Les salaires horaires réels :
Cette semaine, j’assistais à la conférence annuelle pour investisseurs institutionnels de la CIBC à Montréal. J’ai pu assister à une présentation de leur économiste, Avery Shenfeld, qui montrait un graphique très intéressant. Ce dernier illustre que, contrairement aux récessions de 1974, 1982 et 1991, les salaires horaires moyens réels n’ont pas vraiment baissé durant la récession de 2008. Le coût de la main d’oeuvre demeurant élevé, il n’est pas surprenant de voir l’emploi aussi déprimé aux États-Unis.
La résistance à la baisse des salaires est certainement un facteur à considérer. En 1982, lorsque l’inflation était de 12%, une hausse de salaire nominale de 2% équivalait à une baisse de salaire réel de 10%. L’employé avait l’illusion d’avoir eu une augmentation, mais c’était un mirage. Cependant, en 2009-2011, l’inflation a été très basse. Donc pour obtenir une baisse réelle des salaires, il aurait fallu une baisse nominale, ce qui est très difficile à mettre en place, surtout lorsque dans un contexte où le gouvernement Fédéral a haussé le salaire minimum de plus de 40% depuis 2007.
Ce fut aussi une principale cause de la Grande Dépression des années 1930s. Hoover et Roosevelt ont mis en place des contrôles de prix et des gels de salaires. Ceux-ci ne pouvaient donc pas baisser ce qui envoyé le taux de chômage dans la stratosphère.
Le « job plan » d’Obama :
Faisant face à une élection en 2012, le Président Obama ne pouvait se permettre de voir l’économie retomber en récession. Il a donc mis en place un plan de relance, qu’il a nommé « plan pour l’emploi », mais c’est bel et bien un plan de relance. Ce plan fait en sorte de retarder certaines mesures d’ajustement fiscal qui seraient survenues en 2012. Qu’arrivera-t-il en 2013? L’économiste Avery Shenfeld estime que si l’on additionne l’impact de l’accord sur le plafond d’endettement, l’expiration des coupures d’impôts et la fin des stimuli fiscaux, l’impact sur le PIB sera de -6% en 2013! Cela veut dire que la consommation, l’investissement et le commerce international devront croître fortement pour éviter la récession. En fait, ces nouvelles mesures ne feront que prolonger d’avantage le marasme économique que nous connaissons.
La Fed danse le Twist!:
La Fed va vendre pour $400 milliards de bonds du Trésor à court terme et acheter des bons à long terme (10 à 30 ans) pour faire baisser les taux à plus long terme. Ensuite, elle va utiliser les paiements reçus des titres adossés à des créances hypothécaires (MBS) pour racheter d’autres MBS sur le marché dans le but de faire baisser les taux hypothécaires et stimuler le marché immobilier. La Fed espère notamment que les gens vont refinancer leur hypothèque et utiliser l’argent (hausse du prêts et économies d’intérêt) pour dépenser. La manoeuvre n’injecte pas de nouvelle monnaie dans le système, mais elle empêche la « destruction » de monnaie qui serait survenue au remboursement des T-bills court terme et des MBS.
Je ne pense pas que cette manoeuvre puisse avoir quelque impact positif que ce soit sur l’économie. L’économie va poursuivre son désendettement, peu importe la structure des taux d’intérêt. Ce genre de manoeuvre ne fait que retarder les ajustements nécessaires et prolonger le marasme économique.
Si l’Allemagne quitte la Zone Euro :
Si on écoute les keynésiens / mercantilistes de ce monde, s’il fallait que l’Allemagne quitte la Zone Euro, sa devise s’apprécierait fortement, ce qui nuirait à ses exportations et minerait l’économie. Je suis en désaccord. Évidemment, il y aurait un impact négatif à court terme, comme pour n’importe quel scénario touchant le sort de la Zone Euro. Mais à long terme, je ne crois pas que ce serait une catastrophe.
1) Certains biens exportés par l’Allemagne ne seront pas remplacés par des substituts même si leur prix augmentait en devises étrangères car la demande pour certains biens est moins ou pas élastique (pensez aux produits pharmaceutiques, aux voitures de luxe et à certains biens de haute technologie).
2) Comme presque tous les pays, l’Allemagne consomme beaucoup de produits importés. Une appréciation de devise augmenterait le pouvoir d’achat de 100% de la population Allemande. Les gens auraient plus de revenu disponible pour acheter d’autres biens, dont certains sont produits en Allemagne, ce qui amortirait l’impact de la baisse des exportations.
3) L’Allemagne produit des voitures et des biens industriels, mais elle ne produit pas beaucoup de ressources (acier, nickel, zinc, cuivre, métaux rares, pétrole, gaz naturel) qui entrent dans leur fabrication. Une appréciation de la devise viendrait donc faire grandement baisser les coûts des intrants de production et amortir l’impact.
4) Qu’arriverait-il aux taux d’intérêt en Allemagne dans un tel scénario? Ils baisseraient. Donc les coûts de financement des entreprises Allemagne diminueraient, ce qui amortirait aussi l’impact de la baisse des exportations.
5) Les entreprises Allemandes pourraient utiliser leur devise appréciée pour faire des acquisitions à l’étranger. Le rapatriement des profits viendrait gonfler les recettes fiscales de l’État, ce qui améliorerait encore plus sa flexibilité budgétaire, si bien qu’il pourrait peut-être même diminuer les impôts des entreprises, ce qui viendrait aussi amortir le choc de la devise.
Pour moi il ne fait aucun doute que ce scénario est le meilleur pour le peuple Allemand, et c’est d’ailleurs ce que la population souhaite. Il faudra voir si les politiciens respecteront les désirs du peuple. N’est-ce pas cela la démocratie? Est-ce que les keynésiens/gauchistes sont prêts (encore) à cracher sur la démocratie pour arriver à leurs fins? Je n’en serais pas surpris…
Comment je sais que tout cela se produira ainsi? Parce que le Canada est passé par là! Notre devise est passée de $0.65/USD à plus de $1.00/USD. Je vous invite à faire une moyenne des principaux indicateurs économiques du Canada et du Québec pendant la période où notre taux de change était inférieur à $0.70 et à les comparer à ceux de l’ère $0.95-$1.05. Quel Canada/Québec préférez-vous? Moi je choisi le second sans hésiter! L’Allemagne devrait faire de même.
N’est-il pas permis de penser que ‘la Fed danse le twist’ soit une réponse naturelle à ‘les salaires horaires réels’, lorsque l’inflation n’a jamais été aussi basse depuis 50 ans?
Encore un qui confond inflation et hausse des prix mesurés…
@Mateo: Désolé, inflation a pris le sens d’augmentation des prix. Vous pouvez le déplorer, mais c’est comme çà. http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/inflation
Et se quereller sur les mots ne change rien au problème: pourquoi ne pas faire augmenter le niveau général des prix pour résoudre le problème de salaires réels élevés, sachant ce niveau général des prix est en-dessous de ce qu’il aurait été sans la crise.
@Fred
Parce que ce faisant, nous créerons une grosse distorsion dans l’économie, car les prix n’augmenteront pas tous de la même manière face à l’inflation.
C’est pas comme si la crise actuelle encore plus de distorsions, en expulsant les gens de maisons qui ne seront pas pour autant louées ou achetées par la suite. Ceci dit, c’est vrai que la Fed pourrait se contenter d’acheter des titres d’état, et que ce n’est pas vraiment son boulot de s’occuper du marché immobilier.
Question: est-ce que laisser les prix augmenter crée une distorsion supplémentaire ou corrige une distorsion existante? C’est loin d’être évident…
Rien ne prouve que les prix actuels soient optimaux. De fait plusieurs prix sont contrôlés soit totalement soit partiellement par les gouvernements, les monopoles, les joueurs dominants…
Alors laisser les prix augmenter n’est-il pas un moyen d’enlever de la rigidité aux prix, de les laisser s’ajuster?
Je pose la question, je n’ai pas de réponse…
@JP
« est-ce que laisser les prix augmenter crée une distorsion supplémentaire ou corrige une distorsion existante? »
L’augmentation des prix résulte de la création de monnaie. C’est ce qui crée les distorsions. Je ne vois pas en quoi cela corrigerait une situation sous-optimale.
Les prix dictés par un libre-marchés sont les plus près de l’optimum. Oui, les gouvernements manipulent certains prix, mais il n’y a aucune raison pour que la création de monnaie ex nihilo puisse corriger ces prix et les ramener plus près de l’optimum, au contraire.
Que pensez-vous de la réunification allemande ?
Je pose la question parce que le coût économique a été faramineux pour l’Allemagne de l’Ouest, pourtant c’était un projet politique qui en valait le « coût » justement.
Avec l’euro, la zone euro, le projet européen, c’est à peu près la même chose je pense.
Le problème c’est plus la politique, les États, que l’euro, non ? Bien que les derniers événements à la BCE soient très inquiétants.
Que pensez-vous de ce « plan secret » ?
http://www.lemonde.fr/economie/article/2011/09/28/eureca-le-plan-secret-pour-venir-en-aide-a-la-grece_1579219_3234.html#ens_id=1268560
Si la question de la réunification vous intéresse :
http://www.thefreemanonline.org/columns/pains-of-the-german-unification/
@minarchiste:
Autant pour moi. J’avais mal lu votre rubrique « Fed danse le twist », que j’avais compris dans un premier temps comme une critique du volume du bilan de la Fed alors qu’il s’agissait d’une critique du contenu de ce bilan. Et là je suis d’accord: la Fed doit acheter prioritairement des titres sûrs, c’est-à-dire des titres d’état à court terme.