Dans le débat sur le système de santé « idéal », il y a deux choses qu’il convient de séparer, mais qui sont malheureusement trop souvent confondues: 1) la prestation des soins et 2) le financement des soins. Pour moi, ce sont deux problématiques distinctes.
Un article paru dans The Economist la semaine dernière présentait des données fort intéressantes à l’égard des systèmes de santé de divers pays. Selon le second graphique, lequel présente un indice de qualité en fonction des dépenses en proportion du PIB, le pays qui semble en avoir le plus pour son argent est les Pays-Bas. Or, ce pays est aussi un de ceux où l’assurance-santé privée occupe la plus grande place quant au financement (voir premier graphique). Y aurait-il des leçons à en tirer pour le Québec? Voyons ce qu’il en est.
1) La prestation des soins:
Au Canada, la plupart des soins de santé sont déjà octroyés par le privé (cliniques médicales, dentaires, orthodontistes, optométristes, etc). Ces entités sont en concurrence et sont assez efficaces. Les problèmes d’opération sont plutôt au niveau des hôpitaux, qui eux sont publics…
Je ne vois aucune raison pour que les hôpitaux ne soient pas privatisés, au même titre que les autres prestataires de soins de santé. Je suis d’avis que la concurrence et la recherche du profit forceront les hôpitaux à améliorer la qualité et la quantité de service tout en réduisant les coûts de bureaucratie. Si ça fonctionne bien pour tout le reste du système, je ne vois pas pourquoi ça ne pourrait pas fonctionner pour les hôpitaux. D’ailleurs, en vendant les infrastructures actuelles à des entreprises privées, le gouvernement pourrait lever d’importantes sommes qui pourraient être utilisées au remboursement de la dette.
2) Le financement des soins:
Le principe si cher aux Québécois, l’universalité des soins de santé, implique que personne ne doit se voir refuser des soins requis en raison de son incapacité de payer. Y aurait-t-il moyen de maintenir ce principe tout en améliorant l’efficacité du financement des soins? Les Pays-Bas ont réussi ce tour de force!
Le gouvernement québécois assume présentement environ 70% des coûts de soins de santé notamment à travers la RAMQ. Le reste provient d’assurances privées, de fondations et de la poche des gens qui reçoivent les soins. Comme son nom le dit, la RAMQ est une assurance-santé et comme je le décrirai plus loin, il y a plusieurs problèmes avec cette assurance:
- Cette assurance est obligatoire, son financement est assumé à 100% par les contribuables,
- les risques couverts sont très étendus, définis par décret et imposés,
- il n’y a aucune sélection de risque moral (i.e. tout le monde est accepté au même prix – $0),
- la gestion est effectuée par les fonctionnaires de l’État.
Tout d’abord, en raison de la structure et du mode d’opération de la RAMQ, la population perçoit les soins de santé comme étant gratuits, ce qui n’est évidemment pas le cas. Cela mène évidemment à une sur-consommation de soins. Une assurance-santé privée ferait en sorte de rendre les coûts plus transparents. Pensez à votre assurance auto: vous avez un fort incitatif à surveillez votre conduite et à ne pas soumettre de réclamation pour un dommage léger.
Ensuite, qu’est-ce qu’une assurance à la base? Selon Wiki, une assurance est un service qui fournit une prestation lors de la survenance d’un risque. Ainsi, le but d’avoir une assurance est de se protéger contre des risques que l’on craint et qui pourraient avoir un impact négatif significatif sur notre situation.
À cet égard, avoir un cancer, faire une crise cardiaque, avoir un accident de voiture, se blesser en déboulant les escaliers, avoir un malaise grave ou un ACV, sont des exemples de risques contre lesquels un individu devrait chercher à se protéger. Vouloir visiter une clinique pour une grippe ou un examen usuel, aller à l’hôpital pour accoucher ou pour une prise de sang ne sont pas des risques significatifs; ce sont des événements normaux dans le cours d’une vie. Il n’y a pas de raison pour être assuré à cet égard, tout comme pour votre assurance-auto qui ne couvre pas l’entretien de votre voiture et les petits bris usuels. Je suis d’avis que la RAMQ devrait redéfinir les risques qu’elle couvre et se concentrer sur les risques réels. Cela permettrait de grandement réduire les coûts de cette assurance.
L’autre problème de la RAMQ est qu’elle assume un risque moral démesuré sans aucune compensation. Un très grand nombre de maladies sont simplement reliées à de mauvaises habitudes de vie. Certains individus ne font pas attention à leur santé, mais bénéficient quand même de toute la couverture de la RAMQ sans surcharge. C’est comme si le conducteur qui a deux accidents et quatre contraventions par année payait la même prime que vous pour son assurance-auto.
Finalement, l’administration de la RAMQ est effectuée par les fonctionnaires du gouvernement, ce qui implique des conditions salariales supérieures et déconnectées du marché du travail ainsi qu’une coûteuse bureaucratie inefficace. Comme la RAMQ ne recherche pas le profit et n’a pas de concurrence, elle n’a aucun incitatif à améliorer sa performance à quelque égard que ce soit.
Les conséquences:
Les conséquences principales des quatre éléments ci-haut mentionnés sont une explosion des coûts des soins de santé suivie d’une insuffisance de la quantité et de la qualité de l’offre de soins.
Pour contrer ces augmentations de coûts sans changer le système, l’État s’est engagé dans une série de politiques totalitaires ayant comme impact de réduire les liberté individuelles. Le gouvernemaman veut nous imposer ses vues quant à nos habitudes de vie (alimentation, cigarette, exercice, etc) à grands coups de dépenses et de lois.
Il a aussi étendu sa bureaucratie autocratique à l’industrie pharmaceutique ce qui a eu comme impact d’augmenter les coûts de développement et de commercialisation des médicaments. Notez que le Canada a un taux de pénétration des médicaments génériques de seulement 50% versus 70% pour les États-Unis (un chiffre déjà trop bas).
Il tente aussi par tous les moyens de restreindre l’offre de soins (quotas), même si elle devient insuffisante face à la demande, tel un régime communiste déespéré. Résultat: impossible de trouver un médecin de famille, les urgences débordent et les listes d’attentes pour certaines chirurgies s’allongent dramatiquement.
Malgré cela, les coûts continuent d’exploser et représentent une portion de plus en plus grande des dépenses totales du gouvernement québécois. Le besoin d’un changement de structure ne fait plus aucun doute…
Les défauts de l’assurance-santé privée:
Les pays qui utilisent un système d’assurance-santé privée ou semi-privée ont rencontré certains problèmes qu’il faut tenter d’éviter, mais qui ne sont pas sans solution, comme le démontre l’exemple des Pays-Bas.
Le premier problème est que les individus dont la santé est plus à risque ont de la difficulté à se trouver une assurance à prix abordable (a.k.a. « lemon-dropping »). La solution à ce problème est relativement simple. On crée un pool règlementé avec ces assurés, lesquels paieront un prix règlementé (inférieur au prix du marché pour un tel risque). Les pertes financières de ce pool seront assumées par l’ensemble des assureurs, en proportion de leurs revenus. C’est de cette façon que fonctionne l’assurance-auto dans plusieurs provinces canadiennes. Le nouveau système en place aux Pays-Bas depuis 2006 est aussi inspiré de ce concept. Le système Néerlandais sépare d’ailleurs les soins long terme et maladies chroniques des soins court terme et urgents.
Le deuxième problème est le manque de transparence des prix. Dans certains pays, l’assureur oblige le patient à être traité dans certains hôpitaux spécifiques avec lesquels il a une entente. Cela permet de minimiser les coûts, mais ne permet pas de favoriser la qualité des soins. L’autre option consiste à donner le choix de l’hôpital au patient, mais à ce moment le coût n’est plus pris en compte. D’autre part, certaines région ont vu apparaître des cartels d’hôpitaux formant des monopoles locaux, empêchant tout compromis sur le prix.
Encore une fois, il y existe des solution à cette impasse. À cet égard, les Pays-Bas montrent encore la voie. Ils ont développé un système de tarification qui décourage les médecins à fournir un service de mauvaise qualité. Ils ont développé des outils pour mesurer la qualité du service et ont fourni aux consommateurs davantage d’information sur les prix et la qualité du service des assureurs et fournisseurs de soins de santé. Le gouvernement a mis en place un site internet où les consommateurs peuvent comparer les différents assureurs, leurs prix, les services offerts, le niveau de satisfaction des clients et plusieurs indicateurs de performance des hôpitaux. Cette transparence améliore grandement le fonctionnement et l’efficacité du système.
Conclusion:
Il est temps que le gouvernement québécois sorte de sa torpeur et s’attaque à la structure de notre système de santé. L’utilisation de la concurrence est selon moi primordiale à l’amélioration de l’efficacité du système. Tout comme Singapour, les Pays-Bas nous montrent un exemple de structure qui donne de biens meilleurs résultats que notre système quasi-communiste. Malheureusement, nos élus manquent de volonté et l’immobilisme prévaut…
J’aimerais suggérer qu’il serait pertinent de regarder ce qui se fait du côté de Singapour également (dont j’ai appris l’existence par Tim Harford dans « The Undercover Economist »):
http://www.watsonwyatt.com/europe/pubs/healthcare/render2.asp?ID=13850
C’est un système qui encourage la responsibilité des individus et dont le financement est mixte. Mais ce qui est particulièrement attirant est le principe de mettre son propre argent de côté pour ses soins de santé, ou ceux de sa famille, dans un compte d’épargne (ou autre) et dont les sommes ne serviront qu’à couvrir les soins médicaux. J’ai l’impression que le retour sur l’investissement serait meilleur que de payer ces sommes en impôts.
Ensuite il y a des assurances santé privées pour les accidents.
Au-delà de ces deux niveaux l’état va intervenir pour les cas catastrophiques.
Évidemment Singapour n’est pas aussi socialiste que le Québec et l’Europe alors je comprends que pour les besoins de la comparaison un exemple utilisant un pays européen qui contrôle ses dépenses en santé peut être plus pertinent et propose un excellent point de départ.
@Sylvain
Bienvenue sur mon blogue.
Relisez la conclusion, j’y parle de Singapour et fait référence à un bon billet de Philippe David sur Les 7 du Québec.
Je pense qu’en prenant les meilleurs éléments de ces deux systèmes (Pays-Bas et Singapour) il y a moyen d’arriver avec une solution plus que satisfaisante.
Merci pour votre intervention.
Bonne suggestion pour essayer de réduire les dépenses en santé de l’état québécois, cela est effectivement nécessaire à sa survie parce sinon c’est la faillite à coup sûr.
Singapour est tout de même une drôle vue sous l’angle minarchiste. Cette citée-état est vue comme un modèle d’économie de libre-marché et pourtant elle est dotée d’un gouvernement autocratique qui brime les libertés civiles.
@Antoine
« elle est dotée d’un gouvernement autocratique qui brime les libertés civiles. »
Avez-vous des sources à cet égard?
J’aimerais bien me renseigner sur ce sujet.
« (cliniques médicales, dentaires, orthodontistes, optométristes, etc). Ces entités sont en concurrence et sont assez efficaces. »
Faux !
Ces professionnels évoluent TOUS dans des CORPORATIONS à adhésions OBLIGATOIRE…
Et ils suivent tous des « guides de tarifs ».
Par exemple, les dentistes suivent le « guide des tarifs dentaires des généralistes du Québes »:
« Ce guide est publié par Ordre des Dentistes du Quebec. Il contient la description des divers traitements dentaires et précise les tarifs recommandés pour chaque traitement. »
Cette loi est contournée:
« La Loi sur la concurrence (L.R.C., c. C-34). «
@Sebas
Oui, leurs prix sont « cartelisés », ce qui est une mauvaise chose.
Mais ils sont quand même en concurrence sur la qualité du service. C’est quand même mieux qu’un monopole d’État.
L’idéal selon moi c’est de dérèglementer;
– les professions *(i.e. laisser tous les professionnels libres d’adhérer ou non à une corpo étatisée);
– les employés syndiqués (laisser tout le monde libre d’adhérer ou non à un syndicat…byebye formule Rand);
-tout le secteur des soins de santé (+ éducation, tant qu’à y être);
-et le secteur des assurances;
… à 100%.
Et des coops de santé (et des coops d’éducation), avec leur propre assurance -vraiment pas dispendieuse- leur propres médecins généralistes/spécialistes, leurs infirmières, etc, « libres »… vont apparaitre partout…
Pour l’instant, les syndicats, les « Zétats », les compagnies d’assurances et les corporations professionnelles, tiennent ces secteurs en otage et c’est NOUS TOUS qui sont « otages » de ces divers « contrôlants »…
En tout cas, je sais, je suis en train de rêver… mais si cette idée est répandue (car c’est la meilleure selon moi)…
Bye bye corporatisme des ordres
Bye bye corporatisme des compagnies d’assurances
Bye bye étatisation/corporatisation de nos corps/esprits…
Et bonjour soins / éducation vraiment peu dispendieux, et bonjour étudiants, malades, employés, médecins, profs, etc, HEUREUX…
« Oui, leurs prix sont « cartelisés », ce qui est une mauvaise chose.
Mais ils sont quand même en concurrence sur la qualité du service. C’est quand même mieux qu’un monopole d’État. »
***
Ouais… nous pouvons trouver que nos « chaines » sont plus brillantes ou plus « lousses » que celles « du voisin » (pensons à Cuba, Corée du Nord)…
Sérieux, vous avez raison, par contre, je trouve que vous ne visez pas assez « haut » dans vos objectifs.
Il faut viser une dérèglementation complète des secteurs de la santé et de l’éducation…
Je ne veux plus que l’État décide d’assurer mon corps, ma vie, mes médicaments, mon éducation, etc
J’en ai vraiment marre de cette fausse droite… vraiment étatique… à la « sauce » lucide…
@Sebas
Je vise plus haut en effet, mais il faut être politiquement réaliste.
Même si le système que je propose n’est pas libertarien, il est tout de même mieux que le système actuel et un pas dans la bonne direction.
Intéressant, je préfère encore le modèle de Singapour, mais ce serait effectivement une amélioration sur notre système soviétique. 🙂
Pour Singapour, leur gouvernement est en effet un peu autocratique. C’est le même parti qui est au pouvoir depuis que les brits on quitté la colonie et gare à vous si vous crachez sur le trottoir. 🙂
@Minarchiste
Rapidement je peux vous donnez des liens wikipédia:
http://en.wikipedia.org/wiki/Politics_of_Singapore
http://en.wikipedia.org/wiki/Law_of_Singapore
@ Sébas
On est d’accord qu’on est loin de l’idéal de la liberté, mais comme minarchiste le dit, il faut procéder par étape afin de démontrer que le libre-marché fonctionne. C’est effectivement le genre d’approche qui peut constituer une bonne étape de départ !
Bon billet, un des rares en provenance de la « droite » politique qui propose du concret. Je ne suis vraiment pas d’accord avec le principe de la privatisation des soins de santé mais votre billet a le mérite d’être clair et de mettre les cartes sur tables, au delà des constats et des analyses.
Cependant, vous devriez éviter d’utiliser des termes comme « communiste », ce qui discrédite votre approche et votre intelligence. Ça fait plusieurs fois que je le repète à vous et à Philippe et vous vous obstinez toujours à utiliser ce terme lorsque vous décrivez notre situation actuelle. J’en ai vraiment marre…
Et j,aimerais apporter quelques précisions, si vous me le permettez…
Vous dites: « Le gouvernement québécois assume présentement environ 70% des coûts de soins de santé notamment à travers la RAMQ. Le reste provient d’assurances privées, de fondations et de la poche des gens qui reçoivent les soins. » Vous oubliez ici de mentionner les gens qui n’accèdent pas à certains soins non-couverts par la RAMQ parce qu’ils n’ont pas d’assurance ou de revenus suffisants.
Vous dites: « …aller à l’hôpital pour accoucher n’est pas un risque significatif; c’est un événement normal dans le cours d’une vie. Il n’y a pas de raison pour être assuré à cet égard… » Pas certain de vous suivre ici… Comment un suivi de grossesse et un accouchement serait-il financé dans votre système idéal?
Vous dites: « Finalement, l’administration de la RAMQ est effectuée par les fonctionnaires du gouvernement, ce qui implique des conditions salariales supérieures et déconnectées du marché du travail ainsi qu’une coûteuse bureaucratie inefficace. Comme la RAMQ ne recherche pas le profit et n’a pas de concurrence, elle n’a aucun incitatif à améliorer sa performance à quelque égard que ce soit. » Saviez-vous que la RAMQ est plus performante que les compagnies d’assurances privées dans le traitement et le remboursement des traitements? Je crois que c’est votre antipathie envers la fonction publique qui prime ici, vous errez complètement.
Je vais m’en tenir à ces quelques commentaires pour l’instant… Merci!
@Lutopium
« Comment un suivi de grossesse et un accouchement serait-il financé dans votre système idéal? »
Ce que je dis est que ces soins devraient être exclus de la RAMQ. Ce type de soin serait donc dans la catégorie « out-of-pocket » ou « social insurance » (voir le premier graphique).
Pour être clair, cela voudrait dire que le gouvernement pourrait décider d’aider les plus pauvres à payer ces frais. Les autres payeraient de leur poche.
« Saviez-vous que la RAMQ est plus performante que les compagnies d’assurances privées dans le traitement et le remboursement des traitements? »
Vous aviez une source pour cela je crois?
Merci.
Une recherche rapide sur Google nous apprend que le coût d’un accouchement varie entre $9,000 et $25,000 dollars. Aux États-Unis, si vous avez une assurance privée, vous devrez débourser entre $500 et $3,000 plus d’autres frais.
Une loi fédérale interdit aux assureurs de refuser le remboursement de ces frais même si l’assurance est contractée après la grossesse. Maudite règlementation qui empêche les assureurs de créer de la richesse.
Non merci. Je préfère une couverture universelle et publique. Par humanisme, avant tout.
Cliquer pour accéder à Moral-Hazard.pdf
Malcolm Gladwell pense que l’aléa moral en assurance santé n’existe pas. Et même qu’elle est la solution, et non le problème.
Premier argument.
D’après lui, la maladie peut commencer par une simple toux ou un mal de gorge. Au bout d’un moment, au lieu de s’estomper, la maladie s’aggrave. Là, on va voir le médecin qui nous qu’il ne peut rien, et on nous emmène à l’hôpital avec en prime un problème de poumon, de respiration ou je ne sais quoi. Il regrette qu’on attende trop longtemps sous prétexte qu’on n’a pas assez d’argent.
Il dit que le prix normal à payer n’incite pas à « faire de la prévention ». Faire baisser le coût de la santé donne des incitatifs en cas de symptômes, surtout aux plus pauvres.
Avoir de belles dents nous rend plus présentable lors des entretiens d’embauche, et accroît in fine notre « employabilité » (pour ma part, je n’en suis pas totalement convaincu). Quand on a de mauvaises dents, on peut difficilement obtenir un job comme réceptionniste. C’est un signe comme quoi on appartient à une famille pauvre. On va plutôt se retrouver en marge de la société.
Les non-assurés sont plus malades, ils ne peuvent obtenir un meilleur job, et pour cette même raison, ils ne peuvent obtenir une assurance, et deviennent encore plus malades, etc.
Deuxième argument.
Gladwell pense qu’on va chez le médecin lorsqu’on en a besoin, lorsqu’on est malade. On n’y va pas avec le sourire aux lèvres, mais à contre-cœur. De même, on ne va pas passer son temps à faire le tour des hôpitaux pour vérifier si on peut jouer les malades imaginaires, au lieu d’aller jouer au golf avec ses amis.
Pour le premier argument, je suis à moitié d’accord. La réduction des coûts donne un incitatif pour faire de la prévention, plutôt que d’attendre. Il s’avère que ça peut quelque fois sauver des vies. Mais parfois non.
Plus important encore; il y a des gens comme ça qui ne sont pas affectés par cet incitatif financier. Je connais des gens comme ça, moi le premier. Bien qu’ils soient malades, ils ne veulent 1) pas prendre de médicaments 2) pas aller voir le docteur. Une amie était comme ça. Je lui ai demandé pourquoi à l’époque; en France, on n’a pas vraiment à payer. Elle m’avait répondu : « c’est comme ça, je déteste prendre des médicaments. et puis, ça guérira tout seul au bout d’une semaine. » Je ne lui ai rien reproché car je suis comme ça moi aussi. Un autre exemple vient du mari d’une amie d’une de mes amies, qui m’avait raconté à l’époque où son mari travaillait comme taxi, il avait attrapé une toux (peut-être un client malade ?). Il avait simplement acheté des médicaments, rien de bien grave. Au bout d’une semaine, il avait un mal de tête, un mal de gorge; il n’était pas bien. Il est allé voir le docteur, il lui a dit qu’il ne peut rien et que c’est extrêmement grave. Il est allé à l’hôpital. J’ai pas compris toute l’histoire, mais je crois que ses poumons étaient ravagés. Ce que je sais, c’est qu’il a frôlé la mort (aujourd’hui, il va « plutôt » bien). Le pire, c’est qu’on lui avait dit que s’il avait fait un diagnostique dès le départ, on en serait jamais arrivé là. Évidemment, personne n’aurait pu prévoir ce qui allait se produire.
Tout ça pour dire que l’aléa moral en santé, ça marche moyennement, ou pas tout le temps du moins.
D’une certaine façon, je pense que Gladwell a raison. On ne consomme pas les soins comme on consomme une tablette de chocolat. Il reste qu’il est très possible que la réduction des coûts donne des incitatifs pour consommer davantage de soins, et de surcroit, peut-être inutile. Je ne sais pas.
Au final, je crois que les théoriciens de l’aléa moral exagèrent les effets de l’aléa moral. La théorie est peut-être vraie, et j’y crois un peu, mais il faut faire attention avec cet argument qu’on balance comme ça un peu trop facilement à mon goût.
On peut être d’accord ou non avec l’article, mais je trouve qu’il y a quand même de bonnes choses. Je conseille vraiment la lecture.