Paul Krugman continue à s’accrocher aux théories keynesiennes malgré l’évidence de leur échec.
Sur son blogue, il compare souvent la récession que nous avons de traverser avec la Grande Dépression des années 1930s et affirme que sans l’intervention étatique à la Keynes, nous aurions connu une autre Grande Dépression, prouvant de ce fait l’efficacité des politiques keynesiennes. En revanche, il ne cesse de blâmer les politiques de Hoover, qu’il présente comme un maître de l’austérité, pour avoir agravé la Grande Dépression. Selon lui, une augmentation du taux directeur de la Fed en Octobre 1931 et une petite coupure dans les dépenses de l’État en 1932 ont été catastrophiques pour l’économie.
Tout d’abord, Krugman devrait réaliser qu’en Octobre 1931, le taux de chômage officiel frôlait déjà les 16%. Autrement dit, l’économie était déjà en lambeaux. Deuxièmement, lorsqu’on met en perspective les dépenses de l’administration Hoover, on se rend compte qu’il était aussi austère que Tiger Woods était fidèle! Il a augmenté les dépenses de 42% entre 1930 et 1932. Le déficit fiscal s’est chiffré à $2.6 milliards en 1932, ou 4% du PIB. Cependant, comme c’est toujours le cas lorsque les politiques keynesiennes ne fonctionnent pas, le seul argument qu’il leur reste est de dire que ce n’était pas assez! Troisièmement, le taux directeur de la Fed était quand même très expansionniste même après la hausse de 1931. La façon dont Paul Krugman décrit ce qui s’est passé durant ces années est donc fallacieuse. En revanche, il s’abstient systématiquement de parler de la Dépression de 1920-21!
En fait, s’il y a une chose que l’on peut reprocher à Hoover qui a vraiment eu un impact négatif sur l’économie, c’est son penchant pour le protectionnisme. Pour comprendre ce qui s’est réellement passé en 1929, je vous propose ceci.



Dans un billet publié le 25 mai dernier, Krugman affirme que les gigantesques dépenses gouvernementales engendrées par le plan de relance économique Bush/Obama n’ont pas eu d’effet « crowding-out »; c’est-à-dire qu’elles n’ont pas eu comme effet de se substituer aux investissements privés.
L’effet crowding-out se produit lorsque le gouvernement génère des déficits pour stimuler l’économie (à la Keynes). Ces déficits font augmenter les taux d’intérêt, ce qui signifie que les entreprises privées et autres emprunteurs doivent se financer à un taux plus élevé. Cela a un effet négatif sur l’investissement, la consommation et donc sur la création d’emplois. Ainsi, en voulant stimuler l’économie, le gouvernement se trouve à l’étouffer.
L’argument de Krugman est que le taux sur les obligations du gouvernement américain n’a pratiquement pas augmenté depuis un an, donc manifestement pas de crowding-out.
Comment le crowding-out fait monter les taux d’intérêt?
Il y a deux façons par lesquelles le crowding-out fait augmenter les taux.
La première survient lorsque les titres de dette du gouvernement sont achetés par des investisseurs. Cela a comme impact d’augmenter l’offre d’obligations sur les marchés, ce qui a un effet à la hausse sur les taux d’intérêt. Bref, le gouvernement « inonde » les marchés obligataires, ce qui crée un surplus de titres de dette. Pour attirer davantage d’investisseurs, les taux doivent augmenter. L’épargne disponible dans l’économie va davantage vers le gouvernement plutôt que vers les entrepreneurs. Autrement dit, lorsque le gouvernement vend ses titres de dette sur le marché, il s’accapare une plus grande partie de la quantité d’épargne disponible. Il en reste donc moins pour les emprunteurs privés. Ce n’est pas vraiment cela qui s’est produit au cours des 12 derniers mois.
La deuxième façon survient lorsque la dette du gouvernement est achetée par la Federal Reserve avec de la monnaie créée ex nihilo. L’effet sur les taux d’intérêt n’est alors pas immédiat. Cette création de monnaie génèrera éventuellement de l’inflation (ou du moins fera augmenter les anticipations d’inflation), ce qui mettra de la pression à la hausse sur les taux d’intérêt.
Dans la période récente, le déficit du gouvernement américain a été financé avec de l’argent créé ex nihilo par la Federal Reserve. La Federal Reserve a utilisé ce qu’on appelle le « quantitative easing »; c’est-à-dire qu’elle a créé de la monnaie pour acheter des obligations (surtout celles du gouvernement). À preuve, la Fed est maintenant le plus gros détenteur de bons du trésor au monde. Il est normal de ne pas avoir assisté à une augmentation du taux d’intérêt du gouvernement depuis le plan de relance, puisque celui-ci est maintenu à la baisse par la Fed!
Quand verrons-nous le crowding-out alors?
En fait, on pourrait montrer à Paul Krugman que le taux 10 ans sur les obligations du gouvernement a fortement augmenté depuis le début de 2009 (de 2.5% à 3.5%).
Les taux vont monter davantage lorsque l’inflation se manifestera. Présentement, l’économie est trop faible et la tendance est au désendettement. Il n’y a donc pas de pressions inflationnistes.
D’autre part, le taux directeur de la Federal Reserve a beau être de 0% et celui des bons du trésor à 3.5%, c’est sur les marchés obligataires et auprès de leur banque que les entreprises et particuliers doivent se financer. Voyons voir si le crowding out s’est manifesté depuis un an.
Le graphique suivant montre les dépenses en capital des entreprises américaines. Elles sont en forte baisse depuis le début du plan de relance et n’ont pas rebondi malgré la supposé reprise économique.
Ainsi, il m’apparaît clair que 1) le plan de relance n’a pas fonctionné et que 2) l’investissement privé est très faible. Paul Krugman n’a donc pas de quoi taper sur la table en nous montrant son graphique du taux d’intérêt des bons du trésor…
Ensuite, Paul Krugman ne s’arrête pas là. Il affirme que ceux qui craignent un épisode d’hyper-inflation suite à l’immense création de monnaie engendrée par la Federal Reserve dans ses manœuvres de « quantitative easing », devraient observer le Japon qui malgré une forte augmentation de sa masse monétaire dans les années 2000 (suite à du quantitative easing), n’a pas subi d’hyper-inflation. Donc, s’il n’y a pas d’inflation, les taux de monteront pas, et si les taux ne montent pas, il n’y aura pas de crowding-out et tout ira bien!
Effectivement, le Japon n’a pas subi d’hyper-inflation; il n’a d’ailleurs pas connu de croissance économique non plus! Le Japon est un exemple flagrant de l’échec des politiques keynesiennes. La croissance du PIB n’y a pas dépassé 2% dans les années 2000 et le taux de chômage n’a jamais été aussi élevé. Il y a plusieurs explications, au marasme économique japonais (système bancaire déficient, changements démographiques, interventionnisme étatique, inflexibilité du marché du travail, etc), mais il est plutôt fallacieux d’utiliser cet exemple pour vanter les plans de relance et le « quantitative easing » puisque ces politiques n’ont carrément pas fonctionné. Bref, si c’est pour nous réconforter que Krugman nous pointe le Japon, c’est manqué!
Ce que Krugman répondrait est probablement que, tout comme le Japon, les Etats-Unis sont dans une trappe à liquidité, une autre chimère keynesienne, directe conséquence de leurs politiques. L’autre conséquence des politiques keynesienne est la stagflation. C’est probablement ce qui attend les États-Unis une fois qu’ils seront sortis de leur trappe à liquidité après une ou plusieurs décennies perdues!
Voyez mes autres articles dans la série Paul Krugman ici, ici, ici et ici.
Parce qu’un taux à 0% SANS inflation, çà n’existe pas selon vous?
Parce que pour vous, le secteur public qui évince le secteur privé, c’est quelque chose de positif?
Je peux comprendre que vous vous battiez contre l’inflation lorsqu’elle est est là, mais que vous vous battiez pour doper le rendement RÉEL des obligations d’état, c’est quelque chose que je ne peux comprendre.
Tout le but du quantitative easing est que les actifs étatiques soit tellement peu rentables que les investisseurs leurs préfèrent des actifs privés.
Hoover n’est pas exempt de reproches non plus. Il est aussi à l’origine d’une politique de hauts salaires qui a sans doute aggravé la dépression de 1929.
Au fait, vous noterez qu’il y a une baisse du chômage au Japon à partir de 2002. Or, le programme de quantitative easing commence en 2001…
La remontée de 2008 coïncide avec la crise mondiale.
Vous devriez lire ceci:
http://www.themoneyillusion.com/?p=5312
@Fred
« Hoover n’est pas exempt de reproches non plus. Il est aussi à l’origine d’une politique de hauts salaires qui a sans doute aggravé la dépression de 1929. »
Hoover était un dépensier, protectionniste, et vous apportez un bon point en mentionnant qu’il a aussi tenté de manipuler le marché du travail et les prix.
Quant à votre billet sur The money illusion, je suis en total désaccord. J’ai expliqué ce qui s’est passé en 1929 dans mon billet mentionné plus haut.
Pour maintenir le taux à 0%, la banque centrale doit maintenir un haut taux de création monétaire. Ce genre de création monétaire finit toujours par créer des bulles et des pousséeas inflationnistes éventuellement. Les deux vont de pair.
Effectivement, Hoover a négocié un gel des salaires avec les syndicats et le patronat alors que la déflation faisait rage dû à la faillite de 9000 banques en un an. Le résultat a donné un taux de chômage inédit de 25%. Autre preuve que Hoover était tout sauf un avocat du laissez-faire.
La statistique de chômage est un peu trompeuse. Il est très facile de réduire le chômage en engageant des chômeurs pour creuser des trous un jour et les remplir le lendemain ou de ponts et des routes vers nulle part. Ça réduit le chômage, mais ça ne règle rien des problèmes structurels de l’économie.
@Philippe David:
« Ce genre de création monétaire finit toujours par créer des bulles et des pousséeas inflationnistes éventuellement. « :
Oui, mais il vaut mieux un peu d’inflation que l’éviction du secteur privé par le secteur public.
« La statistique de chômage est un peu trompeuse. Il est très facile de réduire le chômage en engageant des chômeurs pour creuser des trous un jour et les remplir le lendemain ou de ponts et des routes vers nulle part. Ça réduit le chômage, mais ça ne règle rien des problèmes structurels de l’économie. »
C’est là tout l’intérêt du quantitative easing: ce ne sont pas des investissements étatiques qui sont financés, mais tous ceux dont la rentabilité est supérieure à un certain seuil.
De plus, lors des déflations, la banque centrale est fortement tentée de garantir implicitement les banques, ce qui les transforme en zombie peu efficaces. Avec le quantitative easing, la banque centrale redevient la patate chaude dont tout le monde cherche à se débarrasser au lieu du grand manitou qui fait la loi.
En somme, en période de déflation, les pouvoirs publics ne peuvent pas ne pas faire de quantitative easing. Seulement, la façon propre de le faire est d’utiliser des appels d’offre plutôt que se lancer dans des refinancements ad-hoc et d’afficher clairement ses objectifs plutôt que d’avancer à vue. C’est ce qu’a fait la banque du Japon à partir de 2001.
@minarchiste:
Lorsque vous mentionnez l’effet d’éviction, vous oubliez plusieurs choses:
_la hausse éventuelle des taux d’intérêt augmente également le taux d’épargne,
_la montée des taux ne se produit que si il y a un banquier central pour la décider. Or, si le banquier central voulait en fait un taux négatif, l’accroissement de la dette publique ne l’amènera pas à remonter son taux, puisque le taux de 0% reste supérieur au taux d’intérêt qu’il aurait souhaité appliquer.
Donc, votre démonstration de l’inefficacité de la politique budgétaire est déficiente.
La vraie raison pour laquelle la politique budgétaire est inutile est qu’il y a normalement un banquier central qui fait tout le boulot via le quantative easing et fait en sorte que l’épargne ex ante soit bien égale à l’investissement ex ante.
Si vous voulez vraiment prouver que la politique monétaire est inefficace, il faut utiliser la théorie des anticipations rationnelles (pas de chance pour vous, elle met également parterre votre l’ABCT).
fred:
Il y a probablement quelque chose que je ne comprends pas car je ne vois pas le lien entre ce que vous décrivez comme du « quantitative easing » et le texte de Wikipedia:
http://en.wikipedia.org/wiki/Quantitative_easing
Il n’y a rien au sujet de la « rentabilité supérieure à un certain seuil » et pour les entités privées on s’entend que cela semble avantager les banques privées qui peuvent continuer leur pratique de réserve fractionnaire.
En plus:
Quantitative easing was used unsuccessfully[5] by the Bank of Japan (BOJ) to fight domestic deflation in the early 2000s – see section ‘Origin’ below.
[5] -> http://news.bbc.co.uk/2/hi/8517760.stm
« Analysts also said there is little appetite in Japan for further quantitative easing – or creating money to pump into the economy – as the policy proved unsuccessful in beating deflation in the past. »
Je ne vois pas vraiment ou vous voulez en venir. L’inflation favorise l’expansion de l’état.
Le point que vous manquez est que l’assouplissement quantitatif est alimenté par de la création monétaire ex nihilo, pas par des ressources réelles. Il ne crée pas de nouveau capital, il consomme le capital par l’érosion du pouvoir d’achat de la monnaie.
En supposant qu’un modèle qui implique que tous les acteurs du marché font des décisions rationnelles 100% du temps en ayant toujours accès à toutes les informations pertinentes, ait un lien quelconque avec le vrai monde. Les économistes néo-classiques passent trop de temps à construire des modèles parfaits et ensuite s’attendre à ce que le monde réel s’y adapte plutôt que d’adapter leurs théories au vrai monde. Le vrai monde n’est pas 100% rationnel et doit composer avec de l’information incomplète.
« L’inflation favorise l’expansion de l’état. »:
C’est en fait la causalité inverse qui se produit. C’est l’expansion de l’état qui favorise l’inflation. L’inflation, c’est la sanction lorsqu’un état n’a pas le courage de mettre en relation les impôts avec ses dépenses. En poussant un peu l’inflation, la banque centrale évite de transformer les titres d’état en épargne de dernier ressort.
« Il ne crée pas de nouveau capital, il consomme le capital »:
Ah non. On est bien d’accord qu’émettre de la monnaie ne crée rien en soi. Mais il n’en détruit pas non plus.
L’assouplissement quantitatif permet de remettre à leur juste place les rendement des titres d’état: mauvais par rapport aux opportunités du secteur privé. De cette façon, les épargnants préfèrent financer des entreprises que l’état.
« Le vrai monde n’est pas 100% rationnel et doit composer avec de l’information incomplète. »:
On est bien d’accord. C’est bien pour çà que la politique monétaire a un rôle à jouer.
@Fred
Oui mais la politique monétaire est menée par du vrai monde…qui en plus de ne pas être rationnel et de composes avec de l’information incomplète, subi des pressions politiques et a des intérêts divergents du « bien-être collectif » (la Fed est infestée par le cartel bancaire).