Le livre Sapiens de Yuval Noah Harari est excellent et aborde une multitude de sujets intéressants. Je le recommande chaudement. Je n’en ferai pas ici un résumé exhaustif, mais me contenterai de toucher à trois idées de l’auteur qui me sont apparues particulièrement intéressantes.
Une seule d’espèce d’humain sur terre
Durant la préhistoire, la planète terre a été foulée par 6 différentes espèces d’humains, dont il ne reste que nous les Sapiens. Au cours des 10,000 dernières années Sapiens s’est habitué à être la seule espèce humaine sur la planète.
Il nous est présentement très difficle de concevoir que nous aurions pu avoir à partager la planète avec d’autres espèces d’humains, comme le Néanderthal par exemple.
Si des Néanderthals avaient survécus, comment seraient-ils traités par les Sapiens? Auraient-ils les mêmes droits? Seraient-ils considérés comme des semblables ou comme des ennemis ou comme des parasites? S’intègreraient-ils facilement dans notre système socio-économique? Auraient-ils des droits de propriété? Le droit de vote?
Je trouve cette question fascinante et je n’y avais jamais pensé avant. Selon l’auteur, les Néanderthals étaient supérieurs physiquement, mais les Sapiens étaient plus futés et communiquaient mieux entre eux, ce qui faisait en sorte qu’il étaient capables de coopérer en plus grands groupes.
À en juger de la manière avec laquelle les Sapiens de différentes races se sont traités au cours des siècles, on peut très bien imaginer que le sort réservé aux non-Sapiens aurait été peu attrayant…
La terre aurait pu faire penser à une planète comme Tatouine dans Star Wars, où interagissent différents types d’humanoïdes en provenance de différentes planètes…
En passant, des études récentes démontrent que plusieurs personnent possèdent des traces de Néanderthal dans leur code génétique, ce qui suggère qu’il y aurait eu accouplement entre cette espèce et Sapiens et que l’impact génétique a potentiellement été positif (puisque l’évolution a fait en sorte de préserver cet héritage).
La Révolution Agraire: une erreur?
Les chasseurs-cueilleurs avaient une diète variée, travaillaient peu et étaient moins malades. Si une source de nourriture venait à manquer, que ce soit en raison d’une sécheresse ou de tout autre fléau, il n’y avait qu’à se déplacer pour en trouver une autre. Les chasseurs-cueilleurs ne passaient que quelques heures par jour à trouver de la nourriture. Le reste du temps leur appartenait.
La Révolution Agraire a amené l’humain à produire une quantité bien plus grande de nourriture, mais cela n’améliora pas sa diète et n’allégea pas son emploi du temps. Selon l’auteur, il s’agit de la plus grande fraude de l’histoire!
L’agriculture a radicalement changé le mode de vie de Sapiens. De nos jours, plus de 90% des calories que nous ingérons proviennent de quelques plantes qui furent domestiquées par nos ancêtres entre 9500 et 3500 ans avant JC (le blé, le riz, l’orge, le millet, le maïs et les patates). Une diète composée de céréales est pauvre en minéraux et vitamines, difficile à digérer et mauvaise pour la dentition. Physiquement, l’agriculture a affaibli l’humain, réduisant la taille de son corps et de son cerveau.
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La corps de Sapiens a évolué pour cueillir des fruits et courir après des gazelles, pas pour déplacer des rochers, creuser des trous et transporter des sceaux d’eau. L’agriculture telle que pratiquée à l’ère pré-industrielle était très dure physiquement pour les humains et exigeait quotidiennement de longues heures de pénible labeur.
L’agriculture ne procurait pas la sécurité alimentaire. Elle a rendu Sapiens dépendant d’une seule source alimentaire en un lieu donné, vulnérable aux sécheresses et aux parasites.
Mais elle a permis à Sapiens de se reproduire exponentiellement. L’agriculture ne maximisait pas le bien-être individuel, mais elle favorisait la copie de l’ADN, ce pourquoi ce mode de vie était voué à dominer la chasse/cueillette.
Lorsque Sapiens était chasseur-cueilleur, il devait se déplacer, ce qui n’est pas facile avec de nombreux très jeunes enfants. Les mères tentaient donc d’espacer les grossesses aux 3 ou 4 ans (le principal moyen de contraception à l’époque était l’alaitement tardif).
L’agriculture en mode de vie sédentaire permettait d’avoir des enfants plus rapprochés dans le temps et donc plus d’enfants au total. Cela signifie qu’il fallait toujours plus de céréales pour nourrir davantage de bouches, donc plus de travail.
Les paysans de l’époque ne pouvait pas savoir que de nourrir les enfants avec du porridge plutôt qu’avec du lait maternel allait affaiblir leur système immunitaire. Cela allait être un problème dans le contexte de villages plus denses et populeux favorisant la transmission des infections.
Une fois le grenier rempli à la récolte, le fermier est devenu vulnérable aux pilleurs. Il fallu donc construire des murs et payer des soldats pour défendre le village. C’est comme cela que le système féodal a émergé, ainsi que toutes les plaies qui vont avec (monarchies, guerres, empires, esclavage, exploitation humaine, etc).
L’auteur affirme donc que l’adoption d’un mode de vie basé sur l’agriculture a été une bien mauvaise chose pour l’Homo Sapiens. Cet état de fait a bien entendu été renversé à la fin du 18e siècle, lorsque le processus a commencé à être mécanisé, mais on retrouve encore aujourd’hui les traces des structures socio-économiques reliées à la féodalité.
L’ordre imaginaire
Les libéraux accordent une grande importance au concept de droits naturels (droit de vivre sans être blessé ou tué par autrui, droit à la propriété, etc). Selon l’auteur, ces droits sont une fiction, tout comme la démocratie, la monnaie, le gouvernement et la religion.
L’humain a depuis très longtemps créé des « ordres imaginaires », qui lui servent à s’organiser et à favoriser la coopération au sein de plus grands groupes.
Au fonds, Sapiens n’a pas plus de droits naturels qu’une gazelle qui se fait embusquer par des tigresses. Les droits de Sapiens sont une fiction qu’il a lui-même créée pour encadrer les relations entre les membres de son espèce.
La particularité des ordres imaginaires est que si on cesse d’y croire, ils cessent d’exister, comme lors d’une guerre civile ou d’un chisme religieux par exemple (ou une épidémie de zombies à la Walking Dead). En contrepartie, la gravité est un ordre réel, puisque si les humains cessent d’y croire, elle continuera d’avoir son effet sur la matière.
L’auteur utilise l’exemple d’une ruche d’abeilles, laquelle contient une structure sociale relativement complexe. Il y a plusieurs rôles au sein des abeilles, mais certainement pas d’abeille avocate pour faire appliquer la constitution de la ruche et la reine n’a pas à gérer de grèves de la part des ouvrières. Les animaux n’ont pas besoin des ordres imaginaires et sont à tout le moins incapables de les mettre en place, ce qui limite l’ampleur de ce qu’ils peuvent accomplir en groupes. Ce fut d’ailleurs peut-être un avantage pour Sapiens comparativement à Néanderthal.
Tout cela pour dire que l’appel à des droits naturels, comme la « règle d’or (ne fait pas aux autres ce que tu ne voudrais pas que l’on te fasse), le droit à l’intégrité physique, à la liberté d’expression et les droits de propriété, est une ineptie.
Ces concepts, pourtant nécessaires à la coopération optimale des Sapiens dans leurs sociétés, ne sont que des fictions qu’il faille justifier et vendre politiquement…pour que les autres Sapiens y croient et continue d’y croire…
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« L’auteur affirme donc que l’adoption d’un mode de vie basé sur l’agriculture a été une bien mauvaise chose pour l’Homo Sapiens » un peu surprenant. J’avoue ne pas bien comprendre dans cet article pourquoi l’Homo Sapiens est passé à l’agriculture si la chasse et la cueillette étaient si bien ? Si l’agriculture a dominé partout, il doit bien y avoir une raison. Et j’avoue ne pas comprendre la raison avancée (« elle favorisait la copie de l’ADN, ce pourquoi ce mode de vie était voué à dominer la chasse/cueillette »).
Faire de l’agriculture l’origine de tous les maux de l’Humanité me paraît un peu simpliste et erroné
@arnaudaron
Pas l’origine de tous les maux, mais une détérioation de la qualité de vie.
L’agriculture s’est répandue et a dominé parce qu’elle favorise la croissance de la population, au détriment de la qualité de vie.
L’auteur passe de nombreuses pages à expliquer pourquoi et comment le changement s’est produit.
Les humains ne pouvaient pas savoir à l’avance les conséquences négatives de l’agriculture sur leur qualité de vie, et une fois la transition avancée, plus possible de revenir en arrière.
Un article de Nicholas Perrin qui aborde un autre des thèmes de cet ouvrage riche, celui du crédit:
http://la-chronique-agora.com/credit-obtenu-force-confiance/
J’ai lu sapiens et franchement c’est pas très bon. C’est de l’histoire version Hollywood.
Harari maîtrise très bien le marketing et a compris comment faire un best seller.
Il y a un abus de phrases et d’anecdotes « choc », pour impressionner, faire le « show », un peu comme une présentation Apple (les fameuses keynote populariser par Steve Jobs) mais en livre.
Harari pique des travaux scientifiques à droite et à gauche, fourre le tout sans réel agencement et en tire des démonstrations à base de comparaisons entre Georges Clooney et un paon, des jardins des chateaux de la Loire et la pelouse du mondial 2014, sans oublier Elvis et les pharaons. On frise le ridicule.
Sa démonstration historique n’a rien de sérieux, d’universitaire, de travail un minium scientifique, c’est un amas d’idées reçues, déployées à la va-vite, pour mieux en venir à ses propres convictions. De la vulgarisation de vulgarisation. Du doublement dilué.
Au final c’est un livre assez difficile à résumer puisqu’il part dans tous les sens, mais, en s’accrochant, on peut un minimum en saisir le fil conducteur : une vision de l’Histoire ultra-positiviste, l’homme n’a plus besoin des dieux grâce à la science (éloge de la méditation tout de même, qu’Harari avoue pratiquer intensément), les guerres sont devenues elles aussi inutiles, la famine, fléau du monde pré-industriel, tue moins et comble du comble le diabète et l’obésité sont désormais plus dangereux, tout le livre n’est que miroir entre l’ancien et le nouveau monde, leurs différences, et l’impossibilité de retour en arrière. Harari ne fait aucun éloge, il constate, on dirait même qu’il est assez pessimiste, il fait et pense tout cela, parce que voilà, bon, « y’a plus qu’ça à faire quoi ».
On a parfois l’impression de lire un livre à la sauce New-Age, méditation hindoue, végétarisme, etc. Ou alors les pitreries et autres arnaques commerciales de la mode des « développement personnel ».
Une bonne critique de ce livre : http://homofabulus.com/mon-avis-sur-sapiens-de-yuval-noah-harari/
Le manque de rigueur se voit dans le fait qu’il y a très peu de références ainsi dans le fait qu’ils présentent comme des vérités des thèses contestables et contestées dans la communauté scientifique
Sinon, ce chercheur a fait 3 articles critiquant des points précis du livre Sapiens : https://anthropogoniques.com/2020/05/09/yuval-noah-harari-sapiens-lecture-critique-1-une-revolution-culturelle/
(Il ne s’agit pas d’une critique générale mais bien d’une critique de certains points mais cela donne un bon aperçu des erreurs dans l’ouvrage)
La partie 2: https://anthropogoniques.com/2020/05/11/yuval-noah-harari-sapiens-lecture-critique-2-un-animal-insignifiant/
(Surtout que les erreurs portent sur ds points qui sont loin d’être de petits détails)
La partie 3: https://anthropogoniques.com/2020/05/13/yuval-noah-harari-sapiens-lecture-critique-3-le-muscle-et-la-cervelle/