Voici un schéma illustrant le processus par lequel la Federal Reserve a gonflé la bulle immoblière de 2001 à 2007.
1) La Fed crée de l’argent à partir de rien. Elle peut soit la déposer directement auprès des banques ou l’utiliser pour acheter des titres de dette du gouvernement.
2) Le gouvernement dépense l’argent emprunté dans l’économie américaine. Par exemple, si l’argent est utilisé pour construire une route, l’argent sera dépensé en salaires aux ouvriers, aux producteurs de bitume et en profits pour les entrepreneurs.
3) L’argent se retrouve d’une façon ou d’une autre dans le système bancaire, sous forme de dépôts. Les banques utilisent ces dépôts pour faire des prêts, ce qui génère la création de nouvelle monnaie. Dans un système où le ratio de réserves est de 10%, le système bancaire peut multiplier jusqu’à 10 fois la somme des dépôts initiaux.
4) Les consommateurs dépensent ce nouvel argent, notamment en achetant des biens importés et des propriétés résidentielles. L’endettement des ménages augmente.
5) Les pays desquels les États-Unis importent des biens de consommation, notamment la Chine, conservent les dollars en réserve ou les utilisent pour investir aux États-Unis, notamment en achetant des titres de dette du gouvernement. Le gouvernement peut utiliser l’argent pour financer ses dépenses (retour au point numéro 2).
Les banques vendent aussi aux investisseurs des asset-backed securities (des titres de dettes titrisées). Ces titres permettent au banque de recycler ces capitaux et de les réinjecter dans le système. Toute cette liquidité met de la pression à la baisse sur les taux d’intérêt.
Résulats:
– La première chose à observer est qu’une certaine partie de l’argent nouvellement créé par le système sort du pays, et donc ne crée par d’inflation des prix aux États-Unis.
– Le reste de l’argent créé est canalisé, entre autres, vers la bourse, le crédit corporatif, les ressources (métaux et pétrole) et surtout le marché immobilier résidentiel. Ce n’est pas un hazard si l’immobilier a été la cible de toute cette spéculation; plusieurs facteurs ont fait en sorte que cette classe d’actifs soit l’objet principal de cette bulle.
– L’inflation des prix à la consommation s’est maintenue entre 1% et 4% durant cette période, malgré des gains de productivité dans l’économie (qui auraient dû engendrer des baisses de prix).
– Finalement, durant cette période, l’endettement total du pays (gouvernement, citoyens et entreprises) a atteint des proportions astronomiques.
Vous oubliez que les gens votent avec leurs pieds: si il y a vraiment trop de dollars en circulation, ils cherchent à s’en débarrasser le plus vite possible, l’inflation augmente (pas seulement l’immobilier) et la Fed remonte les taux et fin des festivités.
Pourquoi cela ne s’est-il pas produit?
@Fred
Vous voulez-dire pourquoi l’inflation (dans les prix à la consommation) n’a pas été plus élevée?
J’adhère à la théorie du marché immobilier qui a absorbé une grosse partie des liquidités. Et les pays étrangers qui ont conservé les dollars sous forme de réserve, les empêchant d’affecter les prix locaux.
Le Fed ne voyant pas de core-inflation, elle n’a pas cru bon de monter les taux. Greenspan reconnaît timidement cette erreur monumentale dans son livre « The Age of Turbulence ». Et on y constate aussi à quel point il chérissait (et chérit encore) le désir d’augmenter l’accès à la propriété…
Les gains de productivité provenant de la Chine et de l’Inde ont aussi maintenu une pression à la baisse sur les prix. Les biens moins coûteux provenant de ces pays ont mis une pression à la baisse sur le CPI.
Question un peu naïve. Qu’est-ce que la Chine va faire de tous ces dollars qu’elle utilise comme réserve? Elle va bien les dépenser un jour.
@Pierre-Olivier
Elle ne garde pas juste des dollars, elle garde les bons du trésor du gouvernement américain (numéro 5 sur le schéma) qu’elle achète avec les dollars venant de ses exportations. C’est une façon de faire un peu de rendement sur ses réserves tout en les gardant relativement liquides (les bons du trésor sont très liquides).
Le gouvernement américain a profité de cette situation pour exporter son inflation.
Aussi, la Chine tient à garder sa devise sous-évaluée par rapport au dollar US. C’est pourquoi elle doit garder de grosses réserves en $US.
Le jour où elle décidera de réajuster l’évaluation du yuan à la hausse, elle vendra des dollars US.
De plus, la Chine est consciente que le gouvernement américain est en train de monétiser son déficit. C’est pourquoi elle cherchera à diversifier ses réserves en Euros et en or (entre autres).
Tu as raison d’être suspiscieux, il y a beaucoup d’incertitude concernant cette situation présentement.
_Il faut voir qu’il y a 2 côtés sur le marché monétaire: l’offre de monnaie (banques+banques centrales) et la demande de monnaie (tout le monde). Comme vous le soulignez, la Chine a augmenté la demande. Or la Fed est chargé de faire en sorte qu’il y ait équilibre sur ce marché. Si manifestement la demande augmente, que faut-il faire? Rationner?
_Ok M2 a explosé. Mais si Greenspan avait monté les taux, M2 aurait sans doute explosé en valeur réelle (mais pas en valeur nominale) du fait de la déflation. Enfin, à supposer que la remontée des taux ait contenu la croissance de M2, de nouveaux produits financiers non inclus dans M2 mais y ressemblant auraient apparus : c’est ce qui s’est produit lorsque l’on essayé de contrôler ces agrégats dans les années 80.
_Aucune banque centrale n’a jamais cessé de monétiser une partie des déficits. Au lieu d’être appelé « avances au trésor », on appelle cela « dividende versé par la banque centrale » (dans le cas de la BCE) ou « achat de billets fédéraux au trésor » (dans le cas de la Fed). La différence est que le second est décidé par la banque centrale alors que l’autre était décidé par le gouvernement en exercice qui ne manquait pas d’en abuser.
Si la Fed peut se permettre de monétiser plus de déficit actuellement, c’est que le dollar en tant qu’actif n’a jamais été aussi rentable, particulièrement comparé aux autres actifs.
_La Chine peut en effet se lasser de ses dollars qui ne lui servent à rien. Mais elle n’a nullement intérêt à s’en défaire trop vite: elle perdrait l’essentiel ce qu’elle a stocké.
@Fred
« Si manifestement la demande augmente, que faut-il faire? »
Rien
« Mais si Greenspan avait monté les taux, M2 aurait sans doute explosé en valeur réelle (mais pas en valeur nominale) du fait de la déflation. »
Et alors? Qui a-t-il de si mauvais dans la déflation?
« Aucune banque centrale n’a jamais cessé de monétiser une partie des déficits. »
C’est ce que je dénonce et que je trouve scandaleux. Le gouvernement vole au peuple le pouvoir d’achat de sa monnaie. C’est comme une taxe cachée.
La déflation est mauvaise dans les 2 cas suivants:
1_ Lorsqu’elle n’est pas anticipée: plein de gens se retrouvent avec des engagements qu’ils ne peuvent pas tenir (salaires, dettes). Or il y a un engagement tacite de la banque centrale à stabiliser l’inflation autour de 2%.
2_ Lorsque le taux d’intérêt nominal d’équilibre est négatif. Du coup, les placements étatiques deviennent les seuls intéressants et évincent le secteur privé. S’il y avait possibilité de taux d’intérêt négatifs (ce serait possible si on supprimait les espèces, mais je ne le souhaite pas), je serai en faveur d’une déflation modérée et contrôlée (1% par an par exemple).
Pour la taxe cachée, tout le monde sait qu’elle existe. Enfin 40 milliards d’euros par an sur l’ensemble de la zone euro, çà me paraît assez supportable comme taxe (de l’ordre de 130 euros par an et par habitant). Le chiffre est comparable pour la Fed.
J’oubliais: pourquoi selon vous l’inflation est-elle mauvaise ? Pourquoi est-elle plus mauvaise que la déflation selon vous?
@Fred
Ce n’est pas tant l’inflation que je condamne, mais bien la manipulation de la monnaie par la banque centrale.
Le résultat est une succession d’épisodes d’inflation suivis par des épisodes de déflation qui corrigent la situation.
La bulle se gonfle puis se dégonfle.
La période de « dégonflement » est plutôt douloureuse, mais nécessaire à corriger les excès inflationnistes qui l’ont précédée.
Dans un système où la monnaie n’est pas manipulée, ces épisodes de dégonflement n’auraient pas lieu ou ils seraient beaucoup moins sévères.
Pour moi, une monnaie non manipulée, c’est une monnaie dont on peut anticiper la valeur clairement. C’est pour çà que je dis que si on a décidé de fixer l’inflation à 2%, il faut maintenir ce taux (que la déviation soit vers le haut ou vers le bas).
Bien évidemment, cela n’exclut pas le fait de laisser se dégonfler la bulle immobilière, mais en revanche, il n’y a pas de raison que les prix qui n’étaient pas affectés par la bulle diminuent également.
@Fred
Dans le système étalon-or, l’inflation était limitée par la production d’or plutôt que d’être dans les mains du gouvernement.
Si l’effet des gains de productivité était supérieur à l’effet de la production d’or, on observait de la déflation et vice-versa.
La déflation encourageait la production d’or puisque le pouvoir d’achat de celui-ci était plus élevé. La production d’or créait par la suite de l’inflation et les prix réaugmentaient par la suite.
À l’inverse, ‘inflation décourageait la production d’or, ce qui créait de la déflation et un réajustement des prix à la baisse.
C’est pourquoi les prix ont été si stables au 19e siècle, oscillant autour d’un même niveau; voir graphique de ce billet:
https://minarchiste.wordpress.com/2009/08/11/stabilite-des-prix-quaurions-nous-fait-sans-la-federal-reserve/
Le risque que vous courez en ayant une cible d’augmentation du CPI de 2% est de manquer l’inflation hors-CPI (l’inflation boursière, immobilière ou des ressources, etc). C’est la recette idéale pour créer des bulles.
Dans un véritable système étalon-or sans débasement (et non celui qui prévalait au 20e siècle), les bulles sont pratiquement impossibles puisque l’augmentation des prix d’un bien réduit le revenu disponible pour les autres bien, ce qui met une pression à la baisse sur le prix des autres biens; donc l’inflation ne peut être généralisée.
La seule façon d’avoir de l’inflation générale et des bulles est de créer de la monnaie dans le système.
Dans un système étalon-or, la seule façon pour le gouvernement de créer de la monnaie sans or sous-jacent est de débaser la monnaie (par exemple en changeant le ratio de conversion or/dollars, comme ça a souvent été fait).
Vu le nombre de crises bancaires/économiques du 19e siècle (je ne fais pas d’affirmation sur leur gravité de ces crises), je doute que l’or ait les propriétés miraculeuses anti-bulles que vous lui prêter. N’oubliez pas qu’une bulle, c’est une distorsion des prix RELATIFS.
Le CPI me semble quand même beaucoup plus représentatif de l’économie que l’or. Mais bon, peut-être que c’est de cela dont vous vous nourrissez et qui vous logent.
Au passage, produire de l’or pour le mettre dans des coffres ne semble pas très efficace.
@Fred
Les crises bancaires du 19e siècle ont été causées parce que les banques imprimaient davantage de billets qu’il n’y avait d’or dans leurs voutes. C’est une conséquence d’un système à réserves fractionnaires.
Maintenant que l’étalon-or a été délaissé, elles peuvent le faire impunément, avec la complicité de l’assurance-dépôt et de la banque centrale.
« produire de l’or pour le mettre dans des coffres ne semble pas très efficace ».
Vous devriez lire sur le fonctionnement du système étalon-or avant de dire une telle chose.
Pas besoin de produire d’or pour que le système fonctionne. L’or existant est suffisant à servir comme moyen d’échange. La production d’or est encouragée par les autres utilisations de l’or (industrielles et bijoux).
Ce billet résume bien ma pensée à cet égard:
http://www.leblogueduql.org/2009/10/linflation-et-les-cycles-%C3%A9conomiques-dans-un-r%C3%A9gime-d%C3%A9talonor.html