Le financement de l’éducation supérieure est un sujet qui divise. Est-ce que le gouvernement devrait payer 100% des frais de scolarité de manière à favoriser la mobilité sociale en permettant aux jeunes de familles défavorisées d’avoir de meilleures chances d’atteindre la diplomation? Ou est-ce que le financement devrait être 100% privé puisque les diplômés obtiennent des salaires très supérieurs au reste de la population et que ce sont surtout les enfants des mieux nantis qui atteignent l’éducation supérieure, le financement gouvernemental constitue donc un transfert des pauvres vers les riches?
Au Québec, en raison du semi-gel des frais de scolarité, les étudiants défraient une part de plus en plus petite du coût de leur éducation et les universités manquent de fonds car les contribuables sont déjà très taxés (voir ceci). Le système gaspille d’énormes sommes d’argent à financer des formations qui n’améliorent pas la productivité, ne mènent pas à un bon emploi et ne sont souvent pas terminées. Les universités n’ont pas d’incitatif à être plus efficientes et à maintenir la bureaucratie au minimum.
Au États-Unis, les prêts étudiants et le subventionnement gouvernemental ne font qu’accentuer la hausse des frais des grandes universités, les rendant encore moins accessibles. Le système accentue les inégalités car ce sont surtout les enfants des familles riches qui sont admis dans les universités les plus sélectives (lesquelles mènent aux emplois les plus rémunérateurs) et ces universités sont celles qui reçoivent le plus de subventions par étudiant.
D’un autre côté, l’excellent livre de Bryan Caplan expliquait que l’éducation supérieure n’enrichit que très peu la société car 80% de la prime au diplôme n’est qu’un signal alors que 20% est justifiable par une amélioration du capital-humain. La prime au diplôme est un jeu à somme nulle qui a déclenché une « course à l’armement ».
En favorisant l’accès à l’éducation supérieure pour les plus pauvres, la prime au diplôme diminuerait, à moins que les riches ne poussent la course à l’armement encore plus loin, mais la société ne serait pas tellement plus productive car le rendement sociétal des diplômes est souvent négatif.
Le financement par des investisseurs
Dans un essai publié en 1955, Milton Friedman proposait de financer l’éducation supérieure par des investissements privés en équité (plutôt qu’en dette). En bref, un investisseur finance les études de quelqu’un en échange d’un pourcentage de son salaire futur pendant un certain nombre d’années (voir ceci).
L’idée a été récemment ravivée sous la forme des « Income Share Agreements » ou ISA. L’Université Purdue, dans l’état de l’Indiana, a démarré un fonds ISA à l’automne 2016. Les étudiants sont évalués en fonction de leur performance académique. À la fin de leurs études, le fonds va percevoir un pourcentage de leur salaire (environ 2% à 17%) pendant 3 à 9 ans. Les termes dépendent des caractéristiques de l’étudiant, du programme et de l’université. Les versements totaux sont plafonnés à un niveau maximal et en-dessous d’un certain seuil de revenu, les paiements tombent à zéro.
Les universités qui offrent ces programmes démontrent qu’elles ont confiance en la capacité de leur diplôme à mener à un emploi lucratif, ce qui donne confiance aux investisseurs. En revanche, les universités dont les frais sont trop élevés et qui ne mènent pas à un bon emploi n’offriront jamais d’ISA. Ce système est donc bien arrimé au marché du travail, favorise l’efficience en termes de coûts et exerce une forme de rationnement de la demande.
De leur côté, les étudiants obtenant un ISA n’ont plus à choisir une école en fonction de leurs moyens financiers, mais bien en fonction de leur dossier académique et des perspectives d’emploi offertes par ces universités après la graduation. Une diminution de la prime au diplôme ferait donc en sorte de diminuer la demande pour l’éducation supérieure. Il est clair que ce système favorise une allocation plus efficiente des ressources.
Les rendements générés par le fonds ISA de Purdue auprès de sa première cohorte furent de 5% à 7%, ce qui est excellent sans être excessif. Cette université a initialement utilisé sa fondation pour financer ses premiers ISAs, mais recueille présentement des fonds auprès d’investisseurs externes à la recherche de rendements intéressants.
Ces succès ont encouragé deux autres universités à emboîter le pas: Clarkson University et Lackawanna College. Une douzaine d’autres vont aussi apparaître cet automne. Pourrait-on un jour espérer que ce genre de financement remplace définitivement le subventionnement gouvernemental, incluant les prêts?
Articles connexes:
https://minarchiste.wordpress.com/2018/04/09/la-surestimation-des-bienfaits-de-leducation/
https://minarchiste.wordpress.com/2012/03/19/la-hausse-des-frais-de-scolarite-au-quebec/
https://minarchiste.wordpress.com/2012/11/07/les-inegalites-mondiales-sont-en-baisse/
Aux USA, une grande partie du financement public accordé aux universités a servi à améliorer les salaires des employés de l’Université plutôt qu’à servir l’objectif apparent d’élargir les services. https://www.marketwatch.com/story/this-chart-shows-the-modern-equivalent-of-bread-and-circuses-to-sate-the-masses-2018-02-12?link=sfmw_tw
L’investissement public dans l’enseignement supérieur aux USA est beaucoup plus grand aujourd’hui, en dollars ajustés de l’inflation, que pendant le supposé âge d’or du financement public dans les années 1960 ces dépenses ont augmenté à un rythme beaucoup plus rapide que les dépenses du gouvernement en général. Par exemple, le budget de l’armée est d’environ 1,8 fois plus élevé aujourd’hui qu’il ne l’était en 1960, alors que les crédits législatifs à l’enseignement supérieur sont plus de 10 fois plus élevé « . En d’autres termes, loin d’être causé par les compressions budgétaires, la hausse étonnante dans les frais de scolarité est étroitement corrélé avec une augmentation massive des subventions publiques pour l’enseignement supérieur. Si au cours des trois dernières décennies, les prix des voitures avaient augmenté plus vite que les frais de scolarité, la moyenne nouvelle voiture coûterait plus de 80 000 $.
SOURCE: http://www.nytimes.com/2015/04/05/opinion/sunday/the-real-reason-college-tuition-costs-so-much.html?_r=1
The Origins of State Education: Myth and Reality: https://www.youtube.com/watch?v=Rx6A2IFjMyQ
Un article intéressant à lire: http://www.huffingtonpost.fr/jasmin-guenette/les-mythes-entourant-la-gratuite-universitaire-et-la-concurrence-des-grandes-ecoles_b_8117122.html
Je piges pas cette logique de la gauche américaine de vouloir toujours plus de financement public. Alors qu’il est clair que ce financement ne fait qu’aggraver les choses.
Dans le troisième chapitre du livre de Sowell, il aborde le problème des universités américaines. Lire ceci: https://minarchiste.wordpress.com/2012/02/29/recommandation-de-lecture-economic-facts-and-fallacies-par-thomas-sowell/
(Cela m’étonnes que vous n’avez pas mis ce résumé du livre de Sowell dans les liens sous cet article)
« Est-ce que le gouvernement devrait payer 100% des frais de scolarité de manière à favoriser la mobilité sociale en permettant aux jeunes de familles défavorisées d’avoir de meilleures chances d’atteindre la diplomation? »
Dans certains pays les universités publique augmentent les inégalités sociales. Comme par exemple au Brésil: http://mercadopopular.org/como-as-universidades-publicas-no-brasil-perpetuam-a-desigualdade-de-renda-fatos-dados-e-solucoes/
En effet, cela revient à subventionner avec l’argent public l’éducation des plus riches.
« Le top 25% des ménages américains par le revenu détiennent près de la moitié de la dette des étudiants-et le 25%le plus détient un dixième de celui-ci. L’annulation de tous les prêts étudiants livrerait $5 aux américains riches pour chaque $1 donnés aux familles plus pauvres. »
https://www.forbes.com/sites/prestoncooper2/2018/11/20/eliminating-all-student-debt-isnt-progressive-and-neither-is-this-alternative/