Dans un article publié il y a quelques années, j’expliquais que le capitalisme n’implique pas la croissance à tout prix du PIB et que l’enrichissement des populations n’implique pas nécessaire une hausse de la consommation. L’enrichissement peut aussi se manifester par une diminution des heures travaillées au profit des heures consacrées aux loisirs.
C’est en fait ce que nous observons. Le nombre d’heures travaillées par travailleur a diminué constamment au cours des dernières décennies au sein des pays développés. L’enrichissement a été la principale cause. Ce graphique montre une moyenne pondérée par la population pour un groupe de pays de l’OCDE.
Cette richesse provient évidemment de la hausse de la productivité par travailleur, grâce aux améliorations technologiques, la formation, l’éducation et l’accumulation du capital productif dans l’économie. D’ailleurs, si on mesure la productivité par le PIB par heure travaillée, on constate que plus les travailleurs d’un pays donné sont productifs, moins ils travaillent d’heures.
J’ai construit le graphique suivant à l’aide des données de l’OCDE, comparant heures travaillées et PIB per capita (c’est une moyenne pondérée par la population de chaque pays de l’échantillon). J’ai normalizé les deux séries en base 100 à partir de l’année 1983 (pour les données commençant en 1983, mon échantillon comporte 15 pays ayant les données disponibles, alors que pour la portion débutant en 1995, mon échantillon a 27 pays).
On constate tout d’abord que le PIB par habitant a fortement augmenté durant cette période, ce qui a permit aux travailleurs d’obtenir des revenus plus élevés. On constate aussi qu’une portion de ces gains de richesse ont été utilisés pour réduire le nombre d’heures travaillées par travailleur. Autrement dit, la hausse de la productivité a littéralement financé l’augmentation des heures consacrées aux loisirs.
Le PIB par habitant
L’une des implications est que l’on doit reconsidérer les classements des pays par PIB per capita en tant que mesure de richesse, car si un travailleur obtient plus d’heures de loisir, cela diminue son PIB, mais il n’est pas moins riche au sens large du terme.
Dans cet ordre d’idées, l’Australie est moins riche que ne le suggère son PIB per capita, car ses travailleurs font plus d’heures. À l’inverse, le Danemark, la France et l’Allemagne sont plus riches que ce qu’on pourrait croire en regardant le PIB per capita car leurs travailleurs ont plus d’heures de loisirs.
Les pays qui ont le plus diminué leurs heures travaillées depuis 1995 sont le Chili, l’Allemagne, la Suisse, la Slovaquie et l’Italie. À l’inverse, le Mexique, le Portugal, la Suède et le Royaume-Uni les ont le moins diminuées.
Autres facteurs qui influencent les heures travaillées
Les chercheurs Linda Bell (Barnard College) et Richard Freeman (Harvard) ont établi un lien entre le nombre d’heures travaillées par travailleurs et les inégalités de richesse au sein d’un pays : plus les inégalités sont élevées, plus les gens vont travailler d’heures pour tenter de combler l’écard avec les plus riches. L’appat du gain et la recherche de statut relatif plus élevé motivent à travailler plus.
D’autre part, les études montrent que les syndicats réussissent à faire diminuer le nombre d’heures travaillées, mais cela se fait au détriment du salaire. Cette observation est logique car si cette diminution du nombre d’heures se faisait au détriment du rendement sur le capital, ledit capital irait voir ailleurs, là où les salaires et la productivité par travailleur sont mieux alignés.
Le vieillissement de la population pourrait aussi influencer les heures travaillées car les travailleurs en fin de carrière pourrait décider de ralentir leur nombre d’heures durant leurs dernières années de travail. De leur côté, les femmes représentent une plus grande part de la main d’oeuvre et travaillent moins d’heures en moyenne, souvent en raison d’obligations familiales. Ces deux facteurs démographiques ne sont certes pas indésirables, au contraire, mais ils ont tout de même pu être financés par la hausse générale de la productivité permettant de maintenir les rendements sur le capital et l’investissement dans l’économie.
Conclusion
En somme, pour dimimuer les heures de travail, il faut d’abord créer de la richesse en augmentant la productivité. D’une manière ou d’une autre, cela se traduit par de l’investissement en innovation, en machines et en formation. La richesse n’est pas qu’une question de consommation, car le temps c’est de l’argent!
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