Un article paru sur le site du Mises Institute en Décembre 2008 suggérait d’utiliser l’argent du bail-out pour combler l’espace qui séparait à ce moment les banques d’avoir 100% de réserves transactionnelles. En effet, suite à la crise, les banques américaines détenaient près de 100% de réserves transactionnelles, c’est-à-dire qu’elles détenaient presque autant de réserves qu’elles avaient de dépôts-à-vue. Cette suggestion aurait été un pas dans la bonne direction.
Pour ma part, je me suis amusé à estimer quelles seraient les conséquences d’un tel système sur l’une de nos banques canadiennes. J’ai utilisé la Banque de Montréal en exemple (mais je vous confirme qu’elles sont sensiblement toutes dans la même situation), la première à avoir rapporté ses résultats du troisième trimestre de l’année financière 2009 cette semaine.
La BMO avait en date du 31 juillet 2009 $14.6G en encaisse, $155.4G de valeurs mobilières, $166.3G de prêts, $245.0G de dépôts et $24.6G de capital.
Première surprise, les réserves de la BMO (encaisse + valeurs mobilières) totalisent 69.4% des dépôts! Donc, la BMO n’est pas loin de 100% en réserves totales. De plus, les réserves sont amplement suffisantes pour couvrir les dépôts à vue ($41.6G) ainsi que les dépôts payables sur avis ($61.2G) qui totalisent $102.8G. Donc, si tous les déposants venaient récupérer leurs dépôts en espèces, la BMO pourrait utiliser son encaisse et vendre une partie de ses valeurs mobilières pour rembourser tout le monde. Bien entendu, les réserves en valeurs mobilières ne sont pas toutes liquides, mais elles permettent néanmoins d’assurer plus de 100% de couverture transactionnelle (165% pour être exact), tel que suggéré par l’article du Mises Institute ci-haut mentionné.
Dans un système où il n’y aurait pas d’assurance-dépôts, il n’est pas très inflationniste de permettre aux banques de prêter les dépôts à terme (a.k.a. certificats de dépôts) non-remboursables qu’elles recueillent. Disons que vous achetez un dépôt à terme de 5 ans, la banque pourrait utiliser cet argent pour faire un prêt hypothécaire de 5 ans. Ainsi, lorsque vous réclamerez vos espèces, elles seront dans les coffres de la banque et l’opération aura permis à quelqu’un de financer l’achat d’une propriété. C’est comme si la banque vous empruntait de l’argent, avec votre consentement, et le prêtait à quelqu’un d’autre. Cependant, les banques ne devraient pas pouvoir prêter les dépôts à vue, ce qu’elles ne semblent pas faire au Canada d’ailleurs.
J’en conclus que le système bancaire canadien est nettement plus sain que le système américain. Nos banques ont moins d’effet de levier financier, plus de capital et plus réserves. Si je pouvais suggérer un changement pour améliorer la situation, ce serait que les banques canadiennes aient au moins autant d’encaisse que de dépôts à vue. Dans le cas de la BMO, celle-ci aurait à vendre $27G de valeurs mobilières et conserver les espèces dans ses coffres. Cela aurait cependant un impact négatif sur sa rentabilité puisque l’encaisse rapporte moins que les titres obligataires. L’abolition de l’assurance-dépôts serait aussi de mise.
C’est un avantage en cas de récession et un inconvenient en cas de reprise de ne pas utiliser cet effet de levier. Le point d’équilibre ou de compromis ne se situe certainement pas à 100% de reserves.
@ Minarchiste
Excellent billet. Je constate qu’on pourrait probablement se passer de la banque du Canada également.
@ Paul Napoli
Si la théorie autricienne des cycles économiques est exacte et que les récessions sont causées par une trop grande expansion de la masse monétaire (ie. trop d’inflation), ça voudrait dire logiquement que nous n’aurions que peu ou pas de récessions et donc aucun besoin d’un effet de levier pour la reprise.
Le fait que notre système banquier n’a subit aucune conséquence négative de cette récession, alors qu’on craignait un écroulement du système américain, semble démontrer qu’un système bancaire à 100% de réserves serait infiniment plus stable.
@Paul Napoli
Vous confondez le niveau de réserve avec le levier financier. La liquidité et la solvabilité sont deux concepts différents. Il n’y a pas de « compromis » à faire entre les deux.
Une banque pourrait très bien avoir 100% de réserves et beaucoup de levier (elle n’aurait qu’à émettre des obligations). Au Canada, la règlementation se concentre sur la solvabilité (i.e. le niveau de levier). Je propose ici d’en ajouter pour le niveau de liquidité (i.e. que les banques aient autant d’encaisse dans leurs coffres que de dépots-à-vue).
Je ne confonds pas liquidité et solvabilité mais je n’ai pas été assez explicite dans mon précedent commentaire.
http://www.canadianeconomy.gc.ca/francais/economy/bank_reserves.html
Les réserves bancaires représentent la quantité d’argent qu’une banque met de côté et ne prête pas, afin de pouvoir répondre aux demandes de retrait d’argent liquide faites chaque jour par les clients. Puisqu’il est rare que tous les déposants d’une banque retirent simultanément la totalité de leurs fonds, le montant des réserves ne correspond qu’à une partie du montant total des dépôts. La banque utilise le reste des dépôts pour gagner des bénéfices, grâce à l’octroi de prêts ou à l’investissement dans des titres comme des obligations et des actions.
Jusqu’en 1994, les banques étaient tenues par la loi de garder en réserve au moins un pourcentage minimal précis de leurs dépôts. Bien que ces exigences légales aient été abolies, les banques continuent de garder des réserves afin de maintenir la confiance des déposants et être prêtes à faire face aux événements imprévus tels que des catastrophes naturelles ou des crises financières. Les retraits risquant alors d’être plus importants qu’à l’ordinaire, cela oblige donc les banques à garder des réserves plus importantes. Cependant, comme elles ne savent pas quel devrait être le montant de leurs réserves dans de telles circonstances, elles doivent faire un compromis : celui d’augmenter les réserves pour assurer une meilleure protection contre le risque, entraînant toutefois une réduction des bénéfices sur les prêts. En définitive, les banques doivent trouver un juste équilibre entre le risque et les bénéfices lorsqu’elles décident de la taille de leurs réserves. La Banque du Canada est également prête à participer à la reconstitution des réserves des banques et, si nécessaire, à leur prêter de l’argent.
@paul napoli
C’est bien. Je voulais juste qu’on ne confonde pas levier financier et niveau de réserves. Ce sont deux notions bien distinctes.
Il faudrait savoir si ce ratio est un ratio habituel ou s’il est exceptionnel. Je crois que les banques ont beaucoup de liquidités en ce moment à cause des incertitudes sur les marchés financiers.
@Frank
Tout à fait. Le ratio de réserves était considérablement plus bas il y a quelques mois. Cependant, il était quand même beaucoup plus élevé que celui des banques américaines.
J’aurais pu débuter le titre de mon billet par « Depuis la crise financière… »
[…] 24 09 2009 Comme je vous le décrivais dans des articles précédents (ici et ici), malgré les milliards de liquidités pompées par les banques centrales dans le système […]
Lorsque plein de banques cherchent à vendre leurs valeurs mobilières (au hasard des ABS), que se passe-t-il?
Donc, non, cela ne fait pas un taux de réserve de 69%.
@Fred
Bien entendu, les réserves en valeurs mobilières ne sont pas toutes liquides, mais elles permettent néanmoins d’assurer plus de 100% de couverture transactionnelle.
Je comprend que dans une crise, certaines de ces valeurs mobilières seraient invendables; mais la plupart le serait (une bonne partie de ces valeurs sont des bons du trésor).
C’est précisément cette illusion de sécurité donnée par les valeurs mobilières qui est à l’origine de la crise. Les « Asset Backed Securities », même composées de titres « subprime », paraissaient tellement liquides qu’on pensait qu’on pouvait les mettre sans précaution dans le bilan des banques ou dans les OPCVM (Mutual funds) monétaires implicitement garantis par les banques.
Ceci dit, cela ne veut pas dire que la titrisation soit complètement mauvaise, juste qu’il ne faut pas la surestimer.
Maintenant, si vous militez pour des dépôts entièrement investis en titres d’état, deux remarques:
_Une fraction substantielle des titres d’état sont des titres à long terme. Il existe donc un risque de taux. Ce qui signifie qu’en cas de remontée des taux longs, les banques pourraient malgré tout se retrouver illiquides/insolvables ou que l’état serait contraint de dégager un excédent budgétaire rapidement, afin de stabiliser la hausse des taux longs.
_Obliger les banques à détenir exclusivement des titres d’état inciterait fortement l’état à s’endetter et à socialiser une fraction substantielle l’investissement, soit de manière directe, soit de façon indirecte en achetant des titres bancaires.
Bref, en matière de règlementation bancaire comme ailleurs, il n’y a pas de déjeuner gratuit.
@Fred
En effet, je ne crois pas que la titrisation soit entièrement mauvaise. J’ai d’ailleurs écrit là-dessus:
https://minarchiste.wordpress.com/2009/09/14/ne-jettons-pas-la-titrisation-avec-leau-du-bain/
Je ne milite pas nécessairement pour que tous les dépôts soient investis en bons du trésor. Premièrement, ce serait seulement les dépôts à vue et deuxièmement, ils devraient être investis en actifs liquides et avec un risque bas (comme les bons du trésor, mais pas nécessairement).
Il faudrait aussi s’assurer que les dépôts à terme ne soient pas prêtés avec une échéance du prêt supérieure à l’échance du dépôt.
Vous m’avez inspiré mon billet de ce matin:
https://minarchiste.wordpress.com/2009/11/20/comment-la-fed-a-gonfle-la-bulle/
Oui, vous militez en somme pour la suppression de l’écart de liquidité des actifs des banques celui de leurs passifs. Il y aurait alors 2 possibilités:
_soit une réduction conséquente de l’investissement.
_soit une gestion au niveau des entreprise ou d’autres entités du risque de liquidité.
Dans les 2 cas, cela doit être comparé avec les inconvénients du système actuel.
@Fred
« soit une réduction conséquente de l’investissement. »
Justement. Qu’en est-il de l’investissement ces temps-ci?
Dans un système à réserves entières, l’investissement évolue comme l’épargne réelle, avec une certaine stabilité.
Dans le système actuel, l’investissement explose dans les périodes de booms, créant des bulles inflationnistes, puis ensuite s’écroule durant le bust, lorsque la liquidité se contracte et qu’on se rend compte qu’une bonne partie des investissements faits durant le boom étaient mauvais.
On aurait pas ce problème si la Fed continuait de pomper.
@Fred
« On aurait pas ce problème si la Fed continuait de pomper. »
Vous faîtes erreur là-dessus.
La Fed a innodé le marché de liquidités, mais les entreprises n’investissent pas parce que leurs anticipations de demande sont encore trop faibles. Elles n’embauchent pas non plus, ce qui explique pourquoi le taux de chômage et les chiffres de l’emploi continuent à être médiocres.
L’utilisation de la capacité de l’économie est beaucoup trop basse en ce moment, donc aucun investissement n’est nécessaire, peu importe combien d’argent la Fed pompera.
C’est qu’on a pas pompé assez.
@Fred
À quoi ça sert de pomper?
On ne crée pas de richesse en imprimant de la monnaie.
Ce qui crée de la richesse c’est la production de biens et services.
Ben à l’heure actuelle si. Si on prend l’équation de Fisher PV=MT, on voit que V s’effondre, du coup, si on augmente pas M, c’est T et P et qui s’effondrent.
Cela provoque des faillites, des réductions de la production, des licenciements au-delà des secteurs nécessitant effectivement une restructuration.
Laisser s’installer le chômage de longue durée a des effets catastrophiques, car les chômeurs en question perdent l’habitude de travailler et ont ensuite de grandes difficultés à chercher du travail, voire même simplement à accepter un emploi.
@Fred
C’est justement là où je ne te rejoints pas.
Je ne vois pas comment on crée de l’emploi en créant de la monnaie.
La meilleure explication que je connaisse se trouve ici:
http://www.pkarchive.org/theory/baby.html
La raison fondamentale est que certains prix ne sont pas flexibles, pour de bonnes (besoin de sécurité légitime) ou de mauvaises raisons (volonté de protéger son statut d’insider).
Vous allez me répondre que les gens n’avaient qu’à prévoir. Ce à quoi je vous dis: la monnaie serait neutre si personne ne s’en servait pour écrire aucun contrat d’aucune sorte (travail, prêt) ou mieux encore pour payer ses courses. N’importe quel système monétaire ferait l’affaire.
Autre raison pour pomper: si on ne pompe pas aujourd’hui, on pompera beaucoup plus demain.
Pour ce qui est de la justice de ces émissions monétaires, 3 remarques:
_Si la quantité de monnaie émise a augmenté, ce n’est pas forcément le cas du seigneuriage. Avant la récession, l’état touchait 4% par an sur la masse monétaire (au États-Unis en tout cas). Il n’en touche plus qu’une fraction de pourcent actuellement.
_Laisser une déflation non anticipée s’installer est injuste pour les emprunteurs: Elle alourdit leurs dettes. (de même qu’une inflation non anticipée serait injuste pour les prêteurs).
_Une déflation non anticipée n’est pas forcément juste pour les prêteurs non plus: elle augmente certes le montant de leurs créances mais elles rend ces dernières nettement plus risquées.
@Fred
Bon…on me sort la fameuse métaphore de la co-op de baby-sitting de Paul Krugman!
Cette histoire a l’avantage de rassembler la plupart des sophismes keynesiens en une même sornette; il est donc plus facile de démontrer à quel point ils sont fallacieux.
Je le ferai d’ailleurs dans quelques jours sur ce blogue, une fois que mon dossier sur Keynes aura été conclu.
Entre-temps, je vous laisse sur cette excellente réfutation de cette histoire que je qualifierais de « gross over-simplication », si vous me permettez l’expression. Bonne lecture:
http://blog.mises.org/archives/009699.asp
L’intérêt de cette parabole est de montrer qu’un système d’échanges avec des règles qu’on pourrait qualifier de naturelles peut aboutir à des blocages importants.
Une bonne part des objections soulevés par Manuel Laura saute lorsque le taux d’équilibre nominal est négatif.
A ce moment-là, l’épargne (savings) la plus intéressante est la thésaurisation (hoarding). Et alors que la thésaurisation ne pose habituellement pas de problème, car le système bancaire convertit cet épargne en investissement productif.
« A well-earned Nobel, no doubt »: Krugman n’a pas eu le prix Nobel pour avoir vulgarisé un article des années 70, mais pour avoir exhibé des modèles cohérents expliquant entre autre le commerce intra-branche et la concentration des activités économiques.
À lui seul, ce commentaire discrédite cet article.
Si vous voulez un modèle un tout petit peu plus élaboré, allez voir ici:
Je le redis encore une fois, une bonne monnaie est une monnaie dont la valeur est prévisible (je ne parle pas du métal jaune), pas une monnaie dont le stock est constant. C’est dans cette optique je dis qu’imprimer est nécessaire (bien que brûler puisse également être nécessaire), et surtout pas une monnaie qui évince tous les autres placements.
@Fred
Et moi je dis que la valeur d’une monnaie ne peut être prévisible lorsqu’elle est manipulée par des alchimistes keynesiens comme Greenspan. La planification centrale, ça ne fonctionne pas!
Lorsque le stock de monnaie est constant, la valeur de la monnaie est prévisible. Son pouvoir d’achat dépendra alors de la production de biens et des préférences des consommateurs; et non de l’estimation par des supposés experts de ce que devrait être cette valeur.
Que voulez-vous dire par:
« surtout pas une monnaie qui évince tous les autres placements. » ?
Il me semble qu’entre 1924 et 1984 (inclus), il n’y a pas eu de faillite bancaire au Canada. Home Bank of Canada a failli en 1923, puis la faillite suivante fut celle de Northland Bank et Canadian Commercial Bank, toutes les deux ensemble, en 1985. Je me suis posé des questions sur l’apparente solidité des banques canadiennes. Ma première interrogation fut de me demander quel était le taux de réserves des banques canadiennes de cette époque. Proche du 100% ? J’ai cherché, mais je n’ai rien trouvé. Si quelqu’un a les chiffres, je les prendrais volontiers. Merci d’avance.
Cet article Why was Canada exempt from the financial crisis explique de bonne manière les différences des systèmes bancaires américaines et canadiennes et pourquoi le second fut supérieur au premier. Pour faire court, c’est parce que les banques canadiennes étaient plus libres de pouvoir gérer comme elles peuvent.