À la même époque il y a quatre ans, Justin Trudeau était troisième dans les intentions de vote et les Canadiens s’apprêtaient à élire Thomas Mulcair comme premier ministre, alors que bon nombre de gens en avaient assez de Stephen Harper.
Ce fut tout un revirement de situation lorsque Trudeau remporta l’élection. S’en est suivi une période de lune de miel avec la population et les médias internationaux. Le retour d’un Libéral progressiste au pouvoir signifiait plus d’attention portée à la protection de l’environnement et à la lutte aux changements climatiques, moins d’austérité, plus de redistribution fiscale, plus de financement à la culture, plus d’implication dans les institutions internationales et surtout, un premier ministre plus jeune, plus dynamique et avec plus d’entregens que Stephen Harper. Trudeau amenait un vent de multi-latéralisme dans un monde de plus en plus fermé et protectionniste.
Suite à son élection, on aurait pu croire que Justin Trudeau allait s’installer au pouvoir pour trois mandats. Mais à l’aube de l’élection 2019, rien n’est moins sûr…
L’Inde et l’Aga Khan
L’une des bourdes les plus spectaculaires de « M. Selfie » fut son voyage familial en Inde, où il fut pris en photo dans des costumes folkloriques locaux, ce qui le couvra de ridicule. Il fut accueillit à l’aéroport par un ministre junior du cabinet Modi, un signe de non-respect.
Ce voyage a permi à la population de constater à quel point Trudeau est un personnage narcissique, qui cultive davantage son image que ses compétences. Il ne faut pas oublier que sa seule expérience professionnelle fut d’être enseignant dans une école secondaire.
Il y eut aussi la saga de l’Aga Khan, alors qu’en décembre 2016, ce dernier a accueilli chez lui la famille Trudeau pour les vacances des fêtes, sur son île privée dans les Antilles. Il aurait pu s’agir d’un cadeau en provenant d’une fondation inscrite au registres des lobbyistes. En 2017, la commissaire fédérale aux conflits d’intérêts et à l’éthique concluait que M. Trudeau avait contrevenu à quatre articles de la loi dans cette affaire. Notez qu’en incluant les coûts reliés à la sécurité, ces vances ont coûté plus de $215,000 aux contribuables canadiens…
Puis la cerise sur le gâteau, ces photos de « black face », où on voit M. Trudeau déguisé en personne de couleur alors qu’il était plus jeune. Ces photos ont davantage choqué ses adversaires politiques que les personnes de couleur, qui ont affirmé que cela n’avait rien de mal, mais il a néanmoins reculé dans les sondages d’intentions de vote.
Politique étrangère
L’élection de Donald Trump a aussi eu un gros impact sur la politique étrangère du cabinet Trudeau. Le président américain a voulu renégocier l’accord de libre-échange nord-américain (ALENA), ce qui aurait pu avoir des conséquences désastreuses pour l’économie canadienne. Trudeau a confié la négociation à sa ministre Chrystia Freeland, une ancienne journaliste, qui ne semblait pas faire le poids face à ses homologues, des hommes d’affaires aguéris.
Pour obtenir un nouvel accord, Trudeau a dû faire un compromis permettant de préserver la gestion de l’offre de l’industrie laitière Québécoise, mais tout en concédant une plus grande ouverture aux produits américains. Néanmoins, Trudeau s’est tout de même mis à dos les agriculteurs du Québec, même si au final, ceux-ci continueront d’engranger des revenus gonflés sur le dos de la population.
Il ne faut pas oublier que Trudeau a aussi signé le Partenariat Trans-Pacifique et l’Accord Canada-Union Européenne. Trois traités de libre-échange majeurs en un seul mandat, ce n’est pas banal!
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Mme Freeland a aussi déclenché un tollé avec l’Arabie Saoudite, exigeant la libération du Canadien Samar Badawi. L’Arabie Saoudite a rapatrié son ambassadeur d’Ottawa ainsi que tous ses étudiants étrangers et a mandaté ses pirates informatiques de lancer de fausses nouvelles sur les médias sociaux au Canada, concernant notamment la souveraineté du Québec.
D’ailleurs, Trudeau n’est pas intervenu concernant les contrats d’armements entre des entreprises canadiennes et l’Arabie Saoudite (signé grâce à une entourloupette du gouvernement conservateur précédent), qui utilise ces armes pour opprimer les opposants et minorités de ce pays ainsi que pour mener une guerre au Yémen.
Ce fut ensuite au tour de la Chine d’être froissée par le Canada, lorsque Trudeau a décidé de procéder à l’arrestation d’une dirigeante de Huawai à Vancouver, à la demande des États-Unis. C’était une position extrêmement délicate pour le premier ministre canadien, car peu importe sa décision, il allait froisser l’une des grandes puissances de ce monde; il a choisi le moindre mal. Il n’en demeure pas moins que le gouvernement Chinois détient depuis plus de 9 mois deux Canadiens sous de faux prétextes pour mettre de la pression sur le Canada et éviter l’extradition aux États-Unis de la dirigeante de Huawai.
Immigration
L’un des obstacles les plus monumentaux à la ré-élection de Trudeau est le sentiment anti-immigration, voire xénophobe, qui gronde dans la plupart des pays développés, incluant le Canada. Ce sentiment est surtout présent en milieu rural et a été récupéré par les partis politiques populistes de droite. La décision de Trudeau d’accueillir 25,000 réfugiés Syriens a fait peur aux populations hors des grandes villes.
De plus, le premier ministre canadien s’est opposé à la Loi sur la Laïcité de l’État adoptée par l’Assemblée Nationale du Québec. Le gouvernement fédéral ne contestera pas cette loi, mais il est peu probable qu’elle passe de la test de sa constitutionalité en Cour Suprême. Ceci dit, Trudeau est perçu comme étant contre la laïcité de l’État, ce qui lui nuit au Québec.
Il faut néanmoins reconnaître qu’avec le vieillissement de la population et les pénuries de main d’oeuvre grandissantes au pays, l’immigration a un impact économique essentiel, sans quoi l’économie risque la stagnation, voire le déclin. Il est dans l’intérêt économique du Canada d’être un pays accueillant et tolérant.
Environnement
En environnement, Trudeau a signé l’Accord de Paris en décembre 2015, mais personne ne croit que ses politiques actuelles permettront d’atteindre ces objectifs. Cependant, avec sa taxe carbone, aussi basse soit-elle, Trudeau s’est mis à dos une bonne partie de la population dans l’Ouest du pays.
Mais le plus gros défi environnemental de Trudeau fut le projet d’expansion de l’oléoduc TransMountain. Ce pipeline devait permettre aux producteurs canadiens d’exporter leur pétrole en Asie et d’obtenir 30% de plus que le prix obtenu aux États-Unis. Ce projet est évidemment dans l’intérêt du pays, permettant de créer de la richesse et de mousser les revenus de taxation, d’imposition et de royautés percues par le gouvernement.
Cependant, faisant face à d’insurmontables obstacles politiques, l’entreprise Kinder Morgan a dû abandonner le projet. Devant cet ultimatum, le cabinet Trudeau a pris une décision difficile, soit d’acquérir le projet pour $3.5 milliards. Je ne suis généralement pas pour ce genre de transaction, mais il faut tout de même concéder que ce projet est critique pour l’économie canadienne et que s’il voit le jour, le gouvernement pourra le revendre beaucoup plus cher que la somme investie.
Par contre, en achetant le projet, Trudeau s’est mis à dos les populations de la Colombie-Britannique (où le pétrole sera chargé sur des bateaux) et du Québec (généralement anti-pétrole), ainsi que tous les groupes environnementaux qui souhaitent que les sables bitumeux cessent d’être développés, voire même que la production soit arrêtée.
Comme je l’expliquais dans le passé, étant donné que les Canadiens, Américains et Asiatiques vont continuer à consommer une certaines quantité de pétrole pour encore de nombreuses années, il est préférable que ce pétrole provienne du Canada plutôt que d’ailleurs.
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Devant les difficultés financières rencontrées par l’industrie pétrolière et gazière canadienne suite au manque de pipelines et à la chute des prix de ces ressources, le gouvernement fédéral a annoncé de l’aide gouvernementale que les environnementalistes ont quantifiée à $1.6 milliards. Cependant, ils négligent de mentionner que cette aide est surtout sous la forme de prêts, donc la somme ultimement assumée par les contribuables ne sera qu’une fraction de ce montant. Cette aide a tout de même nuit à Trudeau auprès des électeurs plus sensibles à la protection de l’environnement et à la lutte aux changements climatiques, pour lesquels le mot d’ordre est que les sables bitumineux signifient « game over for climate ».
SNC-Lavallin
Ceci dit, le plus important revers politique de Justin Trudeau fut sans doute le dossier SNC-Lavalin. Comme les dirigeants corrompus de cette firme n’y oeuvrent plus depuis longtemps et que les actionnaires qui ont profités des bonnes années de corruption ont à toutes fins pratiques été lessivés, il est fortement à l’avantage des Canadiens de ne pas poursuivre la firme au criminel (car cela l’excluerait de nombreux contrats publics, dont notamment au Canada), mais plutôt de lui imposer une amende significative hors-cour, comme la plupart des pays le font dans ce genre de cas.
Cependant, au grand malheur de Trudeau, sa procureure-générale, Judy Wilson-Raybould, s’obstinait à vouloir poursuivre la firme au criminel, ce qui a sans doute poussé Trudeau à lui mettre de la pression pour qu’elle ne le fasse pas, ce qui est illégal.
En fait, Trudeau aurait eu le droit de simplement la congédier (car ses agissements démontrent un mépris pour l’intérêt du pays), mais cela aurait été mal vu politiquement car Wilson-Raybould est une femme d’origine autochtone. Trudeau a donc préféré utiliser des canaux de communications indirects pour fermement exprimer ses vues, ce qui lui a éclaté en plein visage suite aux sorties médiatiques de Wilson-Raybould, qui s’est habilement déguisée en martyre.
Autrement dit, Trudeau a fait ce qu’il fallait pour sauver un fleuron Canadien, de nombreux emplois de professionnels de haute-compétence et un siège-social situé au Québec, mais il s’y est pris de la mauvaise façon…
Il va sans dire qu’en combinant la décision d’acquérir le projet TransMountain et cette fresque avec Mme Wilson-Raybould, Trudeau s’est mis à dos bon nombre d’électeurs des premières nations.
Économie
Au niveau économique, tout semble bien aller. Le taux de chômage est à un creux historique et l’économie semble à son plein potentiel avec la croissance du PIB réel atteignant récemment les 3.7%. Il s’est créé 1.2 millions d’emplois au Canada depuis le début du mandat de Trudeau, une excellente performance.
Par contre, le gouvernement Trudeau a dépensé énormément et génère un déficit fiscal équivalent à 1% du PIB. Évidemment, ce déficit pourrait être augmenté à 3% si une récession survenait, mais ne serait-il pas plus sage d’être à l’équilibre budgétaire lorsque l’économie est au plein-emploi?
Pas pour un politicien qui cherche à être ré-élu! Au mois d’août seulement, Trudeau a annoncé des dépenses totalisant $12.8 milliards, soit 9 fois plus que Stephen Harper avant l’élection de 2015.
Il y eu aussi l’épineux dossier Netflix. La ministre vedette du cabinet Trudeau, Mélanie Joly, avait proposé de ne pas taxer ce genre de plateforme de diffusion de contenu, soulevant l’ire de la population qui y a vu une injustice flagrante. Joly s’est par la suite vu confier un autre portefeuille. Cette injustice n’a toutefois pas encore été corrigée.
Conclusion
Au final, Trudeau se retrouve présentement à égalité avec le conservateur Andrew Sheer en ce qui concerne les intentions de vote; une situation surprenante lorsqu’on se souvient de la période de lune de miel observée en 2016…
En navigant à travers des situations politiquement impossibles et en commettant quelques bourdes, Trudeau s’est mis à dos les premières nations (Wilson-Raybould et pipeline TMX), les environnementalistes (pipeline TMX, taxe carbone trop faible et support à l’industrie pétrolière), les industriels de l’Ouest (taxe carbone), les artistes (taxe Netflix), les agriculteurs (accords de libre-échange) et les populations rurales effrayées par l’immigration.
Qui plus est, Trudeau s’est mis à dos les gouvernements de Russie, de Chine et d’Inde, qui tenteront probablement de mousser le vote conservateur à l’aide de leurs pirates informatiques.
Il semble que ses seuls supporteurs soient les consommateurs de cannabis, que Trudeau a enfin légalisé, une décision courageuse puisque le Canada se retrouve en violation de plusieurs accords internationaux sur la lutte anti-drogue. Mais cette fois, ceux-ci auront moins d’incitatif à se présenter aux bureaux de vote; tout comme ceux qui ont bénéficié de la loi sur l’aide médicale à mourir, adoptée durant son mandat.
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