production des deux couples :
Rations d’eau | Poissons | |
Palmers | 4 | 0 |
Fishers | 0 | 12 |
Ensuite, les Palmers échangent deux rations d’eau contre 4 poissons. Ainsi, les deux couples se retrouvent dans une meilleure situation qu’avant grâce aux échanges et ce même si les Fishers étaient meilleurs dans les deux activités. La situation des deux couples après les échanges se résume comme suit :
Rations d’eau | Poissons | |
Palmers | 2 | 4 |
Fishers | 2 | 8 |
En réalité, même si les Palmers ont un désavantage absolu dans les deux activités, ils ont quand même ce qu’on appelle un « avantage comparatif » dans la cueillette d’eau. Les Fishers quant à eux, même s’ils sont meilleurs dans les deux activités, ont un avantage comparatif dans la pêche.
D’autre part, il très probable qu’au fil des jours, étant spécialisés dans leurs activités respectives, les deux couples s’amélioreront et deviendront plus productifs. C’est un des bénéfices de la spécialisation du travail.
Cela démontre bien que l’économie n’est pas un jeu à somme nulle. Nous avons tous quelque chose à gagner à faire du commerce, tant local qu’international. C’est pourquoi le libre-échange est une source d’enrichissement pour tous, même pour les nations moins productives et moins avancées technologiquement.
Maintenant, imaginons deux chocs économiques différents qui pourraient affecter ces échanges :
- Un indigène qui s’avère être un excellent pêcheur arrive en pirogue et propose aux Palmers huit poissons en échange d’une ration d’eau à chaque jour.
- Un jour, les Palmers ont suffisamment de temps pour fabriquer un filet de pêche, ce qui leur permet de pêcher suffisamment de poissons (huit) pour ne plus dépendre des Fishers.
Vous aurez compris que ces deux scénarios sont défavorables aux Fishers, puisque le prix de leur production (poissons) diminue. Le scénario numéro 1 représente les importations alors que le scénario numéro 2 représente une augmentation de la productivité par le développement technologique.
La plupart des gouvernements verraient la nécessité d’agir devant ces situations pour « sauver les emplois » des Fishers, en restreignant les importations et/ou en les subventionnant. Est-ce que cela est justifiable? Absolument pas. Les deux couples n’auraient qu’à réorganiser leurs activités pour tenir compte des nouveaux faits. Voici la nouvelle répartition des avoirs dans l’un ou l’autre des deux scénarios :
Rations d’eau | Poissons | |
Palmers | 1 | 8 |
Fishers | 3 | 6 |
Comme les Palmers manquent d’eau et les Fishers de poissons, les Palmers pourraient échanger 3 poissons aux Fishers contre une ration d’eau. Voici ce que ça donnerait au final :
Rations d’eau | Poissons | |
Palmers | 2 | 5 |
Fishers | 2 | 9 |
On peut voir que dans les deux scénarios, tout le monde y gagne lorsque le marché est laissé libre. La même chose s’applique dans l’économie. Il est normal que certaines personnes perdent leur emploi suite à une innovation technologique ou suite à l’introduction sur le marché local d’un produit importé à meilleur marché (parce qu’un producteur étranger a un avantage comparatif). Ces gens doivent par la suite se trouver un autre créneau dans lequel ils ont un avantage comparatif. C’est la destruction créatrice qui fait son œuvre et nous enrichit.
L’apparition de la monnaie :
C’est d’ailleurs l’essor du commerce et de la spécialisation du travail qui ont nécessité l’apparition de la monnaie pour faciliter les échanges. La monnaie élimine notamment la nécessité de la double-coïncidence des désirs et permet la divisibilité des biens. Elle permet aussi de mieux comparer la valeur des biens entre eux et, par conséquent, de mieux allouer les ressources dans la production de ces biens.
La monnaie permet les échanges indirects, c’est-à-dire que plutôt que d’échanger un bien contre un autre que l’on désire, on échange son bien contre un bien intermédiaire que tout le monde accepte (la monnaie), qui pourra ensuite être échangé contre le bien désiré.
Les caractéristiques d’une bonne monnaie sont :
- Largement en demande
- Difficile à contrefaire
- Facilement transportable
- Divisible
- Durable
- Sa production ne doit pas croître trop vite
Comme vous pouvez le constater, il est peu surprenant que l’or et l’argent aient naturellement émergé comme monnaies de choix à travers l’histoire. Vous comprendrez aussi que lorsque l’État manipule à sa guise la quantité de monnaie en circulation, il déforme les paramètres qui servent à allouer les ressources, ce qui créent éventuellement des problèmes économiques néfastes.
Encore un excellent billet!
Merci pour la valeur pédagogique de votre travail.
Tiens c’est intéressant que vous parliez de la théorie de Ricardo peut de temps après que je l’ait mentionné dans une discussion avec vous!
Peut-être spécifier pour certains de vos lecteurs qui comprennent mal la monnaie :
L’utilisation de l’or comme monnaie ne nécessite pas de l’utiliser comme pièce de monnaie!! Ça ne veut pas dire que vos 2$ vont être changé en des morceau d’or! Ça veut simplement dire que vos billet de banque (ou pièce de monnaie… ou chèque, ou argent électronique) sont appuyé par une valeur existante (l’or). Chaque billet représente une portion de l’or possédé par l’institution financière (l’or a une valeur stable et inaltérable, je peux vous garantir que vous ne verez jamais le jour où l’or vaut l’équivalent de 1$ aujourd’hui!)
Je spécifierais aussi pour les petit malins que le diamant ne peut pas servir de base pour une monnaie parce qu’il n’est pas divisible. Un diamant de la taille d’une pomme qui serait coupé en deux ne vaudrait pas la même chose alors que l’or est divisible.
@Kevin
« L’utilisation de l’or comme monnaie ne nécessite pas de l’utiliser comme pièce de monnaie!! »
Effectivement, beaucoup de gens ne saisissent pas cette nuance.
Je pense que c’est vous qui m’aviez dirigé vers l’article de Russell Roberts n’est-ce pas?
Puis-je prendre le crédit pour l’article de Roberts? 🙂
C’était en réponse à lutopium il y a déjà quelques billets.
J’ai aucune idée qui est Russel Roberts, désolé 😉
La théorie des avantages comparatifs résume à 90% la philosophie libertarienne puisqu’on peut l’appliquer à toutes les transactions civiles. Lorsque j’aide mon ami à faire un design de carte d’affaire parce que c’est mon domaine et que lui m’aide à réparer mon char parce qu’il est passionné de mécanique, c’est une application de la théorie des avantages comparatifs.
Lorsque mon boss me fait travailler, c’est aussi un exemple. C’est la preuve que les loi du marché fonctionnent, que la vie n’est pas comme les étatistes le présentent.
J’ai une idée de billet pour vous, même si ça s’éloigne de vos sujets habituels :
« Pourquoi est-ce que les bien-pensant, libertaire et socialistes sont obsédé par les libertariens? » On s’entend que le libertarianisme représente une portion INFIME de la population, fait un sondage dans la rue et si tu arrives à 10% des gens qui savent ce que ça veut dire (incluant le savoir vaguement), je serai impressionné!
Pourtant les blogues de gauche comme Sylvain Guillemette justement ou Louis Préfontaine ou Jimmy St-Gelais ou alors tous les fucké de Cyberpresse, ils sont constamment en train de dire « les libertariens sont des bla bla bla » mais…. pourquoi prennent-ils le temps de juste mentionner l’existence d’une philosophie qui représente.. quoi 2% de la population? Il y a probablement plus de sado-maso que de gens qui aiment la philo minarchiste.
C’est quoi c’est de la peur? Ils ne s’attaquent pas aux étatistes de droite parce qu’ils ne sont pas cohérent? Avez vous remarqué la même chose? C’est comme si on voyait les gens dénigrer les immigrants du Laos dans les pages d’opinion des média! C’est quoi la joke, c’est un pourcentage microscopique de la population!