Un immense débat fait présentement rage entre les économistes à propos de l’impact des plans d’austérité. D’un côté, certains prétendent que le rétablissement de l’équilibre budgétaire sera bon pour les économies concernées et contribuera à les remettre sur pieds. De l’autre côté, les keynésiens affirment que ceux-ci amplifieront la récession et ne feront qu’empirer les choses.
Je pense qu’il y a énormément de confusion dans ce débat. En fait, les deux camps ont tort, dépendamment de l’horizon observé et du contenu des plans d’austérité.
À cet égard, l’augmentation des taxes et impôts n’est certainement pas une bonne chose pour l’économie, tant à court qu’à long terme. Les plans d’austérité axés sur la taxation sont donc voués à l’échec.
Puis, il y a les réductions de dépense. Est-ce que couper aveuglement dans les dépenses de soins de santé, d’éducation et de services sociaux permet vraiment d’améliorer la situation économique d’un pays? J’en doute fort. En revanche, réduire la bureaucratie, amenuiser la règlementation et privatiser les entreprises d’État peut avoir des impacts très positifs à moyen et long terme.
Cela ne va pas sans rappeler l’étude réalisée en 2009 par deux économistes de l’université Harvard, laquelle analysait 107 réformes fiscales réalisées dans 21 pays de l’OCDE sur une période de 37 ans. Leurs résultats montrent que les réformes qui ont été axées sur la réduction des dépenses ont connu plus de succès que celles axées sur les hausses de taxation.
En ce qui concerne les PIGS, ce qu’on remarque est que ces pays ont de graves problèmes structurels. Leurs économies sont paralysées par l’interventionnisme étatique, la règlementation et la bureaucratie. La fonction publique est trop massive et corrompue. La compétitivité de ces pays est médiocre. Conséquemment, les plans d’austérité qui ne proposent pas de réformes structurelles libérales n’ont selon moi aucune chance de mener les PIGS vers une solution viable.
À ce sujet, je trouve le plan de Mario Monti, le nouveau chef d’État de l’Italie, bien intéressant.
C’est le 29 juillet 2010 que fut adopté le premier plan d’austérité de Berlusconi, totalisant 25 milliards d’euros. Celui-ci prévoyait le gel de trois ans des salaires des fonctionnaires, une baisse de 10% des budgets des ministères et le renforcement de la lutte contre l’évasion fiscale. Ces mesures portaient sur les années 2011 et 2012.
Voyant le taux d’intérêt sur sa dette augmenter significativement à l’été 2011, le gouvernement Italien se devait de réagir de façon plus ponctuée alors que la dette de l’Italie atteint 120 % de son PIB. Le second plan d’austérité Italien se chiffrait à 47 milliards d’euros et fut adopté le 30 juin 2011. Cette réduction du déficit devait se matérialiser entre 2011 et 2014. Ce plan prolongeait le gel des salaires et des embauches de fonctionnaires et réduisait les budgets des collectivités locales, de la santé, ainsi que le train de vie des ministres. On parla entre autres d’un « ticket forfaitaire » pour certaines prestations médicales, d’une taxe de 0.05% sur les transactions financières ainsi que d’une hausse d’un point de la TVA à 21%.
Puis, à l’automne, Berlusconi cède sa place à une nouvelle administration technocratique menée par Mario Monti. Alors que les plans d’austérités observés jusqu’à maintenant en Europe consistent essentiellement à augmenter les taxes et impôts, nuisant grandement à l’économie, puis à couper dans les dépenses, causant beaucoup de soucis aux plus démunis, Monti arrive avec une approche différente. Il est conscient que l’économie Italienne (voire Européenne) est paralysée par la bureaucratie, la règlementation et l’interventionnisme étatique. Il entreprend donc de réformer cet aspect, lequel est beaucoup plus important que de réduire le budget de la santé.
Ainsi, le 22 décembre 2011, le Sénat Italien a définitivement adopté le plan d’austérité du gouvernement de Mario Monti. Ce plan a été adopté par une écrasante majorité de 257 voix, tandis que 41 sénateurs ont voté contre, lors d’un vote de confiance sur le même texte que celui approuvé auparavant par les députés.
Ce plan durcit le régime des retraites et prévoit de nombreuses hausses d’impôts, en particulier sur les biens immobiliers et autres capitaux cachés au fisc, ainsi que sur les produits de luxe. S’ajoutant aux deux cures d’austérité décrites précédemment, ce nouveau plan de 20 milliards d’euros devrait permettre à l’Italie d’atteindre l’équilibre budgétaire en 2013.
Au chapitre des économies, les régions et établissements publics devront sauver 5 milliards d’euros en 2012. La santé et la prévoyance sociale couperont de 2.5 milliards. Les conseils départementaux seront supprimés, les conseillers régionaux réduits en nombre, ce qui réduira la bureaucratie.
L’âge minimum de départ à la retraite des femmes dans le secteur privé va passer de 60 à 62 ans en 2012 et même 66 ans en 2018, comme pour les hommes. Le calcul du montant des retraites ne se fera plus sur les derniers salaires perçus mais sur l’ensemble de la carrière.
Mais ce qui est encore plus important que de réduire les dépenses est la réforme structurelle proposée par Monti. Cette réforme vise en premier lieu les corporations dont la « sur‑réglementation » empêche le développement et maintient les prix élevés. Elle porte aussi sur l’ouverture à la concurrence des services d’État ou proches de l’État. Mario Monti veut libéraliser touts azimuts. Transports publics, taxis, pharmacies, distribution d’essence et de gaz naturel, avocats, notaires, services postaux, etc. Toutes les professions réglementées sont concernées.
Le gouvernement va aussi simplifier les procédures administratives. Une nouvelle forme d’entreprise fut créée pour les jeunes de moins de 35 ans : la société simplifiée à responsabilité limitée. Il suffira de verser un euro dans le capital et il n’y aura plus besoin d’aller chez un notaire. Par ailleurs, depuis le 1er janvier, les commerces ont obtenu une totale liberté d’ouverture sept jours sur sept, vingt-quatre heures sur vingt-quatre.
Les réformes ont également pour objectif de créer plus de flexibilité et d’égalité sur le marché du travail. En Italie, certains salariés sont particulièrement protégés tandis que d’autres travaillent dans des conditions précaires. Monti veut réformer le marché du travail pour aller vers une « flexisécurité » inspirée du modèle danois, où le taux de chômage est très bas.
Malgré les protestations de la part de ceux qui perdront des privilèges dans ces réformes, les sondages montrent que la population soutient M. Monti. Il le faut, car ce plan prendra plusieurs années avant de porter ses fruits. Par ailleurs, le marché obligataire a récompensé le plan Monti, faisant chuter le coût d’emprunt du pays de plus de 1% depuis l’annonce.
Voici un résumé des changements:
Taxis : l’autorité de régulation des transports sera dorénavant chargée d’attribuer les licences à la place des communes. Les numerus clausus vont être relevés et une compensation financière sera versée aux taxis déjà en circulation.
Pharmacies : la limitation à une officine pour 3.000 habitants va disparaître pour permettre l’ouverture de 5.000 nouvelles enseignes. Les pharmaciens seront libres de fixer leurs horaires d’ouverture, leurs tours de garde et leurs promotions tarifaires. Les médecins auront l’obligation de prescrire les médicaments génériques.
Notaires et avocats : l’encadrement des honoraires va être aboli, sauf pour les procédures de liquidation judiciaire et pour celles qui concernent les rapports avec l’administration. Les étudiants des professions libérales auront la possibilité d’exercer dès leurs deux dernières années de formation.
Stations essence : dans un contexte de flambée des prix des carburants (1,674 euro le litre en moyenne, contre 1,491 en France), il sera mis fin, au 1er juillet, aux contrats d’exclusivité liant les compagnies pétrolières aux distributeurs, lorsque ces derniers sont propriétaires de leur installation, et ce pour la partie excédant 50 % de la fourniture.
Assurance-auto : beaucoup plus chères qu’en France, les polices d’assurance-automobile devront faire l’objet d’une mise en concurrence systématique de la part des intermédiaires. Quand un particulier installe une boîte noire dans sa voiture, l’assureur devra désormais en assumer le coût et accorder une ristourne sur la prime annuelle.
Énergie : pour faire baisser la facture énergétique des Italiens, le réseau national de distribution de gaz Snam sortira d’ici 2014 du giron du pétrolier ENI. Les tarifs fixés par le régulateur diminueront dès cette année pour les ménages à bas revenus.
Presse : les magasins qui vendent journaux et périodiques (à l’exclusion des kiosques) n’auront plus de surface minimale à respecter. Les aides d’Etat aux distributeurs seront en fonction de l’activité de chaque point de vente.
Création d’entreprise : pour les moins de 35 ans, il suffira maintenant de 1 euro pour créer une société simplifiée à responsabilité limitée.
Il sera intéressant de suivre l’évolution de l’Italie sous Mario Monti afin de voir si ce pays réussira à mieux s’en sortir.
http://www.arte.tv/fr/6346546,CmC=6349088.html
https://www.contrepoints.org/2012/01/28/66759-le-plan-italien-de-mario-monti-un-modele
http://www.ft.com/intl/cms/s/0/b13df170-4392-11e1-adda-00144feab49a.html#axzz1liGB5f5l
http://www.france24.com/fr/20120121-rome-adopte-vaste-plan-liberalisation-relancer-croissance-monti
Réduire les dépenses de l’Etat… certes, mais un sujet semble tabou, celui des réductions des dépenses militaires…
Une question à laquelle je n’ai pas de réponse; en cas de faillite d’un Etat, pays, à qui appartiennent leurs ressources économiques ? Qui sont véritablement les créanciers et comment se remboursent-ils ?
@Bull
« mais un sujet semble tabou, celui des réductions des dépenses militaires… »
Tout à fait, ce serait ma première cible !
« en cas de faillite d’un Etat, pays, à qui appartiennent leurs ressources économiques ? »
Rien ne change.
« Qui sont véritablement les créanciers et comment se remboursent-ils ? »
En cas de faillite, les créanciers se retrouvent avec 0. Ils ne sont pas remboursés.
@ Minarchiste
Les réformes proposées vont dans le bon sens, mais me semblent bien « marginales » et donc leur effet ne peut être que limité (du moins si il n’y a pas d’autres réformes importantes que celles que tu as listées). Je vois certains « assouplissements », mais je vois peu de libéralisations véritables.
Et surtout tu parles de « volonté » de rendre le amrché du travail plus flexible, mais tu ne listes aucune mesure concrète. N’y en a-t-il pas, ou ne les as tu simplement pas listées?
Si je prends l’exemple de la France, les principales causes du chômage sont le montant particulièrement élevé des charges sociales (qui font que le coût de la main d’oeuvre est un des plus élevé au monde), le SMIC, le niveau élevé des taxes et impôts pesant sur les entreprises, la rigidité du code du travail et la « générosité » des aides sociales envers les chômeurs qui fait qu’il est plus intéressant financièrement de rester au chômage plutôt que d’avoir un emploi payé au SMIC. Si les causes du chômage en Italie sont plus ou moins les mêmes qu’en France, je ne vois aucune mesure concrète tentant d’y remedier.
Enfin, une vraie libéralisation, c’est quand on diminue le PÉRIMÈTRE de l’intervention de l’État, pas quand on se contente de diminuer le budget de tel ou tel ministère. Mais bon, c’est mieux que rien.
@Matéo
En effet, les réformes sont limitées pour le moment. Mais c’est mieux que rien.
Cependant, concernant le marché du travail, l’adoption de la flexisécurité comme au Danemark aurait un impact majeur.
Justement, je n’ai vu aucune mesure concernant la « flexisécurité » dans la liste que tu donnes. D’où ma question: est-ce une simple « volonté » de la part de Monti, c’est-à-dire des paroles en l’air jusqu’à preuve du contraire, ou y’a-t-il des mesures concrètes allant dans ce sens?
« Si je prends l’exemple de la France, les principales causes du chômage sont le montant particulièrement élevé des charges sociales (qui font que le coût de la main d’oeuvre est un des plus élevé au monde), le SMIC, le niveau élevé des taxes et impôts pesant sur les entreprises, la rigidité du code du travail et la “générosité” des aides sociales envers les chômeurs qui fait qu’il est plus intéressant financièrement de rester au chômage plutôt que d’avoir un emploi payé au SMIC. »
Bonjour, je cherche des références qui expliqueraient en quoi ces faits sont la cause du chômage en France. Par avance, merci !
Pourquoi y a-t-il du chômage? Partie 1
Pourquoi y a-t-il du chômage? Partie 2
Pourquoi y a-t-il du chômage? Partie 3.
Pourquoi y a-t-il du chômage? Partie 4.
Dans ma section l’Essentiel, les liens y sont.
@Matéo
Tu as mal lu, j’en parle dans l’article:
« Monti veut réformer le marché du travail pour aller vers une “flexisécurité” inspirée du modèle danois, où le taux de chômage est très bas. »
Mais je n’ai pas plus de détails.
Décidemment, j’ai du mal à me faire comprendre 😀
Si si, j’avais très bien lu: « Monti VEUT réformer le marché du travail pour aller vers une “flexisécurité” […] », d’où ma question précédente: « est-ce une simple “volonté” de la part de Monti, c’est-à-dire des paroles en l’air jusqu’à preuve du contraire, ou y’a-t-il des mesures concrètes allant dans ce sens? ». Tout est dans la différence est dans le « VEUT réformer le marché du travail » par opposition à « A réformé le marché du travail ».
Bien souvent les politiciens « veulent » plein de choses, mais ne font rien de significatif…
Et je disais que je ne voyais aucune mesure concrète, car dans celle que tu listes, c’est-à-dire celles qui apparaissent en gras dans ton texte (« Taxis « , « Pharmacies » etc.) aucune ne concerne la flexisécurité.
Mais au final je crois avoir ma réponse: « je n’ai pas plus de détails ». Merci 😉
@ Minarchiste
J’ai peur de comprendre… Ceux qui détienne une obligation d’Etat se retrouve avec patate en cas de faillite de l’Etat, c’est ce que vous dites n’est ce pas ?
Les principaux créanciers ou détenteurs d’obligations sont les banques. Tous ces plans d’austérité ne viseraient-ils qu’à sauver le système bancaire mondial ? Qui détient encore de la dette, celle de la Grèce par exemple ?
Par ailleurs, soyez indulgent avec mon peu de connaissance ou si je dis une stupidité mais, en cas de faillite d’un Etat, les créanciers ne pourraient-ils pas se rembourser en exploitant ou en vendant les ressources d’un pays ?
Je pense principalement aux ressources publiques (gaz, pétrole, eau etc)…
Par ailleurs, que deviennent les fonctionnaires, les retraités, les chômeurs, toutes ces ressources humaines payées par l’Etat ?
« J’ai peur de comprendre… Ceux qui détienne une obligation d’Etat se retrouve avec patate en cas de faillite de l’Etat, c’est ce que vous dites n’est ce pas ?
Les principaux créanciers ou détenteurs d’obligations sont les banques. Tous ces plans d’austérité ne viseraient-ils qu’à sauver le système bancaire mondial ? Qui détient encore de la dette, celle de la Grèce par exemple ? »
Oui. Lorsque la France par exemple pousse pour « sauver » la Grèce, c’est aussi et surtout parce-que les banques françaises sont gavées de bons du trésor grec.
« Par ailleurs, soyez indulgent avec mon peu de connaissance ou si je dis une stupidité mais, en cas de faillite d’un Etat, les créanciers ne pourraient-ils pas se rembourser en exploitant ou en vendant les ressources d’un pays ? »
Les créanciers ne peuvent vendre que ce qu’ils possèdent. Si vous êtes surendetté, vous essaierez de vendre ce que vous possédez, mais évidemment vous vous appauvrirez au passage. C’est la même chose pour les créanciers. Mais créanciers et leurs amis politiciens feront tout pour refiler la facture à quelqu’un d’autre, ie les citoyens (par l’intermédiaire des « sauvetages », qui se traduisent par plus d’impôts et/ou par la monétisation, ce qui revient au même au final, la monnaie perdant de sa valeur).
« Par ailleurs, que deviennent les fonctionnaires, les retraités, les chômeurs, toutes ces ressources humaines payées par l’Etat ? »
Ils ne seront pas payés, et/ou payés en monnaie de singe (impression de monnaie, ce qui conduit à la perte de sa valeur).
Dites merci à nos gouvernants qui ont poursuivi leur gabégie pendant des années, en bouclant des budgets déficitaires année après année, pour financer leurs mesures démagogiques et acheter des voix.
@Bull
« les créanciers ne pourraient-ils pas se rembourser en exploitant ou en vendant les ressources d’un pays ? »
Non. Les obligations d’États ne sont pas comme des hypothèques sur les ressources d’un pays. Ce sont des prêts sans recours.
@ Minarchiste et Mateo
Merci pour vos précisions.
@Bull,minarchiste:
Contrairement à ce que vous avez répondu, la plupart des défauts souverains sont des défauts partiels. Les états qui font défaut cherchent en général à montrer qu’ils font de leur mieux.
Le créancier n’a pas les moyens de faire valoir ses droits puisque c’est précisément l’état qui serait chargé de le faire.
Parfois, certains avoirs sont saisis à l’étranger par les créanciers étrangers. En France, il y a eu des tentatives de saisie au moment du défaut russe de 1998. Si on remonte au début du siècle, certains états se permettaient de déclarer la guerre pour faire payer des états récalcitrants (cette belle époque où on ne plaisantait pas non plus avec l’étalon-or).
@Fred
Un défaut partiel ça n’existe pas. Il y défaut ou il n’y a pas défaut.
Ceci dit, il est vrai que le pays en défaut tentera de faire ce qu’il peut pour préserver sa capacité d’emprunt future, mais il n’a aucune obligation de le faire.
Roberto Lavagna : au service du peuple et non des banques
http://www.liberation.fr/c/01012390907-c
@Minarchiste
Que pensez-vous de cette idée:
Pour un État, s’engager ou non dans un déficit devrait être une décision FINANCIÈRE. Accumuler une dette publique est justifié si la dépense publique provoquant le déficit procure une croissance de l’économie (PIB). Quand la croissance est au rendez-vous, la taille de la dette (ratio dette/PIB) se réduit au fur et à mesure que l’économie croît. Mais l’investissement public ne produit pas toujours les résultats attendus (mauvaise gestion, corruption, contexte défavorable, etc.). Lorsque l’économie cesse de croître, le déficit n’est plus justifié.