J’entends souvent des gauchistes énoncer l’argument selon lequel l’État peut offrir les services mieux et à meilleur coût que les entreprises privées. Pour soutenir cette thèse, ils utilisent souvent l’exemple des compagnies d’assurance. Ils affirment que les assureurs privés ont des départements de souscription qui coûtent très cher (autrement dit, ils dépensent beaucoup d’argent pour déterminer avec exactitude la prime exigée de chaque assuré), des dépenses en marketing élevées, des commissions à payer à leurs courtiers, et génèrent des marges de profit excessives, ce qui fait monter les primes.
Selon eux, la solution consiste à ce que l’État obtienne le monopole de l’assurance, charge la même prime à tout le monde (ou presque), ne fasse pas de marketing, ni de profit, de façon à offrir les primes les plus basses possibles.
Selon les gauchistes, nous n’avons qu’à observer la SAAQ pour s’en rendre compte. Une assurance-auto pour un homme de 30 ans conduisant une Honda Civic neuve coûtera environ $1,031 (selon Bélair-Direct), ce à quoi il faut ajouter $114 pour la contribution à la SAAQ perçue sur l’immatriculation et $66 perçu sur le permis de conduire (si 0 point d’inaptitude), pour un total de $1,211. En Ontario, l’assurance totale (incluant la responsabilité, les dommages matériels et les dommages physiques) coûterait $2,819 (selon Bélair-Direct). Comment peut-on expliquer un tel écart, si ce n’est qu’en affirmant que c’est grâce à la SAAQ que nous économisons autant?
Comparons tout d’abord les états financiers pour 2009 de la SAAQ à ceux de Intact Financial, le plus gros assureur-auto au Canada. Tel que prévu, la SAAQ a un ratio de dépenses plus bas que Intact (14.0% versus 25.3%). Si Intact avait le même ratio de dépenses, elle économiserait $459.2 million. Cependant, le ratio d’indemnité de la SAAQ est beaucoup plus élevé à 106.3% comparativement à 70.9% pour Intact. Si Intact avait le même ratio, il lui en coûterait $1,433.6 million de plus en indemnités. Notez cependant que le portefeuille d’assurance de Intact est fort différent de celui de la SAAQ puisqu’il comprend de l’assurance-dommage matériel pour l’automobile et les propriétés immobilières et que Intact opère dans toutes les provinces.
En fait, la SAAQ ne perçoit même pas assez de primes pour couvrir les sommes qui lui sont réclamées en indemnités. L’entreprise d’État tente de couvrir la différence avec ses revenus d’investissements, gérés par la Caisse de Dépôts. Dans l’éventualité où la SAAQ n’arriverait pas à couvrir ses dépenses, elle devrait soit hausser les tarifs (donc refiler la facture à l’ensemble des conducteurs), soit être renflouée par le gouvernement (donc refiler la facture à l’ensemble des contribuables). Dans le premier cas, les bons conducteurs se trouvent à subventionner les mauvais, alors que dans le second cas les contribuables non-conducteurs ou qui conduisent peu se trouvent à subventionner les automobilistes intensifs. Cette éventualité est en fait une réalité puisque la SAAQ a un déficit accumulé de $2.4 milliards, ses pertes sont donc systématiques.
Ceci étant dit, lorsque l’on compare les primes d’assurance du Québec à celles de l’Ontario, est-ce qu’on compare des pommes avec des pommes? Loin de là! Le Québec opère un système « no fault » pur; c’est-à-dire que les assurés réclament directement à leur assureur pour leurs dommages, peu importe à qui incombe la responsabilité de l’accident. Au Québec, les indemnités pour traumatisme, souffrance et perte future du revenu sont versées automatiquement par la SAAQ selon un barème préalablement établi.
En Ontario, le système est aussi de type « no fault », mais il y a une différence majeure : l’assureur ne verse pas automatiquement les indemnités pour traumatisme, souffrance et perte de revenu futur selon un barème. Cette indemnité est plutôt débattue devant les tribunaux. La victime se prend un avocat aux frais de son assureur, puis elle va subir une évaluation médicale aussi aux frais de son assureur. Elle dépose ensuite une poursuite contre le responsable de l’accident, qui lui va la soumettre à son assureur. Ce dernier exigera à son tour une évaluation médicale faite par son propre médecin à ses frais et engagera des avocats pour défendre ses intérêts à ses frais. Au final, le juge tranchera et établira une indemnité. La facture de frais légaux et d’expertise médicale est salée, alors que l’indemnité est généralement trois fois plus élevée, en moyenne, que ce que la SAAQ verse à ses victimes. Malgré cela, les causes vont souvent en appel, ce qui fait grimper la facture encore plus.
Pour couvrir ces coûts exorbitants, les assureurs ont dû hausser les primes substantiellement et, malgré ces hausses vertigineuses, ils réalisent quand même des pertes. En moyenne, les assureurs opérant sur le marché de l’assurance-auto en Ontario ont des dépenses (incluant indemnités, taxes, commissions et toutes les autres dépenses) de 20% supérieures à leurs revenus! Le profit n’explique donc certainement pas la différence entre les primes puisque les assureurs n’en font pas en Ontario.
Au moins, en Ontario, les victimes d’accident sont bien dédommagées et leurs droits sont bien défendus. Selon l’expert en droit de l’assurance automobile Me Marc Bellemare:
«On dénombre, actuellement, 4000 cas de victimes insatisfaites au Québec», explique Me Bellemare. «Quand une victime se voit refuser une indemnité, elle doit d’abord se faire entendre par le Bureau de Révision de la SAAQ. Ce Bureau est une farce à mon sens: il n’est pas du tout indépendant de la SAAQ, et il ne sert principalement qu’à allonger les délais. D’ailleurs, le Barreau demande que son rôle soit révisé. Une fois que sa réclamation a été rejetée par le Bureau de révision, un accidenté peut porter sa cause devant la Commission des affaires sociales; qui est le tribunal administratif d’appel en la matière. La SAAQ plaide dans toutes les causes, et il est très rare qu’elle règle avant que celles-ci soient entendues. Passer à travers toutes ces étapes prend généralement deux ans, soit le même temps que si la cause avait été entendue en Cour supérieure ou du Québec. Pour ce qui est de la brièveté des délais et de la simplicité des procédures, la réalité d’antan s’est transformée en mythe. La SAAQ est, en outre, toujours représentée par ses avocats devant la Commission des affaires sociales, tandis que les accidentés le sont peu souvent, dans 25 % des cas. Or, tout le système est très complexe et judiciarisé. Les accidentés ne sont pas souvent en mesure de faire valoir leur droit. La situation des victimes est comparable, de mon point de vue, à celle que vivaient les accidentés avant 1977.»
La question devient alors : est-ce que c’est grâce à la SAAQ que l’assurance-auto coûte moins cher au Québec ou est-ce grâce au système « no fault » pur appliqué au Québec et au Manitoba? Poser la question c’est y répondre!
Ainsi, que passerait-il au Québec si la SAAQ était privatisée et que l’assurance pour les dommages physiques était ouverte à la concurrence? Tout d’abord, les coûts de marketing et les commissions ne changeraient pas vraiment puisque ceux-ci sont déjà existants (les assureurs privés offrent déjà l’assurance-auto pour dommages matériels). Les coûts de souscription n’augmenteraient pas vraiment non plus; les actuaires n’auraient qu’à ajouter une nouvelle section à leur modèle de tarification ce qui exigerait peut-être quelques embauches.
L’augmentation de tarif serait donc peu importante (selon mes calculs, ce serait en moyenne de 10% à 20%, surtout axé sur les conducteurs à risque plus élevé). Ainsi, la prime d’assurance de $180 présentement exigée de la SAAQ passerait à environ $200 pour un conducteur normal. Évidemment, il faudrait ajouter à cela les taxes et impôts, qui seraient repassés aux assurés à travers les primes car la SAAQ ne facture pas les taxes et ne paie pas d’impôts. La concurrence se ferait sur le prix et sur le service après-sinistre. Finalement, les contribuables ne seraient plus responsables des pertes éventuelles. En fait, le gouvernement provincial a puisé plus de $2.2 milliard dans la caisse de SAAQ au cours des dernières années.
Maintenant que le cas de l’Ontario a été démystifié, qu’en est-il de l’assurance en général? Est-ce que ça devrait être la responsabilité de l’État de façon à minimiser les primes? En fait, l’industrie de l’assurance a émergé sous la structure coopérative (au Canada, c’était le cas pour Manulife, SunLife, Great-West, London Life, Canada Life, Industrielle-Alliance, Standard-Life, etc) et plusieurs entreprises opèrent toujours sous cette forme. L’avantage était que ces entreprises ne réalisaient pas de profits et ne payaient pas d’impôts, ce qui leur permettait de réduire les primes.
Cependant, ces entreprises avaient tout de même un département de souscription. Le rôle de ce département est de s’assurer que la tarification soit adéquate de façon à ce que les assurés moins risqués ne subventionnent pas les plus risqués. Le prix permet aussi de minimiser le risque moral (les réclamations à répétition font monter les primes). Elles avaient aussi un département d’investissement, permettant de faire fructifier les réserves en les investissant. Elles devaient aussi faire du marketing de façon à se faire connaître et verser des commissions aux courtiers qui vendaient leurs produits.
Pourquoi est-ce que la plupart se sont démutualisées et se sont inscrites en bourse? Pour avoir accès à du capital en cas de pépin (catastrophe naturelle, crise financière, crash boursier, etc). Elles se sont rendu compte qu’elles étaient fort vulnérables dans l’éventualité où leur capital atteindrait des niveaux insoutenablement bas, ce qui était bien risqué pour les assurés. Imaginez que votre conjointe décède, mais que votre assureur ne puisse pas vous verser d’indemnité pour son assurance-vie étant donné ses difficultés financières… Les conseils d’administration de ces entreprises ont donc convenu qu’il était dans l’intérêt des détenteurs de police de convertir leur capital en actions inscrites à la bourse de façon à ce que la compagnie ait accès à une source de capital. Ces résolutions ont dû être votées par les détenteurs de police eux-mêmes.
Ces assureurs « mutuels » ont donc distribué leurs actions à leurs membres (les détenteurs de polices) et les ont inscrites en bourse, ce qui leur permettait d’en émettre davantage en cas de besoin. Par exemple, Manulife a connu de graves problèmes de solvabilité récemment en raison de la crise financière. L’entreprise a pu redresser la situation grâce à son accès à la bourse, émettant pour $2.25 milliard de nouvelles actions en décembre 2008 et $2.5 milliard en novembre 2009.
Évidemment, les détenteurs des actions exigent un rendement sur leur placement, c’est pourquoi ces entreprises ont dû se mettre à faire des profits. Cependant, elles n’ont pas eu à augmenter les primes drastiquement étant donné les importantes coupures de coûts qu’elles ont pu réaliser. Sous leur forme coopératives, elles étaient plutôt indisciplinées à cet égard, les détenteurs de police n’était pas très impliqués dans la gestion de l’entreprise. Une meilleure gestion et une rigueur accrue dans le contrôle des dépenses leur a permi de réaliser d’importantes économies. En fait, ce sont les courtiers qui ont souffert le plus, voyant leurs niveaux de commissions diminuer significativement.
Maintenant, comparez les produits offerts par les compagnies d’assurance privées à ceux offerts par les entreprises d’État telles que la SAAQ. Lesquelles vous offrent les spécifications et options qui s’adaptent le mieux à vos besoins et à votre situation? Lesquelles vous offrent les produits les plus innovateurs et les plus sophistiqués? Lesquelles vous offrent le meilleur service en cas de réclamation? Le paiement en ligne avec toutes les banques?
Voudriez-vous vraiment que les choses fonctionnent ainsi pour votre assurance-vie, votre assurance salaire et votre assurance-auto? C’est déjà le cas pour votre assurance-maladie et on voit le fiasco monumental que ça a donné…
Quelques références :
http://www.barreau.qc.ca/publications/journal/vol30/no2/nofault.html
Une réflexion qu’on ne risque pas de retrouver dans les médias Québecois, très bel article, rigueur, rigueur, rigueur.
En France, il n’y a rien à ce qui ressemble à ce mythe couramment répandu chez les économistes académiques : la sélection adverse.
Il y a des dispositifs efficaces pour responsabiliser les individus.
http://www.pratique.fr/assurance-auto-obligatoire.html
Chaque année sans sinistre (sans accident dont l’assuré est responsable) entraîne une diminution de la prime de 5%. Ce bonus est cumulable ; c’est-à-dire que :
– la 2e année sans accident la prime sera diminuée de 0,95 – 5% =0,90% ;
– la 3e année de 0,90 – 5% = 0,85, et ainsi de suite, jusqu’à ce que la réduction atteigne 50% de la prime de référence (la première prime payée), ce pourcentage s’obtenant au bout de 13 ans sans accident.
Mon père qui a connu de nombreux accidents peut en témoigner : ses primes augmentent de façon exponentielle, de telle sorte qu’il a du changer de modèle. Il est passé du « tous risque » (si je suis responsable, mon assureur couvre les deux voitures) à « au tiers » (si je suis responsable, je répare moi-même les dégâts sur ma voiture, mon assureur couvrant seulement les dégâts de l’autre voiture).
Attaquons-nous maintenant à l’aléa moral (ou sélection adverse) : on nous dit souvent que si les primes sont homogènes, on ne fera pas attention à sa conduite. Peut-être que je me trompe, mais je suis presque sûr que c’est faux. L’une des premières causes d’accident de route est le manque de sommeil. La quasi-totalité des accidents de mon père (6 ou 7) sont due à la somnolence, également. Ma mère a beau lui faire des remontrances depuis plus de dix ans, rien n’y fait. C’est une habitude. Je connais une autre personne dans ce cas aussi, qui dort tard, se lève tôt. C’est plus une question d’habitude que de coût. Pour l’alcool, peut-être, mais le sommeil, ça me paraît bien plus dur à réguler par le coût de la prime. Et même. Concernant l’alcool, à chaque dîner entre amis, j’ai jamais eu l’impression qu’ils craignent l’alcool au volant parce qu’ils doivent en payer le coût mais plutôt parce qu’ils craignent être tués ou blessés. L’inattention au volant due à la routine sont aussi causes d’accidents : c’est également très difficile à réguler.
Au final, je veux bien que le système no fault tend à faire exploser les coûts, mais je persiste à croire que la fréquence des accidents de route ne s’expliquent pas simplement par les coûts d’assurance, et très loin de là même.
J’ai toujours été opposé à la centralisation du marché de l’assurance, pour les raisons évoquées dans cet article. D’ailleurs, j’ai jamais compris pourquoi on considère généralement que les actionnaires font gonfler les primes, alors qu’on ne dit pas où vont et à quoi servent les fonds injectés. Que les assurances se mettent à faire du profit montre là une hausse de la qualité. Et puis, personne ne dit que les actionnaires font monter le prix des biens et services de consommation. On dit aussi que la publicité fait augmenter les prix ou je ne sais quoi. Même son de cloche. Il y a de la publicité partout, et on ne voit pas partout de hausses de prix. Et de toute façon, une publicité pour un mauvais produit, c’est toujours une mauvaise publicité, et de l’argent jeté par les fenêtres.
la saaq doit etre vendu et ces idifices pour que notre argent serve a payer la dette du quebec,la saaq a acheter presque tout les avocats et tout les les experts orthopédiques ,il noye le poisson a leur tribunal administratif ,deplus les les agentes d,interuptions tripote cache et deforme nos preuves. la seule sortie que je voie c,est que maitre belmare ce presente et nettoie la soue . moi mon avocat travaillait pour la saaq a Drummondville..merci!