Il y a 43 pays dans le monde qui ont une politique monétaire ciblant l’inflation. Présentement, 28 d’entre eux ont un taux d’inflation en bas de leur cible, incluant tous les pays développés (sauf l’Islande). Malgré plusieurs années de croissance économique et un long cycle, l’inflation n’est toujours pas un problème.
Suite à la crise financière, la banque centrale américaine a injecté énormément de monnaie dans l’économie. Par la suite, bon nombre d’économistes monétaristes ont prédit que cela causerait éventuellement une spirale d’inflation, ce qui ne fut pas le cas.
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Comme je l’expliquais dans un article antérieur, le problème est que lorsqu’il est question d’inflation, la plupart des gens ne s’intéressent qu’à l’évolution des prix à la consommation, alors qu’il faut aussi considérer les prix des actifs (bourse, immobilier, etc), qui eux ont connu une progression fulgurante. Il y eut peaucoup d’inflation, mais pas vraiment là où tous les regards sont tournés.
Certains économistes ont alors cru que le manque d’inflation résultait d’un taux de chômage trop élevé. Cette hypothèse découle d’un phénomène bien connu appelé courbe de Philips, laquelle montre la relation inverse entre le taux de chômage et l’inflation. La logique veut que lorsque le taux de chômage est bas, les travailleurs disponibles se font plus rares et peuvent donc exiger des salaires plus élevés, qui sont éventuellement refilés aux consommateurs sous la forme de hausses de prix (donc de l’inflation).
Le taux de chômage est demeuré obstinément élevé dans les années qui ont suivi la récession, surtout lorsqu’on y inclue les travailleurs qui ont quitté la population active. Pour plusieurs, c’est pour cela que l’inflation était faible.
Cependant, quelques années plus tard, en 2018-2019, le taux de chômage américain a atteint un niveau encore plus bas qu’avant la dernière récession et l’inflation demeure toujours faible. Pour plusieurs, 2019 représente la fin du concept de Courbe de Philips…
Les salaires augmentent, mais pas les prix…
Récemment, les augmentations de salaires ont accéléré aux États-Unis vu la pénurie de main d’oeuvre dans plusieurs industries. Par contre, les prix à la consommation n’ont pas suivi. Cette incohérence en pousse plusieurs à croire que la coure de Philips est un concept obsolète qui ne fonctionne plus.
Il y a deux explications possibles:
– La productivité s’améliore plus vite, ce qui n’est pas vraiment le cas.
– Les marges de profit diminuent, ce qui semble être le cas présentement (donc ce sont les entreprises qui absorbent les salaires plus élevés en diminuant leurs profits).
Mais pourquoi les entreprises acceptent-elles des marges de profit plus faibles? Il semble qu’elles soient réticentes à augmenter leurs prix pour quelques raisons.
1) Le commerce électronique a un effet déflationniste car les prix sont plus bas.
2) L’économie est davantage mondialisée que dans les années 70-80, ce qui limite les hausses de salaires et de prix au risque que la production soit délocalisée. De plus, la production continue d’être déplacée des pays devenus plus dispendieux vers des pays encore abordables, ce qui permet aux entreprises de maintenir des bas prix.
3) Les nouvelles technologies qui incorporent des services gratuits ou moins chers ont un effet déflationniste.
Une autre explication avancée par certains économistes est que la faiblesse de l’inflation résulte du fait que les gens ont des attentes bien ancrées quant à celle-ci (« anchored expectations »). Donc peu importe ce que fait la banque centrale, les entreprises s’adaptent de manière à limiter les hausses de prix.
Ce processus est facilité par le fait que toute la nouvelle monnaie créée fait diminuer le coût du capital des entreprises (dette et actions), ce qui permet de financer des investissements dans la capacité de production. Car pour pousser leurs prix à la hausse, les entreprises doivent faire face à un marché où l’offre et la demande sont très serrées, voire déficitaire, mais avec un coût du capital abordable, il est plus facile pour les producteurs d’augmenter l’offre en investissant.
J’ajouterais de plus que la réforme fiscale américaine mise en place par l’administration Trump en 2018 a un effet déflationniste car elle permet aux entreprises de maintenir leur rentabilité même si elles n’augmentent pas leurs prix (voir ceci).
Conclusion
Si ce raisonnement est correct, il se peut pien que l’inflation des prix à la consommation demeure faible pour encore un bon bout de temps car les entreprises peuvent continuer à absorber les hausses salariales en réduisant leur marge bénéficiaire.
Cependant, à un certain moment dans le futur, l’inflation accélèrera, à moins qu’une récession ne se pointe le pout du nez. Il faut être conscient que le bas taux de chômage ramène des gens dans la population active, qui peuvent enfin se trouver un emploi, mais ces gens sont généralement moins productifs. Or, une chute de la productivité aurait des effets dévastateurs sur l’économie si les entreprises n’arrivent toujours pas à augmenter leurs prix.
À suivre…
Quelques sources:
https://fortune.com/2019/06/14/phillips-curve-unemployment-inflation/
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