À tous les débuts d’année, alors que les grandes entreprises publient leur circulaire de la direction qui comprend toutes les informations concernant la rémunération des dirigeants, on nous relate dans les médias à quel point ceux-ci sont « excessivement » biens payés, et ça commence presque toujours par le Groupe CGI, simplement parce qu’ils sont parmi les premiers à publier leur circulaire vu leur année fiscale se terminant au 30 septembre, suivie des banques dont l’année fiscale se termine au 30 octobre. (Dans La Presse : 2009, 2010, 2011, 2013)
Le cas de CGI est particulièrement intéressant cette année car le PDG a vu son salaire grimper de +55% : quelle situation abusive! Encore un excès du « méchant capitalisme »? En fait, le PDG Michael Roach, comme presque tous les PDGs des grandes entreprises Canadiennes, est rémunéré essentiellement de trois manières.
Premièrement, il perçoit un salaire de base, qui cette année a augmenté de 24% à $1.25 millions. Est-ce que ce niveau est raisonnable? C’est une question de marché – donc offre et demande – mais nous y reviendrons plus loin. Ceci dit, ce niveau de salaire de base est presque 8% supérieur à moyenne de mon échantillon des 60 plus grandes entreprises canadiennes cotées en bourse. Quant à l’augmentation, on pourrait dire qu’elle est justifiable par le fait que CGI a doublé de taille en 2013 et est devenue une firme transatlantique, suite à l’acquisition de Logica en Europe.
Deuxièmement, Roach reçoit un boni de performance. Pour l’obtenir, il doit atteindre des cibles reliées à la croissance des revenus et à la marge de rentabilité, en comparaison avec un échantillon de 38 firmes qui sont dans la même industrie. Cela évite de récompenser une performance qui serait davantage attribuable à la vigueur de la conjoncture ou à une tendance spécifique à l’industrie et non à l’entreprise elle-même. Ces cibles doivent être passablement difficiles à atteindre puisqu’en 2012, Roach n’a pas obtenu son boni (ce pourquoi La Presse n’a pas publié d’article cette année-là!). Le boni est donc passé de $0 en 2012 à $1.7 millions en 2013, ce qui explique la majorité de la hausse de +55% de la rémunération totale du PDG. En fait, dans les 60 entreprises de mon échantillon, le boni moyen a été de $2.0 million en 2013 comparativement à $2.2 million en 2012.
Troisièmement, la portion la plus importante de la rémunération de Michael Roach est la rémunération en actions, qui a totalisé une valeur de $5.9 millions en 2013. Ainsi, le dirigeant reçoit ces actions, mais ne peut en disposer avant 3 ans. Pour les obtenir, il devra avoir atteint des objectifs à long terme similaires à ceux nécessaires à l’obtention de son boni. Conséquemment, ce $5.9 millions pourrait bien être en réalité $0. Par ailleurs, même si les objectifs sont atteints et que les actions sont distribuées, le prix de celle-ci peut baisser durant les 3 années d’attente, ce qui introduit une autre source de risque dans la rémunération. En fait, la véritable somme que Roach a empoché cette année est provenue des actions qu’il avait obtenues il y a 3 ans, d’une valeur de $3.6 millions. Donc son véritable salaire « cash » cette année a été de $6.5 millions et non de $8.8 millions.
Ainsi, dans le cas où il n’aurait pas atteint ses cibles de performance, la rémunération de Roach aurait été de $1.25M (son salaire de base) plutôt que de $8.8M, une baisse de 85%. Bien peu de travailleurs voient leur rémunération varier autant. Cette somme – même le salaire de base de $1.25M – est néanmoins substantielle comparativement au commun des mortels.
Trop cher payé?
En réalité, ce sont les actionnaires qui paient les dirigeants : pas les employés, ni les clients, ni le gouvernement. Donc si vous ne détenez pas d’actions de CGI, Michael Roach ne vous a rien coûté. Les actionnaires élisent les membres du conseil d’administration, lequel forme un sous-comité responsable de négocier les salaires des dirigeants et d’établir les critères de leur rémunération. Que recherche les actionnaires en échange d’une telle somme? Ils veulent accroître leur patrimoine, ce qui se matérialise par une hausse du cours de l’action et par le paiement de dividendes.
Dans le cas de CGI, au début de son année fiscale 2013, il y avait 308 millions d’actions en circulation se transigeant à $26.40. À la fin de l’année, le titre avait grimpé à $36.15. La richesse ainsi créée se chiffre à $3 milliards, soit 341 fois le salaire du PDG! Dans cette perspective, le salaire de Roach a été une véritable aubaine…
De plus, cette appréciation n’est pas simplement due à une hausse du marché boursier en général. Le bénéfice par action est passé de $1.50 en 2012 à $2.30 en 2013. Si on applique un multiple de 14x à cette croissance (ce qui est raisonnable pour CGI si on observe la moyenne historique de son ratio cours/bénéfice), on obtient une valeur de $3.4 milliards. Une bonne partie de cette hausse est liée à la richesse créée par la décision d’acquérir l’entreprise européenne Logica, donc l’enrichissement des actionnaires est attribuable à une décision clé des dirigeants ainsi qu’à l’exécution de cette décision.
Certains diront que les salaires élevés des PDG font augmenter les inégalités. Du côté de la taxation, même si on taxait les salaires des 1% dont les revenus sont les plus élevés à 100%, cela n’aurait pas tant d’impact sur les revenus du gouvernement (voir ceci et ceci). Par ailleurs, si le PDG de CGI était renvoyé demain matin et que son salaire était réparti entre les 68,000 employés de la firme, cela leur procurerait une « fulgurante » hausse de $129.41 par année. Pas de quoi se gâter n’est-ce pas! Et si on utilisait le salaire des PDGs pour réduire les prix des biens et services que nous consommons? Dans le cas de CGI, le salaire du PDG permettrait de réduire les prix d’un maigre 0.3%. Pour la moyenne de mon échantillon de 60 entreprises, la moyenne est de 0.41%, donc insignifiant.
Cependant, il y a une chose que l’on peut reprocher à CGI. Le fondateur Serge Godin détient 9.5% des actions, mais comme il détient les actions multi-votantes de classe B, il contrôle 47% des votes, ce qui lui permet de contrôler le conseil d’administration. Il s’est donc auto-embauché comme chef du conseil d’administration « exécutif », ce qui est très rare et en vertu de quoi il se verse un salaire équivalent à celui du PDG! Cela est inacceptable et dénoncé par la plupart des investisseurs chevronnés comme moi. Ceci étant dit, quand CGI a acheté Logica, la Caisse de Dépôts et Placements du Québec a financé la transaction en achetant des actions fraîchement émises équivalent à 21% du total. Avec ce poids économique, la Caisse aurait pu exiger le démantèlement de la structure multi-votante, mais ne l’a pas fait… Malgré le soutien gouvernemental de cette structure, qui permet de garder les entreprises « entre les mains de québécois », on blâmera quand même le méchant capitalisme débridé pour cet excès salarial…
Ce type de structure de gouvernance est disparu de presque tous les pays développés, sauf au Canada. La raison est que dans les autres pays, les firmes avec actions multivotantes n’arrivaient pas à vendre leurs actions sur les marchés car les investisseurs n’en voulaient pas. Au Canada, il semble que nos fonds de pension gouvernementaux aient des standards plus bas…
En passant, l’autre entreprise qui abuse vraiment du concept d’actions multi-votantes est Shaw Communications. L’entreprise comporte un chef du conseil d’administration exécutif (JR Shaw), un Directeur Général (Bradley Shaw) et un Président (Peter Bissonnette). Le salaire de base de Bradley Shaw y est de $2.39 million, soit le plus élevé de mon échantillon. Leur salaire de base totalise $5.75 millions et leur boni $21.9 millions en 2013, pour un total de presque $28 millions en rémunération pour un travail qui, dans la plupart des entreprises, peut être effectué par une seule personne (le PDG)! D’autres compagnies avec une telle structures sont Canadian Natural Resources et Loblaws entre autres.
Les PDGs de nos banques…
Les banquiers quant à eux ont en moyenne un salaire de base de $1.38 million, soit +19% de plus que la moyenne de mon échantillon, et leur rémunération totale (incluant bonis et actions) a totalisé $6.6 millions en 2013, soit 54% de plus que la moyenne de mon échantillon, en hausse de +0.1% par rapport à 2012. De plus, les banques ont un plus grand nombre de cadre exécutifs que la moyenne des entreprises, obtenant tous des salaires fort enviables, ce qui fait en sorte que les coûts des salaires des dirigeants bancaires sont très salés. Et comme ces entreprises bénéficient d’énormes subventions implicites et indirectes du gouvernements, je considère que de tels salaires ne sont pas mérités. Mais ici, le libre-marché n’est pas admis dans la détermination de ces salaires et de la structure de l’industrie. Ces institutions financières sont presque des départements gouvernementaux.
Ceci étant dit, il est important de noter qu’au sein des banques, les PDGs et cadres supérieurs sont loin d’être les employés les mieux payés de l’entreprise. Ce sont plutôt les négociateurs et banquiers d’investissement qui oeuvre dans la division de marchés des capitaux qui obtiennent les meilleurs rémunérations, lesquelles sont très variables et dépendent presque entièrement de la performance, mais dont les opérations rapportent beaucoup de profits à la banque.
Hunter Harrison et le CP
L’autre cas intéressant en 2013 est celui de Hunter Harrison, le nouveau PDG des chemins de fer Canadien Pacifique (CP). Tout a commencé en septembre 2011, quand l’investisseur américain Bill Ackman, de la firme Pershing Square Capital Management, s’est mis à accumuler des actions de CP. Après quelques mois, sa position atteignait 14.2% de l’entreprise. Son objectif était de provoquer des changements qui mèneraient à une amélioration des résultats opérationnels de l’entreprise. Bill Ackman est ce que l’on appelle un investisseur activiste. Pour lui, CP était une entreprise mal gérée et le meilleur moyen de l’améliorer était de prendre le contrôle du conseil d’administration et renvoyer les dirigeants pour les remplacer par des managers plus compétents.
Il a alors mené ce qu’on appelle une guerre de proxys (« proxy battle ») qui lui a permis de faire élire des alliés au sein du conseil (7) et de renvoyer le chef du conseil d’administration, John Cleghorn, l’ancien PDG de la Banque Royale. Pour y arriver, il a bien sûr dû obtenir le soutien d’autres actionnaires importants du CP, qui ont voté pour les membres du conseil qu’il proposait.
La première action du nouveau conseil d’administration a été de renvoyer le PDG Fred Green et de le remplacer par Hunter Harrison en juin 2012. Ce dernier est l’ancien PDG du Canadien National, le rival de CP, qui était alors à la retraite après une fabuleuse carrière. Harrison a vraiment commencé au bas de l’échelle : il huilait les roues des trains d’une compagnie du Tennessee. Il est ensuite devenu opérateur pour la St-Louis-San Francisco Railway, pour ensuite faire le saut à la Burlington Northern Railroad, où il n’a cessé de grimper les échelons. En 1989, il a accepté un poste de direction à la Illinois Central Railroad, qui fut achetée par le Canadien National en 1998. En 2003, il remplaça Paul Tellier à titre de PDG du CN, et contribua à en faire la meilleure entreprise de chemins de fer en Amérique du Nord.
Le CP quant à lui languissait dans les bas-fonds de l’industrie en ce qui a trait à son efficacité. Son ratio d’opération (coûts / revenus) se situait autour de 80% versus 60% pour le CN. Harrison n’a pas perdu de temps : il s’est débarrassé de 450 locomotives et 10,000 wagons pour réduire les coûts, il a mis en place des changements permettant d’utiliser le reste de la flotte de manière plus efficiente, il a simplifié les procédures administratives de l’entreprise et réduit la bureaucratie, il planifie éliminer 4,500 postes par attrition entre 2012 et 2016. Les résultats sont stupéfiants : le ratio d’opération du CP est en chute libre et rejoindra incessamment celui du CN!
Ceci dit, Hunter Harrison a coûté très cher au CP. En sortant de sa retraite du CN, il a dû renoncer à son fonds de pension. Le CP l’a alors compensé à cet égard au coût de $35 millions. Ils lui ont aussi versé un boni de signature de $10 millions et ont dû verser une indemnité de départ de $4 millions à Fred Green. Ainsi, en 2012, le poste de PDG a coûté $58 millions aux actionnaires du CP! Les choses se sont normalisées en 2013, durant laquelle Harrison a perçu un salaire de base de $2.3 millions et une rémunération en actions de $4.4 millions pour une rémunération totale de $7.2 millions, soit 12% de moins que la moyenne de mon échantillon de 60 entreprises.
Ceci dit, Hunter Harrison a été une aubaine pour les actionnaires du CP. Les bénéfices par actions sont passés de $3.12 en 2011, à $4.00 en 2012 puis $6.42 en 2013. Les prévisions de Bay Street sont de $8.49 pour 2014, $10.15 en 2015 et $11.71 en 2016. Donc en 5 ans, Harrison pourrait avoir presque quadruplé les profits du CP! Entre 2011 et 2013, les profits totaux ont doublé en augmentant de presque $600 millions! Encore plus important, entre le 31 août 2011 (date à laquelle Pershing a commencé à acheter) et le 31 décembre 2013, l’action du CP est passé de $56.24 à $160.65, pour un rendement de 186% comparativement à moins de 7% pour l’indice boursier S&P/TSX. La hausse de la valeur boursière de l’entreprise sur cette période totalise $22 milliards de dollar, soit plus de 3000 fois le salaire versé à Hunter Harrison en 2013.
Les actionnaires activistes
Lorsque l’on parle d’actionnaires « activistes », l’image qui vient en tête est souvent stéréotypée autour du personnage de Gordon Gekko du film Wall Street, qui manipule les marchés, endette les entreprises, détruit les emplois, morcelle les entreprises et tout va bien car « greed is good » (voir ceci). La réalité est bien loin de cette fiction irréaliste.
Récemment, des chercheurs des universités Harvard et Columbia ont publié une étude (Bebchuk, Brav & Jiang) dans laquelle ils ont analysé plus de 2,000 interventions d’actionnaires activistes entre 1994 et 2007. Ils ont d’abord observé que les entreprises visées par les activistes ont a priori un rendement de l’actif (ROA) significativement inférieur à leur industrie. En termes clairs, ces entreprises risquent la disparition totale vu leur sous-performance chronique.
Dans les 5 ans suivant l’intervention de ou des activistes, l’écart de ROA avec l’industrie a fortement diminué pour presque disparaître, ce qui signifie que la firme a amélioré ses opérations. Les auteurs observent que les actionnaires bénéficient énormément de ces interventions, même dans les 3 ans suivant la sortie de l’activiste. Les employés de ces firmes en bénéficient aussi puisque l’amélioration de la performance assure la pérennité de l’entreprise.
L’augmentation des salaires de PDG
La cause principale de l’augmentation des salaires de PDGs durant les 25 dernières années est l’utilisation grandissante de la rémunération en actions. Comme cette forme de rémunération est plus « risquée », les PDGs exigent un salaire global potentiel plus élevé. C’est ce qu’a confirmé, entre autres, une étude publiée en 2012 (Fernandez, Ferreira, Matos & Murphy). La mondialisation a aussi contribué à faire augmenter les salaires de dirigeants, puisque plus une firme est grande, plus l’effet de levier est grand sur les habiletés managériales des dirigeants, ce qui leur permet de justifier un salaire plus élevé.
Les PDGs Américains gagnent en moyenne 26% plus que ceux des autres pays, mais la majorité de cette différence est attribuable à l’utilisation accrue de la rémunération variable. Par exemple, la rémunération variable représente 66% des salaires aux États-Unis comparativement à 46% dans les autres pays développés et à seulement 21% en Suède. Il est en partie normal qu’en échange d’une rémunération plus stable, les PDGs Suédois obtiennent une rémunération totale inférieure.
Une récente étude (Gabaix & Landier) a démontré que l’augmentation des salaires des PDGs des 500 plus grandes entreprises américaines a été en ligne avec l’augmentation de la valeur marchande de ces entreprises. Cela démontre donc que plus les rendements boursiers sont intéressants, plus les actionnaires sont prêts à payer un PDG pour de la performance supérieure. Ce graphique montre la rémunération des PDGs et la valeur au marché des firmes qu’ils dirigent.
Le poste de PDG : une récompense?
Finalement, pour les deux-tiers des entreprises nord-américaines, le PDG a été embauché à l’interne. Ils ont souvent commencé au bas de l’échelle, travaillé très dur et ont grimpé les échelons jusqu’au sommet. Le prestigieux poste de PDG est donc un peu comme une récompense pour les meilleurs cadres supérieurs. Le salaire élevé qui l’accompagne incite ces cadres à se dépasser et agit comme une source de motivation à l’excellence.
Voici quelques graphiques intéressants sur le sujet. Le premier montre la composition du salaire du PDG moyen dans différents pays. On constate que les PDGs Suisses sont les mieux rémunérés en moyenne et obtiennent une grande proportion de leur rémunération de leur salaire de base (donc pas très risqué).
Ce graphique montre une mesure de rémunération ajustée pour le risque, qui tient donc compte de la variabilité accrue de la rémunération en actions et des bonis de performance. On constate que dans cette optique, les PDGs du Royaume-Uni et de l’Australie sont les mieux payés.
Ce graphique montre le salaire du PDG en terme de multiple du salaire de l’employé moyen aux États-Unis.
Ce graphique compare le ratio de la rémunération PDG/salarié moyen de 2012 pour différents pays. On constate que le Canada arrive deuxième dans ce classement.
Conclusion
En somme, on peut croire qu’il est injuste qu’un PDG gagne plus de 200 fois le salaire moyen de son entreprise. Il n’en demeure pas moins que le levier dont le PDG dispose pour créer de la richesse est immense et c’est ce qui est reflété dans sa rémunération. Si les actionnaires jugent qu’une rémunération de $8 million est convenable pour le PDG, alors il n’y a aucune injustice puisque ce sont eux qui paient et la valeur est dans l’oeil de celui qui paie… Le même raisonnement s’applique aux athlètes professionnels et aux artistes internationaux, qui font souvent bien plus d’argent que les dirigeants d’entreprises, mais qui sont pourtant largement subventionnés par les gouvernements.
Ceci étant dit, à travers l’inflation monétaire, les PDG et les profits des entreprises qu’ils dirigent reçoivent un sérieux coup de pouce des banques centrales gouvernementales. L’inflation a tendance à faire augmenter les profits plus rapidement que les prix, je l’expliquais d’ailleurs ici, ce qui a comme impact de doper les évaluations boursières par le fait même. Et comme les PDG sont de plus en plus payés en actions, l’inflation les enrichit doublement.
S’il y a donc une injustice quant à la rémunération des PDG, c’est là qu’elle se situe.
Les gens sont parfois plus rationnels lorsqu’ils parlent de sport que lorsqu’ils parlent d’économie. Tout le monde comprend que si tu veux Sidney Crosby dans ton équipe, tu dois payer le prix. Mais pour certaines personnes, comme Léo-Paul Lauzon, diriger une compagnie de milliers d’employés, c’est facile, alors ils ne méritent pas leurs salaires…
Et c’est quand même paradoxal que les gens qui se plaignent des inégalités portent plus d’attention aux salaires des PDG qu’aux salaires des sportifs et des gens du show-business. Pourtant, les premiers fournissent des emplois à des milliers de personnes en plus de satisfaire des milliers de consommateurs. Les seconds divertissent.
Et si les inégalités sont vraiment un problème, ceux qui les pourfendent devraient passer autant de temps à critiquer les salaires des PDG que ceux des sportifs. Ce n’est pas le cas alors ils ne sont pas conséquents. Peut-être que réduire les inégalités n’est pas leur principal objectif…
Et je me demande même s’il n’y a pas plus de sportifs et d’artistes millionnaires que de PDG millionnaires aux USA? Car juste en prenant la NHL, la NFL, la MLB et la NBA, ça fait environ 2 500 millionnaires.
Je comprends qu’un PDG puisse être deux fois plus intelligent que moi, non, 4 fois plus.
Je comprends qu’un PDG peut travailler 80 heures par semaines, soit le double de moi. Non, disons qu’il travaille 3 fois plus que moi, soit 120 heures.
Je comprends qu’un PDG puisse réaliser un travail deux fois plus productif que moi. Non, 10 fois plus.
120 fois mon salaire, c’est un joueur étoile de hockey. Jusque là, ça va.
Donc je ne comprends pas qu’un PDG puisse gagner plus de 4X3X10=120 fois mon salaire. Alors quand je vois un PDG à 200 fois mon salaire, je ne comprends doublement pas. Et quand je vois un PDG à 1000 fois mon salaire, je refuse de comprendre.
Vous utilisez des exemples de sociétés autoritaires où l’actionnariat est définitivement contrôlé par quelques personnes qui exercent une planification centralisée. L’équivalent d’un régime communiste à l’intérieur d’une corporation, avec un personnage prestigieux dont l’intelligence et la productivité est supposée dépasser la capacité de compréhension du petit investisseur ordinaire.
C’est exactement cette forme d’élitisme autoritaire et de planifications centralisée qui détruit les entreprises à long terme.
À titre d’exemple, la corporation Mondragon en Espagne et en France est la société privée qui a le mieux résisté à la crise jusqu’à aujourd’hui. Elle est structurée en coopérative de propriétaires actionnaires à part égales avec une processus décisionnel décentralisé sous forme de système délégatif.
@rlaroche
« Et quand je vois un PDG à 1000 fois mon salaire, je refuse de comprendre. »
Vous n’avez pas besoin de comprendre puisque ce n’est pas votre problème. Ce le serait si vous étiez actionnaire de la compagnie. Vous pourriez alors faire comprendre aux autres actionnaires que le salaire du PDG est prohibitif pour la rentabilité. Mais si vous n’êtes pas actionnaire, votre critère normatif de « pas plus que 120x » n’est que du vent.
« Vous utilisez des exemples de sociétés autoritaires où l’actionnariat est définitivement contrôlé par quelques personnes qui exercent une planification centralisée »
Je ne pense pas que les membres du CA et les actionnaires majoritaires discutent de la quantité de papier de toilette à acheter ou de l’ordonnancement de la production lors de leurs réunions.
« C’est exactement cette forme d’élitisme autoritaire et de planifications centralisée qui détruit les entreprises à long terme. »
Je ne sais pas, mais si tel est le cas, so what? Les administrateurs incompétents vont être évincés du marché et remplacés par des gens plus compétents.
« Elle est structurée en coopérative de propriétaires actionnaires à part égales avec une processus décisionnel décentralisé sous forme de système délégatif. »
Si le modèle de Mondragon est supérieur, il va s’imposer de lui-même dans les autres compagnies, un peu comme le modèle Toyota.
@Guillaume P.
Je suis d’accord avec votre point. SI je ne suis pas actionnaire d’une compagnie, je n’ai que peu d’intérêt à critiquer le salaire du PDG. D’ailleurs, je suis aussi d’accord pour dire qu’il suffit de laisser aller le marché pour qu’une mauvaise entreprise disparaisse et laisse place aux meilleures.
Néanmoins, la réalité du système financier en matriochka apporte des nuances au lien actionnaire-entreprise. Il s’agit d’un problème principal-agent en fractale.
On pourrait prendre diverses situations en exemple, mais la plus simple serait les fonds communs de placements. L’épargnant est « propriétaire actionnaire » d’une part du « fonds commun de placement ». Ensuite, le fonds lui-même devient « propriétaire actionnaire » d’une corporation elle-même propriétaire de plusieurs entreprises.
Or, il n’existe pas un « conseil des épargnants » pour examiner en détails le contenu du fonds ni les activités détaillées des corporations et encore moins des sous-entreprises, des divisions et ainsi de suite. Il n’est pas non plus possible pour un épargnant de siéger au conseil des actionnaires d’une entreprise pour laquelle il a indirectement acquis des droits de propriété.
Un principal n’est réellement propriétaire de son capital que lorsqu’il peut exercer un contrôle sur son capital avec un droit d’accès à l’information sur les actions que l’agent pose en son nom. Dans ce sens, l’ensemble du système financier est une structure extrêmement autoritaire au sens de l’information.
Bien sûr, l’agent ne peut systématiquement divulguer toute l’information au principal. Par exemple, il ne suffit pas d’acheter une seule action de microsoft pour pouvoir connaitre tous les détails sur les produits en développement au laboratoire, car n’importe quel compétiteur pourrait facilement faire de l’espionnage industriel.
En revanche, l’exécutif (agent) de l’entreprise ne doit pas avoir lui-même la prérogative de choisir le niveau de détail des informations divulguées aux actionnaires (principal). Par exemple, l’agent peut dire aux actionnaires: « nous investissons vos capitaux à développer un nouveau produit ». Alors les actionnaires diront: « quel produit? ». Et c’est exactement à ce moment qu’entre en jeu le problème principal-agent.
Investiriez-vous dans une entreprise qui utiliserait vos capitaux à développer un produit que vous jugeriez inutile? C’est donc au conseil des actionnaires à poser des questions à l’exécutif jusqu’à ce que le conseil des actionnaires juge que le niveau de détail divulgué est satisfaisant. Dans un cas où les actionnaires sont tous égaux, ceci devient un exercice démocratique.
Dans le cas où l’actionnariat est concentré en quelques mains, cette situation peut rapidement devenir problématique quand de gros actionnaires court-circuitent le transfert d’information vers des masses de petits actionnaires, ce qui permet à une petite poignée d’individus de prendre des risques avec les épargnes des autres grâce à leur pouvoir de les tenir dans l’ignorance.
Le raisonnement qui dit que le PDG qui prend des risques avec l’argent des petits actionnaires risque également ses propres capitaux est un raisonnement similaire à celui d’un roi qui risque la vie de ses serfs et celle de son royaume.
Pour revenir au sujet de cette page, le salaire du PDG est exactement sujet au même problème principal-agent et au problème de la gouvernance. Ce problème est doublé avec les connivences qui peuvent exister entre certains agents et l’État dans un système de connivences. Par exemple, il n’est pas rare de voir un administrateur corporatif grâcement payé simplement pour avoir de bons contacts au gouvernement.
Merci pour cet article passionnant ! Je ne connais aucune des entreprises que vous citez (je ne suis qu’un maudit Français) mais j’ai lu l’article comme un roman !
J’ai noté néanmoins trois faute de maudit français :
du gouvernements
Que rechercheNT les actionnaires en
d’investissement qui oeuvreNT (comme ça vous pouvez les corriger et ma lecture n’aura pas été inutile). J’ai hâte de retrouver vos articles dans Contrepoints !
trois fautes, d’ailleurs :-p
Le mythe de la rémunération des PDG et de la cupidité: https://beingclassicallyliberal.us/2016/12/12/blog-post-title-2/