Ce dossier vise à analyser les impacts économiques du programme du parti Québec-Solidaire. La première partie traitait de la santé et l’éducation, la seconde partie traitait de la pauvreté, du travail, de la famille et de la culture, la troisième partie traitait de justice, développement économique et environnement, et cette quatrième et dernière partie traite de fiscalité et de financement.
Il y a plusieurs autres éléments du programme du QS, tels que la promotion du français, la lutte contre la discrimination, le féminisme et la souveraineté, dont je ne traiterai pas, mais qui résulteraient en une augmentation inévitable des dépenses de l’État.
Ainsi, jusqu’à maintenant, nous avons identifié au cours de ce dossier environ $5.5 milliards par année en dépenses supplémentaires que l’État devrait assumer s’il suivait le programme du QS. Où est-ce que le QS trouverait cet argent? Vous aurez deviné que c’est par l’entremise de la fiscalité! L’État ne produit rien, il doit donc subtiliser la richesse avant de la dépenser et son arme de prédilection est la fiscalité.
Avant même de commencer, je vous recommande fortement de lire ou relire mon billet sur la courbe de Laffer du 26 octobre dernier. Ce concept est primordial pour la compréhension de ce billet.
– Fiscalité des entreprises:
Au niveau des entreprises, le QS propose de graduellement diminuer le nombre de crédits d’impôt. Le QS croit pouvoir récupérer environ $195 millions de cette façon. Il propose aussi de diminuer l’aide fiscale aux entreprises de $150 millions. Par contre, comme plusieurs des entreprises dépendants de ces crédits et aides disparaitraient (et les emplois qui y sont associés), il y a fort à parier qu’une partie de ces gains seraient grugés.
Ils introduiraient un taux d’imposition progressif pour les entreprises comme c’est le cas pour les particulier, ce qui aurait comme impact de hausser le taux d’imposition moyen des entreprises et d’augmenter les revenus d’impôt de $420 millions. Cependant, comme cela ferait probablement fuir plusieurs entreprises, l’État ne verrait probablement pas la couleur de cet argent.
En outre, le QS voudrait majorer la taxe sur le capital des sociétés financières, ce qui aurait comme impact d’amener $590 millions en revenus d’impôt additionnels; à condition que ces entreprises ne délocalisent pas davantage leurs opérations, ce qui risque fort bien de se produire.
Par ailleurs, le QS voudrait ajuster l’impôt des entreprises de 100 employés et plus en fonction de la participation des employés aux décisions, ce qui lui permettrait de leur soutirer $75 millions de plus en impôts. Finalement, en taxant à 100% les gains en capital des entreprises, le QS récupèrerait $190 millions.
En somme, selon le programme du QS, le fardeau fiscal des entreprises augmenterait de $1.7 milliards. Cependant, l’impact de ces hausses d’impôt serait fatal pour plusieurs entreprises et industries, qui choisiraient d’aller s’établir ailleurs lorsque possible ou disparaîtraient tout simplement. Des emplois perdus signifient moins de revenus d’impôts pour l’État, mais ça le QS n’en tient pas compte dans ses calculs…
– Fiscalité des particuliers:
Tout d’abord, le QS voudrait augmenter le nombre de paliers d’imposition, ce qui lui permettrait de taxer encore plus les riches. En supposant que cela n’accélèrerait pas l’exode de nos meilleurs cerveaux et de nos meilleurs entrepreneurs, le QS prévoit collecter $1.3 milliards en impôts supplémentaires sur le dos de ceux qui crée le plus de richesse et qui sont les plus mobiles. Ceux qui ont suivi mon conseil et qui ont lu mon billet sur la courbe de Laffer réalisent parfaitement qu’il serait irréaliste de penser augmenter significativement les revenus de l’État en haussant bêtement les impôts alors que le taux d’imposition est déjà très élevé au Québec.
En second lieu, le QS croit pouvoir récupérer $455 millions en imposant pleinement les gains en capital des particuliers. Le QS voudrait aussi plafonner les cotisation REER à $10,000 par année ce qui permettrait de récupérer $300 millions.
De plus, le QS voudrait surtaxer les produits de luxe et les produits polluants pour amasser $745 millions en revenus de taxation supplémentaires, ce qui ne fera qu’encourager le marché noir et découragera en partie la consommation de ces biens, donc la taxe ne sera probablement pas collectée entièrement. De plus, cette mesure serait compensée par une détaxation de davantage de produits de première nécessité et de biens culturels produits au Québec. Il est donc conservateur d’estimer que cette mesure n’augmentera pas les revenus de l’État (c’est ce que j’applique dans mes calculs).
En somme, le fardeau fiscal des particuliers augmenterait « théoriquement » de $2.1 milliards. Cependant, si on tient compte des individus qui quitteront le pays pour gagner leur vie là où on leur laisse une plus grande part du fruit de leur labeur et de leur génie, il est utopique de croire que le QS pourrait amasser cet argent. De plus, comme ce sont les riches qui cotisent le plus à leur REER et qui génèrent des gains en capital, il y aurait bien peu de richesse à taxer suite à leur départ…
– Autre mesures fiscales:
Vous vous souvenez qu’à la partie 3 je vous avais mentionné que le QS prévoyait nationaliser l’énergie éolienne? Le QS estime que cet investissement de $3 milliards, qui devra être financé en totalité par de la dette, rapportera $650 millions en bénéfices pour la vente de l’électricité, une prévision plutôt agressive puisqu’elle suppose un rendement de l’actif de 22%. Si on observe les rendements de l’actif d’Hydro-Québec Production, ils ont été de 7% pour 2008 et 2007 (page 58 du rapport annuel 2008, divisez bénéfice net par actif total). En étant généreux et en supposant un rendement de 10%, cet investissement génèrerait plutôt un bénéfice de $300 millions (c’est ce que j’utiliserai dans mon calcul).
Par ailleurs, le QS croit qu’il pourrait percevoir $815 millions supplémentaires en redevances sur les ressources naturelles. Bien que le gouvernement québécois fasse souvent preuve de laxisme à cet égard, je crois que la perception de redevances fait déjà partie de la loi sur les ressources naturelles… Des taux de redevances excessifs feront en sorte que plusieurs projets n’auront pas lieu, faute de rentabilité, et le QS ne toucherait jamais ces redevances.
D’autre part, le QS prévoit réaliser des économies de $1 milliard par l’entremise de Pharma-Québec (voir la partie 1). Comme je le mentionnais dans la partie 1 de ce dossier, j’ai de sérieux doute quant au réalisme de cette prévision.
De plus, il réaliserait $75 millions d’économies en coupant les subventions aux écoles privées.
Finalement, le QS pense pouvoir récupérer $500 millions en combattant l’évasion fiscale des entreprises et des particuliers. Cette prédiction est totalement farfelue; je serais surpris que le QS puisse récupérer plus d’argent que les ressources qu’il investirait dans cette quête.
Ces mesures additionnelles permettraient donc de lever $2.7 milliards en revenus pour l’État.
Au compte final, nous arrivons donc à $6.5 milliards, mais comme vous l’avez sans doute réalisé en lisant mes remarques, je pense qu’au moins la moitié de cet argent n’atteindrait pas les coffres de l’État pour les diverses raisons ci-haut décrites.
– Conclusion:
Le paradoxe central du programme du QS est qu’il prend ses désirs pour des réalités. Le QS propose d’augmenter l’État-providence par des dépenses supplémentaires de $5.5 milliards. Il prévoit usurper cet argent en augmentant les impôts des riches et des corporations. Cependant, les choses ne sont pas si simple. Le Québec n’est pas un vase clos et le taux d’imposition est un déterminant important de la croissance économique. Lorsqu’on taxe une chose, on la décourage. Le QS semble d’accord pour avec cette affirmation lorsqu’il est question de réduire les gaz à effet-de-serre, mais pas lorsqu’il s’agit du travail et de la richesse. Le QS propose littéralement de tuer la poule aux oeufs d’or.
D’autre part, plusieurs éléments du programme du QS touchant le travail réduiraient grandement la flexibilité du marché du travail québécois et auraient un impact négatif sur notre productivité (qui est déjà plus basse que celle des autres provinces et de beaucoup de pays). La productivité est le moteur principal de la création de richesse. Lorsque le boulanger améliore sa productivité et arrive à produire son pain pour 5% moins cher, les acheteurs de pain se retrouvent avec plus d’argent pour subvenir à leurs autres besoins, et donc sont plus riches. Une baisse de la productivité a l’effet inverse et appauvrit la population.
En outre, le QS veut nous imposer ses valeurs, qui sont essentiellement le féminisme, le syndicalisme, l’environnementalisme, la culture québécoise, la vie familiale, la promotion du français, la souveraineté du Québec, et plusieurs autres. La question n’est pas de savoir si je suis pour ou contre ces valeurs, mais bien si c’est à un parti politique de nous les imposer en dépensant notre argent.
Finalement, qu’est-ce que la solidarité? Lorsque j’aide un ami dans le besoin parce qu’il a perdu son emploi ou que je fais un don à une fondation de charité, c’est par solidarité. Ce sont des gestes fait librement et qui viennent du coeur, au gré de ma capacité à aider mon prochain. Ce que le QS propose n’est pas de la solidarité, c’est d’user de la force pour contraindre les gens à maintenir l’illusion qu’est l’État-providence. Facile d’être solidaire avec l’argent des autres!
Cette vision des choses est l’inverse de celle des « Lucides« , qui eux proposent des idées pour maximiser la création de richesse au Québec, pour ensuite déterminer ce que nous avons les moyens de nous payer comme services sociaux à partir de cette richesse. La gauche, c’est la gauche, mais je la préfère lucide plutôt que solidaire!
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