Je ne pouvais laisser ce passer ce billet de Paul Krugman, dans lequel il fait référence au sondage réalisé auprès des petites entreprises américaines par la National Federation of Independent Business pour le mois d’août 2010. Krugman fait référence à un article de sa collègue du NY Times, mais il ne s’est même pas donné la peine de consulter le document en question (ce qu’il aurait dû faire).
Dans son billet, Krugman veut nous faire avaler que les petites entreprises américaines n’embauchent pas d’employés parce que leur plus gros problème est le manque de demande (poor sales), ce qui explique le taux de chômage élevé. Sa conclusion est évidemment qu’il faut que le gouvernement intervienne avec un autre gros plan relance pour stimuler la demande.
Voici le graphique en question :
Après avoir consulté le rapport, j’ai vite constaté (encore une fois) que la thèse de Krugman ne tient pas la route.
1) Le sondage ne concerne que 874 petites entreprises (40 employés et moins). Peut-on appliquer les résultats du sondage à l’ensemble de l’économie? J’en doute, mais comme je ne peux le prouver, donnons-lui le bénéfice du doute (il en a d’ailleurs bien de besoin).
2) Le graphique ci-haut fait référence au « plus gros problème » auquel les entreprises font face. Il ne s’agit pas de la raison principale pour laquelle elles n’embauchent pas, comme l’indique Krugman. Il est important de faire la nuance selon moi puisque les propriétaires de ces entreprises pensent davantage en termes de profits plutôt qu’en termes de nombre d’employés. Même si les deux vont ensemble dans une certaine mesure, il reste que la formulation de Krugman dans son billet est plutôt fallacieuse, pour ne pas dire malhonnête.
3) Sur le graphique ci-haut, on constate que le pourcentage d’entreprises mentionnant que leur plus gros problème est la faiblesse des ventes est passé d’une moyenne de 12% à environ 32%, pour une augmentation d’environ 20%.
4) Dans le rapport du NFIB, on constate qu’environ 20% des répondants sont des entreprises oeuvrant dans le secteur de construction. Il est selon moi fort plausible que ces entreprises soient passées d’une situation où la demande est très positive en 2006 à une situation où elle est très faible voire inexistante suite à l’implosion de la bulle immobilière. On peut donc affirmer que l’augmentation de 20% décrite ci-haut provient essentiellement de l’industrie de la construction. La situation décrite par le graphique est donc le résultat d’un problème structurel dans l’économie occasionné par la bulle (comme l’explique la théorie autrichienne) et non un problème de « demande globale » (explication keynésienne).
5) Cela implique donc que pour ramener le ratio de réponses mentionnant que « la faiblesse de la demande est le plus gros problème » vers sa moyenne historique, il faut que l’industrie de la construction reprenne de la vigueur. En quoi est-ce qu’un plan de relance pourrait avoir une influence là-dessus? Il y a déjà des millions de maisons en trop aux États-Unis; est-il logique de vouloir stimuler une reprise dans la construction résidentielle?
6) En revanche, on constate que la règlementation gouvernementale et les taxes/impôts représentent plus de 35% des réponses! Le rapport mentionne notamment que les propriétaires d’entreprises sont inquiètes des déficits gouvernementaux et des politiques économiques incertaines :
“Owners do not trust the economic policies in place or proposed, fear the economic implications of massive deficits and are distressed by global and national developments that make the future more uncertain.”
Or, s’il y a quelque chose que le gouvernement peut faire pour améliorer la situation de ces petites entreprises, c’est bien à ce niveau! Le gouvernement devrait éliminer l’incertitude reliée à ses politiques et réduire le fardeau fiscal et règlementaire des entreprises et des travailleurs. Il devrait aussi maintenir un budget équilibré et, si possible, réduire sa dette.
Un plan de relance financé par un immense déficit n’aiderait pas les choses; il ne ferait que les empirer. On peut donc conclure que Paul Krugman se tire dans le pied en citant ce rapport. Quel imbécile!
Krugman suit la ligne de bernanke , le traiter « d’imbécile » est très poli car un journaliste a des responsabilités ..
« plan de relance », donc activer la « planche a billet » ..
Je cite un commentaire d’une revue française plutôt alarmiste,les chiffres me semblent gonflés,je n’ai pu vérifier ces données voici le passage en question :
« Une excellente étude réalisée par un banquier de Morgan Stanley, Arnaud Mares, nous apprend que si l’on prend en compte l’ensemble des dettes et engagements publics, l’endettement total de la France représenterait 600% du PIB dans les prochaines années — le même calcul porte à 800% du PIB la dette américaine. Pour l’Irlande et la Grèce, les chiffres sont sans appel, les dettes respectives de ces deux pays avoisinent les 1 500% de leur PIB. Finalement 2008 n’était peut-être pas l’annus horribilis que l’on proclamait. Et si elle était devant nous ? »
800% du PIB américain est-ce possible ??
@Jean-Yves
« 800% du PIB américain est-ce possible ?? »
Tout à fait si on inclut tous les engagements sociaux.
Nous avons eu droit à un article de Paul Krugman intitulé « prétextes structurels » dans lequel il en vient à critiquer Bill Clinton quand celui-ci dit « les gens n’ont pas les compétences requises pour les emplois proposés ».
Je suis sûr, après la lecture de l’article, qui n’a ni queue ni tête, comme son billet ci-dessus, que Bill le visait ainsi que nombres de très hauts politiciens plutôt que le secteur privé. (sourire)
À propos du chômage structurel:
http://gregmankiw.blogspot.com/2011/01/how-much-unemployment-is-structural.html
@Fred
Très intéressant!
Je croyais que Mankiw était un keynésien pur et dur?
Il est souvent cité par Krugman…
Si j’ai bien compris, Erik Hurst croit que le chômage structurel est surestimé. Quelles autres causes du chômage ?
Sans doute on peut dire que la baisse de confiance des individus aussi bien que des entreprises tend à conduire les particuliers aussi bien que les entreprises à constituer des réserves de trésorerie plutôt qu’à dépenser et investir. Certains parlent de prophétie autoréalisatrice (le fait qu’on ne consomme/investit en craignant l’allongement de la récession valide à terme cette crainte). Que ce soit vrai ou faux, cela ne s’explique que parce que les dettes empêchent la consommation de se maintenir à un niveau constant.
Et n’oublions pas que les protections de l’emploi ne favorisent pas non plus l’embauche, qui plus est en période de crise.
En outre, les autrichiens ne prétendent pas (si c’est ce que fred veut dire) que le chômage structurel est la seule explication au chômage de masse.
Hayek l’a très bien expliqué dans son Prices and Production (chapitre 3).
Les capitaux ont été mal alloués, la structure de production a été étirée dans la mauvaise direction. Désormais le capital se fait rare. malheureusement, il existe des facteurs de production spécifiques et non-spécifiques. Le problème vient des facteurs spécifiques : on ne fabrique pas des yaourts avec des foreuses minières. Autrement dit, l’ajustement n’est pas immédiat. On ne peut donc pas étirer la structure de production, sauf si l’épargne retrouve son niveau initial. Durant l’économie du « recovery' », des employés doivent travailler sans capital, se révélant inefficaces et surtout… inemployables.
Alors non, je ne pense pas que même si ses recherches sont à terme validées, cela réfute en quoi que ce soit la théorie de l’ABC.
@minarchiste:
Greg Mankiw est un néo-keynésien (New Keynesian). Son sujet d’étude principal est la macroéconomie.
Il faut arrêter de croire que les (néo)keynésiens nient l’existence d’un chômage structurel. Simplement, ils disent que le chômage structurel n’explique pas le chômage intégralement (il n’y a guère que les tenants de la RBC pour soutenir l’inverse. Pour l’ABC, je n’en sais rien).
Ensuite, la façon de vous présenter la chose est assez amusante, lorsqu’on sait que Mankiw est aussi « conservative » que Krugman est « liberal » et que les deux s’envoient régulièrement des piques via leurs blogs respectifs.
@M.H.:
Si le problème vient de prophéties pessimistes auto-réalisatrices, alors il y a toutes les chances qu’un point focal comme une banque centrale puisse corriger cela (sans doute mal, mais c’est mieux que rien).
« on ne fabrique pas des yaourts avec des foreuses minières. « : si vous aviez lu, vous sauriez que c’est précisément cet effet qu’Erik Hurst cherche à quantifier.
(Le terme de structurel est effectivement souvent utilisé comme synonyme de chômage moyen.)
fred,
Sur le pessimisme auto-réalisateur, il y a deux théories couramment : 1) les gens attendent que les prix baissent et épargnent toujours plus 2) les gens craignent la montée du chômage et épargnent toujours plus.
On peut exclure la première. Quand les prix baissent, c’est toujours une opportunité, une aubaine. Personne n’attend de peur qu’un autre ne profite de cette baisse des prix. Quant à la deuxième, tout dépend des rigidités de salaires. S’ils sont rigides, on peut considérer que lorsque le chômage monte, on consomme moins pour épargner plus. Et plus on épargne, plus la production baisse, et plus le chômage monte, and so on (*). En période de crise, on consomme moins pour éponger les dettes. Lorsque les dettes seront épongées, il reste possible à priori que les attentes de hausses du chômage persistent encore et poussent à épargner toujours plus, quand bien même les dettes sont épongées. Bien évidemment, cette « course vers le bas » n’est pas sans fin, mais vous me direz que les dégâts seront tels qu’il vaudrait mieux intervenir tout de suite. Soit. En revanche, si les salaires sont flexibles, alors il n’y a aucune raison de croire que le chômage va monter (ou de si peu) quand bien même on décide d’épargner plus pour se désendetter. La question est de savoir d’où viennent ces rigidités.
(*) J’ai basé mon raisonnement en supposant que la prophétie auto-réalisatrice puisse s’enclencher, parce qu’au fond je n’y crois pas du tout. Même sans avoir fait de l’économie, les gens savent instinctivement qu’en consommant moins, les producteurs vendront moins, feront faillite. Il est probable qu’une fois les dettes épongées, ils se remettent doucement à consommer, et à partir de là, la reprise commencera. La confiance reviendra et on consommera plus.
« si vous aviez lu, vous sauriez que c’est précisément cet effet qu’Erik Hurst cherche à quantifier. »
Ça dépend ce qu’on entend par chômage structurel. Les rigidités de salaire sont-elles considérées comme du chômage structurel ?
Il y a deux hypothèses : ou la rigidité est naturel (les individus l’exigent) ou les institutions empêchent le salaire de baisser.
La première est à exclure. Si les gens résistent à la baisse des salaires, l’augmentation du chômage les obligera à revoir leur rémunération à la baisse. Par élimination, on peut en conclure que les rigidités sont institutionnelles. En 1921, les salaires ont baissé, et la crise s’est rapidement résorbée. Mais pas en 1929 où les salaires étaient rigides. Hautcoeur, dans « la crise de 1929 », explique qu’il n’y avait à l’époque ni salaire minimum, ni indemnité de licenciement, et que le taux de syndicalisation est passé de 12.1 à 7.5% de 1920 à 1929. Alors comment expliquer la rigidité à l’époque ? Je n’en ai fichtrement aucune idée, même s’il est évident que cette rigidité a une origine institutionnelle.
@M.H.
« même s’il est évident que cette rigidité a une origine institutionnelle. »
En effet, au début de la Grande Dépression, Hoover a passé une loi empêchant les employeurs de baisser les salaires. Or entre 1929 et 1933, les prix à la consommation ont baissé de 25% alors que les salaires n’ont baissé que de 15%, ce qui a eu un impact très néfaste sur la rentabilité des entreprises, qui ont dû faire des mises à pied massives pour éviter la faillite. Les augmentations du salaire minimum ont aussi contribué à ce phénomène durant la Grande Dépression.
minarchiste,
Oui, j’avais lu ça aussi. Mais Hautcoeur dans « la crise de 1929 » dit ceci, je cite :
« Certes, Hoover demande au début de la crise aux employeurs de ne pas baisser les salaires. Pourtant, une telle demande n’obtiendrait qu’une écoute polie de la part des chefs d’entreprise si l’idée que les salaires doivent être les derniers coûts à réduire en cas de récession n’était pas largement partagée. »
Hautcoeur considère que l’état a « demandé » aux employeurs, vous me dites que l’état a « obligé » les employeurs en passant… une loi ! Ça peut s’expliquer; dans ce cas, Hautcoeur n’est pas très honnête.
Néanmoins, il pense que la rigidité n’est pas due à la politique de Hoover.
Il explique pourquoi dans ces deux pages, même si j’en suis très moyennement convaincu.
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(ne pas hésiter à zoomer)