L’école des Hautes Études Commerciales (HEC) a récemment publié son rapport sur la productivité au Québec. Le premier constat qui en émane est que le Québec dispose d’un niveau de vie inférieur à la moyenne des pays développés (graphique 1) et des autres provinces canadiennes (graphique 2). Pour ce faire, ils utilisent le PIB par habitant comme mesure de niveau de vie, ce qui est évidemment contestable car cette mesure est loin d’être parfaite, mais elle demeure néanmoins la plus fiable dont nous disposons présentement.
Les auteurs de l’étude mette cette lacune sur le dos d’une productivité plus faible. Contrairement à ce que Lucien Bouchard affirmait il y a quelques années, cette productivité plus faible ne découle pas vraiment d’une ardeur au travail moindre de la part des Québécois, lui qui mentionnait bêtement que les Québécois « ne travaillent pas assez » (ici). En fait, ce constat est bon en comparaison aux autres provinces, mais pas en comparaison aux autres pays développés.
En fait, les HEC décomposent le niveau de vie en trois composantes (voir figure 1) : 1) le PIB par heure travaillées (productivité), 2) le nombre d’heures travaillées par emploi (intensité du travail) et 3) le nombre d’emploi sur la population totale (ou taux de participation).
Les tableaux 1 et 2 montrent comment le Québec se classe sur ces trois mesures. Au niveau du taux de participation, le Québec se classe 11/21 relativement à l’OCDE et 6/10 par rapport aux autres provinces. Bien qu’il puisse s’améliorer, ce n’est pas cet aspect qui explique l’écart de niveau de vie.
En ce qui concerne l’intensité du travail, le Québec se classe 12/21 versus l’OCDE, ce qui n’est pas mauvais, mais au dernier rang comparativement aux provinces canadiennes. Cette mesure peut être influencée par des choix personnels de désirer plus de vacances ou un emploi qui facilite la conciliation travail/famille ou des congés de maternité plus long. Ces trois éléments ne figurent pas au calcul du PIB, mais bénéficient positivement au niveau de vie. On peut aussi penser à une semaine de travail moins longue et l’utilisation moindre des heures supplémentaires.
Le troisième élément, la productivité du travail, est selon moi le plus intéressant. Le Québec se classe 17/21 et 6/10 pour le PIB par heure travaillée. Cela signifie que pour chaque heure de travail, le travailleur moyen Québécois produit pour presque $18 de moins de valeur de biens et services que le travailleur moyen Américain, soit presque 25% de moins. Cela signifie que les Québécois occupent des emplois à plus faible niveau de compétence et/ou à plus faible valeur ajoutée et/ou disposent d’équipements moins performants.
Les graphiques 16 et 17 ci-bas présentent un contraste important entre les dépenses gouvernementales en pourcentage du PIB et par habitant. Ces dépenses par habitant ne sont que 5% plus élevées que la moyenne des 20 pays de l’OCDE de l’échantillon, alors qu’en proportion du PIB, le Québec est plus de 20% en haut de la moyenne. En fait, comme le Québec produit moins de PIB par habitant (en raison de sa plus faible productivité), il est automatique que ses dépenses gouvernementale en pourcentage du PIB soit élevées. Ceci dit, les HEC indiquent que les dépenses plus élevées servent surtout à financer des services sociaux tels que les garderies subventionnées et les congés parentaux.
Cela signifie que même s’il génère 12.1% moins de PIB par habitant que la moyenne de l’OCDE, le gouvernement y dépense 5.1% de plus par habitant. Pour maintenir ce rythme, le Québec a deux choix : soit taxer davantage, soit emprunter. Évidemment, le Québec taxe davantage que la moyenne des pays de l’OCDE et que les autres provinces (ici et ici), mais il y a une limite au niveau de taxation maximal qui puisse être appliqué sans nuire à l’activité économique et miner la compétitivité des entreprises (effet Laffer). C’est pourquoi la deuxième solution (l’endettement) est celle qui a été davantage utilisée. C’est d’ailleurs pourquoi la principale conclusion de l’étude des HEC est que le Québec vit au-dessus de ses moyens.
Les revenus de taxation en proportion du PIB sont plus élevés que la moyenne au Québec, mais plusieurs pays de l’OCDE ont une ponction fiscale nettement supérieure en pourcentage du PIB (graphique 19). Cependant, encore une fois comme le Québec dispose d’un PIB/habitant inférieur, les revenus de taxation par habitant (graphique 20) sont tout juste en bas de la moyenne. En d’autres termes, le Québec taxe un peu plus en pourcentage du PIB, mais récolte moins de taxes en dollars par habitant parce que le PIB/habitant est plus bas. Notez aussi que sans les milliards qu’il reçoit en péréquation, le Québec devrait taxer davantage pour maintenir ses niveaux de dépenses gouvernementales.
Pour revenir au coeur du problème : pourquoi donc est-ce que le Québec a une productivité inférieure aux pays de l’OCDE? La réponse proposée par l’étude des HEC est que l’investissement (en pourcentage du PIB) est inférieur au Québec (graphique 25). La logique veut qu’en investissant moins, les Québécois se retrouvent avec des équipements moins avancés, ce qui nuit à la productivité des travailleurs.
Bien que ce constat soit intéressant et alarmant, l’étude des HEC nous laisse sur notre faim quant aux explications possibles de cet écart. Voici les quelques causes que j’ai pu trouver :
- Taxation plus élevée (donc l’argent est dilapidé par le gouvernement plutôt que d’être investi).
- Épargne moins élevée (en partie parce que la taxation est plus lourde).
- Règlementation plus contraignante.
- Interventionnisme gouvernemental (subventions, protectionnisme, Caisse de Dépôts; diminuent l’incitatif des entrepreneur à investir pour améliorer leur compétitivité).
- Moindre flexibilité du marché du travail et pouvoirs syndicaux accrus.
- Système d’éducation de moindre qualité, qui subventionne les programmes d’études « non-vocationnelles » (le résultat étant un moindre degré de compétence de la main d’oeuvre, ce qui nuit à l’investissement en quantité et en qualité).
- Risque de sécession (repousse les investissements étrangers).
Combien de temps cela pourra-t-il durer? Plus le Québec emprunte, plus il s’endette et il y a une limite à l’endettement. Si on observe la dette du Québec en pourcentage du PIB, on constate qu’elle est très élevée. Si on lui additionne sa part de la dette du gouvernement fédéral, le Québec s’approche des 100% dette/PIB, versus environ 80% pour l’OCDE. Selon les études des économistes Carmen Reinhart et Kenneth Rogoff, le dépassement du seuil des 90% mène généralement à un effondrement de la croissance économique, et le dépassement du 100% amène des doutes quant à la solvabilité qui pourraient faire augmenter le taux d’intérêt sur les emprunts du gouvernement Québécois. D’ailleurs, l’agence de notation de crédit Fitch a failli abaisser la cote de crédit du Québec l’an dernier (elle est présentement sous surveillance avec perspective négative).
Récemment, l’ancien premier ministre péquiste Jacques Parizeau a fait une sortie médiatique (ici), clamant que la dette du Québec est exagérée et n’est pas si problématique. Il aurait mieux fait de rester dans son château à cuver son vin… Le tableau suivant est issu d’un rapport publié en février 2010 par le ministre des finances Raymond Bachand. Il utilisait alors les chiffres du 31 mars 2009 et appliquait la méthodologie de l’OCDE pour comparer la dette du Québec à celle des pays de l’OCDE. La dette se chiffrait alors à 94% du PIB, un niveau inquiétant.
Malheureusement, ces chiffres n’ont pas été mis à jour par le gouvernement, mais nous savons tout de même que la dette nette du Québec a depuis augmenté de 6.4% pour atteindre 49.0% du PIB au 31 mars 2013 (ici). La dette nette du fédéral a aussi augmenté de 2009 à 2013 de 5% pour atteindre 37% du PIB. On peut donc affirmer sans se tromper que le chiffre est passé au-dessus des 100% (ici). Évidemment, on nous dira que la moyenne de l’OCDE a elle aussi augmenté – c’est vrai – mais ce n’est certainement pas de quoi rassurer…
Le gouvernement du Québec alloue cette année 8,6 milliards de dollars aux intérêts sur sa dette. Cela représente 10,5 % de ses dépenses, ce qui en fait le troisième poste budgétaire, même si les taux d’intérêt sont à un plancher historique…
L’autre portion intéressante de l’étude concerne les inégalités de revenus. Les HEC mesurent les inégalités en fonction du ratio revenus des 20% plus riches sur les revenus des 20% plus pauvres (premier quintile / cinquième quintile). À noter qu’avant impôts et transferts, le Québec est presque la province la moins égalitaire. Après redistribution, le Québec figure parmi les provinces les plus égalitaires. Après impôts et transferts, les inégalités n’ont pas augmenter depuis une douzaine d’années ni au Québec, ni au Canada. C’est durant les années 1990s qu’elles avaient fortement augmenté, à un rythme moins élevé au Québec que dans le reste du Canada, ce qui explique l’écart actuel.
Néanmoins, la conclusion quant aux inégalités est que celles-ci sont déjà peu élevées au Québec et qu’il serait très nuisible économiquement de tenter de les diminuer davantage en taxant plus pour redistribuer la richesse.
Pour un gars qui se disait un peu sur le break, je trouve que vous tre productif! 🙂
Sylvain Tessier M.B.A. Prsident, conseiller senior 5400, Boul. des Galeries, bur. 500 Qubec (Qc) G2K 2B4 T : 418.802.9336 sylvain@stmarketing.ca
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@Sylvain
J’avoue…mais les sujets affluent!
Tous ces détails semblent accidentel, ça serait bon d’éditer le message ?
Merci pour cet article instructif encore, j’aime cette manière de placer les faits un à côté de l’autre plutôt que d’essayer de trouver la méthode qui fait passer un argument précis.
Autrement dit, le Québec est une société ………….« distincte » !
Distincte, certes, mais peut-être pas pour les bonnes raisons !
Belle analyse! C’est juste dommage que cette analyse dépende en arrière-plan de l’ensemble des marchés mondiaux qui eux sont faussés par les agressions militaires et économiques.
Le Canada utilise une stratégie de déplacement de marché par avantage comparatif. Les provinces de l’Est sont dévitalisées puisque l’État intervient en faveur du marché du pétrole. En appliquant le premier principe libertarien, la non-agression, on observe qu’avec le coût des conséquences géopolitiques et militaires, le fermetures de marchés par embargot et sanctions économiques, le pétrole est définitivement l’industrie la plus subventionnée au monde. Le simple fait d’évoluer dans un marché mondial débalancé par l’agression introduit un biais intrinsèque à toutes les analyses économiques. Le plus étrange c’est que même les amateurs de l’économie autrichienne semblent persister à garder ce biais en arrière plan!
Dans ce marché débalancé, la force du Pétro-Dollar impose une maladie du Hollandais à différents secteurs. Le poisson importé devient moins cher que celui pêché dans le golfe du Saint-Laurent. Résultat, les pêcheurs déménagent pour l’Alberta. Le bois des États-Unis entre en compétition avec la ressource naturelle la plus importante du Québec, la forêt. Les minéraux d’Afrique et d’Amérique du Sud paraîssent d’un coût dérisoire comparé au fer Canadien.
C’est beau présenter des chiffres comme ça. Ça indique qu’à court terme, ça va bien. À long terme, je suis pessimiste face à la baisse de la diversité économique et à la concentration de l’économie au midwest
C’est vrai que les provinces de l’Est ont des gouvernements qui dépensent d’avantage. Mais ce n’est pas uniquement de cela dont il est question. Le gouvernement fédéral utilise une stratégie d’avantage comparatif dans un marché international subventionné et ça impacte sur la possibilité de marché des provinces de l’Est et sur leur PIB. C’est un fait.
Faudrait peut-être se rendre compte que ça fait presque 40 ans que presque toutes les agressions militaires et économiques tournent autour du pétrole. Il aurait l’air de quoi le marché mondial du pétrole si les États-Unis cessaient leurs occupations militaires et que leurs copains occidentaux cessaient d’acheter leur monnaie fiduciaire magique?
Premièrement les pays qui n’ont pas de pétrole déveloperaient d’autres sources d’énergie plutôt que faire la guerre pour contrôler la ressource. L’Autriche achète presque pas de gaz aux Russes parce que ça fait 60 ans qu’ils développent le chauffage au bois automatique et robotisé avec une exploitation forestière bien pensée pour durer éternellement. Au Québec, les surpplus d’hydroélectricité pourraient servir à produire de l’hydrogène à exporter comme carburant. Sans calculer notre forêt sous-exploitée.
Je ne suis pas contre l’exploitation pétrolière. Je suis simplement contre l’état actuel de son marché et je crois honnêtement que si on arrêtait l’interventionnisme gouvernemental géopolitique et militaire, le pétrole serait un marché très faible comparé à d’autres. Et finalement, le PIB d’une province riche en ressources comme le Québec exploserait.
En lisant votre commentaire on dirait que les gouvernements font tout pour le pétrole et absolument rien pour le reste. Les forêts, l’industrie aéronautique et les pêcheurs sont tous aussi subventionnés et probablement davantage que les pétrolières. Sinon, les guerres du pétrole j’ai toujours été sceptique. L’Afghanistan n’a premièrement pas de réserves significatives. Deuxièmement, l’OPEC n’exporte pratiquement plus rien à l’occident. Pensez-vous sérieusement que l’Irak, qui recherchait justement davantage de revenus pétroliers à l’époque, aurait stoppé toute son exportation de pétrole ? Et finalement, le Québec refuse d’exploiter la majorité de ses ressources peut-importe ce qui se passe ailleurs.
@etagrats
Même si l’OPEP exporte moins à l’occident, les pays quyi forment ce cartel continuent à mettre leurs barils sur les marchés occidentaux et à les échanger en dollars US fiduciaires et magiques.
Y’a grosso modo la Russie, l’Iran et le Venezuela qui n’acceptent pas les dollars US pour vendre leur pétrole. Le dernier qui a essayé d’échanger son pétrole sans acheter des billets US, c’est la Lybie qui planifiait échanger son pétrole contre de l’or. Avant ça, c’était l’Irak.
Je vous laisse réfléchir.
Je vous conseille de lire Man, Economy and State de Murray Rothbard qui inclut un chapite entier sur l’économie de la violence. Les relations géopolitiques et les interventions militaires ont une portée complexe. L’occupation occidentale au moyen-orient a définitivement un impact avec le marché du pétrole des pays de la région, même si toutes sortes d’autres raisons peuvent être évoquées pour intervenir.
C’est pas mal de la conspiration tout cela. C’est évident que les américains n’aimeraient pas que le pétrole soit transigé en Euro, mais là ce ne serait plus une guerre pour le pétrole, mais une guerre pour maintenir le dollars comme monnaie de réserve.
Monnaie de réserve, exact. Sur quoi se fonde la valeur d’une monnaie fiduciaire? -> la confiance.
C’est Thomas Jefferson qui disait: « Confidence is everywhere the parent of despotism. Free government is founded in jealousy, and not in confidence. »
L’histoire se répète.
Si on regarde la géopolitique mondiale avec le principe de propriété privée, chaque pays est une société de propriété privée où chaque citoyen est un propriétaire partie prenante (stakeholder).
Quand nous fermons les yeux sur les injustices et les agressions commises par NOS employés qui sont ultimement sous NOTRE responsabilité pour défendre NOS intérêts et NOTRE propriété privée (notre pays)… c’est quand même nous, citoyens, qui sommes responsables.
Tout devient une conspiration pour les citoyens qui refusent de prendre personnellement la responsabilité des actes de leur gouvernement, de leur armée et de leur banque centrale.
Si les actionnaires négligeants finissent par perdre leur investissement face à une mauvaise administration de leur entreprise, les citoyens complaisants face à un mauvais gouvernement perdent leur liberté. Si on étend ce principe à la géopolitique mondiale, on observe que les marchés sont définitivement en perdition face à une monnaie mondiale fondée sur l’agression.
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