L’une des grandes inquiétudes des groupes environnementalistes et de la gauche consiste à ce que les humains seraient en train d’épuiser les ressources naturelles de la terre. Les thèses malthusiennes abondent dans les médias et la population y croit. Selon eux, nous manquerons de pétrole, de gaz naturel, de métaux, d’eau potable, d’arbres, de potasse et de terres arables.
Malthus croyait que la terre n’avait pas suffisamment de ressources naturelles pour supporter plus de 1 milliard d’individus. Suite à ses travaux, plusieurs politiciens ont milité en faveur de politiques malthusiennes prescrivant des restrictions sur la croissance démographique. L’erreur de Malthus a été de grandement sous-estimer le développement technologique et la capacité d’adaptation d’une économie libre. Malgré l’absurdité des théories malthusiennes, on entend encore aujourd’hui le même genre d’argument justifiant des réductions de la population.
Est-ce que ces craintes sont fondées? Dans un monde véritablement libéral ce ne serait pas le cas, mais dans nos économies socialisées, il y a de bonne raisons d’être inquiet. Pourquoi? Parce que les gouvernements sont propriétaires de la plupart de ces ressources naturelles! Certains me diront alors que je suis fou et que cela n’a aucun sens; parce que les gouvernements désintéressés sont en bien meilleure position que les vilains capitalistes pour conserver les ressources naturelles pour les générations futures. Rien de plus faux!
Par exemple, les ressources minérales (pétrole, gaz, métaux, potasse) présentent dans le sous-sol au Canada appartient en grande majorité aux gouvernements. Les gouvernements louent des droits d’exploitation aux entreprises désirant y faire de l’exploration et une fois la production entamée, ces gouvernements perçoivent de juteuses royautés. Cependant, ces entreprises qui louent les droits d’exploitation de ces terrains doivent se dépêcher de démarrer la production avant l’expiration du bail, sinon elles le perdront! Le gouvernement force donc ces entreprises à produire même si le prix ne le justifie pas, engendrant parfois des surplus (voir le marché nord-américain du gaz naturel en 2010). Ces surplus font baisser les prix encore plus, ce qui stimule la consommation et le gaspillage de la ressource.
La même chose s’applique aux ressources forestières au Québec. Les coupes à blanc décriées par Richard Desjardins et sa bande se produisent sur des terres qui appartiennent au gouvernement. Ces producteurs ont tout intérêt à couper le plus possible avant l’expiration de leur bail, peu importe le prix.
Et que dire de l’eau potable? Au Québec, comme dans bien des endroits, le gouvernement est propriétaire de la plupart des lacs et rivières. Quel est son incitatif à protéger ces ressources? Il n’en aucun! Les lacs et rivières devraient être la propriété privée des propriétaires de terrains qui longent les rives. Ces riverains pourraient former des comités visant à déterminer l’utilisation optimale de la ressource et déployer un budget adéquat pour assurer sa protection.
Les gouvernements ont tout intérêt à agir de cette façon; c’est-à-dire à avoir une vision à court terme. Le but des politiciens est de se faire élire aux quatre ans (ou moins!). Pour améliorer leurs chances de se faire réélire ils doivent dépenser. Et pour dépenser le plus possible, il faut le plus de revenus possible, d’où leur intérêt à exproprier la propriété minérale du sous-sol. Les politiciens ont donc un gros incitatif à ce que ces ressources soient exploitées le plus rapidement possible, de façon à s’accaparer le plus de royautés possible; c’est pourquoi les gouvernements incitent les producteurs à produire davantage à court terme, même si le prix du marché ne le justifie pas. Les producteurs ne sont donc pas en position de conserver les ressources jusqu’à ce que le signal de marché (i.e. un prix plus élevé) les incite à produire. Les gouvernements empêchent donc le marché de faire son travail de gardien des ressources naturelles.
Dans une économie libre, plus une ressource se fait rare, plus son prix augmente. Cette augmentation du prix décourage la consommation de cette ressource et favorise la recherche de technologies plus efficientes (i.e. nécessitant une moindre quantité de la ressource en question) ou de substitut à cette ressource. Le prix agit donc tel un gardien des ressources de la terre et fait en sorte que l’utilisation de ces ressources soit la plus efficiente que possible.
Imaginez qu’une mine de cuivre soit mise aux enchères. Les acheteurs potentiels auront différentes anticipations relativement aux prix futurs du cuivre. Certains pourraient croire que le prix du cuivre est élevé et qu’il va chuter par la suite; ceux-ci auront tendance à miser un plus bas prix et à chercher une exploitation rapide de la mine. En revanche, ceux qui croiraient que le prix du cuivre serait plutôt enclin à augmenter miseraient un prix plus élevé et à ne pas exploiter la mine immédiatement, puisqu’ils espéreront retirer plus tard un profit beaucoup plus élevé suite à l’augmentation du prix du cuivre. Selon la loi des enchères c’est le plus offrant qui l’emporte, ce qui, en l’occurrence, signifie que parmi tous les acheteurs potentiels, celui qui aura misé le prix le plus élevé sera aussi celui qui aura tendance à conserver la ressource à long terme. On constate donc que le libre-marché permet à ceux qui valorise le plus les ressources dans une optique à long terme de les acquérir et de réguler leur consommation en maximisant la valeur de la ressource.
Ceci étant dit, ce mécanisme de marché ne fonctionne pas lorsque le gouvernement s’en mêle et exproprie la propriété des ressources naturelles. Alors, suis-je fou ou est-ce que les environnementalistes, s’ils sont vraiment inquiets pour la conservation des ressources, devraient militer en faveur de l’abolition de la propriété des ressources naturelles par le gouvernement? Ces ressources devraient être léguées aux propriétaires légitimes de ces terrains.
À lire absolument si ce n’est pas déjà fait :
Est-ce que le capitalisme implique la destruction de l’environnement?
Elinor Ostrom a reçu le prix Nobel d’économie 2009. Elle soutient que la meilleure manière de gérer une ressource locale est de former un syndicat des riverains. Il faut donc que l’Etat ne s’en occupe pas. Ce syndicat est formé par l’ensemble de ceux qui sont concernés par cette ressource.
Cette idée de Elinor Ostrom est différente de la gestion par le droit de propriété. Mais dans certains cas, il n’est techniquement pas possible de définir un droit de propriété. Ainsi, définir la propriété d’un lac est difficile. A qui appartient l’eau du lac? Définir un droit de propriété sur le lac sera rarement possible.
Parfois les techniques sont disponibles pour définir un droit sur la chose qui est proche d’un droit de propriété sur cette chose. Cette condition technique est nécessaire à l’établissement d’un droit ressemblant beaucoup à un droit de propriété. Lorsque ce droit de propriété est possible, le propriétaire aura un avantage à bien gérer la ressource en qualité et dans la durée.
Ainsi, puisqu’il est possible d’identifier les baleines par un dispositif électronique, chaque baleine pourrait avoir un propriétaire. Et alors, le propriétaire veille sur la position, sur la santé et la prolifération de son troupeau de baleine.
« Alors, suis-je fou ou est-ce que les environnementalistes, s’ils sont vraiment inquiets pour la conservation des ressources, devraient militer en faveur de l’abolition de la propriété des ressources naturelles par le gouvernement? Ces ressources devraient être léguées aux propriétaires légitimes de ces terrains. »
Je généralise probablement, mais les environnementalistes diabolisent tellement la propriété privé et l’individualisme que jamais, au grand jamais ils n’osent aborder la protection de l’environnement sous cet angle.
Les progressistes sont tous sauf progressistes.
Sans vraiment avoir conscience des problématiques que cette idée pourrait causer… Suivre le modèle scandinave au niveau des ressources énergétique, éviterait-il les problèmes énumérés dans cet article ?
Au Québec/Canada/USA on loue un bail ce qui force l’exploitation rapide et des irrégularités dans les prix. Dans les pays scandinaves il n’y a pas de bail. Au contraire, l’État prend part à 51% dans l’exploitation des ressources énergétiques. Ainsi, les profits générés par cette exploitation profitent à l’État (à la population) tout comme à l’entreprise privée (qui apporte l’expertise). De cette manière, on exploite selon la demande, on évite le gaspillage, l’État a plus de revenus et a plus de marge de manœuvre pour baisser les impôts, etc… Bref, c’est comme une subvention à 51% et une taxation à 51%.
Comme on peut le voir, ce modèle scandinave au niveau des ressources énergiques semble fonctionner à merveille. La Norvège par exemple a des surplus budgétaires même en crise économique et des réserves monétaires pour le futur.
N’est-ce pas un bon équilibre ?
@Marc-Antoine
Je ne connais pas le modèle Scandinave concernant les ressources naturelles.
Je vais m’informer auprès de mon collègue Norvégien à cet égard. J’y reviendrai la semaine prochaine.
Et puis des nouvelles ?
On sait que le modèle scandinave coûte cher (impôts élevés, coût de la vie élevée). Cependant, la plupart des pays scandinaves ont des dettes basses, un revenu moyen par habitant élevé, un taux de chômage bas, un taux de pauvreté très bas et une qualité de vie très élevée. Je sais que les pays scandinaves essaient toujours d’être libertarien à des places (pas de salaire minimum, liberté totale congédier un employé, la productivité et l’efficacité sont plus importants que l’ancienneté (pas de sécurité d’emploi), et depuis récemment des baisses d’impôts, etc).
Bref, le modèle scandinave sur les ressources naturelles est un élément très important dans leur réussite… Il me semble modéré comparé à la nationnalisation et à la libéralisation totale… et surtout, il semble fonctionner à merveille…(je pense) ?
@Marc-Antoine
Je n’ai pas encore eu le temps.
Voir ceci en attendant:
https://minarchiste.wordpress.com/2011/01/20/levolution-economique-de-la-suede/
Marc-Antoine,
Je pense que vous idéalisez un peu le modèle scandinave. Il n’est pas merveilleux, il n’est pas magique. Mais il tient par rapport à notre modèle (quand je dis notre, je me réfère à la France) parce que leur économie est plus libéralisée. Si leur niveau de vie est largement comparable aux autres pays industrialisés, c’est parce que les bénéfices d’un impôt bas sont annulés par la lourde réglementation.
Sinon, je suis curieux de savoir ce dont vous appelez « modèle scandinave au niveau des ressources énergiques ». J’avoue ne pas en avoir la moindre idée. Vous avez un article, quelque chose ?
En fait je ne suis pas très enclin à vivre là-bas (essence à pratiquement 3$/litre, taxes de 25%, impôts allant jusqu’à 52%, taxes additionnelles sur les autos, le prix de pratiquement tout est plus élevé, reglementation sévère surtout en Norvège). Malgré tout, je souligne seulement, que dans ces pays, ils ont le meilleur système d’éducation et le meilleur système de santé et ces-derniers coutent moins chers que celui du Canada ou des États-Unis (moins en % de PIB et tout est gratuit aux citoyens).
Malgré tout, ces pays tentent toujours de donner un avantage silmultanément aux deux partis (ils se placent au centre). Par exemple, il y a une assurance emploi qui couvre tout le monde et qui est grâcement payée, mais les employeurs ont la liberté de congédier à souhait sans restrictions. Il n’y a pas de salaire minimum ce qui aide à tenir le chômage très bas. Le pouvoir est décentralisé et la sécurité d’emploi dans les institutions publiques a été abolie pour l’évaluation des compétences et de la performance plutôt que de l’ancienneté. Les syndicats n’ont pas d’avantages ou de droits particuliers comme au Québec ou en France (ils peuvent uniquement négocier le salaire et les avantages). Et j’en passe… De plus, récemment on commence à voir des baisses d’impôts puisqu’ils sont en surplus budgétaire (oui, oui, mais pendant la crise économique).
Pour ce qui est des ressources naturelles, leur modèle est unique. Les ressources sont détenues à 51% par la corportation d’État. 49% sont détenues par le privé. Bref, l’État prend 51% des risques et 51% des revenus. Le but premier de leur modèle est d’éviter le problème relevé dans ce billet –> l’exploitation à outrance qui ne sera que gaspillée. Ils veulent en faire bénéficier le plus de générations possibles plutôt que tout exploiter maintenant (d’ailleurs c’est une des raisons pour lesquelles les profits sont déposés dans un coffre intouchable d’ici plusieurs années). Bref, même si oui il y a beaucoup de régulation et de taxes/impôts, dans les pays scandinaves ont essaie toujours de placer au milieu (si on donne un avantage à l’un, on en donne un équivalent à l’autre). Leurs modèles sont très analysés, car ils fonctionnent bien. Les libertariens disent que c’est à cause des méthodes libertariennes et les socialistes disent que c’est à cause des méthodes socialistes… Et on ne sait jamais vraiment qui croire.
Micharchiste a fait un billet sur la Suède (il prétend que si leur modèle plutôt socialiste fonctionne, c’est justement à cause de cet équilibre, des récentes baisses d’impôts, et d’un passé plus libertarien). Finalement, je pense que ca pourrait être intéressant un billet sur le modèle scandinave en général, non ?
Le modèle scandinave n’est pas socialiste. Leur économie est cent fois plus libérale que bien d’autres pays industrialisés. Ils ont juste plus d’impôts; manifestement, ce n’est pas ça qui rend leur économie si dynamique, dira-t-on. C’est aussi pour cela que l’éducation est si performante là-bas; pas à cause des subventions, mais parce que les écoles sont libres, autonomes.
Sinon, le modèle de gestion des ressources que vous décrivez me semble très porté sur la responsabilité. Et je ne crois pas que ça rentre complètement en conflit avec le libéralisme économique.
Effectivement, l’économie est grandement plus libérale dans les pays scandinaves qu’en France (64e). Par contre (pour faire l’avocat du diable), si on se fie à l’Index of Economic Freedom, il y a plusieurs pays devant la Norvège (classée 30e)… Et dans ces pays le chômage est pourtant plus élevé, la dette plus élevée et la situation économique bien pire. Il doit bien y avoir quelque chose quelque part dans les pays scandinaves..? J’avais déjà lu l’article de Minarchiste sur la Suède, mais je suis certains que ce n’est pas la même situation pour tous ces pays du nord ? Bref, j’aimerais bien avoir un article la dessus expliquant les plus et les moins de leur modèle…mais surtout pourquoi ilmarche beaucoup mieux que d’autres modèle avec une économie plus libérale et avec moins de mesure sociale.
Merci !
« Governmental overallocation of the water of Lake Mead, located in Nevada and Arizona, now threatens the lake’s very existence. »
Floy Lilley, Mises Institute
http://mises.org/daily/5548/Let-Prices-Flow-Water-Needs-Markets