Plusieurs milliers de personnes sont (encore) descendues dans les rues d’Athènes le 4 mai dernier pour protester contre les nouveaux « sacrifices » demandés par le gouvernement en échange d’un prêt de 110 milliards d’euros sur trois ans cofinancé par le FMI et la Zone Euro.
Les nouvelles mesures d’austérité ont été annoncées dimanche par le gouvernement, comprenant une hausse de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), des augmentations des taxes sur l’alcool et le tabac et des primes limitées, voire supprimées pour les fonctionnaires et les retraités.
La situation au Québec :
Je ne peux m’empêcher de faire un parallèle avec le Québec, car il y a beaucoup de similitudes avec notre situation, bien que la Grèce soit à un stade plus avancé de détresse financière que nous :
- La population du Québec se fait plus vieillissante que celle des autres provinces (voir ce billet sur le choc démographique).
- Les programmes sociaux du Québec sont généreux et la fonction publiques très imposante comparativement aux autres provinces (voir capsules économiques de l’IEDM de mai 2009).
- Le Québec est fortement endetté.
- Le Québec n’a pas le contrôle sur sa monnaie.
Au niveau de l’endettement, selon une étude de Carmen Reinhart et Kenneth Rogoff, en prenant les chiffre de 2008, les quatre pays avec le plus haut ratio sont le Japon (172.1%), l’Italie (114.4%), la Grèce(102.6%) et l’Islande (96.3%). Le Québec est non loin derrière à 94.0% si on tient compte de sa part de la dette du Canada. La moyenne de l’OCDE est de 78.4%. Avec les déficits prévus pour les prochaines années, ce ratio passera au-dessus de 100%.
En 2007, le nombre de fonctionnaires Québécois était de 37% plus élevé que le nombre de fonctionnaires en Ontario, 29% plus élevé que le nombre de fonctionnaires en Colombie-Britannique et 20% plus élevé que le nombre de fonctionnaires en Alberta. Depuis 10 ans, la machine étatique québécoise s’est alourdie. Le Québec compte 181,000 employés du secteur public de plus qu’en 2000.
Pour l’exercice 2009-2010, le déficit du Québec se chiffrerait à $4.3 milliards. Selon les plans (optimistes) du gouvernement, le retour à l’équilibre est pour 2013-2014, mais au cours des quatre exercices allant de 2009 à 2012, le déficit cumulatif se chiffrerait à $13.3 milliards. La dette augmentera, ce qui fera en sorte qu’en 2013-2014 (selon les projections du gouvernement), le gouvernement versera 16% de ses revenus de taxation en intérêt sur la dette.
Ce retour à l’équilibre prévu pour 2013-2014 prévoit des mesures d’austérité dont nous avons été récemment mis au courant et qui ont provoqués plusieurs manifestations de mécontentement dans la population.
Le danger est que le gouvernement Québécois n’arrive pas à atteindre cet équilibre et que la province s’engage sur la voie des déficits répétitifs. Si c’est le cas, la dette continuera d’augmenter et le service de la dette deviendra de plus en plus accaparant, jusqu’à ce que nos créanciers jettent l’éponge…c’est ce qui est arrivé à la Grèce !
La situation en Grèce:
Dans son excellent article publié sur Un Monde Libre le 27 avril 2010, Takis Michas mentionne les faits suivants sur la Grèce :
Le principe central d’organisation de la société grecque a toujours été le clientélisme politique, un système dans lequel le soutien politique est fourni en échange d’avantages matériels.
En Grèce, le groupe social qui prît la tête du pays après la libération du joug Ottoman, était constitué de notables locaux dont le pouvoir ne résidait pas dans leur propriété sur la terre, mais dans le fait qu’ils avaient été des collecteurs d’impôts pour leurs dirigeants ottomans. Ainsi, en Grèce, la classe dirigeante qui a émergé après l’indépendance voyait l’État non comme un instrument pour la protection des biens déjà existants, mais comme sa principale source de revenu.
Dans le même temps, le contrôle de l’appareil d’État est devenu le principal mécanisme pour la distribution des récompenses et des avantages matériels. Le plus important de ces avantages a été la mise à disposition d’emplois dans la fonction publique. À la fin des années 1880, la Grèce avait déjà l’une des bureaucraties d’État les plus importantes d’Europe: pour 10.000 habitants, il y avait 200 fonctionnaires en Belgique, 176 en France, 126 en Allemagne et 73 en Grande-Bretagne. En Grèce, leur nombre était de 214.
La Grèce, comme beaucoup de pays Européens, a multiplié les déficits (36 ans pour la France); l’État a donc financé ses dépenses générales par de la dette. Cette situation l’a rendue extrêmement vulnérable aux récessions. Tout comme nous, sa population vieillit et sa fonction publique pèse lourd sur sa compétitivité économique.
D’autre part, comme je le mentionnais dans un billet précédent, la Grèce ne peut plus monétiser ses déficits par la création de monnaie puisqu’en raison de son appartenance à la zone Euro, elle n’a pas le contrôle sur sa banque centrale. On peut comparer la situation monétaire de la Grèce au sein de la zone Euro à celle du Québec au sein du Canada ou de la Californie au sein des Etats-Unis (un autre exemple à ne pas suivre).
Conclusion :
La Grèce nous fournit un bel exemple de ce qu’il ne faut pas faire dans la gestion des finances publiques. Dépenses gouvernementales élevées, déficits à répétition, spirale d’endettement : c’est ce qui arrive quand on vit au-dessus de ses moyens. Notons cependant que le Québec est à un stade beaucoup moins avancé. Espérons que les penseurs de notre gouvernement réaliseront l’ampleur de ce risque et agiront en conséquence, mais je doute fort que ce soit le cas.
Merci pour le billet.
Malgré que des états souverains peuvent encore monétiser leur dette la question que je me pose est, plus particulièrement pour les É-U, pour combien de temps encore?
Même la monétisation de la dette n’est pas une panacée. Demandez ça aux zimbabwéens…
@Philippe
« Même la monétisation de la dette n’est pas une panacée. Demandez ça aux zimbabwéens… »
En effet, c’est très pervers, mais ça permet au pays de faire des déficits sans faire faillite, au prix d’une inflation élevée et de tous les problèmes qui y sont reliés.
Lorsqu’une population quelconque vit au-dessus de ses moyens pendant un certain temps, elle en vient à croire que son niveau de vie est normal.
Étant donné que la seule solution est de baisser le niveau de vie pour le ramener à la vraie normale, la perception de la population est qu’elle se fait avoir.
Elle cherche alors des boucs émissaires, de préférence les riches et/ou les étrangers (question de ne pas se remettre en question). Cela empêche de solutionner le vrai problème de façon efficace.
Le peuple descend dans la rue et proteste. Pourtant il n’a que lui à blâmer.
@Jack
Exactement! Vos propos résument très bien la situation.
Bienvenue sur mon blogue.
Ce qui est remarquable, c’est que ,comme au Québec, aucun politicien ne parle sérieusement de dégraisser l’État.
Je ne conteste pas l’idée que l’état doit bien gérer ses dépenses et que nous, en tant que société, devons requestionner la pertinence de certains services. Cependant, il manque ici quelque chose dans l’équation: la Grèce, comme bon nombre de pays qui ont adhéré à l’approche néolibérale, a octroyé des avantages fiscaux et réductions d’impôt importants aux plus riches. On peut sans doute réduire les dépenses mais faudrait également regarder du côté des revenus potentiels, sans créer de grands chocs dans cette tranche de la population qui possède des moyens de plus en plus démesurés.
Je sais que les sympatisants libertariens n’appuieront jamais l’idée d’une hausse des impôts mais ils doivent reconnaître que les avantages octroyés aux plus riches a fait plus de mal que de bien.
@lutopium: quel pourcentage de la population est considéré « riche » selon vous et combien d’impôts espéreriez-vous en tirez? Je présume que vous rêvez de taxer les riches pour renflouer l’état.
Je vous rappelle qu’en janvier 2010 la dette Grecque était estimée à 216 milliards d’euro (http://en.wikipedia.org/wiki/2010_European_sovereign_debt_crisis).
Et je vous rappelle également que les « riches » en question sont beaucoup plus mobiles que le reste de la population.
Voilà un article de 2005. En quoi faire payer « riches » aurait changé quoi que ce soit à l’irresponsabilité du gouvernement?
http://www.independent.co.uk/news/world/politics/a-look-at-pensions-plans-worldwide-517579.html
GREECE: The European Union has warned Greece that within five years it will face a problem due to increased aging of its population. With one of the lowest birthrates in the EU, its population of 10 million is rapidly aging. Experts say Greece must begin dealing with the problem before 2010, when costs for pension are expected to skyrocket. Under the current system, the basic retirement age for men is 65 and for women it is 60.
Et encore:
http://www.pensionfundsonline.co.uk/countryprofiles/greece.aspx
High replacement ratios and generous rules for early retirement, especially for women, put heavy pressure on the pension system and consequently on public finances. The huge Greek budget deficit, which is the second highest in the EU, is mainly driven by its pension system. Pension reform is urgently required; experts predict the system to collapse within the next 15 years if nothing is done.
Alors, exactement, d’où vient votre histoire d’approche néo-libérale et quel est votre plan pour les « riches » (surtout leur compte en banque) qui aurait pû empêcher la faillite du « model » Grecque?
@Lutopium
« a octroyé des avantages fiscaux et réductions d’impôt importants aux plus riches. »
La plupart des libertariens favorisent un taux d’imposition unique.
Ceci étant dit, c’est vrai que la fraude fiscale est fortement répandue en Grèce. Mais je pense que c’est ce qui arrive inévitablement lorsque les travailleurs se font manger la laine sur le dos pour payer de généreux salaires à une fonction publique obèse.
C’est véritablement ça le problème en Grèce: les fonctionnaires sont trop puissants et très gourmants.
@ Jack:
Comment blâmer le peuple lorsque la démocratie représentative n’existe même plus ici?
Nos députés doivent obéir à la ligne de parti avant de pouvoir représenter les intérêts de leurs électeurs.
Avant le dernier budget, et selon les sondages de Canoe, la majorité des Québécois voulait des coupes dans les dépenses de l’état. En aucun cas, ils voulaient des augmentations d’impôts/taxes ou de services. Bon, les sondages ne sont pas des consultations directes, -comme cela existe en Suisse- mais malheureusement, ici, ce n’est pas dans les habitudes de nos premiers ministres-tout-puissants d’écouter les demandes du peuple.
Ils ne sont des marionnettes de tous les corporatismes… et personne n’écoute la majorité silencieuse(mais de moins en moins…) – qui paye pour tout ça.
Grêce VS Japon , selon l’agence de cotation S&P:
La dette publique du Japon en mars 2010(fin de son année fiscale) :200% du PIB,aucun plan de consolidation n’est cependant envisagé.Les perspectives a long terme des obligations sont abaissées a « négatives » mais la notation reste a « AA »pour le Japon.Si la grêce a été dévaluée ,pourquoi pas le Japon?Les agences de cotation seraient-elles influençées par certains pays, lesquels n’auraient pas intérêt a assister a une décote du Japon ,de crainte qu’ils soient eux aussi un jour évalués??
Jean-Yves
@Jean-Yves
Il y a une nuance importante entre la Grèce et les pays tels que je Japon, le Royaume-Uni, les États-Unis et le Canada.
Ces derniers ont leur propre banque centrale et peuvent donc monétiser leurs déficits et dévaluer leur devise, pas la Grèce.
Encore une fois, je ne dis pas que c’est une bonne chose d’avoir une banque centrale, mais ça permet de garder la tête hors de l’eau.
La meilleure façon d’éviter les problèmes est de garder l’équilibre budgétaire et de ne pas s’endetter pour payer ‘l’épicerie’.
Oui mais..
Certes le Japon a sa banque centrale;cependant,même avec la politique des taux a zéro(ZIRP),la banque du Japon ne réussit toujours pas améliorer la situation,et entre autres a réduire la valeur du Yen ,encore nettement surévalué..
Cet état perdure depuis plus de 20 ans,quel résultat a obtenu la banque du Japon a ce jour??
Un grand problême du Japon est sa compétitivité,il n’est plus comme il y a 20 ans un producteur a coût compétitif.
la chine ,l’indonésie, l’inde , ont pris la relève.
Le Japon a un besoin criant de relançer ses exportations,de retrouver sa compétitivité,nous revenons encore au Yen comme l’un des éléments a considèrer , mais avec bien entendu toute la structure économique,politique et sociale de ce pays..
Sur un plan subjectif,(car qui connait les motivations des agences de cotation comme S&P ..), je « persiste » a me demander encore si l’on ne ménage pas le Japon ,et implicitement d’autres pays ,lesquels risquent de devenir,a moyen terme,eux aussi des « ex puissances » économiques..
Trouvez vous ce doute légitime?
@Jean-Yves
Je ne crois pas que le Yen soit surévalué:
Et n’oubliez pas que le problème des PIIGS est un problème de liquidité (refinancer les dettes qui arrivent à maturité). La banque centrale permet de contrer ce problème de liquidité en créant la monnaie.
Ceci étant dit, tu as raison d’indiquer que la création de monnaie ne réussit pas à améliorer la situation économique du Japon. Comme si souvent démontré sur ce blogue, la création de monnaie a des effets pervers majeurs sur l’économie.
Vous dîtes:
« Le Japon a un besoin criant de relançer ses exportations,de retrouver sa compétitivité,nous revenons encore au Yen comme l’un des éléments a considèrer »
Votre commentaire sous-entend que la dévaluation du Yen est nécessaire à relancer les exportations, ce qui relancerait l’économie; ce à quoi je suis en désaccord.
Ensuite, vous parlez de compétitivité, alors qu’une dévaluation n’améliore pas la compétitivité à long terme.
Lisez ceci:
https://minarchiste.wordpress.com/2010/03/31/la-devise-chinoise/
Ce dont le Japon a vraiment besoin est d’un système bancaire/monétaire sain et d’une économie libre dans laquelle les faillites nettoient l’économie des entreprises qui gaspillent les ressources et le capital.
Finalement: « Trouvez vous ce doute légitime? »
Je ne peux pas vraiment vous répondre à cet égard. Est-ce que je le gouvernement japonnais paie des pot-de-vins à S&P pour qu’ils ne les décotent pas? Plus rien ne me surprend de nos jours!