J’ai récemment visionné le film « 42 », relatant l’histoire du premier joueur de baseball noir des ligues majeures, Jackie Robinson. Le film se passe en Amérique d’après la Seconde Guerre Mondiale, durant laquelle les afro-américains ont combattu vaillamment pour vaincre l’une des idéologies les plus racistes qui soit: le National-Socialisme Allemand. Néanmoins, les lois ségrégationnistes de Jim Crow sévissaient encore à l’époque dans le sud et la ségrégation était appliquée informellement dans plusieurs villes du nord, si bien qu’après avoir vu le fascisme tomber dans le monde, les noirs le vivaient encore aux États-Unis.
Le baseball ne faisait pas exception. Il y avait une ligue pour les noirs, pendant que les 400 joueurs des ligues majeures étaient blancs. C’est en 1947 que cela allait changer. Le propriétaire des Dodgers de Brooklyn eut une idée folle: embaucher un joueur noir.
En fait, cette idée était loin d’être folle. Les blancs de l’époque s’imaginaient vraiment que les noirs étaient des sous-hommes qui seraient incapables de jouer au baseball aussi bien que les blancs. On pourrait donc dire que Branch Rickey, le propriétaire des Dodgers à l’époque, était le seul propriétaire doté d’un cerveau fonctionnel, étant bien conscient que les bons joueurs noirs pourraient non-seulement bien s’intégrer aux MLB, mais en plus améliorer son équipe. Et il a eu bien raison!
D’une certaine manière, ce qui se passa au baseball en 1947, à l’initiative résolue de Rickey, fut le tout premier pas du mouvement des droits civils américains. Un an avant que Truman abolisse la ségrégation dans l’armée, 7 ans avant la décision de la Cour Suprême dans l’affaire Brown vs Board of Education, 8 ans avant que Rosa Parks refuse de céder sa place dans un autobus, 10 ans avant qu’Eisenhower ne permette aux « Little Rock Nine » d’aller à l’école, 16 ans avant le discours « I Have a Dream » de Martin Luther King Jr et presque deux décennies avant le Civil Right Act de 1964.
Mais Rickey n’était pas un activiste des droits humains; c’était un capitaliste. Comme il le mentionne à son assistant au début du film:
« les billets de banque ne sont ni blanc, ni noirs, ils sont verts »!
Comme il l’explique à Robinson plus loin dans le film, Rickey croyait que des joueurs noirs lui permettraient d’atteindre les Séries Mondiales, et cela ferait grandement augmenter ses profits. Il croyait aussi qu’il y aurait moins de blancs racistes qui boycotteraient le baseball que de noirs qui se mettraient à s’y intéresser.
Au début du film, l’autobus de l’équipe de baseball noire de Jackie (les Monarchs) s’arrête dans une station-service un peu isolée. Pendant que le pompiste remplit le réservoir, Jackie descend du bus et se dirige vers une toilette où il est écrit sur la porte « Whites Only. » Le pompiste blanc lui signale qu’il ne peut pas y aller. Jackie lui ordonne alors d’arrêter dans remplir le réservoir. « Nous allons acheter nos 99 gallons d’essence ailleurs« , dit-il. Après quelques secondes de réflexion, le pompiste lui indique qu’il peut utiliser la toilette finalement et se remet à remplir le réservoir, s’étant rendu compte que ce n’était pas très payant d’être raciste!
À un autre moment du film, l’employée d’une compagnie aérienne indique à Jackie et sa femme qu’ils doivent annuler leurs billets puisque l’avion sera trop pesant. Elle accorde ensuite les billets à un couple de blancs, ce qui força les Robinson à prendre l’autobus pour se rendre en Floride. Évidemment, la compagnie aérienne n’a pas encouru de perte monétaire suite à cet acte puisque l’avion était plein de toute manière, mais une telle stratégie aurait été perdante à long terme pour la compagnie, qui se serait aliéné les noirs au profit de ses concurrents.
Un peu plus loin dans le film, le propriétaire des Phillies de Philadelphie, un raciste, oblige son entraineur-chef à « faire la paix » avec Jackie après lui avoir lancé des tas d’insultes méchantes et après avoir fait des commentaires racistes dans les journaux de manière à préserver l’image des Phillies. Était-ce sincère? Non, mais c’était un passage obligé pour une entreprise capitaliste voulant faire du profit.
Il est intéressant de noter que Jackie Robinson était un républicain, qui a supporté la nomination à la présidence de Richard Nixon, et qu’à l’époque décrite par le film, c’était les démocrates qui étaient contre la déségrégation. C’est d’ailleurs Dwight Eisenhower, un républicain, qui intervint de manière retentissante pour permettre aux « Neuf noirs de Little Rock » de se rendre à l’école en 1957 (ici).
Si vous faîtes une recherche Google avec les mots « racisme » et « capitalisme », vous obtiendrez toute une panoplie de sites gauchistes décriant que le racisme est une composante essentielle du capitalisme! Il faut passer plusieurs résultats avant de trouver un texte de George Reisman qui détruit ce mythe. En fait, vous trouverez une immense quantité de texte qui affirme que le capitalisme s’est implanté grâce à l’esclavage et/ou que l’esclavage est une conséquence inévitable du capitalisme pur (voir ceci). Cela est saugrenu quand on sait que l’esclavage est l’antithèse du capitalisme.
Imaginez que des ouvriers noirs puissent être embauché à un salaire de 10% inférieur à celui des blanc à compétence égale. On verra rapidement un concurrent opportuniste embaucher ces noirs et avoir un avantage de coût sur les autres entreprises de l’industrie. Cette entreprise gagnera des parts de marché et évincera les entreprises plus racistes. De plus, cette embauche réduira le nombre de noirs à la recherche d’un emploi (donc l’offre), ce qui fera grimper les salaires des noirs. Et comme cette entreprise gagne des parts de marché, elle continuera d’embaucher des noirs à une escompte de plus en plus petite sur le salaire des blancs. De leur côté, les concurrents qui perdent des parts de marché en viendront à renvoyer des employés blancs, ce qui fera baisser les salaires des ouvriers blancs. On observera donc une convergence entre les salaires des ouvriers noirs et des ouvriers blancs dans cette industrie, jusqu’à ce que la différence soit négligeable.
Le même raisonnement s’applique si un commerçant refuse de servir des clients noirs. Des concurrents non-racistes émergeront et gagnerons des parts de marché. Ces de cette manière que le capitalisme constitue une force anti-raciste car dans un système de libre-marché, le raciste est très coûteux.
Conclusion
J’ai trouvé ce film rafraîchissant dans la mesure où pour une fois, plutôt que de blâmer le capitalisme pour tous les problèmes du monde, on le présente sous un angle favorable en démontrant qu’il fut une force antiségrégationniste et, par le fait même, un vecteur de soutien aux droits humains.
Évidemment, il ne faut pas être naïf: le capitalisme ne vaincra pas le racisme à lui seul. Il faut aussi que les gens changent leur manière de penser et adoptent des principes moraux plus équitables. D’ailleurs, Branch Rickey n’a pas fait tout cela que pour l’argent, il était aussi motivé par un désir de justice et le sentiment profond que la société ségrégationniste était inéquitable (dans le film, il relate une anecdote concernant un receveur noir oeuvrant dans la même équipe universitaire que lui, qui l’avait énormément affecté et qui a peut-être déclenché une certaine empathie envers les noirs).
Ceci dit, la recherche du profit aide certainement ce cheminement alors que le gouvernement, du moins à l’époque, faisait pleinement partie du problème puisque la ségrégation avait force de loi. D’ailleurs, dans le film, lors d’un match préparatoire des Royaux de Montréal en Floride, un policier municipal décide d’expulser Jackie du stade simplement parce qu’il est noir et qu’il joue bien au baseball, chose qu’aucune loi n’aurait permis même à cette époque, mais aucun fonctionnaire n’aurait fait quoi que ce soit contre ce policier. Un peu plus loin dans le film, on présume que la police n’aurait pas pris la défense de Jackie s’il était resté dans la résidence où il était logé en Floride où des racistes planifiaient s’en prendre à lui.
En somme, le libre-marché était une institution bien plus fiable que le gouvernement dans la quête de justice et d’équité des noirs afro-américains.
Liens connexes:
http://www.usatoday.com/story/opinion/2013/05/15/robinson-civil-rights-column/2156187/
http://www.westernfreepress.com/2013/08/18/jackie-roosevelt-robinson-branch-rickey-and-capitalism/
Vous savez, on ne peut pas éradiquer le racisme mais néanmoins, ces dernières décennies les gens ont appris petit à petit à petit, et ont changé leurs mentalités grâce aux différentes sensibilisations et c’est déjà une bonne nouvelle!