Si vous avez écouté le premier débat entre Donald Trump et Hillary Clinton, vous aurez peut-être entendu la secrétaire d’État s’exclamer que « les trickle-down economics » ne fonctionnent pas. En revanche, Donald Trump affirme que réduire les impôts pour les plus riches bénéficie aux pauvres. Qui a raison?
Voici ce que Mme Clinton a dit lors du débat :
« the kind of plan that Donald has put forth would be trickle-down economics all over again. In fact, it would be the most extreme version, the biggest tax cuts for the top percent of the people in this country than we’ve ever had. I call it trumped-up trickle-down, because that’s exactly what it would be. That is not how we grow the economy. Trickle-down did not work. It got us into the mess we were in, in 2008 and 2009. Slashing taxes on the wealthy hasn’t worked. »
La théorie du ruissellement est un terme politique visant à caractériser des mesures qui réduisent les impôts des riches. Cette pseudo-théorie insinue que si on réduit les impôts des riches, ceux-ci vont dépenser davantage, ce qui bénéficiera éventuellement au reste de la population. Le terme n’est sortie que de la bouche de politiciens et journalistes de gauche, et ceux-ci ne nomment jamais de noms en ce qui concerne ceux qui militeraient en faveur de ce concept.
En réalité, aucun économiste n’a déjà défendu une telle théorie de cette manière! Elle a d’abord été mentionnée par l’humoriste Will Rogers en 1922 pour tourner certaines politiques d’Herbert Hoover en dérision (mais qui ont néanmoins sembler fonctionner très efficacement). L’idée fut reprise plus sérieusement par Ronald Reagan et ses « Reaganomics ». Cependant, ce sont les adversaires de M. Reagan qui ont utilisé le terme pour le critiquer (tout comme Mme Clinton l’utilise pour critiquer les baisses d’impôts de Donald Trump), il ne l’a jamais mentionné lui-même. Néanmoins, M. Reagan a réduit les taux marginaux d’impositions des paliers de revenus les plus élevés. Ce taux est passé de 70% à 50%. En ce sens, la politique de Reagan ne fut pas de favoriser les riches, mais plutôt de moins les défavoriser en adoptant une taxation moins progressive. Néanmoins, Reagan a aussi augmenté les dépenses du gouvernement, le déficit et la dette…
Les baisses d’impôts de Bush constituent quant à elles une expérience intéressante. Elles furent instaurées en 2001 et 2003 pour relancer l’économie suite à la récession et ont surtout bénéficié aux riches, qui ont vu leur taux de taxation baisser de 39.6% à 35% et une réduction majeure des taux de taxation sur les gains en capitaux (ce qui affecte surtout les plus riches). L’économie connue une reprise passablement vigoureuse. Dès 2006, les revenus de taxation excédaient déjà leur niveau de 2003, ce qui indique un effet Laffer. En outres, les revenus de taxation sur les gains en capitaux avaient doublés en 2006 comparativement à 2004, malgré la réduction du taux d’imposition. Ce qui est encore plus incroyable est que la part des impôts versés par les plus riches a augmenté suite à ces mesures! En 2006, le top 1% payait 40% des impôts, le plus haut pourcentage en 40 ans. Il semble donc y avoir eu un certain ruissellement… Ce que l’on a possiblement observé suite aux réductions de Bush a été une plus grande propension de la part des riches à ne pas éviter l’impôt ou à carrément s’en évader d’une manière ou d’une autre.
Lorsque Mme Clinton affirme que les « trickle-down economics » ne fonctionnent pas, elle se base en partie sur une étude du FMI publiée en 2015 qui démontre que si la part des revenus des 20% les plus riches augmente de 1%, la croissance du PIB sera de -0.08% plus faible au cours des 5 années suivantes, ce qui indique qu’il n’y a pas de « ruissellement ». Cependant, cette étude ne constitue pas vraiment un test de la théorie du ruissellement. Elle ne mesure pas l’impact d’une baisse d’impôt des plus riches sur les revenus du reste de la population. Elle mesure plutôt l’impact d’une augmentation de la part des revenus des plus riches sur la croissance économique. C’est en quelque sorte similaire, mais pas la même chose! Par exemple, l’augmentation des inégalités en faveur des riches peut résulter d’une augmentation des rentes règlementaires, ce qui est évidemment négatif pour la croissance économique.
Pourquoi il n’y aurait pas de ruissellement à ce stade-ci?
Les riches ont une propension marginale à consommer inférieure aux classes plus pauvres, c’est-à-dire qu’ils dépensent moins et épargnent davantage. On pourrait donc croire qu’en diminuant les impôts des riches, ceux-ci vont épargner plus et que cet argent sera transformé en investissements, ce qui fera augmenter la croissance économique à long terme. En revanche, on pourrait être porté à croire que cela ferait diminuer la consommation au début, mais celle-ci augmenterait par la suite puisque les investissements en viendraient à créer de nouveaux emplois et à faire augmenter les salaires, ce qui augmenterait la consommation à plus long terme. On observerait donc un « ruissellement » de cet argent des plus riches vers les plus pauvres.
Mais en réalité, dans le système bancaire actuel, l’épargne n’a plus autant d’importance pour l’investissement. La banque centrale fournit des tonnes de liquidités aux banques pour qu’elles fassent des prêts. Beaucoup d’investisseurs utilisent l’effet de levier (c’est-à-dire qu’ils empruntent pour investir à la bourse), ce qui fait augmenter les cours boursiers et réduit donc le coût du capital pour les entreprises. Dans ce contexte, une augmentation de l’épargne n’aurait pas tant d’impact sur l’investissement. De plus, les riches pourraient investir ces impôts épargnés en titres obligataires ou boursiers à l’étranger, ce qui n’aurait pratiquement aucun impact sur l’investissement domestique.
C’est un peu ce que nous avons observé au Canada au cours des de la dernière décennie. Le gouvernement fédéral a réduit l’impôt des corporations, ce qui a résulté en une hausse des dividendes. Les épargnants qui ont reçu ces dividendes plus élevés les ont réinvestis en dehors du Canada, diversifiant davantage leurs portefeuilles. L’impact de ces baisses d’impôts sur l’investissement local a été bien moindre qu’anticipé.
En revanche, aux États-Unis, une baisse substantielle des impôts sur les corporations aurait possiblement un effet bénéfique sur l’investissement car en raison de taux qui sont actuellement prohibitifs, beaucoup de multinationales américaines laissent leurs profits à l’étranger plutôt que de les rapatrier aux États-Unis. Dans ce cas, une baisse du taux d’imposition sur les corporations occasionnerait fort probablement un effet de ruissellement pour le reste de l’économie domestique.
Conclusion
La théorie du ruissellement ne consiste pas à simplement octroyer une baisse d’impôt aux riches et anticiper ensuite qu’une hausse de leurs dépenses fera augmenter les revenus des classes inférieures. Cette façon de voir les choses n’est qu’un homme de paille politique utilisé par la gauche, comme le fait Mme Clinton entre autres.
En fait, la théorie du ruissellement peut être considérée comme étant similaire à l’effet Laffer. En diminuant le taux d’imposition des riches plus près de celui des classes inférieures, on observera généralement une hausse de l’investissement, laquelle se traduira par de la création d’emploi et une hausse du pouvoir d’achat pour les classes inférieures. On observera aussi une hausse des revenus de taxation du gouvernement et une hausse de la part des impôts payée par les classes plus riches, ce qui peut sembler paradoxal, mais a été observé tant dans les années 1920 que sous les ères Reagan et W. Bush aux États-Unis. Cependant, si ces baisses ne sont pas accompagnées d’une diminution des dépenses gouvernementales, on observera initialement une hausse du déficit et de la dette, jusqu’à ce que l’effet Laffer se fasse sentir.
Suite aux baisses d’impôts des plus riches mises en place par W. Bush pour relancer l’économie, voici ce que titrait le New York Times en 2006, constatant une hausse des revenus d’impôts du gouvernement et une diminution du déficit:
“An unexpectedly steep rise in tax revenues from corporations and the wealthy is driving down the projected budget deficit this year.”
Et oui, peut-être que le ruissellement fonctionne finalement…
De mon côté, je pense que la réforme fiscale la plus pressante concerne plutôt l’impôt des corporations, qui est très inefficace et engendre d’énormes distorsions (voir ceci). L’adoption d’un taux d’imposition unique serait aussi plus simple, équitable et efficace. Nous discuterons davantage de fiscalité dans mes deux prochains billets…
https://en.wikipedia.org/wiki/Trickle-down_economics
https://fee.org/articles/there-is-no-such-thing-as-trickle-down-economics/
https://fee.org/articles/keynesianism-is-the-real-trickle-down-economics/
http://capitalismmagazine.com/2006/06/the-trickle-down-left-preserving-a-vision/
https://www.imf.org/external/pubs/ft/sdn/2015/sdn1513.pdf
https://www.thebalance.com/supply-side-economics-does-it-work-3305786
http://www.tsowell.com/images/Hoover%20Proof.pdf
http://www.wsj.com/articles/SB121659695380368965
http://www.heritage.org/Research/Reports/2007/01/Ten-Myths-About-the-Bush-Tax-Cuts
https://minarchiste.wordpress.com/2013/07/11/les-taxes-et-impots-des-reflexions-sur-la-fiscalite/
Excellent billet, ça nous change de la Doxa gauchiste habituelle; bon je rectifie, Mme Clinton n’est pas vraiment de gauche…
Il est assez logique de penser que si le revenu des « riches » augmente, ils peuvent investir davantage. Ce mécanisme est d’autant plus important que la société est pauvre et n’a pas accumulé beaucoup de capital. C’est même le seul moyen d’amorcer la pompe de l’investissement car un ultra pauvre crevant de faim aura tendance à dévorer son blé en herbe (ou ses semences) pour ne pas mourir tout de suite alors que l’ultra riche défendra son investissement même au prix de famines parmi les ultra pauvres. On n’en est heureusement plus à ce stade dans les pays développés. L’argument selon lequel l’argent allant aux riches a plus de chances de se transformer en investissement que l’argent allant aux pauvres reste cependant pertinent. Mais les malheurs de nos sociétés dont le taux de croissance est de plus en plus anémique sont ils bien dus à un manque d’investissement ? Pour simplifier si la production optimale à technologie constante dépend d’un couple un homme+ une machine, quand on atteint le stade où tous les hommes sont équipés, un investissement supplémentaire ne sert plus à rien. J’aurais donc tendance à penser que le bon moteur, quand on arrive à ce stade, est l’innovation. Si du fait de celle-ci apparait un nouveau modèle de machine plus chère et pouvant toujours être servie par un seul homme mais produisant beaucoup plus, alors il sera intéressant de faire cet investissement et il sera sans doute fait dans une société libérale ne dépouillant pas complètement les riches puisque l’appât du profit supplémentaire permis par cette machine incitera forcément les riches à y investir. Donc si l’on veut un ruissellement efficace, il faut faire en sorte de récompenser les innovateurs et non les seuls riches sans imagination qui ne font qu’apporter du capital sans susciter de rupture innovante.
Le souci vient également du fait que les investissements vont largement dans la bulle de spéculation financière ce qui ne bénéficie en rien au entreprises sur le long terme. Il faudrait des règles de droit et d’impôt internationales pour résoudre tout ce bazar mais aujourd’hui les peuples n’y sont pas préparés et les acteurs de la vie politiques pas suffisamment courageux ou trop impuissant face à cela. Le meilleur qu’on ai à craindre selon moi c’est une dictature au nom de l’écologie (hypothèse qu’emet M.Attali) mais je penche plutôt pour des totalitarismes ponctuels au milieu d’un anarchie régie par un conflit de civilisation monté de toute pièce. (prédiction à prendre avec des pincettes)