Les économistes commencent de plus en plus à parler d’inflation croissante aux États-Unis. En effet, l’indice des prix à la consommation (CPI) est en pleine accélération, propulsé notamment par le prix de l’essence et par les prix de la nourriture. Ces hausses de prix ont même été transmises à travers l’ensemble des prix à la consommation puisque le CPI excluant la nourriture et l’énergie (le fameux core-CPI) est aussi en accélération.
Alors, sommes-nous à l’aube d’une spirale inflationniste? Je ne crois pas que ce soit le cas, du moins pas encore. La réalité est qu’un pic du prix des commodités ne peut avoir, à lui seul, comme impact de démarrer une spirale inflationniste, comme le démontre le graphique ci-bas présenté par Paul Krugman (il lui arrive de dire des choses sensées parfois!). Le graphique du haut illustre un scénario de hausse des prix des ressources alors que le graphique du bas montre l’impact sur la croissance des prix. On voit que l’impact n’est que temporaire.
Par ailleurs, les prix des ressources ont baissé significativement ces dernières semaines (le pétrole est en baisse de plus de 15% en mai, alors que le cuivre perd 8.5%). Le dollar américain reprend du mieux présentement ce qui allègera le fardeau quant aux importations (surtout en ce qui a trait à l’essence). L’impact sur le taux de croissance des prix sera donc limité.
Mais verrons de l’inflation élevée dans le futur? Ce que les économistes de l’école autrichienne vous diront est que l’inflation est un phénomène monétaire. C’est donc là qu’il faut regarder. La base monétaire a recommencé à croître fortement, dépassant les 20% par rapport à l’an passé, grâce au second programme de Quantitative Easing. Y en aura-t-il un troisième? C’est difficile à estimer pour le moment. Espérons que non…
Ce graphique montre le taux de croissance de la base monétaire. On peut voir qu’il a accéléré avec QE2.
Mais cette nouvelle monnaie n’est pas nécessairement injectée dans l’économie; elle ne fait que gonfler les réserves excédentaires des banques commerciales. Autrement dit, l’argent demeure dans les comptes des banques à la Federal Reserve. Ce graphique montre le niveau des réserves excéentaires des banques.
Ceci étant dit, le crédit commence à se désengorger. Le crédit à la consommation est en hausse depuis quelques mois. La hausse provient de prêts étudiants et de prêts autos. Les créances hypothécaires et les balance de cartes de crédit continuent de baisser. La ligne bleue de ce graphique montre le crédit à la consommation (incluant les hypothèques résidentielles) qui commence à remonter.
Du côté des prêts aux entreprises, ceux-ci sont aussi en accélération (voir graphique ci-bas). Les entreprises utilisent la dette abordable pour financer leurs investissements et pour faire des acquisitions.
D’ailleurs, le désir des banques d’octroyer du crédit n’a pas été aussi fort depuis longtemps. Plus l’indice illustré par ce graphique est élevé, plus les banques sont agressives dans leurs politiques de prêts (c’est-à-dire qu’elles sont prêtes à prendre plus de risque pour favoriser les volumes d’affaires).
Puis, il y a évidemment le gouvernement fédéral qui emprunte abondamment pour financer ses dépenses gargantuesques. Pour financer ses déficit, le gouvernement émet des titres de dettes achetés par la Federal Reserve avec de la nouvelle monnaie, ce qui contribue fortement à faire gonfler M2.
Les gens n’empruntent pas vraiment pour financer leurs dépenses, mais ils dépensent les transferts fédéraux élevés qu’ils reçoivent présentement (représentant maintenant plus de 20% du revenu disponible en moyenne, un sommet). Autrement dit, le gouvernement emprunte de la nouvelle monnaie, la met dans les poches de la population qui s’empresse de le dépenser. Ainsi, les ventes aux détail sont en hausse de +7.6% sur un an.
Conséquemment, la masse monétaire (M2) voit présentement sa croissance s’accélérer; elle a d’ailleurs atteint +5% en avril. Cette accélération n’est certainement pas étrangère à l’accélération de la croissance du CPI observée récemment.
Par ailleurs, la masse monétaire est en forte croissance dans les pays émergents, qui produisent beaucoup de biens importés aux États-Unis. Voici les mesures les plus récentes de croissance annuelle de la masse monétaire (M2):
Inde +18.6%
Chine +16.6%
Indonésie +15.3%
Brésil +14.8%
Mexique +12.8%
États-Unis +5.0%
Cela est le résultat indirect des actions de la Federal Reserve parce que plusieurs pays créent de la monnaie ex nihilo de façon à maintenir le taux de change de leur devise stable par rapport au dollar US. Donc quand la Fed dévalue sa devise par le Quantitative Easing, ces pays doivent faire de même. Cependant, contrairement aux États-Unis, les ménages de ces pays ne sont pas surendettés. Ils profitent donc de la création monétaire pour augmenter leur endettement. Ainsi, la croissance de la masse monétaire de ces pays est inflationniste et engendre un boum économique. Cette activité économique artificiellement élevée met de la pression à la hausse sur les prix des ressources; c’est ce que nous avons observé ces derniers mois. C’est pourquoi plusieurs observateurs (moi inclus) relient le « quantitative easing » de la Federal Reserve avec le pic du prix des ressources observé récemment.
La forte inflation observée dans ces pays met aussi de la pression à la hausse sur les salaires, qui augmentent drastiquement. Selon Li & Fung Ltd., les salaires vont augmenter de +80% en Chine au cours des 5 prochaines années. Les prix des biens importés de ces pays vont donc continuer d’augmenter fortement.
En somme, l’inflation élevée sévira bientôt aux États-Unis, mais ce n’est pas pour les prochains mois. Les salaires sont contraints par un taux de chômage élevé (voir premier graphique ci-bas). Les consommateurs américains ont encore un bon bout de chemin à faire au niveau du remboursement de leurs dettes (voir second graphique ci-bas), ce qui est déflationniste. Les banques ont encore beaucoup de mauvaises créances à radier. Les dépenses du gouvernement sont présentement en fort ralentissement (voir troisième graphique ci-bas). La Chine continue de resserrer le crédit pour contrer sa bulle immobilière, tout comme d’autres pays émergents. Le prix élevé du pétrole refroidi la croissance mondiale. Les prix des ressources sont en forte baisse depuis quelques semaines et le dollar américain reprend du mieux. Dans les circonstances, je pense qu’à court et moyen terme, la montagne de nouvelle monnaie de base créée par la Federal Reserve ne sera pas massivement injectée dans l’économie. Donc, les pressions inflationnistes demeureront limitées d’ici la fin de l’année. Mais à plus long terme les choses pourraient bien être fort différentes.
À suivre…
L’inflation des matières premières ne vient-elle pas en partie de la politique de la Chine, qui a pratiqué une véritable relance monétaire pour éviter la crise, en desserrant considérablement le crédit, et qui essaie aujourd’hui d’éteindre l’incendie?
@Vladimir
Absolument.
La création de monnaie chinoise vise à la fois à maintenir le taux de change du yuan avec le dollar ainsi qu’à stimuler l’économie.
L’économie n’est pas mon secteur,mais mon feeling a la lecture de ces articles est que :
Ce jeu de création monétaire par de grands pays a l’énorme échelle mondiale actuelle semble une première dans l’histoire contemporaine,vu les chiffres ..
Cela ressemble a une inflation a retardement, non souhaitée, mais causée par la tricherie légalisée des états émettant plus de monnaie et de dettes que leur bilan ne peut justifier.
les USA mèneront ce jeu de monopoli jusqu’au moment des états tels que la chine auront les moyens de délaisser le dollar..cela peut prendre du temps..
Ou seront dans 10 ans le dollar,l’or,le pétrole,les ressources essentielles ?
Quelle monnaie pourrait prendre la relève?
Y aura -t-il une crise de confiance généralisée ?
Il n’y a pas de réponse ,d’où l’intérêt d’y songer..