Depuis que sa traduction anglaise a été publiée en mars 2014, le livre « Capital in the twenty-first century » de l’économiste Français Thomas Piketty est vite devenu le livre le plus vendu sur Amazon. Néanmoins, après avoir lu un grand nombre de critiques, j’ai décidé de ne pas perdre mon temps à me taper cette brique de 577 pages. Voici un résumé de ces critiques.
La thèse de Piketty
Le premier volet du travail de Piketty a consisté à accumuler une impressionnante base de données sur la richesse et les revenus sur plusieurs centaines d’années en Europe et aux États-Unis. Piketty observe qu’aux 18e et 19e siècles, les sociétés étaient très inégales, la richesse était concentrée entre les mains de quelques familles aristocratiques qui occupaient le sommet d’une structure rigide de classes sociales. Puis, les guerres mondiales et la Grande Dépression de la première moitié du 20e siècle ont détruit énormément de richesse, notamment en raison de la destruction du capital, des nationalisations d’entreprises, de la hausse de la taxation et de l’inflation élevée. Les inégalités ont alors décliné; ce que certains surnomment la Grande Compression. Mais suite aux années 1970s, les inégalités n’ont cessé de s’accroître.
L’analyse de ces données lui a permis de trouver une faille au système capitaliste, soit que la richesse a toujours tendance à se concentrer simplement parce que le « rendement du capital » (r) a tendance à être plus élevé que la croissance économique (g); donc r > g. Par ailleurs, Piketty ne croit pas que cette augmentation des inégalités ne puisse être renversée « naturellement » par les effets du libre-marché. Sa prescription consiste à introduire une taxe globale sur le capital ainsi qu’un impôt de 80% sur les revenus annuels excédant $500,000.
Critique #1 : Les données.
On peut légitimement se demander à quel point on peut se fier sur les données de Piketty qui datent jusqu’à 2000 ans et on peut questionner la qualité des chiffres utilisés par l’économiste. Des journalistes du Financial Times ont récemment découvert des erreurs dans les données de Piketty qui laissent perplexes. Plus encore, Piketty aurait apporté certains « ajustements » aux chiffres, lesquels ne sont pas expliqués. Cela ne va pas sans rappeler le « Climategate »…
Selon les chiffres de Piketty pour les États-Unis, le revenu médian n’a augmenté que de 3% entre 1979 et 2007. Cela corrobore sa thèse selon laquelle les plus riches ont accaparé pratiquement toute l’augmentation de richesse de ces dernières années, au détriment des classes moyennes et pauvres, qui elles ont stagné voire régressé. Il y a cependant trois problèmes avec ces chiffres : 1) ils sont avant impôts et transferts, 2) ils ne tiennent pas compte des revenus en nature (assurance-maladie) et 3) ils observent le revenu familial, sans tenir compte du fait que le nombre d’individus par foyer a diminué ces trente dernières années. Si on ajuste pour les impôts et transferts, l’augmentation du revenu médian passe de +3% à +18%. Et si on tient compte de la diminution du nombre de personnes par foyer, on obtient une hausse de +33%! Cela change grandement l’interprétation des chiffres fournie par Piketty (33% d’augmentation plus que seulement 3%).
Par ailleurs, Piketty utilise des bases de calculs différentes pour le rendement et la croissance : l’un est en prix courants non-ajustés pour l’inflation, alors que l’autre est ajusté pour l’inflation. Cela a pour conséquence d’accentuer l’écart entre r et g. Selon les calculs de Jean-Philippe Delsol de l’IREF, en utilisant des chiffres comparables, Piketty n’aurait pas pu corroborer sa thèse.
Critique #2 : Le rendement et la valeur du capital.
La vision de l’économie de Piketty est basée sur la croyance que le capital a une valeur donnée en fonction de laquelle il génère un taux de rendement (r).
Selon Piketty : Profits = valeur du capital x taux de rendement du capital.
En réalité, la relation est inverse : le capital est constitué d’actifs productifs qui génèrent des profits et dont la valeur est déterminée en fonction de l’ampleur de ces profits. Le processus de création de richesse n’est pas qu’une simple rente (r) récoltée suite au déploiement de capital. En fait, l’enrichissement résulte plutôt de l’allocation efficiente du capital de manière à générer de la production désirable. Le rendement dépendra de l’habileté de l’entrepreneur à déployer son capital : certains auront du succès et obtiendront un rendement supérieur, alors que d’autres échoueront et perdront leur capital. Autrement dit, Piketty comprend le capitalisme à l’envers!
Par ailleurs, Piketty ne tient pas compte des rendements décroissants du capital : plus il y a de capital, plus le rendement diminue. Dans ses projections, il estime que le rendement du capital ne va pas diminuer même si le stock de richesse augmente. C’est une hypothèse plausible, mais qui nécessite de l’innovation et du développement technologique pour se matérialiser (et donc des investissements).
Critique #3 : Le modèle ne tient pas la route.
L’identité mathématique de Piketty r > g ne tient pas la route dans la réalité. À cet égard, je vous invite à consulter les calculs de Jean-Philippe Delsol (de l’IREF), de qui je tire l’exemple qui suit.
Supposons que les 1% plus riches détiennent 17% du capital au départ. La croissance est de 1% et le rendement de 5% (hypothèses de Piketty). Si les 1% plus riches réinvestissent 70% des revenus du capital chaque année, il ne faudra que 22 ans avant d’atteindre une situation où il ne leur est plus possible de réinvestir autant, en supposant un coefficient de capital constant. Dans ce scénario, on se retrouve dans une situation où il n’y a plus suffisamment d’opportunités d’investissements et le modèle Piketty s’écroule. Et à la 73e année, les 1% détiennent 100% du capital. L’histoire ne corrobore certainement pas ce résultat.
Pour que le modèle demeure stable, il faut que les riches ne réinvestissent pas plus de 20% de leurs rendements sur le capital. Sinon, trois choses pourraient alors arriver : 1) la croissance pourrait accélérer (réduisant les inégalités), 2) le rendement du capital diminuerait (réduisant les inégalités) et 3) le coefficient de capital augmenterait en raison de l’innovation technologique. En somme, l’économie capitaliste est bien plus dynamique que ne le laisse entendre Piketty. Ses prédictions (et les prescription politiques qui en découlent) ne sont basées que sur une extrapolation douteuse du passé à partir d’un modèle erroné.
En fait, comme l’explique Charles Gave (ici), r et g sont deux choses totalement différentes. Si r est constamment plus élevé que g pour toutes les entreprises, on se retrouvera vite avec des profits équivalents à près de 100% du PIB, ce qui est impossible!
Critique #4 : La mobilité entre les classes.
En observant les rapports de revenus ou de patrimoine entre les classes, Piketty néglige de tenir compte de la mobilité sociale, qui est de nos jours beaucoup plus élevée qu’il y a quelques siècles. Le 1% d’il y a 10 ans n’est plus constitué des mêmes individus aujourd’hui. Considérez par exemple le magnat brésilien Eike Batista, encore classé en 2012 au 7ème rang mondial des hommes les plus riches du magazine Forbes, qui est présentement en train de tout perdre. En réalité, le classement Forbes est bien plus fluide qu’il n’y parait, la majorité des milliardaires présents dans le top 100 en 2005 n’y était plus dès 2013 (voir ceci)! Il ne parle pas non plus du fait que plusieurs des membres du classement Forbes ont bénéficié des largesses de l’interventionnisme étatique (ici).
Ainsi, il est plutôt futile d’observer l’évolution d’une classe dont les membres changent sans cesse. Il est plus pertinent de suivre l’évolution des individus. Ainsi, les revenus moyens des américains de 25 ans et plus qui ont soumis un rapport d’impôts en 1996 et qui se situaient dans le plus bas quintile avaient augmenté de 91% en 2005. En revanche, les revenus des individus se situant dans le premier percentile – c’est-à-dire les 1% ayant les revenus les plus élevés – avaient vu leur revenu diminuer de 26% en 2005. D’ailleurs, plus de la moitié de ceux-ci ne figuraient plus dans le 1% en 2005. Une autre étude de l’Université du Michigan a démontré que seulement 5% des individus situés dans le cinquième quintile des revenus en 1975 y était encore en 1991, alors que 29% d’entre eux avaient atteint le premier quintile à cette date. Plus de la moitié des individus du dernier quintile en 1975 avaient été dans le premier quintile pendant au moins une année entre 1975 et 1991.
Le rendement du capital s’obtient en prenant des risques et même s’il est comparable à grande échelle d’une décennie à l’autre, il est très volatile à plus petite échelle. Dans un système capitaliste, ceux qui s’enrichissent sont ceux qui arrivent le mieux à faire fructifier leur capital en l’investissant dans des actifs produisant des biens et services désirés par les masses. Pour chaque entrepreneur qui réussit et devient milliardaire, des dizaines d’autres échouent et mangent leur pain noir.
D’ailleurs, Piketty reconnaît que r est plus volatile qu’il ne le laisse croire lorsqu’il explique pourquoi la privatisation des régimes de retraite est une mauvaise idée:
« Lorsque l’on compare les mérites du système par répartition et ceux du système par capitalisation, on doit prendre en compte le fait que le rendement du capital est extrêmement volatile. Il serait très risqué d’investir toutes les économies de retraite dans les marchés financiers mondialisés. Le fait que r > g en moyenne ne veut pas dire que cela soit vrai pour tout investissement individuel. (…) il serait plutôt irrationnel de jouer le tout à la roulette russe. »
Donc voilà, le capitalisme, n’est pas un système où les riches récoltent bêtement une rente sur leurs investissements. C’est plutôt un système dynamique au sein duquel la prise de risque est rémunérée lorsqu’un investissement crée de la richesse pour la société et au sein duquel les échecs résultent en une perte de capital pour l’investisseur.
Évidemment, quand le gouvernement vient sauver les entreprises qui échouent, il nuit au processus de destruction créatrice qui place le capital entre les mains de ceux qui savent le mieux le mettre au service de la société. C’est surtout le cas lorsqu’il sauve des banques de la faillite, suite à ce que leurs dirigeants se soient versés d’imposants bonis justifiés par des profits découlant d’une prise de risque excessive, qui elle résulte de la conviction que le gouvernement et la banque centrale interviendront en cas de crise. Je ne crois malheureusement pas que Piketty en parle dans son livre, mais il ne s’agit néanmoins pas de capitalisme; c’est plutôt du socialisme corporatif qui contribue à r > g.
Finalement, on constate que dans les pays où les 10% plus riches se sont enrichis le plus rapidement, on constate que les 10% plus pauvres se sont aussi enrichis plus rapidement que les autres pays. Cela contredit la thèse de Piketty suggérant que les riches s’enrichissent sur le dos des pauvres en concentrant le capital entre leurs mains.
Critique #5 : La création de monnaie.
Comme je l’ai souvent expliqué (ici par exemple), la création excessive de monnaie fiduciaire a pour effet d’accentuer les inégalités. Les riches en bénéficient, alors que les autres subissent l’inflation. Piketty ne semble pas en tenir compte, d’autant plus que ses chiffres montrent que les inégalités ont culminé juste avant la Grande Dépression (1929) et la Grande Récession (2008), deux épisodes précédés d’une immense expansion du crédit et durant lesquelles la création de monnaie a largement excédé la croissance du PIB.
Un système monétaire réellement capitaliste aurait comme bienfait, entre autres, de limiter la croissance des inégalités économiques. Évidemment, Piketty n’en parle pas.
Critique #6 : Les salaires des dirigeants.
La rémunération des PDGs de corporations a grandement augmenté ces dernières années, surtout aux États-Unis. Selon Piketty cette hausse des salaires des dirigeants d’entreprises explique pourquoi les inégalités ont tant augmenté. Selon lui, ces dirigeants ont « capturé » leur conseil d’administration, ce qui leur permet de s’enrichir sur le dos des actionnaires. C’est ce qui expliquerait la majorité de l’accroissement des inégalités aux États-Unis.
Est-ce plausible, que le pays développé le plus « inégal » soit ainsi parce qu’environ 100,000 gestionnaires d’entreprises sont surpayés? Nous sommes bien loin du modèle Piketty résumant le capitalisme à r > g, l’essence fondamentale du capitalisme! Il est intéressant de noter qu’environ 41% des 0.1% plus riches américains sont des gestionnaires d’entreprises et 19% des professionnels de la finance. Les autres professionnels (médecins, avocats, etc) représentent 15% et les vedettes (incluant du sport) représentent 4%.
Comme le mentionne Jean-Philippe Delsol :
« la révolution technologique et managériale depuis les années 1970 a conduit les grandes compagnies à dégager d’énormes profits lorsqu’elle étaient bien gérées et que leurs dirigeant ont négocié une appropriation, qui peut être légitime, d’une partie de ces bénéfices à leur avantage. »
Comme je l’expliquais ici, l’augmentation des salaires des PDGs a été de pair avec la hausse de la valeur marchande des entreprises qu’ils dirigent ainsi qu’avec un changement dans leur structure de rémunération vers des composantes plus variables et donc plus risquées comme la rémunération en actions. Les dirigeants d’aujourd’hui ont la capacité, en prenant de bonnes décisions, de créer énormément de valeur dans l’économie moderne mondialisée et ils sont récompensés par les actionnaires pour cette création de richesse. Il y a certainement des abus, mais en général, c’est aux actionnaires de voir si le jeu en vaut la chandelle.
Ceci dit, l’industrie où un certain niveau d’injustice peut être identifiée est celle de la finance. Les salaires des financiers ont crû beaucoup plus vite que ceux des autres professionnels. Cette industrie bénéficie d’un niveau incroyable de soutien étatique : réserves fractionnaires, accès à la banque centrale, sauvetage en cas de faillite, émissions d’obligations gouvernementales pour financer les déficits gouvernementaux, hausse des valeurs boursières dopées à l’inflation, etc.
On pourrait donc dire qu’en retirant l’interventionnisme étatique dans le secteur bancaire/financier, on contribuerait à réduire les inégalités sans taxer personne. Mais cela ne fait malheureusement pas partie des solution de Piketty…
Critique #7 : L’impôt, les incitatifs et la croissance.
Parlons-en justement de la solution de Piketty face aux inégalités : taxer les riches. Il semble croire que l’on peut imposer un « impôt prohibitif » sans que cela n’ait d’impact sur le comportement des entrepreneurs, sur l’innovation et sur la création de richesse. Autrement dit, Piketty voudrait taxer les riches pour réduire r en pensant que cela n’aura pas d’impact sur g. C’est un rêve éveillé!
La redistribution aurait comme impact de nuire à l’investissement et, par ricochet, à la croissance future. Elle réduira les incitatifs à prendre des risques pour créer de la richesse. La prise de risque par les entrepreneurs en quête d’enrichissement est un moteur important d’innovation, qui bénéfice aux masses. Il est illusoire de croire qu’après avoir lancé du sable dans l’engrenage, ce moteur continuera de fonctionner aussi bien.
C’est d’ailleurs ce que démontrent les tableaux suivants, qui comparent la croissance des revenus pour la population de pays plus inégaux à celle de pays où davantage de redistribution prévaut. On constate que les revenus croissent plus rapidement dans les pays où les inégalités sont plus élevées, même pour les plus pauvres.
Conclusion
En somme, je trouve l’ouvrage de Thomas Piketty, de par sa nature, est plutôt arrogant et que l’attention médiatique (et les ventes qui vont avec) qu’il a obtenue n’est pas méritée. Évidemment, ce succès découle largement du fait que la gauche a soif de support empirique à ses idées, ce que Piketty lui apporte. Mais quand on distille le tout, comme je l’ai fait ci-haut, on réalise que Piketty utilise de mauvaises données, qu’il interprète avec un modèle alambiqué, ce qui l’amène à des conclusions erronées. Combien de temps pourra-t-il conserver ce statut de héro socialiste? Je n’en sais rien, mais d’ici là, j’utiliserai les heures économisées à ne pas lire sa brique à bon escient; je vous invite à en faire de même!
Lectures complémentaires :
http://www.contrepoints.org/2014/06/03/166946-piketty-la-demagogie-fait-recette
http://www.economist.com/blogs/freeexchange/2014/01/inequality
http://www.economist.com/blogs/freeexchange/2014/04/inequality
http://www.economist.com/blogs/buttonwood/2014/03/inequality
http://www.economist.com/blogs/economist-explains/2014/05/economist-explains
http://mises.org/daily/6741/Thomas-Pikettys-Improbable-Data
http://www.zerohedge.com/contributed/2014-04-27/piketty-rickety-government-complicity
http://fr.irefeurope.org/Richesses-et-croissance-les-tromperies-statistiques-de-Thomas-Piketty,a2892
http://www.contrepoints.org/2014/05/12/165770-thomas-piketty-le-prestidigitateur
http://www.contrepoints.org/2014/05/03/165025-thomas-piketty-se-trompe
http://www.contrepoints.org/2013/12/01/148273-inegalites-que-valent-les-chiffres-de-thomas-piketty
http://www.coordinationproblem.org/2014/05/the-piketty-controversy.html
http://www.ft.com/intl/cms/s/2/e1f343ca-e281-11e3-89fd-00144feabdc0.html#axzz32eYichBI
http://www.economics21.org/commentary/piketty%E2%80%99s-historic-minimum-wage-errors
http://blog.independent.org/2014/05/15/pikettys-capital-ii/.
http://reason.com/archives/2014/05/23/what-thomas-piketty-gets-wrong-about-cap
http://www.forbes.com/sites/scottwinship/2014/04/24/is-inequality-growing-out-of-control-2/2/
http://www.contrepoints.org/2014/06/04/167149-la-grande-contradiction-de-piketty
Un énorme merci !
Excellente synthèse. 🙂
C’est quand même fascinant de voir qu’à une époque où pratiquement toutes les social-démocraties occidentales craquent de partout, exposant ainsi(encore une fois)les failles des idées socialistes, le sujet de l’heure c’est « les failles du capitalisme ».
Je ne suis pas convaincu que l’argument r>g ne tienne pas la route. Si on regardes les liens que vous avez suggèrés, il y est écrit que c’est impossible parce que après un certain nombre d’année, les 99% devront commencer à perdre du capital, mais cela n’est pas nécessairement impossible. Aussi, on y indique que à cause des impôts, les 1% ne pourront pas accumuler 100% du capital, ce qui ne contradit pas non plus le fait que s’il n’y avait pas d’impôt accumuler 100% du capital sera possible grâce à r>g. Finalement, même si r et g sont complètement différents, ça n’empêche pas un accumulation de 100% du capital.
@Anne-Marie Provost
« après un certain nombre d’année, les 99% devront commencer à perdre du capital »
Non, ce qui se produit est que leur taux de réinvestissement devient négatif, ce qui n’est pas possible. Il faut soit que r diminue ou que g augmente.
Concernant l’article du FT sur les problèmes de chiffres chez Piketty, je pense que ce dernier a bien répondu et que le fautif, c’est le type qui a écrit l’article du FT. Je pense qu’il y a de meilleures critiques sur les méthodologies de Piketty que le Financial Times. Voir ceci ou ceci, ceci et ceci, par exemple.
Concernant l’article de Ramon Rallo sur les top incomes listés par le Forbes qui n’y seraient plus un ou deux décennies plus tard, je ne pense pas que l’argument soit nécessairement convaincant. On pourra toujours rétorquer que l’élasticité des revenus au niveau des top 1 et 0.1 percent est plus élevée aujourd’hui qu’autrefois. Donc, il vaudrait mieux se baser sur des études longitudinales. J’en connais un justement. Was there ever a Ruling Class? 1,000 years of Social Mobility par Gregory Clark. On peut résumer sa conclusion avec la citation suivante: « The rate of social mobility in England was as high in the middle ages as it is now ».
Concernant la critique 4, j’aime bien le graphique sur les corrélations top income growth versus bottom income growth. Mais je connais une étude Has Rising Inequality Reduced Middle-Class Income Growth? qui prétend que lorsque l’on ajuste les transferts gouvernementaux, la corrélation devient négative. Le problème c’est que, avant cet ajustement, la corrélation bottom/top income était nulle, tandis que sur les données OECD utilisées dans Contrepoints, la relation était positive. Il n’est pas certain que la relation deviendra négative après cet ajustement, par conséquent.
Un article que j’ai bien apprécié vient d’économistes français de SciencesPo (version anglais, ou français). Ils montrent que le capital logement contribue majoritairement à la croissance de la part du capital dans le revenu total. De plus, lorsque le capital logement est mesuré en termes de loyers (au lieu des prix) ce qui est d’ailleurs une meilleures mesure, comme ils l’expliquent, « Only landlords (who represent a relatively small fraction of the population) effectively receive monetary income from their housing capital. Owner-occupiers do not receive any income. However they do save on rent and receive an implicit rent. Returns on housing capital (the key ingredient in the “r” part of the “r – g” model) are therefore more accurately measured by rent on housing, be it monetary or only implicit. » (p.3), dans ce cas, on n’observe plus du tout une tendance à la hausse du ratio capital/income. Ceci contredit évidemment la thèse de Piketty.
Aussi, j’ai un article ici sur le lien entre inégalités et le boom des marchés financiers. Apparemment, les jobs qui ont connu les meilleurs augmentations sont ceux liés de près à la finance. Et cela coincide plus ou moins avec les périodes de bulles. J’ai aussi noté que l’hypothèse selon laquelle les inégalités ont explosé à partir du début des années 1980s, particulièrement aux US et UK, serait due à l’ère Reagan/Thatcher, ne tient pas la route. Les top incomes après ou avant redistribution ne change pas dans leurs tendances haussières. Voir ceci.
Il y a d’autres articles non mentionnées ici que je recommande vivement.
http://debrajray.blogspot.co.uk/2014/05/nit-piketty.html
Cliquer pour accéder à piketty_diminishing_returns.pdf
http://www.voxeu.org/article/piketty-s-two-laws
http://antisophiste.blogspot.com/2014/05/le-capital-au-21emesiecle-de-thomas.html
Bonjour,
Faire une critique d’un livre sur la base d’autres critiques pouvant potentiellement y ajouter leurs propres erreurs est-il réellement une bonne idée? Cf. l’exemple de l’article du Financial Times… J’aurai préféré une critique directe de votre part qu’une simple revue de presse des critiques (aussi fouillée soit-elle…).
Dommage, car j’apprécie le sérieux de vos autres billets en général…
Michaël.
Bonjour à tous,
Je rejoints la remarque de Michaël HOARAU.
Faire la critique d’un ouvrage alors que l’on clame haut et fort ne pas vouloir le lire ne donne pas beaucoup de crédibilité à la critique.
D’autant qu’on s’aperçoit que les arguments portent sur des phénomènes à la marge qui ne remettent pas en cause le fond du sujet.
Cordialement.
@Olivier et Michael
Cet article n’est pas une critique, c’est une synthèse de critiques des autres.
Je ne considère pas l’équation r vs g comme étant un phénomène à la marge de la thèse de Piketty, c’est plutôt le coeur du sujet.
Article intéressant présentant une autre critique fort pertinente:
http://www.economist.com/news/finance-and-economics/21647349-rising-house-prices-may-be-chiefly-responsible-rising-inequality-through
Ce sont surtout les maisons qui explique la hausse du rendement sur le capital.
^ Thomas Piketty – Frederic Lordon, un debat de haut vol sur la propriete, L’Humanite, YouTube, 31 janvier 2020