Beaucoup de gens m’ont demandé ce que je pensais de la grève des étudiants, qui bat présentement son plein au Québec. Bien entendu, je me réjouis d’une politique qui applique le principe de l’utilisateur-payeur, mais encore une fois, il est bien possible que ces hausses de frais de scolarité ne feront que financer un système universitaire trop bureaucratisé et inefficace. Bref, on devra payer plus sans nécessairement avoir mieux.
Selon la FEUQ :
« Les droits de scolarité augmenteront de $325 par année à compter du trimestre d’automne 2012, et ce, pour cinq ans jusqu’en 2016-2017. La facture totale à l’université, en incluant les frais institutionels [sic] obligatoires, passera donc de $2,890 à $4,700 par année ».
À noter de plus que, contrairement à ce que plusieurs affirment, les frais de scolarité ne sont pas gelés au Québec. En incluant les frais afférents, la facture annuelle des étudiants a augmenté de $500 depuis 2007.
Que veut-on accomplir avec notre système d’éducation supérieure et ses bas frais de scolarité? On ne veut pas que des frais de scolarité pour l’éducation supérieure trop élevés empêchent les étudiants dont la famille est moins bien nantie de réaliser pleinement leur potentiel. On veut donc que l’éducation supérieure soit accessible et agisse comme un mécanisme favorisant la mobilité entre les classes sociales. On veut que tout étudiant qui le mérite – tant par son effort que par son talent – puisse accéder à des études qui lui permettront éventuellement d’obtenir un emploi lui conférant les revenus auxquels il aspire, peu importe les revenus de ses parents. (voir ceci)
Au Canada on constate, à première vue, que l’accessibilité aux études universitaires n’est pas corrélée au niveau des frais de scolarité par province. Les études universitaires sont très accessibles au Canada et surtout au Québec, mais les chiffres sont trompeurs.
Dans le reste du Canada, il n’y a pas de cégep et les baccalauréats durent quatre ans. Quand on inclut les cégeps dans les comparaisons, le Québec à un meilleurs taux d’accès que la moyenne canadienne. Quant au chiffre d’accessibilité de la Nouvelle-Écosse, il est fortement distordu par le fait que cette province est un « hub » d’éducation supérieur pour les petites provinces maritimes (seulement 23% sont des étudiants locaux).
Pourtant, suite au dégel des droits de scolarité en 1991-1992 et leur augmentation de près du double au cours des deux années suivantes, le taux de participation ne semble pas avoir été affecté et a continué d’augmenter. L’argumentaire de la FEUQ ne s’est pas attardé sur ce point…
Il est vrai qu’en général, les enfants provenant de ménages se situant dans le premier quartile à l’égard de leurs revenus atteignent l’université en plus grand nombre que ceux des ménages situés dans le dernier quintile des revenus. Cependant, cette situation n’est probablement pas entièrement liée au niveau des frais de scolarité. Il y a plusieurs autres explications à cela, lesquelles sont bien connues.
La littérature identifie globalement les facteurs suivants comme ayant une influence sur l’accessibilité aux études : le milieu socioéconomique (la scolarité parentale, le revenu parental, l’importance accordée à l’éducation par les parents, l’éloignement et les heures de travail pendant les études), les caractéristiques personnelles (l’âge, le sexe, les responsabilités parentales), les coûts des études postsecondaires (les droits de scolarité et les autres coûts), et les perceptions des obstacles, des coûts et du rendement des études postsecondaires (les obstacles financiers, la connaissance de l’aide offerte, la perception du rendement, l’aversion pour l’endettement).
Ceci étant dit, il ne fait aucun doute que toute chose étant égale par ailleurs, le niveau des frais de scolarité affecte l’accessibilité. Prétendre le contraire serait nier un principe économique fondamental qu’est la loi de l’offre et de la demande; le moteur des marchés. Cependant, il est exagéré de prétendre que la hausse proposée viendra affecter significativement l’accessibilité.
Le véritable débat ne concerne donc pas vraiment la hausse des frais, mais plutôt la proportion du coût de l’éducation supérieure qui doive être assumée par les étudiants versus les contribuables. Le mouvement étudiant soutient implicitement que ce pourcentage devrait continuer à diminuer (jusqu’à la gratuité) parce que « nos cerveaux sont notre plus grande richesse » (pour citer Passe-Montagne). À noter que le mot « cerveau » utilisé ici désigne en fait les gens qui créent de la valeur économique, ce qui n’équivaut pas nécessairement aux gens qui ont un diplôme universitaire. Les cerveaux sont une richesse pour le gouvernement puisque celui peut les taxer pour financer son empire parasitique. Cependant, la proportion des coûts des universités assumée par les étudiants est déjà la plus faible au Québec comparativement aux autres provinces. Jusqu’où peut-on aller?
Selon le gouvernement, le manque de financement des universités québécoises, qui découle du fait que leurs frais de scolarité sont trop bas, a eu un impact négatif sur la qualité des services qu’elles fournissent. Selon l’IEDM :
« Les universités [québécoises] souffrent de lacunes importantes en matière de bibliothèques, de laboratoires et d’équipements informatiques. Les dépenses par étudiant au Québec pour les bibliothèques et les services aux étudiants sont plus faibles qu’en Ontario. Un autre défi important auquel font face les universités est l’embauche de professeurs de calibre international. Les directeurs de différents départements universitaires affirment que leur manque de revenus les empêche d’offrir des salaires compétitifs pour attirer et retenir les meilleurs professeurs. »
Ceci étant dit, selon la FEUQ, les universités québécoises sont mal gérées, ce qui fait gonfler leurs coûts. Tient, tient…un autre service public inefficace! On pourrait donc réduire les coûts des études universitaires simplement qu’en privatisant et dérèglementant nos universités. On pourrait aussi séparer les activités d’enseignement des activités reliées à la recherche. À cet égard, j’aime bien l’exemple des universités privées à but lucratif des États-Unis, qui accueillent moins de 10% de la population étudiante universitaire américaine. Celles-ci ne font pas de recherche académique, n’ont pas d’équipes sportives affiliées à la NCAA (lesquelles sont déficitaires et très coûteuses malgré le fort intérêt qu’elles suscitent), ont très peu de bureaucratie et ont des coûts d’opérations centrés sur l’enseignement (et non sur la grandeur des piscines, la hauteur des murs d’escalade et le nombre de livres à la bibliothèque). Ces collèges offrent donc des études universitaires à coût abordable (beaucoup moins chères que les universités à but non-lucratif), même si ils sont souvent qualifiés de « moulins à diplômes » (leurs étudiants réussissent pourtant aussi bien que les autres aux examens du Barreau). Ce qui fait la renommée d’une université comme Harvard (et qui fait gonfler ses coûts d’opération) est la présence de professeurs-vedettes et la quantité de recherche qu’ils publient. Cependant, les étudiants du premier cycle ne bénéficient aucunement de ces deux éléments. Ceux-ci ne devraient donc pas avoir à payer pour cela, ni pour les salaires des bureaucrates du département des admissions, donc le rôle n’est que d’attirer le plus grand nombre de demandes possible, de façon à pouvoir en rejeter le plus possible et d’afficher un taux d’acceptation bas – signe d’exclusivité et de sélectivité.
Un moyen simple de favoriser l’accessibilité serait d’abolir les frais de scolarités et de financer les universités par les taxes et impôts (comme en Finlande par exemple). Cette solution, même si elle ne coûterait que $700 million de plus aux contribuables québécois, est invalide pour plusieurs raisons. Premièrement, elle nécessiterait une augmentation significative des taxes et impôts, ce qui constituerait un transfert de richesse régressif. Pourquoi? Parce que de façon générale, malgré certaines variations selon les disciplines, le revenu moyen des diplômés universitaires est d’environ 60% plus élevés que celui des personnes sans diplôme. Donc cela équivaudrait à taxer des gens qui gagnent 60% de moins que ce que les diplômés universitaires gagneront dans le futur pour financer les études de ceux-ci. Deuxièmement, elle ne donnerait pas aux étudiants un incitatif à terminer leurs études le plus rapidement possible, ce qui ferait gonfler les coûts. Troisièmement, elle ne donnerait pas aux étudiants un incitatif à travailler pour financer une partie de leurs frais de scolarité (pour moi la conciliation travail-études est non seulement faisable, elle est souhaitable et formatrice, jusqu’à une certaine limite où elle devient nuisible). Il est donc plausible d’affirmer que la proportion des coûts d’éducation supérieure qui doit être assumée par les étudiants eux-mêmes est supérieure à 0%.
Est-ce que ce pourcentage pourrait être de 100%? Dans une société « libre » je pense que oui. L’éducation universitaire est un investissement (et non un bien de consommation) et c’en est un qui est fort payant. Il est donc tout à fait logique de s’endetter pour financer cet investissement. D’un côté, cela donnerait un incitatif aux étudiants à se diriger vers des domaines en demande sur le marché du travail et donc rémunérateurs. Les universités ajusteraient leurs tarifs en fonction des coûts du programme, et ces coûts seraient gérés de façon à correspondre au potentiel rémunérateur de la formation. Il y aurait donc un appariement entre le marché du travail et le marché de l’éducation. De plus, dans une société libre, les impôts seraient beaucoup plus bas, ce qui faciliterait le remboursement de la dette d’étude.
Présentement, la dette moyenne des universitaires au premier cycle est de $14,000. Ce n’est pas la mer à boire, si on compare à la dette que ces étudiants prendront pour s’acheter une voiture ou un condo à la fin de leur programme. Ceci dit, si nous exigons d’eux qu’ils assument une plus grande part du coût de leurs études, voire son entièreté, il serait impératif de réduire leur fardeau fiscal futur.
Maintenant, certains diront que les étudiants en sociologie et histoire de l’art n’auront pas assez de revenus futurs pour rembourser leur dette adéquatement. Il existe en effet plusieurs programmes universitaires qui ressemblent davantage à des hobbys qu’à des formations. Le principal débouché de ces programmes est souvent l’enseignement de ladite matière, ce qui implique que ces étudiants ont fort intérêt à militer pour le statut quo.
Conséquemment, si ces emplois ne sont pas très rémunérateurs, on pourrait affirmer sans se tromper que le subventionnement de ces programmes ne contribue pas à favoriser la mobilité entre les classes sociales et de permettre à des jeunes dont les parents sont pauvres d’aspirer à un meilleur sort. On peut alors se poser la question : est-il raisonnable de continuer à subventionner les programmes d’études littéraires, de philosophie et de sciences des religions? Je n’affirme aucunement que ces domaines sont inintéressants, tout comme mes cours de piano classique, mais si les étudiants de ces programmes tiennent tant à enrichir leur bagage culturel même si ça ne contribue en rien au niveau de vie de la société, ne pourraient-ils pas assumer le véritable coût de leur passion, tout comme j’assume moi-même le coût de mes cours de piano?
D’ailleurs, en Finlance, un pays largement cité en exemple à suivre par les associations étudiantes vu que les études y sont gratuites, les taux de contingentement dépassent les 50%!
Ce qu’il faut ce n’est pas simplement augmenter les frais de scolarité, mais plutôt complètement réformer le système. Il faut reconsidérer le statut de nos universités, leur niveau d’encadrement public, leur mode de financement. Il faut aussi réaliser qu’il y a un autre moyen de réduire les déficits, c’est-à-dire de réduire les coûts, en réduisant la bureaucratie et en contingentant sévèrement les programmes qui ne mènent pas à un emploi en demande sur le marché du travail.
Cependant, comme c’est le cas pour beaucoup d’autres problématiques, ces questions pertinentes sont ignorées. Le débat a été reconfiguré en une confrontation gauche-droite et notre gouvernement centriste ne fera ni plus ni moins que de maintenir le statut quo : une petite hausse pour aider le budget, pas de réforme visant à réduire les coûts, pas de privatisation / dérèglementation des universités et surtout pas de débat sur les modes de financement des universités.
Très bonne analyse. Bonnes hypothèses. À diffuser absolument.
Je suis content de voir que vous appuyez vos arguments par des données vérifiables, ce qui n’est pas toujours le cas dans un débat d’idées comme on le voit au Québec présentement.
Deux répliques :
« Parce que de façon générale, malgré certaines variations selon les disciplines, le revenu moyen des diplômés universitaires est d’environ 60% plus élevés que celui des personnes sans diplôme. Donc cela équivaudrait à taxer des gens qui gagnent 60% de moins que ce que les diplômés universitaires gagneront dans le futur pour financer les études de ceux-ci. »
Cependant, au sortir de leurs études, ils paieront en moyenne plus d’impôts.
« Deuxièmement, elle ne donnerait pas aux étudiants un incitatif à terminer leurs études le plus rapidement possible, ce qui ferait gonfler les coûts. »
Il serait facile d’expulser systématiquement les étudiants qui ne réussissent pas à un certain niveau (relativement élevé pour que ce soit une vraie contrainte) ou qui coulent deux ou trois fois un même cours (ou « tant » dans leur parcours). Ç’aurait un coût de formation non aboutie, mais si la sanction est systématique, il y aurait là une forte incitation à la réussite.
En Finlande, sur 68 000 demandes, 28 000 sont acceptées. [http://www.studyrama.be/spip.php?article1041] Au Québec, un contingentement de 60% dans les programmes (je pense surtout aux sciences humaines puisque c’est mon domaine d’étude) réduirait les coûts reliés à l’administration (sauf l’admission), aux locaux et bâtiments, aux équipements (principalement en sciences naturelles). Sur le plan humain, les profs gagneraient du temps s’il n’est pas ralenti par des étudiants très lents, auraient plus de temps pour les étudiants et sa recherche pour se maintenir à jour et se dépasser dans son domaine, et les étudiants seraient avec des collègues (on imagine) plus motivés.
Dans ce même pays que vous avez pris en exemple, les écoles primaires comptent 7 administrateurs pour 900 élèves [http://www.youtube.com/watch?v=hcNNS3Ug3-k]. C’est bien, non? Des écoles privées font-elles mieux?
@LA_Roy
Ces chiffres sur la Finlande sont très intéressants!
Si les associations étudiantes les connaissaient, je ne crois pas qu’ils mentionneraient ce pays dans leur propagande…
Bonne analyse.
Cependant, il y a plusieurs formations techniques dans les CÉGEP qui sont aussi offertes dans les Community College aux États-Unis et dans le reste du Canada. Est-ce que le taux de diplomation post-secondaire des autres provinces inclu les diplomations des Community College ?
De plus, il ne faut pas oublier que les cours des programmes pré-universitaires sont effectués au secondaire aux États-Unis et au Canada. Bref, au Québec un étudiant d’un programme pré-universitaire qui n’a pas de diplôme universitaire est-il compté comme étant un diplômé « post-secondaire » quant au fond il aura vu autant qu’un diplômé du secondaire des États-Unis et du Canada ?
Également, étude de Léger Marketing a démontré que les étudiants du Québec s’endettent autant que les étudiants des autres provinces quand les frais de scolarité sont beaucoup plus bas ici : http://youtu.be/HtJ3GAGGoxI?hd=1.
Pour ma part, je suis étudiant à l’université et j’ai travaillé toute mon adolescence dans le but de payer en entier mes droits de scolarité. Et j’approuve la hausse.
PS: Il y a des pays comme Cuba et la Coré-du-Nord qui paient l’éducation universitaire. Ça pourrait-être intéressant d’inclure l’impact de cette mesure dans ce genre de pays.
Vous dites que la gratuité scolaire « ne coûterait que $700 million de plus aux contribuables québécois ». Vous dites aussi « la gratuité nécessiterait une augmentation significative des taxes et impôts ». De mémoire, quand le gouvernement avait annoncé la hausse de 1% de la TVQ, il parlait d’une augmentation de revenus de $1500 millions.
Si tout ça est vrai, la gratuité scolaire signifierait une TVQ de 10.00% plutôt que 9.50% ? Bref, ça ne serait pas trop pire surtout si on fait du ménage administratif en plus. Non ?
Il est souvent dit que les universites quebecoises sont semi-publiques donc je ne sais pas si on peut vraiment les qualifier de « service public » (ceci dit je n’arrive pas a trouver de source sur ce financement « semi-public »).
@Vincent
« je n’arrive pas a trouver de source sur ce financement “semi-public” »
Chaque université a sa fondation qui receuille des dons privés, lesquels servent surtout à aider les étudiants dans le besoin.
Pour moi il est clair que les universités québécoises sont des services publics.
Merci de votre réponse. Maintenant que j’y pense la question du financement n’est en fait pas la plus pertinente pour savoir s’il s’agit d’un service public. Il faut plutôt se demander si le but des universités québécoises est lucratif ou non. Et en prenant ça en considération, il est effectivement clair que ce sont des services publics.
Au début de la Révolution Tranquille, les libéraux de Jean Lesage avaient promis l’éducation GRATUITE avec la création du Ministère de l’éducation en remplacement du Département de l’Instruction Publique.
Au Canada, c’est le gouvernement Charest qui donne le PLUS d’argent au multinationales par les LOBBYS:
Québec = 6 milliards
Fédéral = 4 milliards
Ontario = 2 milliards
etc…
Si l’éducation est la richesse d’une nation, UN milliard = GRATUITÉ
A Cuba, au Vénézuéla, en Libye durant Kahdafi et dans d’autres pays, l’éducation est gratuite = RICHESSE de ces nations……………
@Fernand Cloutier
« A Cuba, au Vénézuéla, en Libye … »
Les dirigeants de ces pays ont besoin du système d’éducation pour « brainwasher » la population.
Il faut faire attention: les arguments des associations étudiantes ne sont pas basés uniquement sur l’accessibilité et le taux d’endettement. D’ailleurs comme vous le démontrez très bien, ces arguments ne sont pas tellement fondés, et les assos, souvent influencés par une pensée marxiste, s’opposent évidemment à ce que la classe moyenne paye par ses impôts l’éducation des jeunes provenant de milieux aisés.
Leurs arguments sont surtout basés – et souvent mal compris même chez leurs fervents supporteurs – sur la commercialisation de l’éducation.
Vous ne semblez pas vous opposer à cette commercialisation, c’est-à-dire non seulement au fait que des programmes comme la philosophie ne soient pas encouragés, mais que le contenu même des cours de tous les programmes soient surtout dirigés vers le succès dans le marché du travail.
La hausse annoncée, en plus de la diversification des revenus des universités, sera le coût fatal à un système d’éducation non-commercial. Déjà, la peur de l’endettement encourage les étudiants à se diriger malgré eux bien souvent vers des programmes «rentables» (la plupart des programmes qui n’ont pas voté en faveur de la grève) et la diversification du financement des universités (par des entreprises et la philanthropie) augmentent la dépendance des universités aux entreprises et aux riches. Sont-ils les gens les plus à bien à influencer le contenu des cours et des programmes?
Bien sûr, c’est votre droit de ne pas vous en faire avec la commercialisation de l’éducation, je respecte cette opinion et d’ailleurs j’apprécie votre transparence.
Mais l’opinion contraire, en faveur d’une éducation non-commerciale, n’est pas moins valable. La question c’est: est-elle réaliste?
Là dessus, vous le dites vous-mêmes, la gratuité scolaire – lire maintenant éducation comme formation de l’individu plutôt que simplement du travailleur – est un choix possible (je vous cite dans une autre chronique: «je rêve du jour où nous adopterons une réforme […] de l’éducation comme celle de la Finlande et de la Suède»), en la rendant plus efficace notamment et en augmentant les impôts des plus riches.
C’est d’ailleurs ce que les assos proposent. Il faut le dire, la CLASSE par exemple est loin d’être pour le status quo et est même plutôt radical dans ses idées, en proposant même une baisse d’impôts pour la classe moyenne.
Bref, avant d’être un débat économique, le débat sur l’éducation est un débat «éducatif.» Le vrai choix à faire c’est entre des universités ou des «techniques». Ce genre de débat sur ce que signifie «qualité» de l’éducation a lieu chez des gens très informés, comme nous le montre cette vidéo http://www.youtube.com/watch?v=motHt82F6Qo
Et parlons «common sense». On ne doit pas se faire d’illusions, le marché du travail, il s’apprend lorsqu’on travaille. Avant c’est la maternelle. J’ai un ami qui fait 150 000$ à sa première année en travaillant pour une banque. On lui a dit qu’on n’avait même pas regardé ses notes, mais qu’on l’avait pris pour sa personnalité. Dans un système d’éducation qui fonctionne sous le mode du clientélisme, l’échec est quasi-impossible et les étudiants n’ont pas à faire d’effort pour passer leurs cours. Les entreprises le savent ça, dans un tel système, les diplômes ne valent rien.
Ce n’est pas seulement l’efficacité des universités qu’il faut changer, c’est toute la philosophie derrière l’enseignement qu’il faut remodeler.
– D’un étudiant en journalisme à l’UQAM, provenant d’un milieu aisé, en grève et fier de l’être.
Pourquoi ne faire payer que les riches si l’éducation est « un investissement collectif » et « une richesse collective » ? Comment on peut dire que l’éducation est « bénéfique pour toute la collectivité » quand la collectivité paie pour former des emplois qu’elle ne demande même ? À mon humble avis, l’éducation est bien plus un investissement pour sa propre qualité de vie et pour son propre enrichissement personnel qu’un bien collectif.
Toutefois, je suis entièrement d’accord avec vous à propos de la « vraie éducation » qui se fait sur le marché du travail. Cependant, si nos formations universitaires sont aussi déconnectées de nos emplois, c’est justement parce que notre système ne répond pas à la demande du marché (pour utiliser votre vocabulaire, nos universités ne sont pas assez « commerciales »). Par exemple, cette année, dans mon programme d’ingénierie logicielle à la Polytechnique de Montréal, on voyait de la matière désuète qui n’était plus utilisée depuis des années en entreprise. Pire encore, il y a plusieurs cours totalement hors sujet. Comme plusieurs de mes profs disaient : « vous êtes ici pour apprendre à apprendre ».
Pour m’assurer que je n’étais pas « anormal » de trouver cela « anormal », je suis allé voir les programmes universitaires des États-Unis. J’ai constaté que les américains voient de la matière beaucoup plus actuelle et concrète que la nôtre. Par exemple plusieurs cours portent sur les téléphones intelligents et sur le web quand ici on fait de la mécanique dans un programme d’informatique… Pourtant, là-bas, les entreprises sont beaucoup plus impliquées dans le système éducatif qu’ici (beaucoup d’entreprises paient la totalité des études de leurs stagiaires/employés ou donnent tout simplement des dons considérables directement aux universités).
D’ailleurs, Stanford et Harvard réussissent à payer la totalité des études des plus démunis uniquement avec les dons directs des entreprises. Par exemple, à Stanford University, si les parents gagnent moins de 100,000$, l’étudiant n’a même pas besoin de débourser *un seul sous* pour son éducation, son logement, sa nourriture, son assurance santé, etc.
Pour moi, la « commercialisation » de l’éducation est préférable à sa bureaucratisation. Toutefois, Minarchiste a entièrement raison de dire que notre système éducatif doit être libéralisé, privatisé et déréglementé (c’est cet aspect du modèle scandinave qu’il préconise plutôt que la fiscalité élevée).
– D’un étudiant maintenant en administration aux Hautes Études Commerciales de Montréal et fier de ne pas être en grève 🙂 !
@Nicola et M-A
Ce n’est pas vraiment à l’université qu’on apprend à être journaliste, administrateur ou médecin. C’est sur le terrain. Ce n’est pas un jeune prof de finance (lequel n’a jamais effectué une grosse transaction de sa vie) qui m’as appris à gérer des portefeuilles d’actions.
En fait, les universités ne sont que des « sorting device », des mécanismes d’évaluation et de sélection. Le diplôme sert à réduire le risque moral que votre employeur subit en vous embauchant. Je le sais car j’ai moi-même eu à sélectionner un candidat pour un poste d’assistant; j’ai donc été des deux côtés de la table.
Je pense que les étudiants qui manifestent ne le réalisent pas…
Ceci dit, je serais bien d’accord à ce que le débat soit centré sur l’aspect commercial des études. Est-ce que les contribuables devraient financer des études en philo, en histoire de l’art et en théologie?
Comme je le disais, ces programmes ne contribuent pas à réduire les inégalités, ne contribuent pas à la croissance économique et n’ont pas de bienfaits indirects pour les contribuables.
À défaut de cesser complètement de les financer, le gouvernement pourrait discrètement augmenter les taux de contingentement de ces programmes pour réduire les coûts.
D’un diplômé en maîtrise des HEC qui après 10 ans sur le marché du travail, n’a plus la même vision des études universitaires (entre autres) que jadis.
« Je pense que les étudiants qui manifestent ne le réalisent pas… »
Je pense au contraire que ce sont les etudiants qui ne font pas greve qui ne le realisent pas : beaucoup d’entre eux (difficile de quantifier le « beaucoup »…) ne sont pas anti-greve par conviction mais uniquement par la peur de rater des cours ou des examens. S’ils prenaient conscience de la superficialite des diplomes vis-a-vis du travail, ce ne serait pas le premier de leurs soucis (attention, je ne soutiens pas qu’ils en seraient pour autant pro-greve).
« ces programmes ne contribuent pas à réduire les inégalités, ne contribuent pas à la croissance économique et n’ont pas de bienfaits indirects pour les contribuables »
Mais etant donne ce que vous venez de dire, a savoir que les universites ne permettent pas d’apprendre un metier, il me semble que c’est aussi le cas des autres diplomes, plus utiles. Si on veut etre coherent, la conclusion est que tout diplome est inutile. D’ailleurs, avec un marche du travail completement libre on a un sorting device beaucoup plus efficace que les diplomes : le licenciement.
Erreur de logique Vincent :
Ma soeur refuse de perdre du temps dans ses études. Ce n’est pas parce qu’elle donne beaucoup de valeur à son diplôme (elle travaille dans son domaine depuis un an) (pharmacie)… C’est parce qu’elle n’a pas de temps à perdre pour ce genre de conneries.
Tu connaît le coût d’opportunité? Comme disait mon père, chaque année perdue (en ratant un cours ou en allant travailler), c’est le prix de ta dernière année de salaire. Si tu travailles 39 ans au lieu de 40 parce que tu as commencé à travailler un an plus tard, tu perds la valeur de cette année de travail (qui est ta dernière donc techniquement la plus profitable).
« Mais etant donne ce que vous venez de dire, a savoir que les universites ne permettent pas d’apprendre un metier, il me semble que c’est aussi le cas des autres diplomes, plus utiles »
Mais même si ma formation DEC ne valait rien (oh ciboire non…), j’ai quand même appris la base de ma profession. Ma première année à travailler a été ma véritable formation… mais si j’avais fait un DEC en science humaine, je n’aurais jamais eu l’emploi (donc la formation..).
« D’ailleurs, avec un marche du travail completement libre on a un sorting device beaucoup plus efficace que les diplomes : le licenciement. »
Évidemment… mais nous connaissons tous les contraintes du marché du travail actuel….
« Ma sœur refuse de perdre du temps dans ses (…) année de travail (qui est ta dernière donc techniquement la plus profitable). »
Je ne vois pas le rapport. A chaque fois qu’il y a eu des grèves, les cours n’ont jamais été reportés et n’ont jamais fait perdre un an aux étudiants.
Donc ta réponse n’a pas de logique vis-a-vis du contexte de ma remarque (cette phrase juste pour pointer du doigt que lorsque l’on veut avoir un discours serein et constructif avec une personne, on s’abstient de faire des remarques comme « erreur de logique »; a bon entendeur 😉 ).
« Mais même si (…) (donc la formation..). »
Je suis bien d’accord. Ma conclusion est que, en suivant cette logique, on devrait supprimer complètement les diplômes, puisque c’est la première année de job qui fait la formation.
Effectivement et c’était aussi mon opinion !
Je voulais seulement dire que nos formations pourraient s’améliorer si l’industrie participait à l’élaboration des programmes. À mon avis, si les grandes/moyennes/petites entreprises étaient aux côtés des bureaucrates qui forgent nos programmes, fort probablement qu’il y aurait des cours beaucoup plus utiles/concrets et beaucoup moins de cours inutiles comme de la mécanique pour former un programmeur…
En même temps, ça peut varier d’un programme à l’autre, mais les cours universitaires permettent minimalement de faire un survol assez détaillé de la base, ce qui évite aux entreprises de devoir enseigner l’équivalent de compter jusqu’à 10. Toutefois, c’est évident que l’expérience a beaucoup plus de valeur qu’un simple diplôme. Par contre, un diplôme vaut plus qu’aucune expérience…
Finalement, est-ce que vous pensez que vous auriez pu vous rendre où vous êtes maintenant sans votre baccalauréat et votre maitrise du HEC ?
Mon point-là, c’est que les programmes comme philo, histoire de l’art, journalisme, sont essentiels dans une société saine, et pas juste quelques rares chanceux avec des côtes R de 40…. ça doit être accessible à plein de monde, pour que dans nos partys de famille, il y ait toujours quelqu’un qui ait étudié en philo et qui puisse remettre en question nos a priori, et pour que les articles que vous lisiez dans la Presse, ça ne soit pas écrit juste par des robots comme au JdM, mais des êtres humains avec un esprit critique.
Je suis d’accord avec M-A en partie, le système d’éducation comme il est présentemenent n’est pas parfait, mais d’après moi, il n’est pas parfait surtout parce qu’il est centré sur «l’apprentissage du marché du travail», un apprentissage qui finalement, de toute façon, est ridicule puisqu’on apprend surtout, comme Minarchiste le dit, le marché du travail sur le marché du travail.
Est-ce que ça veut dire que l’université est inutile? Pour le marché du travail… complètement! Mais pour la société, bien sûr que non, au contraire.
Parce que l’université c’est l’endroit – et le temps – où on peut apprendre des choses «inutiles», par exemple la théorie du minarchisme, qui ne sera jamais mis en pratique telle quelle nulle part dans le monde, mais qui permet de nous éveiller au gaspillage énorme d’un système socialiste ultra-naif qui financent des films comme «Le Bonheur de Pierre» (en passant, je vote Quebec Solidaire). Et idéalement, ça serait aussi l’endroit parfait pour nous, qui avons des visions de la société extrêmement différente, d’échanger et de faire évoluer notre pensée. D’ailleurs en mettant 3000 étudiants de droite dans une école, et 3000 autres étudiants de gauche dans une autre, on ne fait pas avancer les idées et c’est malheureux. Dans mon université utopique, il n’y aurait qu’une école et un seul programme, mais là je rêve.
Et là je ne parle pas seulement des programmes (business vs philo) mais aussi du contenu des cours qui est de moins en moins multi-disciplinaire et de plus en plus business-oriented (même en philo à McGill où j’ai étudié, je peux vous dire que c’est business-oriented, j’avais l’impression d’aller à un cours: «comment gagner sa vie comme postdoctorant à Harvard?»). Alors pensez-vous que des jeunes qui étudient au HEC qui payent 4000$ par année pour étudier ont envie d’entendre parlé de Nietztzche? Ben non, et pourtant ce qu’il a à dire sur la société d’aujourd’hui les rendrait non seulement plus idéalistes, mais aussi plus performants.
D’après moi, le seul moyen d’avoir des cours multidisciplinaires et pas seulement centrés sur un semblant de «marché du travail» et d’encourager une société aux expertises et opinions multiples, c’est de faire la gratuité scolaire, mais de bien la faire, c’est-à-dire notamment en réduisant le financement des universités par les entreprises (pas comme Pauline Marois propose, elle, vraiment, elle n’a rien compris).
Les profs et les étudiants se chargeront du reste. Je suis convaincu qu’ils auraient le potentiel, avec la gratuité scolaire, de faire du système d’éducation québécois un des meilleurs systèmes d’éducation au monde.
Anyways… d’ailleurs désolé d’avoir écrit que je venais d’un milieu aisé, ça n’avait pas vraiment rapport. C’était juste pour ne pas avoir l’air d’un hippie go-gauche du Vieux-Montréal. Je relis ça et je me sens mal.
Nicolas Dagenais
@Nicolas
Moi je pense qu’on peut très bien se passer de tous ces diplomés inaptes au marché du travail. Je ne crois pas que ceux-ci puissent apporter quoi que ce soit à la société, sauf ceux qui ont suffisamment de talent pour publier un bouquin qui se vend bien.
Quant aux journalistes, vous voulez dire cette bande de gauchistes mal documentés qui ne font que répandre des demi-vérités non-vérifiées et dénigrer tous ceux qui ne pensent pas comme eux? Genre Patrick Lagacé ou Richard Hétu? Je fais des lectures beaucoup plus intéressantes, factuellement riches et étofées sur la blogosphère et ce de la part de non-diplomés en journalisme. Ça s’apprend sur le terrain.
On n’apprend pas le minarchisme à l’université, si ce n’est que pour le dénigrer. J’ai découvert les idées libertariennes par moi-même; pas besoin de diplôme universitaire pour cela, au contraire, l’université inculque un moule que l’on met du temps à briser.
Quant aux HEC, croyez-le ou non, mais j’ai eu à y lire Aristote, Platon, Machiavel, Marx, Smith, Bastiat, Weber, et beaucoup d’autres philosophes. Comme quoi un diplôme « business » permet aussi d’aborder la philosophie, la sociologie, la psychologie et plusieurs autres disciplines du genre.
McGill offre un service, s’il ne vous convient pas, à vous de trouver le fournisseur qui offre ce que vous cherchez.
Je suis d’accord avec vous sur l’idée de l’université inculque un «moule que l’on met du temps à briser», et j’ai d’ailleurs fait part aux leaders étudiants – je ne les connais pas personnellement, mais ce sont des amis d’amis – d’une inconsistence dans leur discours, c’est-à-dire que dans un système d’éducation qui est finalement un outil d’endoctrinement et de contrôle – Gabriel Nadeau-Dubois semble le penser également, en disant pas si naivement que ça qu’on apprend beaucoup mieux à l’«école de la grève» – l’accessibilité est finalement nuisible. D’après moi, c’est seulement dans un système d’éducation idéal – celui que j’ai défendu dans les commentaires précédents, peut-être utopique aujourd’hui, mais sûrement pas dans 20 ans – qu’on pourra défendre cette idée d’accessibilité. Mais pour l’instant, j’ai plutôt proposé aux leaders étudiants de se concentrer sur le thème de l’endettement personnel, qui est peut-être – vous me corrigerez si je me trompe – bien pire que l’endettement publique pour la santé financière et économique d’un pays.
Maintenant, plus qu’une divergence au niveau de l’utilité de programmes comme la philo, je crois qu’il y a une divergence fondamentale dans nos visions du capitalisme, et qui aboutit finalement à notre désaccord sur l’éducation, et cette différence c’est dans l’idée que libre-marché est l’instrument unique d’une économie saine (on parle uniquement d’économie ici, pas de culture). Bien évidemment, la liberté absolue du marché n’existe pas dans un système «capitalisme» comme celui d’un pays comme le Canada qui, on s’entend, fonctionne assez bien. Et d’après moi, ce système qui fonctionne plutôt bien – le Canada n’est-il pas un des rares pays qui s’en est bien sorti durant la crise financière? – est un système dans lequel la notion de libre-marché est certainement nécessaire, mais loin d’être suffisante. Je crois que le succès du Canada et du Québec repose autant sur les services publics que sur le libre-marché, et c’était aussi, qu’on le veuille ou non, l’opinion du faux héros de la Chicago School of Economics, Adam Smith, qui disait que la division du travail rendrait assurément les humains «as stupid and ignorant as it is possible for a human being to be […] unless government takes some pains to prevent it». Ce n’est pas moi, c’est Adam Smith qui a dit ça… Le système d’éducation public (et là on parle aussi des universités), le système de santé public et les systèmes de transport publics ont été certainement cruciaux dans le succès du capitalisme à la canadienne, et il est selon moi et plusieurs bien dangereux de modifier cet équilibre. C’est une vision uniquement empirique des choses, mais je ne vois pas sur quel autre genre de vision on pourrait s’appuyer de façon responsable.
ps Pour terminer, quand je parle de journalistes qui ne sont pas des robots, je ne parle pas non de Lagacé et Hétu, peut-être Foglia que vous considérez peut-être comme un journaliste de go-gauche, mais qui a un esprit critique admirable («Oui, mais la hausse des droits de scolarité? Je m’en crisse.») Je parle surtout des journalistes du Wall Street Journal et du Financial Times par exemple, ceux qui n’essayent pas de faire passer des généralités plus ou moins vérifiés à Monsieur-mamade-tout-le-monde, mais qui écrivent pour les gens informés, à qui on peut difficilement faire des passes-passes. C’est Chomsky d’ailleurs qui disait que c’étaient les seuls journaux qu’il lisait.
Cliquer pour accéder à droits_scolarite_rocher.pdf
qu’est-ce que vous pensez de ça?
Trois anciens recteurs d’université demandent au gouvernement de reculer dans ce dossier: http://www.cyberpresse.ca/le-droit/opinions/votre-opinion/201204/10/01-4513833-droits-de-scolarite-quebec-doit-reculer.php
« Non seulement ce gouvernement souffre-t-il avec indifférence un niveau élevé d’inéquité dans la société, mais il n’hésite pas à accroître les inégalités prudens et sciens, sous prétexte de nécessités économiques et budgétaires, du reste fort contestables. La manière dont il entend réserver l’accès à l’éducation supérieure aux seules couches nanties de la population en témoigne cruellement. »
Ce qui m’exaspère, c’est que des gens comme François Legault vantent les « mérites » du système américain et affirment que l’on prend du retard parce que les frais de scolarité sont plus bas. Est-ce qu’il fait ça en espérant recevoir des contributions électorales de banques ou de gens qui gravitent autour du milieu universitaire?
Un article sur wikipedia ( http://en.wikipedia.org/wiki/College_tuition_in_the_United_States ) montre que les frais de scolarité en dollars constant, donc en tenant compte de l’inflation, ont doublé entre 1993 et 2004 (voir le graphique Average College Tuition , 1993-2004 ). Et la tendance s’est accélérée par la suite. Lorsque les frais de scolarité grimpent plus rapidement que l’inflation pendant une très, très longue période de temps, année après année, je ne peux voir qu’une seule raison; une bulle crée par l’abondance d’argent, soit les prêts étudiants garantis par le gouvernement fédéral. Le gouvernement hausse le plafond des prêts, les universités haussent leurs frais et demandent au gouvernement qu’il hausse de nouveau le plafond des prêts et ainsi de suite, mais les fournitures scolaires n’ont certainement pas augmenté plus vite que l’inflation, donc l’argent va ailleurs (salaires des recteurs, création de postes de haut niveau, méga-projets inutioes, bureaucratie, etc…)
Sauf que ce système ne donne pas les résultats escomptés. A preuve: http://www.ed.gov/news/press-releases/default-rates-rise-federal-student-loans
« The U.S. Department of Education today released the official FY 2009 national student loan cohort default rate, which has risen to 8.8 percent, up from 7.0 percent in FY 2008. The cohort default rates increased for all sectors: from 6.0 percent to 7.2 percent for public institutions, from 4.0 percent to 4.6 percent for private institutions, and from 11.6 percent to 15 percent at for-profit schools. »
En fait, il y a deux fois plus d’étudiants qui cessent de payer leurs prêts qu’en 2005, sans compter ceux qui veulent conserver leur dossier de crédit et se forcent pour payer les intérêt même avec une job McDo.
Je n’ai pas étudié aux Etats-Unis mais il y a un phénomène semblable au Québec. Par exemple j’ai cherché pendant 3 ans un poste d’ingénieur chimiste junior avant de lancer la serviette et de refaire un DEC technique au CEGEP dans un autre domaine. Je remarque que les employeurs crient toujorus à la « pénurie de main d’oeuvre » et demande au gouvernement de former d’autres diplômés et il y a 36 façons de trafiquer les chiffres et leur faire dire le contraire de ce qu’ils devraient dire. Bien sûr, puisque les employeurs ne paient plus le coût de la formation, ils crieront toujours à la pénurie même si 25% des diplômés ne trouvent rien.
Idem pour les CEGEPs. Vous trouvez normal que des programmes aussi disparates que techniques policières, loisirs, administration, thanatologie, sciences infirmières, capitaine de navire, assainissement de l’eau prennent toutes trois ans à se faire? Si une formation peut se donner en un an le CEGEP va l’étirer sur trois en ajoutant des cours inutiles, parfois des cours de philo, parfois même certains cours techniques. Un de mes amis m’a raconté comment une de ses connaissances avait reçu une formation de son employeur pour fabriquer des prothèses auditives il y a 30 ans à Toronto; il avait appris sur le tas en moins de 3 mois. Aujourd’hui le gouvernement est rentré là-dedans, 3 ans pour le DEC, des cours par dessus d’autres cours et l’employeur est mort de rire, il considère maintenant que c’est au gouvernement, à l’étudiant et au contribuable de payer pour lui fournir de la main d’oeuvre, plus besoin de former personne. .
Est-il normal qu’on demande à un psychologue d’avoir un doctorat s’il ne se sert pas du dizième de ce qu’il a appris? A un conservateur de musée d’avoir un doctorat? Au lieu de contingenter plus sévèrement AU DEPART, les universités optent pour la solution la plus lucrative; laisser les étudiants s’endetter, les employeurs demander toujours plus de diplômes jusqu’à ce que certains craquent et abandonnent leurs études faute d’argent. Au contribuable de payer si l’étudiant est en faillite.
Pour les programmes techniques au moins je me demande parfois s’il ne serait pas préférable de supprimer les prêts étudiants cautionnés par le gouvernement (mais pas nécessairement ceux des banques qui prennent réellement un risque) et d’acculer les employeurs au pied du mur s’ils ne veulent pas faire face à une pénurie de main d’oeuvre bien réelle cette fois..
Plus de prêts, que l’étudiant se débrouille pour trouver l’argent pour une session, sa première session uniquement. Les plus sérieux qui savent où il vont vont prendre le risque; ils ne changeront pas de programme à tous les 12 mois. Et pour les autres sessions, que les futurs employeurs offrent de payer la majeure partie en échange d’un contrat d’exclusivité. Exemple, Yves a passé tous ses cours avec plus de 75%, il reçoit une offre d’un employeur qui paiera pour les 3 sessions suivantes à condition que Yves signe un contrat qui l’oblige, une fois son diplôme obtenu, à aller travailler chez cet employeur pendant 3 ou 5 ans à un salaire convenu à l’avance. Parce qu’une des raisons pour lesquelles les employeurs hésitent à embaucher, c’est qu’ils ont peur de voir leur poulin profiter de sa formation et foutre le camp après 6 mois. Si Yves brise son contrat, il devra rembourser l’intégralité de sa formation. Les employeurs potentiels auraient un poids beaucoup plus important concernant la formation académique, ils auraient leur mot à dire s’ils apportent l’argent. Moins de cours inutile, une formation plus courte mais plus adéquate, et on pourrait difficilement voir des grosses légumes à la tête des CEGEPs se payer des voyages d' »affaire » au Brésil ou se voter des augmentations de salaire non justifiées, parce que le bailleur de fonds y veilleraient au grain.
Bonjour,
Je suis tombé hier sur cet article, et, bien qu’il ait été publié il y a plusieurs mois déjà, je me sens obligé d’intervenir. En effet, la question des frais de scolarité est encore très pertinente et reviendra bientôt d’actualité avec le fameux Sommet sur l’Enseignement Supérieur. Étant donné la facilité avec laquelle on tombe sur ce site en faisant une recherche Google, j’imagine que des lecteurs continuent de fréquenter cette page et j’ose espérer que mon commentaire sera lu.
Tout d’abord, j’aimerais faire remarquer à l’auteur de cet article que pour quelqu’un qui déplore le manque de rigueur intellectuelle de certains journalistes «gauchistes», vous ne laissez pas votre place non plus dans au chapitre des semi-vérités, des conclusions hâtives, et des mensonges.
«Pourtant, suite au dégel des droits de scolarité en 1991-1992 et leur augmentation de près du double au cours des deux années suivantes, le taux de participation ne semble pas avoir été affecté et a continué d’augmenter.»
Il est certes vrai que le taux de fréquentation n’a pas été affecté IMMÉDIATEMENT après le dégel, mais si on émet l’hypothèse, à mon avis raisonnable, que les effets se font sentir quelques années plus tard (en effet, il me semble assez probable que les étudiants ayant déjà entamé des études universitaires n’y mettront pas fin abruptement dès l’annonce de la hausse), on constate que les statistiques disponibles semblent aller dans ce sens (stagnation puis baisse de la fréquentation 2 ans après le dégel).
À ce sujet, je vous invite à lire cette excellente démonstration du caractère non-scientifique et tendancieux des conclusions de l’IEDM :
http://ericbeaudry.ca/droitsscolarite/
Ensuite, il ne faut pas réduire la question de l’impact sur l’accessibilité au seul taux global de fréquentation. Il faut aussi se demander de quel milieu proviennent les étudiants et vers quels programmes ils se dirigent.
«Cette solution, même si elle ne coûterait que $700 millions de plus aux contribuables québécois, est invalide pour plusieurs raisons. Premièrement, elle nécessiterait une augmentation significative des taxes et impôts (…) »
C’est totalement faux ! Il serait tout à fait possible d’instaurer la gratuité scolaire sans toucher aux taxes et aux impôts. On pourrait la financer en s’attaquant une fois pour toutes à l’évasion fiscale (ce qui permettrait à l’État québécois de récupérer des milliards de dollars), ou encore en cessant de subventionner et d’accorder des congés fiscaux à de grandes entreprises qui pourraient très bien s’en passer (vous déplorez vous-même cette pratique, en vous attardant sur le cas de Québécor, dans l’un de vos articles). On pourrait aussi rétablir la taxe sur le capital des institutions financières abolie par les libéraux, ce qui engendrerait des revenus se rapprochant du coût de la gratuité scolaire. Une autre solution serait d’imposer 100% des gains en capitaux au lieu de 50% (on impose bien 100% du salaire des travailleurs). Vous allez sans doute me dire que les deux dernières solutions sont des augmentations d’impôts. Pourtant, la première ne serait qu’un «rattrapage» (j’utilise ici la rhétorique de l’ancien gouvernement lorsqu’il parlait de la hausse des frais de scolarité) de ce qui était déjà en place il y a quelques années (et qui «n’affectait» qu’une poignée des gens ultras-privilégiés). La deuxième est certes une augmentation d’impôt, mais certainement pas significative pour la grande majorité des gens (qui ne réalisent peu ou pas de gains en capitaux).
«Parce que de façon générale, malgré certaines variations selon les disciplines, le revenu moyen des diplômés universitaires est d’environ 60% plus élevés que celui des personnes sans diplôme. Donc cela équivaudrait à taxer des gens qui gagnent 60% de moins que ce que les diplômés universitaires gagneront dans le futur pour financer les études de ceux-ci»
Vous omettez de mentionner que les étudiants qui gagneront plus paieront eux aussi de l’impôt, et qu’ils rembourseront plusieurs fois le coût de leurs études au cours de leur vie. En fait, étant donné notre système d’imposition progressif, la plus grande partie de l’impôt récolté au Québec est payé par les contribuables gagnant plus que le salaire médian (ayant donc probablement profité d’une bonne éducation, ou du moins de celle des gens de leur entourage). On peut constater ce fait en regardant le rapport sur les statistiques fiscales des particuliers pour l’année 2009.
http://www.finances.gouv.qc.ca/documents/statistiques/fr/STAFR_sfp_2009.pdf (voir Répartition selon la tranche de revenu total, page 23)
Il est donc tout à fait erroné de prétendre que ce sont les pauvres qui paient pour les études des mieux nantis.
«Deuxièmement, elle ne donnerait pas aux étudiants un incitatif à terminer leurs études le plus rapidement possible, ce qui ferait gonfler les coûts.»
Premièrement, je crois qu’il n’est pas raisonnable de prétendre que des frais de scolarité substantiels sont le SEUL incitatif pour les étudiants à terminer rapidement leurs études. On peut en effet en imaginer d’autres, comme le fait de ne pas vouloir se priver de trop nombreuses années de salaire, les conditions de vie parfois précaires des étudiants, le désir «d’avancer», la pression sociale, etc…
S’il faut absolument des frais de scolarité élevés pour inciter les étudiants à cheminer plus rapidement, on peut se demander comment se fait-il que la durée moyenne de l’obtention du DEC n’est que de 2,4 années, alors que le Cegep est gratuit.
On peut vérifier cette information à la page 26 de ce document :
https://docs.google.com/viewer?a=v&q=cache:Wx8KKkGS8tQJ:www.mels.gouv.qc.ca/stat/Autres_doc/brochure_cheminement_scol.pdf+&hl=fr&gl=ca&pid=bl&srcid=ADGEEShtcAKygCTzEOM7z7Cwh0Hj4ZIXhIN3kOmI6LSNRrwYvGSO2yc1Icbuv7W7h7-fneAiHgR8xOAPpKnpqJSC3jI18xSzcb2ggpk8eMstBR4hRLUE6RERIVi4oGBCzGK2OZc_t-Qn&sig=AHIEtbTYLxg8IkALMrN9w_vme7TjpV0dHA
Lorsque l’on compare le nombre moyen d’années d’études dispensées aux jeunes de 17 à 25 ans par diplôme de baccalauréat émis au Québec, en Ontario et au Canada, on est en droit de se demander si les frais de scolarité ont une quelconque incidence sur la durée des études, lorsque ce nombre d’années était de 8 au Québec en 1998-1999 (les données suivantes portent sur ces années), versus 8,2 en Ontario, alors que les frais de scolarité (universitaires) étaient moins élevés au Québec durant cette période (en plus de la gratuité des études collégiales).
http://www.fedecegeps.qc.ca/memoire/2004/04/l%C2%92apport-des-cegeps-a-la-societe-quebecoise/#12 (1.2 Examen critique du rapport de la FCSQ) (voir tableau 1.2)
Enfin, il ne faut pas oublier qu’en instaurant la gratuité scolaire, il serait tout à fait possible (et peut-être souhaitable) de créer un incitatif à terminer ses études rapidement , en fixant une limite d’années au-delà de laquelle les études ne seraient plus gratuites.
«Il existe en effet plusieurs programmes universitaires qui ressemblent davantage à des hobbys qu’à des formations. (…) Je n’affirme aucunement que ces domaines sont inintéressants, tout comme mes cours de piano classique, mais si les étudiants de ces programmes tiennent tant à enrichir leur bagage culturel même si ça ne contribue en rien au niveau de vie de la société, ne pourraient-ils pas assumer le véritable coût de leur passion, tout comme j’assume moi-même le coût de mes cours de piano?»
Je ne peux que m’indigner devant un tel mépris de votre part. Tout d’abord, sachez qu’il y a une immense différence entre prendre des leçons de piano pour en jouer dans ses temps libres, et recevoir une FORMATION de pianiste dans le but de faire de la musique son métier. Une telle formation requiert l’acquisition d’une multitude de savoirs et de compétences techniques (analyses d’oeuvres, harmonie, écriture, solfège, histoire, psychologie cognitive, etc…) en plus des innombrables heures passées à parfaire la maîtrise de son instrument et à travailler avec d’autres musiciens. L’institution d’enseignement musical est sans doute le cadre favorisant le plus (je ne dis pas que c’est le seul) le développement des capacités des musiciens en herbe et le foisonnement du talent. On y apprend à PRODUIRE un récital, une composition, un enregistrement studio, un accompagnement pour un chanteur populaire, et pourquoi pas une leçon de piano pour un économiste libertarien, lesquels profitent évidemment à une multitude de gens. Et ce n’est pas parce qu’un musicien ne gagne que 15 000 $ par année qu’il n’apporte rien à la société.
De la même façon, l’étudiant en philosophie sera formé à PRODUIRE du contenu intellectuel, lequel, même s’il n’est pas commercialisable, profitera à beaucoup de gens (par exemple sur la blogosphère) et contribuera à élever la qualité des débats publics, en donnant des pistes de réflexions et des repères à bien des gens.
Dire que ces domaines ne contribuent en rien au bien-être collectif relève d’une étroitesse d’esprit désolante. Le fait que des gens aient des connaissances variées et approfondies sur toutes sortes de choses contribue certainement au bien commun, en nous offrant une société riche et diversifiée, et la possibilité d’avoir des débats publics (et privés !) de qualité. L’éducation du plus grand nombre est donc non seulement un moyen (celui de favoriser la mobilité sociale, par exemple) mais aussi une fin. C’est là où je ne suis fondamentalement pas d’accord avec vous, la mission des universités n’est pas seulement de former de futurs travailleurs, mais aussi de préserver et de transmettre le savoir culturel et scientifique de l’humanité, et de faire en sorte que nous ayons une société composée de citoyens le plus cultivés possible, ce qui nous permet d’aspirer à une vraie démocratie.
Il serait extrêmement dangereux de s’en remettre strictement au marché pour déterminer quels programmes universitaires doivent persister, et de mettre ainsi les universités au service de l’industrie. Bien des disciplines n’ayant pas de retombées économiques à court terme deviennent extrêmement utiles à long terme. En effet, que serions-nous aujourd’hui sans les mathématiques pures ? Sans la science fondamentale ? À ce sujet, je recommande la lecture de ce texte :
http://public.web.cern.ch/public/fr/About/BasicScience3-fr.html
Pour finir, je considère que l’éducation supérieure du plus grand nombre comporte assez d’externalités positives (plus grande productivité de l’économie dans son ensemble, réduction de la criminalité, plus grande flexibilité de la main d’oeuvre, en plus bien sûr de celles mentionnées plus haut) pour qu’il soit justifié de la financer collectivement.
-D’un étudiant en musique qui veut faire profiter de son hobby toute la société.
@Francis B.T.
« des semi-vérités, des conclusions hâtives, et des mensonges. »
Ne confondez pas ce que vous pensez être des demi-vérités avec des arguments qui vont simplement à l’encontre de votre opinion.
Conclusions hâtives? Je vous ferez remarquer que mon article contient beaucoup de chiffres qui proviennent des deux côtés du débat. J’ai lu énormément sur le sujet, incluant tous les documents publiés par les associations étudiantes, avant de former mon opinion (contrairement aux journalistes gauchistes qui ne font que publier des opinions vides de tout contenu objectif).
Mensonges? De quoi parlez-vous? Vous ne soulevez aucun mensonge dans votre commentaire. C’est une insulte gratuite qui discrédite votre intervention.
« Il serait tout à fait possible d’instaurer la gratuité scolaire sans toucher aux taxes et aux impôts. On pourrait la financer en s’attaquant une fois pour toutes à l’évasion fiscale (ce qui permettrait à l’État québécois de récupérer des milliards de dollars) »
Le problème avec cet argument est que la lutte à l’évasion fiscale ne fonctionne pas! Elle coûte généralement plus cher que ce qu’elle rapporte.
Quant à la taxe sur le capital des institutions financières, belle façon d’encore perdre des sièges sociaux.
« en cessant de subventionner et d’accorder des congés fiscaux à de grandes entreprises »
D’accord, mais il faudrait ensuite réduire le taux d’imposition de toutes les entreprises pour un montant équivalent. Et non utiliser l’argent pour dépenser davantage.
« certes une augmentation d’impôt, mais certainement pas significative pour la grande majorité des gens (qui ne réalisent peu ou pas de gains en capitaux). »
Vous aviez commencé cet argument en disant que la gratuité scolaire serait possible « sans toucher aux taxes et impôts », et voilà que vous parlez d’augmenter les impôts des financières et sur les gains en capitaux. Vous feriez un bon politicien!
« les étudiants qui gagneront plus paieront eux aussi de l’impôt, et qu’ils rembourseront plusieurs fois le coût de leurs études au cours de leur vie. »
Argument bidon. Si les impôts payés par les diplomés servent à rembourser le coût de leurs études à la société, alors devrait-on donner un crédit d’impôt équivalent à ceux qui n’ont pas bénéficié de cet avantage coûteux pour la société?
Par exemple, mon père n’a jamais mis les pieds au Cégep ni à l’université, et a pourtant payé autant d’impôt qu’un ingénieur étant donné ses bons revenus. Il s’est donc trouvé à « rembourser » la société pour quelque chose dont il n’a pas bénéficié, il aurait donc dû avoir un crédit d’impôt?
On voit vite que l’argument est absurde. On ne peut pas considérer les impôts des riches comme un tarif à l’utilisation des universités ou un substitut pour des frais de scolarité plus réalistes (i.e. plus élevés), car beaucoup d’entrepreneurs paient des impôts élevés sans toutefois avoir étudié à l’université. Les bas frais de scolarité sont donc une subvention à ceux qui font un salaire élevé grâce à leurs études universitaires.
« je crois qu’il n’est pas raisonnable de prétendre que des frais de scolarité substantiels sont le SEUL incitatif pour les étudiants à terminer rapidement leurs études. »
Ce n’est pas ce que j’ai dit….vous me bâtissez un homme de paille ici. Je répondrais qu’il n’est pas raisonnable d’affirmer que le niveau des frais de scolarité n’exerce aucun incitatif à finir les études plus rapidement. C’en est un parmi d’autres.
« on peut se demander comment se fait-il que la durée moyenne de l’obtention du DEC n’est que de 2,4 années, alors que le Cegep est gratuit. »
Le Cégep n’est pas gratuit. Et est-ce que ce chiffre inclut ceux qui ont changé de programme?
« Lorsque l’on compare le nombre moyen d’années d’études dispensées aux jeunes de 17 à 25 ans par diplôme de baccalauréat émis au Québec, en Ontario et au Canada, on est en droit de se demander si les frais de scolarité ont une quelconque incidence sur la durée des études »
Est-ce que les chiffres tiennent compte du fait que les programmes de baccalauréats de l’Ontario sont plus longs que ceux du Québec?
« Et ce n’est pas parce qu’un musicien ne gagne que 15 000 $ par année qu’il n’apporte rien à la société. »
Un tel musicien apporte effectivement quelque chose à la société, ce pourquoi il est payé $15,000.
Nous ne serons jamais d’accord là-dessus, d’autant plus que vous êtes dans cette situation.
Pour revenir à l’exemple de mon père, son métier est musicien professionnel. Il a fait cela toute sa vie et a gagné un salaire annuel environ équivalent à celui d’un ingénieur. Il n’a jamais mis les pieds dans une institution d’enseignement et n’a jamais bénéficié de subvention (il n’a jamais été éligibles aux programmes du gouvernement à cet égard vu qu’il n’a aucun diplôme et il n’a jamais été embauché par une production subventionnée car ils exigent toujours un diplome).
Chaque dollar qu’il a gagné, il l’a obtenu parce que les gens étaient prêts à payer pour son travail.
« De la même façon, l’étudiant en philosophie sera formé à PRODUIRE du contenu intellectuel, lequel, même s’il n’est pas commercialisable, profitera à beaucoup de gens »
Les meilleurs philosophes ne sont pas gens qui ont étudié en philosophie à l’université. Et ce n’est pas vrai que la philosophie n’est pas commercialisable. Je possède plusieurs livres philosophiques qui sont des best-sellers.
« Le fait que des gens aient des connaissances variées et approfondies sur toutes sortes de choses contribue certainement au bien commun, en nous offrant une société riche et diversifiée »
Encore une fois, ce n’est pas en faisant un bac en philo ou en histoire de l’art que l’on accumule les connaissances variées. En fait, le savoir de ces gens demeure cloîtré dans la sphère académique, dans un format inaccessible et inintéressant pour le grand public. Contribution à la société? Quasi nulle.
« de mettre ainsi les universités au service de l’industrie. »
Pas au service de l’industrie, mais plutôt au service de l’amélioration du niveau de vie de la société. La formation universitaire doit créer de la richesse et générer des innovations qui mettent du pain sur la table des gens. Les formations qui permettent de faire cela n’ont pas besoin d’être subventionnées par des frais de scolarité ridiculement bas.
« que serions-nous aujourd’hui sans les mathématiques pures ? »
Il est faux de prétendre que ce genre de discipline ne peut pas être payante. Ma firme d’investissement emploie plusieurs mathématiciens qui font des salaires dans les six chiffres. Certains d’entre eux gagnent plus que moi, qui a une maîtrise en finance….
Ils nous aident à créer des modèles quantitatifs pour améliorer notre gestion des risques.
Rebonjour,
Tout d’abord, je voudrais préciser que je n’ai pas voulu vous attaquer personnellement en affirmant que votre article contient des faussetés et je m’excuse si cela vous a blessé.
Je ne confonds pas du tout semi-vérités et conclusions hâtives avec arguments qui vont à l’encontre de mon opinion. Je crois avoir bien démontré que votre article en contient. Par exemple, affirmer que le dégel des années 1990 n’a pas eu d’impact sur la fréquentation est une conclusion hâtive. On a beau avoir des chiffres pour appuyer cette affirmation, il est assez facile de leur faire dire ce qu’on veut, comme le démontre avec brio l’article d’Éric Beaudry. Affirmer qu’il faudrait absolument hausser les impôts pour financer la gratuité est bel et bien un mensonge, puisque vous reconnaissez vous-mêmes que ce serait possible en cessant de subventionner les entreprises (par exemple les infrastructures payées aux entreprises du Plan Nord). Vous dites qu’il faudrait réduire le fardeau fiscal de toutes les entreprises, mais ça c’est votre opinion. On pourrait bel et bien utiliser cet argent pour financer les universités. La lutte aux paradis fiscaux, je ne peux pas croire que ça ne pourrait pas être rentable si on avait vraiment la volonté de la mener à bien, quand on sait que des milliards de dollars s’y trouvent. Bon d’accord, mes deux autres solutions sont des hausses d’impôts par rapport à la situation actuelle, mais qui n’affecteront qu’une infime partie de la population. Mais de toute façon, on voit bien que la gratuité serait possible avec mes 2 premières propositions.
«Le Cegep n’est pas gratuit».
Pas complètement, c’est vrai, mais quasiment. Si les frais de scolarité influencent vraiment la vitesse à laquelle les étudiants terminent leurs études, pourquoi n’y a-t-il pas de différence substantielle entre le temps passé à terminer un DEC et celui passé à terminer un BAC ?
«Est-ce que les chiffres tiennent compte du fait que les programmes de baccalauréats de l’Ontario sont plus longs que ceux du Québec?»
Je ne vois pas ce que ça change, étant donné qu’ils n’ont pas le CEGEP.
«Un tel musicien apporte effectivement quelque chose à la société, ce pourquoi il est payé $15,000».
Notre apport à la société n’est pas toujours payant. Je ne vous ai pas payé pour la lecture de votre article, mais je considère tout de même que cela m’a apporté quelque chose. Je profite de votre éducation sans avoir à débourser quoi que ce soit. Lorsque mon ami qui étudie en sciences me parle de ce qu’il apprend sur les plus récentes découvertes, je profite du savoir qu’il a acquis à l’école. Ce sont des externalités positives.
Je joue chaque semaine dans un bar sans récolter grand chose d’un point de vue monétaire, pourtant les gens qui assistent au concert apprécient réellement ce que je leur offre et je suis très heureux de leur faire profiter de mon savoir-faire.
Mais bon, imaginons que l’apport du musicien qui gagne 15 000 $ à la société ne se limite qu’à ce pourquoi il est payé. Vous conviendrai qu’il aurait énormément de difficulté à rembourser une dette d’études substantielle. On peut supposer que des frais de scolarité élevés l’auraient donc découragé d’entreprendre des études en musique, et il se serait dirigé dans un domaine plus payant, et ce, même s’il était peut-être très doué.
On se retrouve donc avec une diminution considérable du nombre de musiciens talentueux dans la société (et oui, de certains un peu moins talentueux, mais qui ont quand même leur rôle à jouer). On peut supposer qu’il ne resterait qu’un poignée de virtuoses (ou de gens qui sont assez riches pour se payer des études en musique) qui auraient le monopole de l’offre musicale. Les études en musique ne seraient donc accessibles qu’aux riches ou aux ultra-doués. Voilà qui vient de réduire les possibilités et la LIBERTÉ de bien des gens.
Vous allez me dire que c’est exactement ce que vous souhaitez, que l’offre musicale s’ajuste sur la demande. Mais je ne suis pas si sûr que ça se passerait comme cela. Pour que les virtuoses émergent, il faut qu’il y ait un foisonnement de l’activité musicale, créé par le travail de bons et de moins bons musiciens. Ce foisonnement serait, je crois, voué à disparaître dans votre société libertarienne. Je crois que la culture serait alors en grand danger. Et puis alors, si personne ne s’y intéresse ? Et bien, la culture plus pointue influence considérablement la culture plus populaire. Les arrangeurs de Céline Dion ont certainement étudié la musique, et appliquent des principes développés par de grands maîtres pas nécessairement appréciés de tout le monde. Un peu comme la science fondamentale finit par influencer grandement la science appliquée. Vous n’avez d’ailleurs rien dit au sujet de la science fondamentale dans votre réponse.
En passant, je ne sais pas d’où vous sortez l’information selon laquelle les «meilleurs» philosophes ne sont pas allé à l’université.
http://en.wikipedia.org/wiki/Bertrand_Russell
http://fr.wikipedia.org/wiki/Descartes#Jeunesse_et_.C3.A9tudes
http://en.wikipedia.org/wiki/Michel_Onfray
http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Paul_Sartre
http://fr.wikipedia.org/wiki/Friedrich_Nietzsche_(biographie)
http://en.wikipedia.org/wiki/John_Locke
http://fr.wikipedia.org/wiki/Kant
http://fr.wikipedia.org/wiki/Arthur_Schopenhauer
Et par ailleurs, je n’ai jamais dit que la philosophie n’était jamais commercialisable. Homme de paille !
@Francis B.T.
À l’université, oui, mais nécessairement en philosophie!
Par exemple, John Locke est diplomé de médecine!
Et par ailleurs, j’ajouterais que, contrairement à ce que vous mentionnez, l’éducation ne contribue pas à la mobilité sociale si le diplomé ne peut pas gagner sa vie convenablement dans le domaine où il a étudié.
L’éducation universitaire permet de favoriser la mobilité sociale dans la mesure où les programmes étudiés mènent à des carrières plus rémunératrice que la moyenne, donc des carrières ‘économiquement viables’.
@Francis B.T.
Merci de votre intervention. Malheureusement, le fossé idéologique qui nous sépare est là pour rester. Nous n’allons pas convaincre l’autre, mais l’important est de rester ouvert et combattre ses biais.
« affirmer que le dégel des années 1990 n’a pas eu d’impact sur la fréquentation est une conclusion hâtive. »
Voici ce que j’ai écrit, en caractères gras, dans l’article ci-haut : Ceci étant dit, il ne fait aucun doute que toute chose étant égale par ailleurs, le niveau des frais de scolarité affecte l’accessibilité. Prétendre le contraire serait nier un principe économique fondamental qu’est la loi de l’offre et de la demande; le moteur des marchés. Cependant, il est exagéré de prétendre que la hausse proposée viendra affecter significativement l’accessibilité.
Je ne vois pas de conclusion hâtive là-dedans.
« Affirmer qu’il faudrait absolument hausser les impôts pour financer la gratuité est bel et bien un mensonge, puisque vous reconnaissez vous-mêmes que ce serait possible en cessant de subventionner les entreprises »
Quelle est la différence fondamentale entre une hausse d’impôt et une baisse de subvention ? C’est essentiellement la même chose pour le « bottom line » des entreprises. Et ensuite, pourquoi est-ce que cet argent devrait alors obligatoirement aller vers l’éducation ?
Ce que je veux dire est qu’il s’agit de deux débats distincts : la politique fiscale et l’allocation du budget.
« La lutte aux paradis fiscaux, je ne peux pas croire que ça ne pourrait pas être rentable si on avait vraiment la volonté de la mener à bien, quand on sait que des milliards de dollars s’y trouvent ».
Même s’il était possible (car ce n’est pas le cas) de réduire l’évasion fiscale, cela ne veut pas dire que l’argent ainsi récupéré devrait être spécifiquement utilisée pour permettre la gratuité scolaire. Il faudrait d’abord simplement combler le déficit fiscal.
« mes deux autres solutions sont des hausses d’impôts par rapport à la situation actuelle, mais qui n’affecteront qu’une infime partie de la population ».
Et vous croyez que ces gens sont du genre à se laisser manger la laine sur le dos ? Vous croyez qu’ils resteront là sans rien faire pendant qu’on les tond comme des moutons ?
« Je ne vois pas ce que ça change, étant donné qu’ils n’ont pas le CEGEP. »
Les chiffres que vous avez fourni concerne les études universitaires. Comme les Ontariens font des BAC plus longs, cela fait augmenter la durée moyenne de leurs études universitaires.
« On peut supposer que des frais de scolarité élevés l’auraient donc découragé d’entreprendre des études en musique »
Vous oubliez que les études en musique ne sont pas un pré-requis pour être musicien ; voire même pour être un musicien riche (comme mon père) !
« Les arrangeurs de Céline Dion ont certainement étudié la musique, et appliquent des principes développés par de grands maîtres pas nécessairement appréciés de tout le monde. »
Mon père a étudié la musique par lui-même, et est un excellent arrangeur, bien payé pour exercer cet art. Pas besoin d’aller à l’université aux frais des contribuables pour cela.
« Vous n’avez d’ailleurs rien dit au sujet de la science fondamentale dans votre réponse. »
Si une firme d’investissement comme la mienne engage des mathématiciens, il est facile de concevoir que des firmes d’ingénierie ou des sociétés pharmaceutiques ou des conglomérats industriels comme GE ou 3M, engagent des scientifiques « fondamentaux » dans leurs départements de R&D. Je serais très surpris que ce ne soit pas le cas et ces gens doivent être très bien payés.
Je parlais plutôt de cette phrase :
«Pourtant, suite au dégel des droits de scolarité en 1991-1992 et leur augmentation de près du double au cours des deux années suivantes, le taux de participation ne semble pas avoir été affecté et a continué d’augmenter. L’argumentaire de la FEUQ ne s’est pas attardé sur ce point»
Si cela était vrai, cela viendrait contredire une grande partie de l’argumentation des associations étudiantes.
En tout cas, ceci est ma dernière intervention.
Merci de m’avoir lu et répondu.
Francis B.T.,
« L’éducation du plus grand nombre est donc non seulement un moyen (celui de favoriser la mobilité sociale, par exemple) mais aussi une fin. »
Oui, c’est un sophisme assez répandu venant de ceux qui ne savent manifestement pas de quoi ils parlent. Extrait de « The Bell Curve » (p. 394) :
There are a number of problems with this assumption. One basic error is to assume that new educational opportunities that successfully raise the average will also reduce differences in cognitive ability. Consider trying to raise the cognitive level by putting a public library in a community that does not have one. Adding the library could increase the average intellectual level, but it may also spread out the range of scores by adding points to the IQs of the library users, who are likely to have been at the upper end of the distribution to begin with. The literature on such « aptitude-treatment interactions » is large and complex. For example, providing computer assistance to a group of elementary school children learning arithmetic increased the gap between good and bad students; a similar effect was observed when computers were used to teach reading; the educational television program, « Sesame Street » increased the gap in academic performances between children from high- and low-status homes. These results do not mean that such interventions are useless for the students at the bottom, but one must be careful to understand what is and is not being improved: The performance of those at the bottom might improve, but they could end up even further behind their brighter classmates.
Et puis, quant à la mobilité sociale… l’idée que l’éducation favorise cette mobilité, c’est faux. Ce n’est pas le facteur sous-jacent qui implique cette mobilité. Jetez un oeil sur « The g Factor« . Pages 468-472.
Sur l’échec systématiques des interventions éducatives, lisez les pages 333-344. Et si vous possédez The Bell Curve, lisez les pages 394-409, plus les 3 dernières pages de l’Appendix 3.
Une proposition intéressante de réforme pour l’université: http://blog.francetvinfo.fr/classe-eco/2017/10/30/universites-et-si-les-etudiants-payaient-plus.html