J’ai finalement eu la chance de visionner le film Avatar en 3D la semaine dernière. Le film est visuellement extraordinaire; du jamais vu. L’histoire est cependant prévisible et bourrée de clichés. Ceci étant dit, bien que plusieurs observateurs y aient vu un plaidoyer écologiste et une fable anti-capitaliste, j’y vois au contraire l’histoire d’un peuple qui lutte pour la défense de ses droits de propriété contre des tyrans. L’occasion était belle de vous introduire au concept de « homestead » (désolé, je n’ai trouvé aucun équivalent français qui fasse vraiment l’affaire).
Ce principe vise à répondre à la question suivante: dans une société libre, qu’est-ce qui détermine les droits de propriété initiaux?
Dans le film, les mercenaires de la corporation tentent d’expulser les Na’vis de leur territoire pour pouvoir exploiter un gisement d’unobdanium situé sous leur « Arbre-Maison ». Leur argument utilitariste selon lequel l’exploitation de la mine par la corporation génèrera plus de richesse que l’occupation des Na’vis est évidemment invalide. Il ne devrait pas être possible d’utiliser la force pour exproprier quelqu’un de sa propriété sous prétexte que cela créera de la richesse, même si cela a été déjà été fait aux États-Unis et même si la compensation est jugée suffisante par l’État. Le rôle de la loi est de défendre la propriété des citoyens, pas de créer de la richesse.
Dans le même ordre d’idée, il est tout aussi immoral d’utiliser la force pour prendre la propriété de l’un (par l’impôt) pour distribuer l’argent à d’autres sous prétexte que cette propriété servira mieux la collectivité ainsi.
Ceci étant dit, sous quel principe les Na’vis peuvent-ils déclarer que l’Arbre-Maison est leur propriété? Dans un système légal libertarien, la loi « naturelle » par laquelle les ressources qui ne sont la propriété de personne devienne la propriété de quelqu’un s’appelle le principe du « homestead »:
En mélangeant votre travail et/ou les ressources qui vous appartiennent avec des ressources qui n’appartiennent à personne, ces ressources ainsi transformées deviennent votre propriété.
Ainsi, si vous trouvez un bout de bois qui n’appartient à personne, que vous le travaillez pour en faire une sculpture, cette sculpture devient votre propriété. Dans le cas d’un terrain qui n’appartient à personne, on peut en faire sa propriété en le défrichant, en le clôturant et/ou en y installant une plantation par exemple.
Dans le cas d’un territoire, certaines actions ne sont cependant pas suffisantes ou légitimes pour s’approprier un droit de propriété. Il ne suffit pas de découvrir et d’arpenter un territoire pour le déclarer sien. Lorsqu’il a découvert l’Amérique, il n’était pas légitime que Christophe Colomb la déclare propriété de l’Espagne. La conquête non plus n’est pas une façon légitime d’acquérir un droit de propriété puisque cela ne respecte pas le principe libertarien de non-agression. Finalement, les droits de propriété ne peuvent être attribués par simple décret étatique. Il est donc illégitime que le Gouvernement du Québec déclare que la rivière Romaine lui appartient.
Revenons à nos Na’vis si vous le voulez bien. Ceux-ci ont « découvert » leur territoire bien avant la corporation humaine. Ils y ont assemblé une infrustructure habitable autour de l’Arbre-Maison. Il ne fait aucune doute: les Na’vis sont les légitimes propriétaires de leur territoire. La valeur du gisement minéral et le refus des Na’vis de négocier ne justifient aucunement les agissements de la corporation, qui sont de pures agressions. Les Na’vis ont le droit légitime de défendre leur propriété.
Ce film est un bon exemple démontrant que l’existence de droits de propriétés peut régler bien des problèmes territoriaux, environnementaux et sociaux que l’État tente présentement de régler par de la règlementation pesante, coûteuse et inefficace.
Quelques textes sur le sujet:
D’accord avec ces analyses, c’est justement des questions qui naissaient dans ma tête pendant le film. Je vois cependant Avatar comme un pamphlet pour montrer le capitalisme comme étant une force destructrice, à l’encontre de la nature et de la vie. Le but c’est de faire passer les capitalistes pour les méchants. La plupart des gens ne se posent pas de questions comme le respect des droits de propriété, etc. Tout ce qu’ils voient c’est une corporation qui après des efforts pacifiques décide de rentrer dans le tas pour faire des profits. Malgré que ce ne soit pas le propre du capitalisme, j’ai peur que c’est l’image que le remake de Pochaonthas laisse dans la tête des gens.
J’avais la même vision que toi à la sortie du film. J’y voyais aussi un peuple qui lutte pour protéger sa liberté.
Par contre, j’abonde dans le sens de Pierre-Olivier. La plupart des gens ne voient pas le film de notre façon, mais le voit plutôt soit comme une publicité écologistes ou bien une dénonciation du capitalisme…
Tout compte fait, c’était un très bon divertissement!
@P-O et Waried
Vous avez raison, le problème étant que les gens ne savent pas ce qu’est le capitalisme à la base et ne comprenne pas comment le capitalisme est un mécanisme fort efficace pour protéger l’environnement et rationner les ressources.
Je prépare un billet pour la semaine prochaines là-dessus…
«Ainsi, si vous trouvez un bout de bois qui n’appartient à personne, que vous le travaillez pour en faire une sculpture, cette sculpture devient votre propriété. Dans le cas d’un terrain qui n’appartient à personne, on peut en faire sa propriété en le défrichant, en le clôturant et/ou en y installant une plantation par exemple.»
C’est marrant parce que, suite aux précédents billets sur la propriété intellectuelle, j’ai tout de suite pensé :
« si je trouve une idée et que je l’exploite elle m’appartient… tout comme je suis le seul à tirer profit de mon bout de bois comme de mon terrain, il pourrait en être de même de mon idée ».
Hé oui, j’ai encore quelques réticences concernant l’absence de propriété intellectuelle pour quelques domaines.
@XavierQC
Dans le cas du bout de bois, il faudrait que je vous le subtilise pour pouvoir l’utiliser, vous en resortiriez donc plus pauvre; vous ne pourriez plus bénéficier de l’utilisation de ce bout de bois.
Dans le cas d’une invention, je peux la reproduire sans vous rendre plus pauvre. Le fait que j’utilise votre idée ne vous empêche pas de bénéficier de son utilisation.
Les idées ne sont pas une ressources limitée, elles ne peuvent donc pas être la propriété de quelqu’un.
C’est une différence majeure.
Maintenant, vous me direz qu’en commercialisant ma version de votre invention, je vous rends plus pauvre parce que vos revenus seront moins grands.
En effet, mais il n’y a aucune raison pour que vous bénéficiez d’un monopole protégé par l’État et il n’en demeure pas moins que je ne vous ai rien volé de concret.
« mais il n’y a aucune raison pour que vous bénéficiez d’un monopole protégé par l’État »
Surtout que vous auriez pu travailler sur la même idée de façon indépendante pendant 5 ans, mais que le premier au bureau des brevets a le privilège d’en profiter…
Merci pour cet article. Mais décidément pas d’accord sur la propriété intellectuelle. On parle bien de propriété dans cet article? Pourquoi devrait-elle n’être que matérielle?
« Dans le cas d’une invention, je peux la reproduire sans vous rendre plus pauvre. Le fait que j’utilise votre idée ne vous empêche pas de bénéficier de son utilisation. »
Bien sûr que si, ça s’appelle de la spoliation.
@Axel
Spoliation = déposséder par violence ou par ruse.
Si je reproduits votre invention, je ne vous en dépossède pas, vous pouvez continuer à l’utiliser comme vous le voulez.
Je répète: les idées ne sont pas une ressource limitée, les droits de propriété sont donc inutiles à leur égard.
Il vous faut ré-examiner les bases théoriques des droits de propriété et leur utilité. Ceux-ci servent à déterminer qui peut bénéficier de l’utilisation de ressources limitées.
Les droits de propriété ne fonctionnent pas lorsque la ressource est illimitée; donnez-moi l’équation d’une courbe d’offre pour un bien illimité? Et oui: le prix tend vers $0! Aucun besoin de rationner, donc aucun besoin de propriété.
Bonjour minarchiste,
j’ai une question qui me taraude et que j’aimerais vous poser : a-t-on le droit de posséder le terrain que l’on cultive ?
Je me posais cette question car je discutais avec un ami de la tragédie qu’ont vécus les indiens d’Amérique. À partir du moment ou un paysan a le droit de posséder un terrain, il a également le droit de le clôturer. Le problème est que ces clôtures ont empêché dans bien des cas la libre circulation dont jouissaient les indiens avant l’arrivée des occidentaux. Un paysan a le droit de posséder le fruit de son travail, c’est à dire sa récolte mais a-t-il pour autant le droit de s’opposer à la libre circulation des individus en faisant valoir son droit à posséder la terre qu’il cultive ?
@Bulle de ciel
Oui, le fait de cultiver la terre consiste à combiner son travail avec la terre, et donc le fruit de ce travail devient propriété privée. Par ailleurs, un champs cultivé peut très bien servir à délimiter une propriété. C’est une application tout à fait appropriée du principe de homestead.
Si je comprends bien par contre, le fait de clôturer un espace pour y faire paître mes animaux ne légitime en rien une quelconque propriété ?
@Bulledeciel
Non, une clôture est suffisante pour légitimer une propriété, en autant que le terrain n’appartient à personne.
Donc en gros, j’arrive quelque part, je clôture disons 100 km2 (parce que j’en ai les moyens) et tant pis pour les nombreuses familles qui immigrent derrière moi et qui auraient bien voulu un lopin de terre à cultiver ?
Et si deux personnes arrivent en même temps et veulent clôturer le même terrain. D’un point de vue libérale, elles se départagent comment ?
Les propriétés en amériques existent de cette façon. La ligne des terrains étaient décidés par commun accord.
D’ailleurs ces accords sont toujours reconnu, avec une preuve (une cloture par exemple) la ligne du terrain sera tracée selon cet accord si vous faites arpenter.
D’accord, mais cela ne répond qu’à la deuxième partie de ma question.
Imaginons qu’en arrivant seul quelque part, je clôture des dizaines de kilomètres carré de terrain dans le but de le vendre ensuite par bout aux gens qui risquent de me suivre d’ici quelques jours ? Cela ne vous parait pas injuste de procéder ainsi ?
@Bulledeciel
« Imaginons qu’en arrivant seul quelque part, je clôture des dizaines de kilomètres carré de terrain dans le but de le vendre ensuite »
Il est peu probable que vous ayez le temps de construire cette clôture sur une si grande distance sans que personne n’ait le temps de morceler ce terrain.
Par ailleurs, si vous êtes vraiment le seul à vous intéresser à cette parcelle de terre, il se peut bien que la valeur du terrain soit inférieure au coût de la clôture…
Mouaif, ce genre d’argument de ne me satisfait nullement. J’aime beaucoup les idées libérales et j’aurais vraiment souhaité que cette philosophie soit construite sur autre chose que « il est peu probable que » ou « il se peut bien que »…
De plus, lorsque vous dites « une clôture est suffisante pour légitimer une propriété », il semble que ce ne soit en rien le cas car si je reprends la réponse de Bobjack : « La ligne des terrains étaient décidés par commun accord », rien ne donne la pose d’une clôture comme condition suffisante s’il n’y a pas eu commun accord avant…
@Bulledeciel
Vous m’avez mal compris! Ma réponse était effectivement que si vous arrivez à construire une clôture digne de ce nom autour de l’Île de Montréal alors que celle-ci est vierge et inhabitée, elle est à vous! C’est sans équivoque!
Mais la réalité est que depuis des milliers d’années, l’Île de Montréal a été plus ou moins habitées et occupées par divers groupes.
Mince, je n’avais pas vu votre réponse. J’avais oublié ce coup-ci de cocher la case ‘avertissez-moi par mail…’.
Puisque vous me parlez d’île, j’aurais une hypothèse à vous soumettre : vous venez de vous échouer sur une île. Cette île possède un unique point d’eau douce. Le propriétaire vous propose un contrat : vous prostituer pour lui et ses amis pour avoir accès à l’eau . Que faites-vous ?