Subliminal: How Your Unconscious Mind Rules Your Behavior”, par Leonard Mlodinow.
Leonard Mlodinow est un physicien ayant collaboré avec le célèbre Stephen Hawking, qui s’intéresse cette fois aux rouages de l’inconscient et de son impact sur nos vies.
S’il y a une chose que Freud avait correctement identifiée, c’est que le comportement humain est gouverné par des processus mentaux dont nous sommes inconscients. Nous avons l’impression que nous percevons le monde tel qu’il est à travers nos cinq sens. Pourtant, il n’en est rien. Ce que nous percevons est en fait une interprétation que fait notre cerveau – inconsciemment – à partir des données obtenues des cinq sens. Par exemple, le texte que vous voyez en ce moment est fort différent de ce que votre cerveau reçoit de vos yeux. Il y a un point au centre de notre champs de vision où nous sommes aveugles; c’est la tache jaune, soit l’endroit où notre nerf optique est connecté. Pour corriger cette situation, notre cerveau remplit le trou avec ce qu’il devrait logiquement s’y trouver, en fonction de ce qu’il y a autour et il fait constamment bouger nos yeux de façon à couvrir entièrement notre champs de vision. Puis, le cerveau corrige la séquence pour éliminer le flou et fournir une image claire à notre conscience, sans trou au milieu.
Nos perceptions sensorielles ne sont rien d’autres que des courants électriques qui parcourent nos nerfs jusqu’à notre cerveau, qui lui les utilise pour construire une version adaptée de la réalité qu’il diffuse à notre conscience. Notre conscience n’est en fait qu’un spectateur confortablement assis au cinéma, qui croit tout ce que lui présente le projecteur qu’est son cerveau.
Notre cerveau est une véritable usine à substance chimiques. Les comportements des être vivants découlent intrinsèquement des substances chimiques sécrétées par le cerveau. Par exemple, des chercheurs ont découvert une substance qui, une fois injectée à une mouche, la convertira à l’homosexualité. Ce sont ces substances qui régulent nos émotions, nos sensations et même nos comportements. Parfois, nous avons vraiment l’impression de « vouloir » faire quelque chose, que cette action résulte entièrement de notre décision réfléchie, alors qu’il ne s’agit en fait que d’une action vers laquelle notre cerveau nous a induit sans que nous nous en rendions compte.
Notre mémoire est aussi un assemblage réalisé par notre cerveau à notre insu. La mémoire est un peu comme un carton sur lequel sont écrits des mots clés et notre cerveau se charge de remplir les trous du mieux qu’il le peut, souvent par déduction. Selon les écrits de Münsterberg sur la mémoire, les gens ont d’abord une bonne mémoire concernant l’essentiel des événements, mais une très mauvaise mémoire pour ce qui est des détails. De plus, lorsque questionnés plus en profondeur sur les détails dont ils ne se souviennent pas, les gens vont, sans même s’en rendre compte, boucher les trous en inventant des choses de toute pièce. Non seulement les gens remplacent les éléments qu’il leur manque par des souvenirs inventés, mais en plus ils y croient fermement, c’est-à-dire que ces faits inventés deviennent partie intégrante des souvenirs.
Lors d’une expérience réalisée il y a plusieurs décennies, des chercheurs ont assemblé deux groupes de jeunes garçons provenant de partout aux États-Unis. Aucun d’entre eux ne se connaissaient avant et chaque groupe ne connaissait pas l’existence du second groupe. Ils les ont amenés dans une sorte de camps de vacances très reculé dans la forêt. Après avoir soumis chaque groupe à des activités amicales pendant quelques jours dans le but de favoriser le sentiment d’appartenance au groupe, les enfants ont été informés de l’existence de l’autre groupe et qu’ils allaient avoir à participer à des compétitions contre l’autre groupe. La semaine suivante, les deux groupes se sont affrontés dans le cadre de diverses activités sportives. Il ne fallu quelques jours pour que les membres des deux groupes se mettent à montrer des signes d’hostilité et d’agressivité envers l’autre groupe, allant même jusqu’à la violence. Pourquoi une telle haine envers de parfaits inconnus? Ces gamins n’avaient pourtant rien de particulier et aucune raison spécifique d’haïr les membres de l’autre groupe.
Les humains ont toujours vécu en groupes car la coopération sociale favorise la survie. Dans un milieu où la rareté des ressources prévaut, l’accès à ces ressources a toujours été essentiel à la survie du groupe, c’est pourquoi les humains ont toujours combattu entre eux pour sécuriser davantage de ressources. Les guerres sont apparues bien avant le racisme, le communisme et l’industrie pétrolière. C’est dans cette perspective que nous avons évolué un sentiment d’appartenance à un groupe et d’hostilité envers les autres groupes : eux-contre-nous. Aussitôt qu’une personne se perçoit comme appartenant à un groupe, elle marque inconsciemment tous les gens comme étant soit dans ce groupe ou hors du groupe. Cette personne se met alors à se sentir concernée par tout ce qui touche au groupe et à favoriser les personnes qui font partie du groupe. Cela explique pourquoi nous nous identifions autant à nos équipes sportives locales, au point où nous éprouvons parfois de la haine envers les joueurs et les partisans des autres équipes. Nous nous attribuons avec fierté les succès de nos équipes favorites, même si nous n’y avons rien fait!
L’autre chose que notre cerveau fait bien est de tenter de distordre la réalité pour nous faire sentir mieux par rapport à nous-mêmes. La plupart des dirigeants d’entreprises pensent que leur entreprise fera mieux que ses concurrents. Et ces mêmes dirigeants font preuve de sur-confiance lorsqu’ils entreprennent un nouveau projet ou pénètrent de nouveaux marchés. Lorsqu’ils acquièrent une autre entreprise, ils paient en moyenne 41% de plus que le prix des actions au marché en pensant qu’entre leurs mains, l’entreprise acquise fera mieux, alors qu’en fait les fusions/acquisitions ont plutôt tendance à détruire de la valeur. Les amateurs de sport croient toujours que les décisions de l’arbitre favorisent davantage l’équipe adverse. Les travailleurs professionnels (dentistes, avocats, etc) pensent presque tous qu’ils sont meilleurs que la moyenne, ce qui est statistiquement impossible. En somme, notre cerveau embellit notre réalité de manière irréaliste pour favoriser notre bien-être mental.
Des expériences ont démontré que notre cerveau sélectionne et interprète inconsciemment les faits de façon à ce qu’ils mènent à notre conclusion de prédilection; celle qui nous convient le mieux. Pourquoi avons-nous évolué un tel biais vers l’optimisme? Il y a 50,000 ans, nos ancêtres faisaient face aux durs hivers de l’Europe du Nord, mal logés, mal vêtus. Les femmes mouraient souvent en accouchant, la mortalité infantile était prépondérante. Les tribus humaines subissaient durement les sécheresses et les inondations. La nourriture était difficile à obtenir de manière constante et les famines était fréquentes. Le portrait était fort déprimant, ce pourquoi notre cerveau a développé une faculté à voir les choses avec optimisme et à embellir la réalité. Autrement, nous n’aurions pas eu la motivation nécessaire à combattre les éléments pour assurer notre survie. En fait, c’est ce processus chimique que tentent de répliquer les médicaments anti-dépresseurs!
En somme, j’ai trouvé ce livre fascinant et très bien rédigé. C’est un sujet très intéressant, rendu accessible à tous par Mlodinow. Ce livre fera de vous de meilleurs humains en vous rendant plus conscient de votre inconscient! Je le recommande fortement.Il y a plusieurs implications socio-économiques et politiques. Ces trouvailles explique en partie pourquoi les socialistes restent campés dans leurs positions malgré la preuve évidente de l’échec continuel et démontré de leurs politiques. Elles expliquent aussi pourquoi le patriotisme et le nationalisme (deux cancers sociétaux) sont si prépondérants et mènent au protectionnisme et aux guerres.
En lecture complémentaire, je vous recommande cet excellent blogue portant sur les manipulations subliminales dans la publicité et le cinéma. C’est fascinant!
quel impact sur la responsabilité individuelle.
coedialement
@daniel sachet
Je ne suis pas sûr de bien saisir le sens de votre question.
Je penses que la question doit faire référence a quel point l’on peut dire que les humains sont responsables de leur acte. Bon, la justice tient compte de la maladie mentale lors des condamnations, mais est-ce que l’on devrait pouvoir se plaindre dans une cour de justice : c’est pas de ma faute c’est la méchante pub qui m’a influencé etc ….. Ou encore, c’est pas de ma faute je suis biologiquement programmé pour agir de cette manière.
Ça parait tiré par les cheveux, mais on voit des cas comme ça régulièrement. Ma réponse à ça étant : si tu sais que tu as de mauvais plis prend des mesures pour les réparer avant qu’il ne soit trop tard, c’est ta responsabilité, si tu te sens prisonnier va voir un psy avant d’exploser.
Lire aussi Thinking , Fast and Slow. Dans la même lignée. Très intéressant
Autre chose de fascinant, à toutes les époques il semble y avoir une sorte de croyance de fin du monde qui reste profondément ancrée. L’apocalypse biblique, malthus, 2012, le réchauffement de la planète, les astéroïdes, une sorte d’instinct qui pousse les humains à croires de manière irationnelle que n’importe quoi peu devenir un scénario de fin du monde. Ça semble en partie contredire l’idée selon laquel l’optimisme est si développé.
On peut remarquer la même chose avec Dieu, au départ les gens croient en une entités omnipotentes qui peuvent guider l’univers en général en leur faveur, une fois que le concept de Dieu devient moins populaire … c’est l’État qui vient combler exactement les mêmes fonctions que le premier remplissait.
@Bobjack
Mlodinov le mentionne explicitement: les humains ont un biais optimiste envers eux-mêmes, mais un biais négatif envers le monde. Ce sont deux mécanismes distinct. L’un nous tient alerte face aux dangers potentiels, l’autre nous motive à les affronter et à améliorer notre sort.