À l’approche des élections provinciales, je vous présente mon analyse des programmes des trois principaux partis politiques.
Les points communs
Croyez-le ou non, il y a des choses que les trois partis appuient. Par exemple, le suivi à distance pour les soins de santé (télésanté). La CAQ renchérit avec l’introduction du dossier électronique alors que le PQ reste vague en ne mentionnant que l’utilisation de « nouvelles technologies ». Les trois partis proposent aussi de favoriser les soins à domicile pour les aînés (reste à savoir comment la CAQ y arrivera en abolissant les Agences de Santé et Services Sociaux). Les trois partis souhaitent aider le transfert intergénérationnel d’entreprise, assurer une meilleure sélection et intégration des immigrants, investir dans les transports en communs, dépenser davantage pour la promotion de la culture québécoise et augmenter la promotion des produits alimentaires québécois (la CAQ souhaite l’étiquetage obligatoire pour les OGMs alors que le PQ ne veut rien de moins que l’autonomie alimentaire en subventionnant les agriculteurs davantage, voir ceci au sujet de cette stupide aberration). Ça fera toujours bien cela de réglé sans chicane!
Il y a aussi certaines propositions pour lesquelles le PQ et la CAQ se rejoignent, comme améliorer l’accès à un médecin de famille, abolir la taxe santé de $200 par personne, financer les hôpitaux au volume de patients traités (versus dépenses historiques), assurer le droit de « mourir dans la dignité », adopter des initiatives de lutte au décrochage scolaire, abolir les « écoles passerelles » (qui permettent aux francophones de joindre des écoles anglophones), introduire des congés familiaux (selon la CAQ, ce serait 5 jours de congé payés si vous avez un enfant de moins de 6 ans, le PQ ne donne pas de précisions), favoriser l’activité physique (la CAQ irait d’un crédit d’impôt alors que le PQ ne précise pas), augmenter la part des investissements fait par la Caisse de Dépôt au Québec (aux dernières nouvelles, c’est aussi ce que le PLQ souhaite…voir ceci), adopter un moratoire sur le développement du gaz de schiste, limiter le financement des partis politiques, imposer des élections à dates fixes, réformer le système judiciaire (incluant plus d’aide aux victimes, la CAQ souhaite des peines plus sévères pour les crimes violents alors que le PQ voudrait augmenter l’Aide Juridique), demander plus d’autonomie face au gouvernement fédéral (plus d’emphase au PQ sur ce point), renforcir la protection de la langue française (incluant en milieu de travail) et adopter une charte de la laïcité.
Cela fait beaucoup de points communs, mais il y a quand même des divergences entre l’ancien et le nouveau parti de François Legault. Concernant les commissions scolaires, la CAQ les abolirait alors que le PQ ne souhaite que les rationaliser (sans trop de détail à cet égard). Au niveau des impôts, le PQ ajouterait un palier d’imposition pour les plus riches et réduirait les crédits pour gains en capitaux et dividendes, alors que la CAQ souhaiterait plutôt réduire les impôts de $1,000 par famille pour la classe moyenne. Au niveau syndical, la CAQ voudrait forcer la tenue d’un vote secret pour l’accréditation et le vote de grève, alors que le PQ voudrait plutôt renforcir les règles anti-briseurs de grève.
Qu’en est-il des Libéraux? Comme la CAQ, ils voudraient améliorer la formation de la main d’oeuvre professionnelle, spécialisée et technique (ce que la gauche appelle la « marchandisation de l’éducation »), indexer à l’inflation le coût des garderies à $7, augmenter les ressources d’Investissements Québec pour le démarchage à l’étranger, subventionner les rénovations et les véhicules éco-énergétiques, affecter les redevances provenant des ressources naturelles à la réduction de la dette et améliorer la conciliation travail-retraite. Au niveau des dépenses, les libéraux proposent de réduire leur croissance annuelle à 2% en 2014-2015, la CAQ propose de carrément les réduire, alors que le programme du PQ implique une augmentation des dépenses plus marquée.
Le PLQ et le PQ partagent peu d’engagements, lesquels se résument à augmenter le soutien financier à la recherche (surtout au niveau des technologies vertes), adopter un plan de soutien au secteur manufacturier et adopter une stratégie de redressement pour l’industrie forestière.
L’éducation
La hausse des frais de scolarité à l’université, qui occupait pourtant un bonne part de l’espace médiatique il y a quelques mois, ne semble pas avoir une place prépondérante dans la présente campagne électorale. Le PLQ réitère donc sa hausse de $254 par année pendant 7 ans, alors que la CAQ réduirait cette hausse à $200 par année pendant 5 ans suivie d’une indexation à l’inflation. Le PQ abolirait carrément la hausse proposée.
Le PLQ propose de plus d’investir dans un réseau universitaire associé au Plan Nord, avec des campus dans le Nord et une formation adaptée aux besoins du fameux plan. Il propose aussi un chèque de $100 par enfant pour l’achat de matériel scolaire au primaire ainsi que de doubler le programme d’aide aux devoirs.
Du côté de la CAQ, on propose d’ajouter 5 heures à la semaine de cours au secondaire, de rationaliser les dépenses administratives des universités, d’augmenter les salaires des professeurs primaires/secondaires tout en leur donnant plus d’autonomie, de flexibilité, mais aussi en leur exigeant plus d’imputabilité (la méthode finlandaise), incluant la création d’un ordre professionnel.
Les trois partis proposent des changements aux programmes du secondaire. Pour le PLQ, on souhaiterait des cours sur l’entreprenariat et une obligation de 10 heures d’engagement communautaire au secondaire. La CAQ voudrait plus de cours de langues et d’économie tout en abolissant les cours d’étique et religion au primaire. Le PQ favoriserait plutôt les cours d’histoire du Québec et d’arts, tout en éliminant le financement des écoles privées à vocation religieuse.
À mon avis, la CAQ offre définitivement le meilleur programme à l’égard de l’éducation.
La corruption
Ce thème devait constituer un boulet pour le gouvernement Charest, alors que pour la plupart des gens, le déclenchement hâtif des élections avait pour but d’éviter que les résultats de la Commission Charbonneau ne viennent ternir l’image du parti durant la campagne. Pourtant, c’est le PQ qui a semé les germes de la corruption québécoise lors de son dernier mandat, le PLQ n’a fait que reprendre le flambeau (voir les articles de mon compatriote David Gagnon sur le sujet ici et ici).
À cet égard, le PLQ propose simplement d’adopter des mesures visant à s’assurer que les soumissionnaires à des contrats publics et leurs fournisseurs n’aient pas de dossier criminel. La CAQ embaucherait un Commissaire à l’Intégrité Publique, un Directeur Budgétaire Parlementaire ainsi qu’un Commissaire Municipal à l’Éthique, donnerait plus de pouvoir au Vérificateur Général et augmenterait le nombre d’ingénieurs/inspecteurs au Ministère des Transports. Le PQ se conterait d’élargir le mandat du Vérificateur Général aux sociétés d’État et limiterait le premier ministre à deux mandats consécutifs (trois pour les maires de municipalités de plus de 5,000 habitants). Tel que mentionné précédemment, la CAQ et le PQ limiteraient davantage le financement des partis politiques et adopteraient des élections à dates fixes.
Développement économique
Le Plan Nord est le principal argument de vente du Parti Libéral. C’est grâce à cette formule magique que le gouvernement Charest entend créer des emplois, combler le déficit et rembourser la dette. Pendant ce temps, les prix des métaux ne cessent de baisser et la croissance mondiale ralentit… Le PLQ entend encourager la participation des québécois à son plan en confiant $200 million à Investissements Québec pour que l’institution prenne des positions dans les projets ou les entreprises impliquées. Il octroiera aussi un crédit d’impôt concernant les placements réalisés dans les Fonds Plan Nord (maximum de $500 de crédit). La CAQ est plus ambitieuse, désirant créer un Fonds des Ressources Naturelles du Québec pour lequel elle confierait $5 milliard à être géré par la Caisse de Dépôts.
Le PQ de son côté fait comme si le Plan Nord n’existait pas. Son plan de développement économique consiste plutôt à permettre au Québec d’acquérir l’indépendance énergétique (sans donner de détails…avec un moratoire sur le gaz de schiste, on serait bien partis!) ainsi qu’à imposer la propriété publique des installations éoliennes (Pauline exproprierait donc les 3,300 MW de capacité qui sont présentement en opération ou en développement?). En fait, le PQ tuerait plutôt le Plan Nord dans l’oeuf en augmentant les redevances sur les ressources naturelles, qui figurent pourtant déjà parmi les plus élevées au monde (5% sur les revenus et 30% sur les « surprofits », selon le modèle australien). Voici ce dont en pense l’économiste Martin Coiteux (ici) :
« le Québec n’est pas l’Australie. Les métaux y coûtent beaucoup plus cher à extraire et il faut souvent procéder à leur concentration. Ils coûtent aussi beaucoup plus cher à transporter vers la Chine. Le prix net de transport du fer exporté vers la Chine depuis le port de Sept-Îles a chuté de près de 45% depuis un an et rien ne laisse actuellement présager une remontée. Les prix actuels sont dangereusement proches des coûts marginaux, lesquels sont incommensurablement plus élevés qu’en Australie. Ce n’est donc nullement exagéré que de dire que la politique de redevances préconisée par le PQ pourrait provoquer une forte diminution de l’investissement minier et coûter beaucoup d’emplois dans des régions comme la Côte-Nord et l’Abitibi. On peut toujours hausser le taux des redevances, mais si en définitive on extrait moins de minerai, les revenus chuteront au lieu d’augmenter. »
Ayant définitivement choisi l’économie comme cheval de bataille, le PLQ ne se limite pas au Plan Nord. En plus de ses plans manufacturier et forestier (partagés avec le PQ), les libéraux proposent la création d’un Fonds Ambition Québec pour l’acquisition d’entreprises étrangères par des entreprises québécoises ainsi que d’une Banque de Développement Économique (dans le genre de la BDC je suppose). Ils permettraient à des entreprises de refuser une offre d’achat hostile par une entreprise étrangère, adopteraient un plan d’insertion au travail pour les jeunes chômeurs et octroieraient plus de subventions à l’industrie touristique.
Comme l’interventionnisme étatique n’est pas une source de développement économique durable, mais plutôt une source de destruction de richesse, je ne peux approuver le programme d’aucun des partis à cet égard. Ceci dit, il est évident que le PLQ a le programme qui marquera le plus de points auprès de l’électorat au niveau économique, sauf pour les citoyens qui sont profondément nationalistes et socialistes.
L’environnement
De nos jours, il est impossible de remporter une élection sans se peinturer en vert. Et les trois partis n’y échappent pas, même la CAQ!
Le nouveau parti propose de financer les rénovations et les véhicules énergétiques (tout comme le PLQ), de forcer les moyennes et grandes entreprises à présenter un bilan d’émissions de CO2, d’implanter des afficheurs de consommation d’électricité en temps réel (« smart meters ») dans les résidences et les entreprises, d’instaurer un « feed-in tarif » sur l’énergie verte comme en Ontario (une forme de subvention) et de bannir les exportations d’amiante.
Le PQ veut soutenir la recherche pour les technologies vertes (tout comme le PLQ), déclasser la centrale nucléaire Gentilly 2, imposer une réduction des GES de 25% par rapport à 1990 d’ici 2020 et nationaliser l’électricité éolienne.
Le PLQ quant à lui se contente de consacrer 20% du territoire en aires protégées d’ici 2020 (loi 65).
Les cadeaux du PLQ et du PQ
La bonne vieille recette consiste à acheter les clientèles électorales en leur promettant des cadeaux avec l’argent des contribuables. En plus de ceux mentionnés précédemment, le PLQ propose que la RAMQ couvre les soins dentaires jusqu’à 16 ans. Il instaurerait aussi des crédits d’impôts pour les CPE en milieu de travail (50% des coûts récurrents) et bonifierait la prime au travail pour personnes seules.
Du côté du PQ, on voudrait assurer 250,000 places en CPE (sans mentionner comment), construire au moins 3,000 logements sociaux par année et permettre les référendums d’initiatives populaire si 15% de la population appuie une proposition (sauf en ce qui concerne la fiscalité…on ne veut surtout pas que les contribuables bénéficient du droit de s’exprimer sur l’ampleur de leur fardeau fiscal). Évidemment, Pauline promet un référendum éventuel sur la souveraineté du Québec.
Les nouvelles idées de la CAQ
François Legault décrit son parti comme ayant de nouvelles idées révolutionnaires qui mèneront enfin à du changement au Québec. Quelles sont ces idées? Voici la liste de ces idées qui auraient le plus d’impact accompagnées de mon appréciation de celles-ci :
– Transférer des pouvoirs et ressources du MSSS vers les établissements de santé (décentraliser) tout en abolissant les Agences de Santé et Services Sociaux. Financement des hôpitaux selon le volume de traitements et non selon les dépenses historiques. Dossier électronique à distance en santé. Favoriser les médicaments génériques (qui coûtent moins cher) et réduire les honoraires versés aux pharmaciens pour les renouvellements d’ordonnances. Instaurer un projet pilote pour l’introduction du secteur privé en santé. Droit de mourir dans la dignité. Abolition de la taxe santé de $200. (+)
– Abolition des commissions scolaires et décentralisation des pouvoirs et ressources en éducation. Augmentation du salaire, de l’autonomie, de la flexibilité et de l’imputabilité des enseignants. Cinq heures de cours de plus au secondaire. (+)
– Indexation à l’inflation du coût des garderies à $7. (+)
– Crédit d’impôt pour activité physique. Congés familiaux. Abolition des écoles passerelles. (-)
– Investissements dans le transport en commun, les rénovations et les véhicules éco-énergétiques. Bilan de carbone obligatoire. Subventions aux énergies vertes. (-)
– Baisses d’impôts de $1,000 pour les familles de la classe moyenne. Favoriser la conciliation travail-retraite. (+)
– Rationalisation des dépenses de la fonction publique et allègement des structures bureaucratiques. Plus d’imputabilité pour les fonctionnaires. (++)
– Vote secret pour l’accréditation syndicale et les grèves. (+)
– Limiter le financement des partis politiques et élections à dates fixes. (+)
– Affectation des redevances de ressources naturelles à la réduction de la dette. (+)
– Fonds des Ressources Naturelles du Québec de $5 milliard pour que la Caisse de Dépôts prenne des positions dans des entreprises et projets de ressources. (-)
Les problèmes du PQ
Le programme du PQ est selon moi le plus mauvais des trois. Le parti veut régler le problème des médecins de famille, mais ne mentionne pas comment il s’y prendrait. Il abolirait purement et simplement la hausse des frais de scolarité. Il rationaliserait les commissions scolaires par de vagues « fusions volontaires ». Il ramène les concepts mercantilistes dépassés et absurdes que sont l’indépendance alimentaire et énergétique, tout en imposant un moratoire au gaz de schiste. Il tuerait notre industrie minière en la surtaxant, tout en augmenter l’interventionnisme étatique dans l’économie qui nuit tant à son dynamisme. Il augmenterait les impôts de ceux qui créent le plus de richesse, pour ensuite gaspiller cet argent dans son programme environnemental, incluant la nationalisation de l’industrie éolienne. Finalement, la menace d’un référendum sur la souveraineté complète le tableau.
Conclusion
Le programme du PLQ est certainement le moins bien garni. Les propositions sont maigres et trop complexes. On dirait que les libéraux pensent qu’ils en ont déjà fait assez et que tout va bien. En revanche, le programme du PQ comporte un très grand nombre de propositions, mais celles-ci sont vagues et peu détaillées. J’ai bien aimé la présentation du programme de la CAQ; les engagements sont clairs et concrets.
Le PLQ représente pour moi le statut quo; un parti qui n’a pas livré la marchandise sur la plupart de ses engagements antérieurs. Il traîne aussi le boulet de la corruption, qui pèse bien lourd présentement.
Quant au PQ, il représente une forme de régression vers des principes qui ne collent plus avec le monde d’aujourd’hui : le mercantilisme, le protectionnisme, le nationalisme, le collectivisme. Le PQ ne propose aucun projet structurant autre que la souveraineté (si s’en est un), ne propose pas de solution viable au déficit et à l’endettement, et ne s’attaque pas de front aux enjeux cruciaux que sont la santé et l’éducation, qui ont besoin de changements drastiques.
La CAQ a selon moi le meilleur programme dans l’ensemble (ou plutôt le moins pire…), qui amène un véritable potentiel de progression pour le Québec. François Legault a réussi à assembler une équipe de bon calibre en peu de temps et présente des propositions concrètes pour affronter les plus importants problèmes auxquels nous faisons face. Malheureusement, il ne faut tout de même pas oublier que M. Legault demeure un étatiste, un interventionniste, un nationaliste et même un souverainiste. Ceci étant dit, il représente l’option la plus viable pour les Québécois et aura mon vote.
La CAQ a aussi promis de rationaliser au niveau de la politique Montréalaise. Diminution des pouvoir des arrondissements et de couper de moitié les conseillers municipaux.
Je crois que c’est le seul parti qui promet de s’attaquer à cet enjeux.
Bonne revue. J’ai un peu peur de Legault car comme vous le dite a la fin, il est du genre interventionniste(bienvenue au quebec…), mais il est le moins interventioniste »de la gang »…
Et que pensez-vous de Gentilly-2 ? À première vue, si les coûts de réfection ne dépassent pas 2 milliards, ça semble avantageux au niveau d’une utilisation d’appoint. Sinon, c’est vrai que ça commence à revenir plus dispendieux qu’importer l’électricité.