Un nouveau « buzzword » fait graduellement son apparition dans les médias économiques : la guerre des devises (currency wars).
Plusieurs pays tentent présentement par tous les moyens de dévaluer leur devise et l’arme la plus redoutable de cette guerre est la presse à billets qui, comme l’Étoile de la Mort, envoie de puissantes décharges d’assouplissement quantitatif qui anéantissent le pouvoir d’achat des devises. En fait, en créant de grandes quantités de nouvelle monnaie, les banques centrales font diminuer la valeur des unités de monnaie existantes.
Pourquoi mener cette guerre?
D’une part, ces pays croient qu’avec un taux de change plus bas, leurs producteurs seront en meilleure position compétitive ce qui pourrait permettre de stimuler les exportations et de relancer l’économie. Tel que je l’ai démontré dans le passé (ici, ici et ici), non seulement ça ne fonctionne pas, mais ça fait aussi beaucoup de tort à l’économie.
D’autre part, en diminuant la valeur de leur devise, ces pays font aussi diminuer la valeur de leur dette relative. Cette création de monnaie génèrera tôt ou tard de l’inflation (les prix vont monter) et cette inflation fera augmenter artificiellement le PIB nominal. De cette façon, les ratios dette / PIB paraîtront plus bas. Ainsi, le pouvoir d’achat des unités monétaires avec lesquelles les dettes étatiques seront remboursées aura grandement diminué. Finalement, l’inflation aura aussi comme impact de gonfler artificiellement les recettes fiscales du gouvernement, ce qui permettra de faire diminuer le ratio déficit / PIB et d’éviter d’avoir à porter un gros coup de sabre-laser dans leurs dépenses.
Qui sont les participants à cette guerre?
Il y a bien sûr l’Empire Galactique : les États-Unis, qui peuvent se permettre de mener cette guerre à fonds la caisse puisque leur monnaie est grandement utilisée comme réserve. L’Étoile de la Mort de cet empire est menée par le redoutable Darth Vador (Ben Bernanke).
La Fédération Commerciale : l’Union Européenne, dont la banque centrale doit composer avec des situations économiques différentes, par exemple entre l’Allemagne et les PIIGS.
La République Galactique : le Royaume-Uni, qui malgré le fait qu’elle ait perdu son hégémonie monétaire au profit de l’Empire Galactique états-unien, n’est pas prête à délaisser son Étoile de la Mort pour autant. Elle ne veut surtout pas joindre la Fédération Commerciale et perdre le contrôle de l’Arme si importante à la survie temporaire de l’État-providence.
La Nouvelle République Galactique : le Japon, qui a nettement sur-utilisé son Étoile de la Mort dans le passé récent (20 dernières années) avec des résultats très décevants. Malgré cela, il persiste encore à le faire, étant médusé par le côté obscur de la force.
Finalement, il y a l’Alliance Rebelle : la Chine, dont l’Étoile de la Mort ne dérougit pas et agit comme bouclier devant celle de l’Empire Galactique. C’est d’ailleurs entre ces deux factions que le combat est le plus intense.
La Confédération des Systèmes Indépendants : le Brésil et le Canada par exemple. Le Canada est bien content de ne pas faire partie des hostilités par crainte du côté obscur de la force et de ses conséquences hyper-inflationnistes, mais le Brésil aimerait bien y prendre part, craignant de subir des dommages collatéraux en raison des tirs fournis des nations belligérantes ou par exemple en voyant son hyperpropulsion économique ralentie par le champs gravitationnel artificiel d’un croiseur impérial.
Il ne faut pas oublier que plusieurs nations ont été corrompues par les Siths (le Fonds Monétaire International et la Banque Mondiale) les maîtres du côté Obscur de la Force, menés par l’infâme Palpatine (Dominic Strauss-Kahn) et son disciple infiltré dans l’Empire Galactique, le compte Dooku (Paul Krugman), sans oublier Darth Sidious (Jean-Claude Trichet).
Ces mégalomanes sans scrupule ne se rendent pas compte de l’absurdité des prescriptions keynésiennes qu’ils mettent en application. Ils tentent de se convaincre qu’en diminuant le pouvoir d’achat de notre monnaie, nous serons plus riches! Tout comme Georges Lucas, ils tentent de nous faire croire que les vitesses supraliminaires sont atteignables. Hélas, le pouvoir de persuasion de la Force est très puissant, surtout sur les esprits faibles, qui ne savent pas voir l’inflation, faute de midi-chloriens. Pendant ce temps, le Jedi-autrichien que je suis crois encore au côté clair de la force : l’épargne et la formation de capital productif, la vraie source d’enrichissement des nations de l’univers…
En terminant, je vous laisse sur un graphique publié dans The Economist qui présente les pays qui interviennent le plus sur leur devise. Lorsqu’un pays crée de la monnaie pour acheter des devises étrangères dans le but de déprécier sa propre devise, on peut s’attendre à voir ses réserves de devises étrangères augmenter. Le graphique de droite présente les réserves de devises étrangères de différents pays en pourcentage de leur masse monétaire. On peut y constater que la Chine est loin d’être le pays le plus « coupable » de manipulation de sa devise.
Le graphique de gauche montre les flux de capitaux étrangers pour trois groupes de pays émergents (Amérique Latine, Asie, Europe de l’Est/Moyen-Orient/Afrique. On peut voir que l’Asie est dominante à cet égard et a donc la plus grande incitation à vouloir manipuler sa devise à la baisse pour contrer l’impact des investissements étrangers.
Bravo.Sublime billet.
PS : j’aime Krugman dans le rôle du comte Dooku. Si sa plume pouvait être aussi experte que le laser du vrai comte, il progresserait!
Excellent billet!
Si l’hyperinflation frappe, la bulle de l’or ne risque-t-elle pas de faire des ravages incroyables suite à cette crise?
Petit bémol: Il s’agit de Darth Vader et Darth Sidious et non Dark Vader et Dark Sidious. 🙂
Merci!
Corrigé!
@John Mankiev
« Si l’hyperinflation frappe, la bulle de l’or ne risque-t-elle pas de faire des ravages incroyables suite à cette crise? »
Dans la mesure où des investisseurs profitent des bas taux d’intérêt pour emprunter et investir dans l’or, il est effectivement bien possible qu’une bulle aurifère soit en formation, créée de toutes pièces par la politique monétaire.
L’hyperinflation viendrait éventuellement faire éclater cette bulle puisqu’elle serait accompagnée de taux d’intérêt plus élevés.
Je ne pense pas que l’éclatement de cette bulle fera tant de ravages dans l’économie, du moins pas autant qu’une bulle boursière ou immobilière.
Cependant, l’hyperinflation pourrait avoir des conséquences désastreuses.
En terminant, il ne faut pas oublier que le prix de l’or est souvent présenté en dollar US, mais en fait on pourrait aussi observer le prix du dollar US en or et dire qu’il y a un crash de la valeur du dollar US et non une bulle dans l’or…
On pourrait dire que l’or monte parce qu’il y a de la création de monnaie qui finance des positions spéculatives, mais que le pouvoir d’achat du dollar US ne peut que diminuer suite à cette création de monnaie (a.k.a. inflation); la valeur du dollar US en or ne peut donc que diminuer ce qui signifie…une augmentation du prix de l’or!
Les spéculateurs sont donc rationnels en quelque sorte…
Ils sont peut-être juste un peu trop en avance et ils risquent de provoquer une surenchère (a.k.a. bulle?).
Le fait est que:
1. L’inflation a été très faible au Japon durant les 20 dernières années. Donc, pour le côté obscur du Japon, vous repasserez
2. Augmenter le pouvoir d’achat de la monnaie ne rend pas plus riche.
Du coup, votre critique tombe un peu à plat.
@ Fred
« Augmenter le pouvoir d’achat de la monnaie ne rend pas plus riche. »
Cette phrase me fait excessivement rigoler!
Donc, si vous pouvez acheter plus avec l’argent que vous posséder, vous ne vous considérerez pas plus riche?
Je ne savais pas qu’avoir plus signifiait avoir moins.
Vous êtes vraiment un spécimen intéressant….
Le côté obscur n’est pas pas l’augmentation des prix, c’est l’utilisation de la presse à billet.
Donc, tout comme Paul Krugman, pour ce qui est d’utiliser l’exemple du Japon pour soutenir le keynésianisme, vous repasserez!
@minarchiste:
Augmenter le pouvoir d’achat de la monnaie rend CERTAINES personnes plus riches.
N’oubliez pas que la monnaie est une créance sur la société. Certes les créanciers sont plus riches, mais les débiteurs, eux, sont plus pauvres.
(NB: le fait que la monnaie soit d’or ne change rien à l’affaire: si les détenteurs de cet or dépensent leur or, il faudra bien des gens en face pour leur fournir des biens et des services)
C’est un peu comme si vous disiez que la création d’un régime de retraite par répartition obligatoire non provisionné rend plus riche le pays qui le crée.
« pas pas l’augmentation des prix, c’est l’utilisation de la presse à billet. »:
Si la presse à billet n’a pas d’effet, où est le mal à l’utiliser?
@Fred
Où est le mal? Observez la conjoncture économique japonaise des 20 dernières années. Il est là le mal!
« Augmenter le pouvoir d’achat de la monnaie rend CERTAINES personnes plus riches.
N’oubliez pas que la monnaie est une créance sur la société. Certes les créanciers sont plus riches, mais les débiteurs, eux, sont plus pauvres. »
Jamais sur mon blogue je n’ai prescrit d’augmenter le pouvoir d’achat de la monnaie. Je préconise plutôt de ne rien faire.
Ce que les pays qui participent à la guerre des devises veulent faire est réduire la valeur de leur devise, ce qui appauvrit les créditeurs au profit des débiteurs.
Cela appauvrit l’ensemble de la société puisque ça décourage l’épargne, qui finance la formation de capital productif; la vraie source de création de richesse.
« Je préconise plutôt de ne rien faire »: Et c’est quoi ne rien faire?
_arrêter les opérations d’open market? (et donc retirer toute la base monétaire de la circulation)
_ne pas bouger le taux d’intérêt nominal?
_maintenir constant un agrégat monétaire?
_faire en sorte que le taux d’inflation coïncide avec celui qui était habituellement attendu?
(pour moi, c’est le 4e point)
J’aime beaucoup votre association avec Star Wars. Malheureusement, on tente trop de trouver des Luke Skywalker en période de crise.
Le problème est malgré que je suis prudent, une bulle par rapport à l’or a présentement lieu.
Sauf que logiquement, on ne peut créer l’or comme on crée des billets dans la planche à billets. Les alchimistes ont essayés avec peu de succès.
« Si la presse à billet n’a pas d’effet, où est le mal à l’utiliser?»
Je vais être simpliste, mais la planche à billet sert présentement à payer le stimulus pour creuser des trous (et cela a déjà été essayé dans l’histoire) et à essayer de payer la dette. Cela n’a pas de bon sens, car on risque d’ici peu de se retrouver carrément avec une monnaie papier qui va servir davantage comme du papier de toilette.
C’est le syndrome du pompier pyromane et je suis certain que le seul argument des keynésiens en ce moment ce que l’état dépense pas assez. Au Japon, autant dire cependant que Krugman tente de dire comme argument c’est qu’ils ont dépensé pas assez. Je crois qu’il est tout de même assez intelligent pour comprendre qu’il y a eu une faille.
Sur ce, Bernanke a été élu l’homme de l’année selon Time (je crois), autant dire que dans quelques années, on va voir son visage avec un X dessus en page titre.
« Je préconise plutôt de ne rien faire »
Tu commences plutôt à mettre ta maison en ordre. Or, en ayant un état qui vit selon ses moyens, ça aide un peu.
Lorsque Minarchiste parle de rien faire, il dit qu’on doit réduire le rôle de la Banque Centrale dans l’économie. Je m’excuse mais les changements des taux d’intêrets ne devraient pas faire les manchettes.
Dans la majorité des cas, l’inflation est dû à une manipulation d’ordre monétaire. Les monétaristes sont incapables de comprendre cela.
Fan de Star-Wars que je suis, je me dois d’admettre que j’ai adoré cet article.
Ceci dit, pour ceux qui connaissent un peu cette saga, et je pense surtout à Matvail2002 lorsqu’il dit qu’on cherche souvent des « Luke Skywalker » en temps de crise, juste pour préciser, c’est surtout des « Anakin » qu’on trouve. Ceux que l’on considère, souvent à tort, comme des élus.
Quoique pour continuer, c’est bien Anakin, l’élu, dans Star-Wars, puisque c’est lui qui démolit l’empereur, à la fin.
Par contre, je ne me risquerais pas à affirmer qu’un jour, Krugman, Bernanke ou autres, verront le côté clair de la force.
Et bon, donc, c’est tout ce que j’avais à dire pour compléter l’analogie.
Étonnant ce graphique. Moi qui croyais que la Chine et le Japon avaient les plus fortes réserves (ceci dit, mes chiffres n’indiquaient pas le pourcentage en PIB…)
fred,
« Augmenter le pouvoir d’achat de la monnaie rend CERTAINES personnes plus riches. »
Ah, je vous vois venir. Les rentiers, c’est ça ? Donc, il faut les euthanasier, comme le recommandent Silvio Gesell et tous ses apôtres ? Un petit 5% d’inflation par an, c’est votre souhait, n’est-ce pas ?
Vous connaissez « l’effet Cantillon » ? Lorsqu’on crée de la monnaie, les premiers à recevoir cette monnaie (banquiers, emprunteurs, accessoirement l’État) voient leurs revenus augmenter avant les prix, contrairement à ce que vous prétendez. Puisque c’est l’usage de la monnaie fraîche qui fait monter les prix, ceux qui l’utiliseront les premiers s’enrichiront. Ceux qui sont lésés, ce sont les ouvriers qui recevront cette monnaie fraîche après tout le monde; la raison est simple : les prix ont augmenté au moment où ils reçoivent cette nouvelle monnaie, car elle a déjà été utilisée.
Mais que voulez-vous au juste ? Des taux d’intérêts négatifs ? Ah non, aucun banquier ne prêterait à taux négatif. On fait quoi alors ? On supprime les banques ?
Si vous n’aimez pas les rentiers propriétaires de logements, il faut se demander pourquoi ce marché rapporte. C’est parce que l’immobilier est réglementé (l’offre ne suit pas la demande), donc les prix augmentent.
Si vous n’aimez pas l’épargne, il faut se souvenir que les individus ne savent pas qu’ils sont volés. Leur épargne diminue avec l’inflation. Ceux qui sont les plus touchés ce sont les pauvres, quand bien même ils épargnent moins. Car au fond, qui profite le plus de l’effet levier ? le pauvre ou le riche ?
Et quand les pauvres empruntent, c’est pour faire quoi au juste ? Consommer ? Ce n’est pas ce que j’appelle s’enrichir.
D’ailleurs, selon une certaine théorie de la sélection adverse, ce sont plutôt les riches qui empruntent à taux préférentiel.
Il n’y a rien qui montre que l’inflation enrichit les pauvres et taxe les riches.
matvail2002,
« Au Japon, autant dire cependant que Krugman tente de dire comme argument c’est qu’ils ont dépensé pas assez. »
Ils ont mal dépensé, surtout. Des routes et des ponts qui ne mènent nulle part, des travaux improductifs. Des relances budgétaires qui ont miné la confiance des japonais. La population âgée n’aide pas non plus.
Avec l’accord du Plaza , le Japon, dont le modèle est fondé sur les exportations a vu sa croissance économique s’effondrer. Alors qu’aujourd’hui encore, nos pays européens vantent ce modèle.
Et comme le disait minarchiste dans je ne sais plus quel article (destruction créatrice de Schumpeter, je crois…), recapitaliser les entreprises en faillite qui ont fait des mauvais investissements, c’est le moyen le plus sûr de prolonger la période de crise. Pour Krugman, il s’agit d’une baisse de la demande globale. Il est fort probable que ce soit autre chose : l’inadéquation entre l’offre et la demande de consommation, soutenue par des subventions.
Et c’est ça le plus important, ce qu’il faut savoir de l’échec des relances keynésiennes. C’est pas parce qu’on a pas assez pompé. Mais parce que le gouvernement ne peut pas se substituer au marché pour répondre aux exigences de la demande.
@M.H.:
_S’il n’y avait pas la concurrence des billets, des taux d’intérêt négatifs seraient tout-à-fait possibles: il suffirait aux banques de prélever des frais plus importants à leurs déposants.
_Pour le graphique, ce ne sont pas les réserves de changes exprimées en dollar mais exprimé en fraction de la base monétaire du pays en question (sinon, ce serait sans doute la Chine qui serait première).
_je ne sais pas vous, mais je préfère perdre un peu de mon salaire que de risquer un licenciement.
_Enfin, je ne suis pas pour l’inflation dans l’absolu. Je souhaite juste qu’elle puisse être prédictible par tous. Le meilleur moyen me semble de la maintenir constante.
@ Fred
Pourquoi est-ce que je déposerais de l’argent et que je ferais des investissements?? Investir pour payer des intérêts?
Bon billet (sans jeu de mots…); surtout que ce n’est pas toujours facile d’écrire sur les politiques monétaires et que ça soit accessible aux communs des « mortels »… comme moi!
Est-ce que vous avez lu ce papier? http://tinyurl.com/25u9mkh
Merci Luto
Intéressant ton lien; je suis biien d’accord, surtout concernant la santé mentale de Paul Krugman!
@Kevin:
C’est bien pour çà que je précise que c’est l’existence du billet de banque (et de la petite monnaie) qui rend la chose impossible.
(Encore que cela ce soit vu en Suisse de façon transitoire)
fred,
Prélever des frais plus importants aux déposants, ça veut dire taxer davantage les épargnants sachant que leurs épargnes leur font déjà perdre de l’argent ? Je suis sceptique.
Quant aux salaires, vous sous-entendez que l’inflation est une réponse au chômage de masse, j’en suis pas si sûr. La cause du chômage c’est : la taxation, les règlementations du marché du travail et l’inadaptabilité de l’école au marché du travail qui crée 1) des salariés non qualifiés (échecs scolaires…) et 2) des étudiants aux formations sans débouchés, s’ajoute aussi à cela le manque de mobilité géographique due aux règlementations sur le marché du logement (pénurie d’offre). Enfin, si le salaire est trop élevé pour l’employeur, le chômage qui en résultera fera justement baisser les salaires pour inciter les employeurs à utiliser la main d’œuvre abondante. A une condition seulement : que l’offre de qualifications est en adéquation avec les besoins économiques. C’est en ce sens que l’école a échoué.
Et surtout, en quoi est-ce une bonne chose que les gens puissent prédire l’inflation ? Ça serait la pire des choses. Le mieux serait encore qu’ils n’en savent rien. S’ils savent quelque chose, ils réclameront des hausses de salaires, et les employeurs répercuteront immédiatement et sans délai ces hausses sur les prix, et on aura des effets de second tour. A cela s’ajouterait peut-être même des prophéties auto-réalisatrices : les gens vont augmenter leurs achats en prévision des hausses de prix. Ils auront tendance à vouloir aller plus vite que les autres, pour disposer d’un temps d’avance. Ça peut très vite dégénérer.
Pour répondre à tous les intervenants, sans vouloir jouer à un « Krugman républicain »(!), je crois qu’il est primordial de vivre selon ses moyens et cela vaut certainement pour la classe dirigeante responsable du bien-être de ses électeurs.
Pour moi la grande vérité se retrouve dans une phrase du minarchiste qui dit que l’épargne finance la formation de capital productif, vraie source de création de richesse.
Je me permets d’ajouter que le crédit finance la formation de capital fictif, source de tous les maux que nous connaissons actuellement.
@M.H.:
Je veux bien que le chômage soit structurel, mais faudrait m’expliquer pourquoi il a doublé en 1 an sans qu’aucun des facteurs que vous mentionnez n’ait réellement bougé.
Le fait que l’inflation soit prévisible est une bonne chose car face à une incertitude, les gens ne concluent pas autant de contrats que normalement.
Ensuite,
_si l’inflation est plus haute que celle anticipée, les employés et les épargnants sont lésés mais le chômage se réduit.
_si l’inflation est plus basse qu’anticipée, les employeurs et les créanciers sont lésés et le chômage augmente. De plus, toutes les entreprises utilisant un effet de levier (c’est-à-dire pratiquement toutes) ont des difficultés.
Pour éviter le chômage de masse, il faut éviter que l’inflation soit plus basse qu’anticipée. Faire en sorte que l’inflation soit plus haute qu’anticipée réduirait également le chômage mais il faudrait lutter par la suite contre cet excès d’inflation.
fred,
-« doublé en 1 an sans qu’aucun des facteurs que vous mentionnez n’ait réellement bougé. »
C’est étrange que vous demandez cela. Il est évident que la crise y est quand même pour quelque chose. Les prix ont été de mauvais signaux, et il y a des mauvais investissements qui ne trouvent pas de débouchés. Lorsque les taux sont remontés, la consommation n’est plus dopée, plus assez pour que la production trouve ses débouchés. Normal que le chômage augmente : les faillites se multipliant. Maintenant, ça ne veut pas dire qu’il faille laisser les taux à ce niveau là, puisqu’ils étaient beaucoup trop bas. La raison pour laquelle la Fed a remonté les taux, c’est parce que le taux d’inflation sortait de sa cible.
-« Le fait que l’inflation soit prévisible est une bonne chose car face à une incertitude, les gens ne concluent pas autant de contrats que normalement. »
J’entends souvent cet argument. C’est d’ailleurs très keynésien ou gesellien (au choix). Malheureusement, ça ne prouve pas que s’il y a moins d’inflation, ou s’il n’y a pas d’anticipation sur les hausses de prix, les gens échangeront moins. La base de la théorie de Gesell, « la monnaie fondante », c’est que la monnaie ne se déprécie pas, à l’inverse des produits et biens de consommation.
Et donc, il faudrait que la monnaie se déprécie comme les biens de consommation, et les gens seraient incités à consommer davantage. Ce qu’il oublie, c’est que si l’on consomme pas assez, les prix vont baisser, et la demande sera aussitôt relancée. Krugman, dans son discours sur la mondialisation disait « toute production doit forcément aller quelque part ». Il a entièrement raison. Dès que le prix va baisser (ou augmenter), la demande réagira immédiatement.
Quand vous dites que l’inflation est une solution au chômage, je n’y crois pas. Elle fait baisse le chômage parce que le SMIC rend les salaires trop importants, les charges, les taxes et les impôts également. Une autre cause du chômage, c’est celle théorisée par David Card. Il disait que lorsqu’un pays fait face à un afflux important d’une nouvelle main d’œuvre, il faut augmenter l’achat de facteurs de production. Mais il faut pour cela que l’offre soit flexible par rapport à la demande. Si elle met trop de temps à s’adapter, les prix vont monter sous l’effet de la demande. La part salaire/capital ne bougeant pas, si le capital est plus cher, le salaire diminue en proportion (on constate qu’il y a par exemple une nette différence entre les USA et la France dans le temps d’adaptation). S’il y a un SMIC qui empêche la baisse des salaires, c’est le chômage qui monte.
Dans ce cas, on peut utiliser l’inflation pour réduire le chômage, mais ce serait faire une erreur par-dessus une autre erreur. L’essentiel du chômage me paraissant provenir d’autres facteurs. Bien sûr, il y aura toujours du chômage, mais il serait sans doute assez faible. Peut-être même trop insignifiant pour justifier le recours à l’inflation.
-« De plus, toutes les entreprises utilisant un effet de levier (c’est-à-dire pratiquement toutes) ont des difficultés. »
Si les prévisions sont erronées, ou si les taux fluctuent (inflation plus basse celle attendue, comme vous dites), c’est forcément ce qui arrive (les LBO par exemple).
-« Faire en sorte que l’inflation soit plus haute qu’anticipée réduirait également le chômage mais il faudrait lutter par la suite contre cet excès d’inflation. »
Excès d’inflation ou pas. Quand les syndicats réclament l’indexation des salaires, c’est à partir du moment où l’on s’est aperçu que le salarié est spolié. Chaque tentative de rattrapage du salaire sur le prix sera vaine, car l’employeur répercute les coûts sans délai. Il ne perd rien, contrairement au salarié qui verra toujours son salaire fondre comme neige au soleil. C’est ça l’inflation : quand les salariés sont continuellement spoliés sans pouvoir être indemnisés par des indexations de salaire. Ça ne peut pas durer. Même une inflation perpétuelle modérée n’est pas souhaitable. Car il est impossible que les salaires soient automatiquement alignés sur les prix. Les employeurs s’enrichissent, les employés s’appauvrissent. Dans ce cas là, il vaut mieux laisser tomber.
Quel essai ! Bravo !
Pourquoi placer l’UE dans le côté obscur de la force ? Tous les pays européens en veulent à la BCE de ne pas dévaluer l’€. Moi qui pensait qu’elle avait un comportement à peu près exemplaires (après avoir dévaluer la monnaie pendant la crise).
@XavierQC
En effet, la BCE a résisté à la tentation du côté obscur depuis le sauvetage de la Grèce, mais est-ce que cela va durer?
La BCE étant relativement indépendante des membres et donc des tensions populistes, je pense que oui. J’ai vraiment eu l’impression que Trichet avait dévalué l’euro pendant la crise à contre-coeur.
D’ailleurs les articles de presse sur la variation de l’euro sont passionnants : quand l’euro est fort les titres sont « l’euro pénalise nos exportations, il faut le dévaluer » et quand l’euro est faible les titres sont « le pétrole et autres matières premières reviennent trop cher ».
Jamais content. 😀
« La raison pour laquelle la Fed a remonté les taux, c’est parce que le taux d’inflation sortait de sa cible. »:
Oui, on a eu une petite poussée d’inflation en 2007 (et encore). Mais ce n’est pas une raison pour instaurer une inflation plus basse qu’anticipée sur une longue durée.
« Le fait que l’inflation soit prévisible est une bonne chose car face à une incertitude, les gens ne concluent pas autant de contrats que normalement. »: C’est justement le seul point de mon commentaire qui n’a rien de Keynésien (pas plus que Gesellien)…
Félicitations à l’auteur pour cet article,
Je pense que je vais m’en inspirer pour expliquer le terme « guerre des monnaies » à mes étudiants.
Pour ceux et celles qui ergotent ici et là trouver des semi explications auto-valorisantes, vous devez réapprendre à envisager ce qui ne l’est pas (pour vous). Changer, s’adapter, et réapprendre est le propre de l’Homme!
Je conseille (toujours) 3 ouvrages de base pour se rappeler des fondamentaux
– 100% Money, de Irvin Fisher (http://www.100money.fr/)
– La Mondialisation, de Maurice allais (http://allais.maurice.free.fr/monde01.htm)
– Economics and World History, de Paul Bairoch (http://www.amazon.com/Economics-World-History-Myths-Paradoxes/dp/0226034631)
Encore bravo, c’est très original et plein de bon sens!
PS : et en bonus, un livre qu’il faudrait ériger en lecture obligatoire pour tous les DEUG (voir terminales) :
– The Myht of Free Trade de Ravi Batra http://www.ravibatra.com/Books.htm
A très bientôt,
MrChiffre
(Un économiste atterré)
@Mr. Chiffre
Merci pour les suggestions; je vais les consulter avec intérêt.